Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière Le Cannet Maurice Jean Pierre a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2013 par lequel le maire du Cannet a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la création d'un ensemble immobilier sur un terrain situé 37, avenue Maurice Jean Pierre, sur la parcelle cadastrée n° AK n° 409.
Par un jugement n° 1402567 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté et enjoint au maire du Cannet de procéder à une nouvelle instruction de la demande de permis de construire dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Par une décision n° 407433 du 12 décembre 2017, le Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille le recours formé par la commune du Cannet contre ce jugement.
Par un arrêt n° 17MA00464 et n° 18MA00034 du 21 juin 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Nice et rejeté les demandes de la société Le Cannet Maurice Jean Pierre.
Par une décision n° 423437 du 8 novembre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, sur pourvoi présenté par la société Le Cannet Maurice Jean Pierre, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.
Procédure devant la Cour avant renvoi :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er février 2017, le 14 février 2017 et le 9 mars 2017, sous le n° 17MA00464, la commune du Cannet, représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 1er décembre 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la SCI Le Cannet Maurice Jean Pierre devant le tribunal administratif de Nice ;
3°) de mettre à la charge de la SCI Le Cannet Maurice Jean Pierre la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la notification du jugement qui comportait une mention erronée sur les modalités d'appel l'entache d'irrégularité ;
- le projet méconnaît l'article UC 7 du règlement du plan d'occupation des sols qu'il faut appliquer littéralement en tenant compte de la hauteur du bâtiment y compris au-delà de la bande des 16 mètres, sans se référer aux modalités de calcul de l'article UC 10 du même règlement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mai 2017, la SCI Le Cannet Maurice Jean Pierre, représentée par le cabinet Graphene avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la commune du Cannet la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
II. Par une décision n° 407433 du 12 décembre 2017 enregistrée le 8 janvier 2017 au greffe de la Cour sous le n° 18MA00034, le Conseil d'État statuant au contentieux a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille la requête présentée par la commune du Cannet.
Par une requête et un mémoire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'État le 1er février 2017 la commune du Cannet, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement précité du 1er décembre 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la SCI Le Cannet Maurice Jean Pierre devant le tribunal administratif de Nice ;
3°) de mettre à la charge de la SCI Le Cannet Maurice Jean Pierre la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué méconnaît les droits de la défense, le principe du contradictoire et les garanties du procès équitable énoncées par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à défaut de communication intégrale et régulière des mémoires et pièces adverses ;
- il est insuffisamment motivé ;
- la règle de prospect énoncée par l'article 7 du règlement du document d'urbanisme doit être appliquée en fonction de la hauteur au point le plus haut de la construction dans son ensemble.
Procédure devant la Cour après renvoi :
Par des mémoires, enregistrés les 6 décembre 2019 et 21 janvier 2020, la SCI Le Cannet Maurice Jean Pierre conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures en défense et demande, en outre, à ce qu'il soit enjoint au maire de lui délivrer le permis de construire sollicité, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et porte le montant de la somme mise à la charge de la commune du Cannet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à 5 000 euros.
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige est entaché d'une erreur de fait ;
- l'article UC 7 du règlement du plan d'occupation des sols posant une règle impossible à appliquer est illégal, à titre subsidiaire, compte tenu du doute affectant ces dispositions, il convient de se référer à l'objet de la règle de prospect ;
- le maire s'étant refusé à deux reprises à lui délivrer le permis de construire, elle est fondée à solliciter à ce qu'il soit ordonné au maire de lui accorder ce permis de construire.
Par un mémoire, enregistré le 27 décembre 2019, la commune du Cannet, représentée par la SELARL Plenot-Suares-Blanco-D..., conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures à ce qu'il soit mis à la charge de la société Le Cannet Maurice Jean Pierre une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme A... pour présider par intérim la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant la commune du Cannet.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 17 décembre 2013, le maire du Cannet a refusé d'accorder à la société civile immobilière (SCI) Le Cannet Maurice Jean Pierre un permis de construire valant permis de démolir portant sur la réalisation d'un immeuble en R+4 de vingt-sept logements dont huit logements sociaux avec commerces en rez-de-chaussée pour une surface de 1834 m², sur une parcelle cadastrée AK n° 409, classée en zone UC du plan d'occupation des sols (POS) communal. Par une requête enregistrée sous le n° 17MA00464, la commune du Cannet a interjeté appel devant la cour administrative d'appel de Marseille, du jugement du 1er décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté et lui a enjoint de procéder à une nouvelle instruction de la demande d'autorisation. Parallèlement, elle a saisi le Conseil d'Etat d'un recours en cassation dirigé contre le même jugement. Par une décision du 12 décembre 2017, le Conseil d'État statuant au contentieux a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, qui l'a enregistré sous une requête n° 18MA00034, le recours présenté par la commune du Cannet, au motif que la voie d'appel demeurait ouverte contre ce jugement en application des articles R. 811-1 et R. 811-1-1 du code de justice administrative, s'agissant d'un refus d'autorisation. Par un arrêt du 21 juin 2018, la Cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Nice et rejeté les demandes de la SCI Le Cannet Maurice Jean Pierre. Par une décision n° 423437 du 8 novembre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, sur pourvoi présenté par la société Le Cannet Maurice Jean Pierre, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la Cour.
Sur la jonction :
2. Les requêtes de la commune du Cannet enregistrées sous les n° 17MA00464 et 18MA00034 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article UC 7 du règlement du plan d'occupation des sols (POS) de la commune du Cannet : " (...) Marges latérales / Dans la bande de 16 mètres, toute construction doit être éloignée des limites séparatives de l'unité foncière qui touchent une voie d'une distance au moins égale à la moitié de sa hauteur, cette distance ne devant jamais être inférieure à 5 mètres. / Cette distance peut être ramenée à 5 mètres, quelle que soit la hauteur de la construction, si les façades latérales ne donnent jour que par des ouvertures de moins de 0,80 m² de surface. (...) ".
4. Pour opposer un refus à la demande de permis de construire valant permis de démolir, le maire du Cannet s'est fondé sur le motif tiré de ce que la construction envisagée, en façades Nord et Sud comportant des ouvertures d'une surface de 0, 80 m², sont implantées respectivement à une distance de 5, 01 mètres et à celle comprise entre 6, 81 et 8, 38 mètres par rapport aux limites latérales, en méconnaissance des dispositions de l'article UC 7 du règlement du POS communal.
5. Les premiers juges ont estimé que l'arrêté du 17 décembre 2013 était, d'une part, entaché d'une erreur de fait en ce que la façade Nord de la construction envisagée ne comportait pas d'ouvertures d'une surface de plus de 0, 80 m². D'autre part, ils ont considéré qu'en refusant la demande, le maire avait commis une erreur de droit en ayant pris en compte la hauteur totale de la construction en cause sur l'intégralité du terrain d'assiette du projet au-delà de la bande des 16 mètres et non la hauteur maximale de la construction conformément à l'article UC 10 du règlement du POS, relatif à la hauteur des constructions, dans la bande des 16 mètres.
6. Toutefois, en premier lieu, l'article UC 7 du règlement du POS de la commune du Cannet régit l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives. Si ces dispositions déterminent les modalités de calcul de la distance que doivent respecter ces constructions en fonction de leurs hauteurs, en l'absence de tout renvoi à ces dispositions, l'article UC 10 du même règlement qui impose le respect des hauteurs maximales admises dans cette zone et en précise les règles pour les déterminer, n'a pas vocation à s'appliquer pour définir la hauteur au sens et pour l'application de l'article UC 7. D'autre part, la distance prévue par l'article UC 7, devant être respectée par les constructions prévues dans la bande de 16 mètres, doit être calculée non " en tout point de la construction " qui tiendrait compte de " chaque élément de la construction ", comme le soutient la SCI Le Cannet Maurice Jean Pierre, mais à l'égout du toit de cette construction. Enfin, pour déterminer cette distance, doivent être prises en compte les saillies du bâtiment en cause telles que les balcons.
7. Il s'ensuit que la SCI Le Cannet Maurice Jean Pierre n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article UC 7 du règlement du POS seraient impossibles à être appliquées et, pour ce motif, entachées d'illégalité, ni que, compte tenu de l'existence du doute dans leur interprétation, il conviendrait de se référer à leur seul objet afin d'en retenir une interprétation souple.
8. En second lieu, d'une part, il n'est pas contesté que la façade latérale Nord de la construction envisagée ne donne pas jour par des ouvertures d'une surface de plus de 0, 80 m², au sens et pour application des dispositions de l'article UC 7 du règlement du POS communal. La façade Nord de la construction est située à 5, 01 mètres de la limite séparative latérale. A cet égard, le projet de construction respecte les dispositions précitées. Ainsi, le motif retenu par le maire, en ce qui concerne cette façade, pour refuser la demande de permis de construire était entaché d'une erreur de droit.
9. D'autre part, eu égard à ce qui a été indiqué au point 6, en se fondant sur le motif tiré de ce que la construction envisagée qui présentait une hauteur totale de 19, 30 mètres en application de l'article UC 10 était, concernant ses façades Nord et Sud, implantée à moins de 9, 65 mètres par rapport aux limites latérales, en méconnaissance de l'article UC 7 du règlement du POS, le maire a entaché son arrêté d'une seconde erreur de droit.
10. Cependant, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
11. Pour établir que la décision en litige opposant un refus à la demande de permis de construire est légale, la commune du Cannet invoque, dans son dernier mémoire communiqué à la SCI Le Cannet Maurice Jean Pierre, un nouveau motif tiré de ce que, eu égard à la hauteur de la façade Sud de la construction projetée, comptée du point le plus bas du terrain naturel, soit 98,71 NGF au point déterminé soit, à l'acrotère, soit à l'égout du toit, le bâtiment envisagé méconnait la règle de prospect telle que prévue par l'article UC 7 du règlement du POS. Ce faisant, la commune doit être regardée comme sollicitant une substitution de motif.
12. Il ressort des plans de masse PC2, des façades PC 5(1), et de coupes partielles BB, CC, DD PC3(2), joints à la demande de permis de construire déposée par la SCI Le Cannet Maurice Jean Pierre que le projet implanté dans la bande de 16 mètres depuis l'alignement de la rue Maurice Jean Pierre, se présente sous la forme d'un immeuble R+4 comportant, en façade latérale Sud, à chaque niveau un balcon, hormis sur la partie plus au Sud-Est de celle-ci. Eu égard à la hauteur de la construction projetée, mesurée, depuis le niveau du terrain naturel, au droit de la façade en cause, avant travaux, compris entre 88, 71 NGF et 99, 38 NGF jusqu'à l'égout du toit, soit 114, 45 NGF, la distance de la construction envisagée, en sa façade Sud, non tenu compte des balcons, varie entre 6, 81 mètres et 7, 50 mètres. Une telle distance est, ainsi, inférieure à celle de 7, 53 à 12, 87 mètres, exigée en application des dispositions de l'article UC 7 du règlement du POS. Il y a lieu dès lors d'accueillir la substitution de motif. Il résulte de l'instruction que le maire du Cannet aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ce motif. Ainsi, le maire du Cannet était tenu d'opposer un refus à la demande de permis de construire sollicitée par la SCI Le Cannet Maurice Jean Pierre.
13. Par suite, le moyen invoqué par la SCI Le Cannet Maurice Jean Pierre tenant à l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté est sans influence sur sa légalité.
14. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, la commune du Cannet est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du maire du Cannet du 17 décembre 2013 et enjoint au maire de procéder à une nouvelle instruction de la demande de permis de construire de la SCI Maurice Jean Pierre dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Il y a donc lieu d'en prononcer l'annulation et de rejeter les demandes présentées par la SCI Le Cannet Maurice Jean Pierre devant le tribunal ainsi que ses conclusions à fin d'injonction de délivrance du permis de construire sous astreinte.
Sur les frais liés au litige :
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Le Cannet Maurice Jean Pierre la somme que la commune du Cannet demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par la SCI Le Cannet Maurice Jean Pierre soient mises à la charge de la commune du Cannet, qui n'est pas la partie perdante.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 1er décembre 2016 est annulé.
Article 2 : La demandes présentées par la SCI Le Cannet Maurice Jean Pierre devant le tribunal administratif de Nice sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la SCI Le Cannet Maurice Jean Pierre à fin d'injonction, sous astreinte et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions de la commune du Cannet présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Cannet et la SCI Le Cannet Maurice Jean Pierre.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2020, où siégeaient :
- Mme A..., présidente assesseure, présidant la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme E..., première conseillère,
- Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 24 mars 2020.
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N° 19MA04897