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27/03/2020 | FRANCE | N°19MA04262

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 27 mars 2020, 19MA04262


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Chateaurenard défiguré - Association de protection du patrimoine rural et environnemental " a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 12 avril 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) de la basse vallée de la Durance sur le territoire de la commune de Chateaurenard, ainsi que la décision née le 28 août 2016 de rejet de ses recours administratifs et, d'autre part, d'enjoindre

à l'Etat d'édicter un futur PPRI sur la commune de Chateaurenard qui classe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Chateaurenard défiguré - Association de protection du patrimoine rural et environnemental " a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 12 avril 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) de la basse vallée de la Durance sur le territoire de la commune de Chateaurenard, ainsi que la décision née le 28 août 2016 de rejet de ses recours administratifs et, d'autre part, d'enjoindre à l'Etat d'édicter un futur PPRI sur la commune de Chateaurenard qui classera en zone " R1 : aléa modéré, zone peu ou pas urbanisée " les zones " RH MIN " et " R1 MIN " figurant au PPRI du 12 avril 2016.

Par un jugement n° 1608493 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 12 avril 2016 du préfet des Bouches-du-Rhône ainsi que la décision du 28 août 2016 portant rejet des recours administratifs dirigés contre cet arrêté et enjoint au préfet de procéder dans un délai de six mois au réexamen du PPRI de la commune de Chateaurenard et d'attribuer aux terrains envisagés pour le projet de redéploiement du marché d'intérêt national (MIN) un zonage conforme à la fois à la nature et à l'intensité du risque auquel ils sont exposés et à l'objectif de libre écoulement des eaux.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 septembre 2019, la ministre de la transition écologique et solidaire demande à la Cour de surseoir à l'exécution de ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 mai 2019 sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'annulation du PPRI contesté emporte des conséquences difficilement réparables compte-tenu des risques d'inondation qu'il a pour objet de prévenir dans une commune où la pression urbanistique est importante ;

- le tribunal a méconnu son office et commis une erreur de droit en prononçant une annulation totale de l'arrêté contesté au motif de la seule illégalité des zones RH MIN et R1 MIN, sans s'interroger sur le caractère divisible du plan ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en prononçant une annulation totale du plan tout en enjoignant au préfet de procéder au réexamen de ce plan ;

- le tribunal aurait dû, à défaut de prononcer une annulation partielle, différer dans le temps les effets de l'annulation du PPRI querellé, au moins pour les parties du territoire pour lesquelles aucune irrégularité n'a été retenue.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 décembre 2019, l'association " Chateaurenard défiguré - Association de protection du patrimoine rural et environnemental " conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas de nature à emporter des conséquences difficilement

réparables ;

- aucun des moyens invoqués par la ministre ne paraît sérieux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 6 décembre 2011, le préfet des Bouches-du-Rhône a prescrit l'élaboration d'un plan de prévention des risques d'inondation pour la commune de Chateaurenard, lié au risque de débordement de la Durance. Une phase de concertation s'est déroulée du 16 juin au 20 octobre 2014 et une phase de consultation des personnes et organismes associés a eu lieu du 15 juin au 15 septembre 2015. Une enquête publique s'est tenue du 6 octobre au 6 novembre 2015, au terme de laquelle la commission d'enquête a rendu des conclusions favorables accompagnées de plusieurs réserves et d'une recommandation. Par un arrêté du 12 avril 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation pour la commune de Chateaurenard. L'association " Chateaurenard défiguré - Association de protection du patrimoine rural et environnemental " a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 12 avril 2016 du préfet des Bouches-du-Rhône ainsi que la décision née le 28 août 2016 de rejet de ses recours administratifs et, d'autre part, d'enjoindre à l'Etat d'édicter un futur PPRI sur la commune de Chateaurenard qui classera en zone " R1 : aléa modéré, zone peu ou pas urbanisée " les zones " RH MIN " et " R1 MIN " figurant au PPRI du 12 avril 2016. Par un jugement du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 12 avril 2016 du préfet des Bouches-du-Rhône ainsi que la décision du 28 août 2016 portant rejet des recours administratifs dirigés contre cet arrêté et enjoint au préfet de procéder dans un délai de six mois au réexamen du PPRI de la commune de Chateaurenard et d'attribuer aux terrains envisagés pour le projet de redéploiement du marché d'intérêt national (MIN) un zonage conforme à la fois à la nature et à l'intensité du risque auquel ils sont exposés et à l'objectif de libre écoulement des eaux. La ministre de la transition écologique et solidaire, qui a régulièrement fait appel, demande sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :

2. Aux termes de l'article R. 811-17 du code de justice administrative : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction. ".

3. Il résulte de ces dispositions que le sursis à l'exécution d'un jugement ne peut être ordonné sur le fondement de cet article que si sont cumulativement satisfaites les deux conditions qui y sont définies.

4. Il résulte des articles L. 562-1 et L. 562-4 du code de l'environnement que dans les zones délimitées par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, les prescriptions auxquelles un tel plan subordonne une construction en application des 1° et 2° du II de l'article L. 562-1 de ce code s'imposent directement aux autorisations de construire, qui ne sauraient être légalement accordées lorsque ces prescriptions sont méconnues. Ces prescriptions sont également opposables aux autorisations environnementales. Les Plans de Prévention des Risques naturels d'inondation de la basse vallée de la Durance, prescrits par arrêté préfectoral, sur chacune des communes riveraines situées entre Cadarache et le Rhône, dont la commune de Châteaurenard sont fondés sur les articles L. 562-1 à L. 562-9 du code de l'Environnement

5. D'une part, afin de justifier du risque de conséquences difficilement réparables qu'entraînerait l'exécution du jugement en litige, la ministre fait valoir, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier, que la commune de Châteaurenard est exposée à un risque d'inondation particulièrement important, tel que le rapport de présentation l'expose pour l'ensemble du territoire de la basse vallée de la Durance et qu'elle est également soumise à une pression urbanistique importante, ainsi que l'atteste le nombre de demandes de permis de construire et de déclarations préalables déposées chaque année. L'association intimée ne conteste ni les risques, ni la pression urbanistique mais fait valoir que l'annulation d'un PPRI ne prive pas nécessairement l'administration de toute marge pour s'opposer à des projets soumis à un risque d'inondation. Si les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme sont au nombre des dispositions qui permettent à l'autorité administrative compétente de refuser la délivrance des autorisations d'urbanisme dans les secteurs exposés à un risque d'inondation, elles n'ont pas dans le principe la même portée que les prescriptions d'un plan de prévention des risques d'inondation et il n'est nullement établi que leur mise en oeuvre permettrait d'assurer de manière préventive, avec la même efficacité que les prescriptions d'un plan de prévention des risques d'inondation, la sécurité des personnes et des biens exposés à un tel risque. De la même manière, les dispositions de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, conférant au représentant de l'Etat la faculté de déférer au tribunal administratif les autorisations d'utilisation du sol délivrés par le maire, ne peuvent avoir la même portée que les prescriptions d'un PPRI tenant lieu de prévisions et de règles opposables aux personnes publiques ou privées au titre de la délivrance des autorisations d'urbanisme qu'elles sollicitent. En outre les dispositions de l'article L. 562-2 du code de l'environnement aux termes desquelles, lorsque l'urgence le justifie, le préfet peut rendre immédiatement opposables certaines dispositions du projet de PPRI afin d'éviter que ne soit compromise l'application du plan futur par l'aggravation des risques constatés ou par la création de risques nouveaux, ne peuvent en l'espèce être invoquées, dès lors que la mise en oeuvre anticipée du plan nécessite que le projet soit parvenu à un stade d'élaboration suffisant. Le plan de prévention étant annulé, il ne pourra faire immédiatement l'objet d'une procédure d'application anticipée. Dans ces conditions, il apparaît, dans les circonstances de l'espèce, que l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables au sens des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative.

6. D'autre part, à l'appui de sa requête, la ministre fait notamment valoir que c'est à tort que les premiers juges ont prononcé une annulation totale de l'arrêté contesté au motif de la seule illégalité des zones " RH MIN " et " R1 MIN ", sans s'interroger sur le caractère divisible du plan, ainsi qu'une injonction de réexamen du PPRI alors que l'annulation d'un arrêté approuvant un PPRN n'implique aucune mesure d'exécution. Ces moyens paraissent en l'état de l'instruction de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué.

7. Dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu, par application des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative précitées, d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'appel formé contre ce jugement par la ministre de la transition écologique et solidaire.

Sur les frais liés au litige :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'association " Chateaurenard défiguré - Association de protection du patrimoine rural et environnemental " demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Jusqu'à ce qu'il soit statué sur la requête de la ministre de la transition écologique et solidaire contre le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 29 mai 2019, il sera sursis à l'exécution dudit jugement.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'association " Chateaurenard défiguré - Association de protection du patrimoine rural et environnemental " sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la transition écologique et solidaire et à l'association " Chateaurenard défiguré - Association de protection du patrimoine rural et environnemental ".

Copie en sera délivrée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2020, où siégeaient :

- M. Pocheron, président

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2020.

N° 19MA04262

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04262
Date de la décision : 27/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-05-08 Nature et environnement. Divers régimes protecteurs de l`environnement. Prévention des crues, des risques majeurs et des risques sismiques.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : CABINET BUSSON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-27;19ma04262 ?
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