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06/03/2020 | FRANCE | N°19MA02108

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 06 mars 2020, 19MA02108


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société sportive professionnelle Olympique de Marseille a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Marseille à lui verser la somme de 1 003 325 euros, majorée des intérêts au taux légal ainsi que la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'indisponibilité du stade Vélodrome le 16 août 2009.

Par un jugement n° 1304062 du 23 mai 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par

un arrêt n° 17MA03262 du 23 mai 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société sportive professionnelle Olympique de Marseille a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Marseille à lui verser la somme de 1 003 325 euros, majorée des intérêts au taux légal ainsi que la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'indisponibilité du stade Vélodrome le 16 août 2009.

Par un jugement n° 1304062 du 23 mai 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17MA03262 du 23 mai 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Olympique de Marseille contre ce jugement.

Par une décision n° 421909 du 24 avril 2019, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 23 mai 2018 et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 25 juillet 2017, 8 février 2018, 3 mai 2018 et 14 octobre 2019, la société sportive professionnelle Olympique de Marseille, représentée par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 mai 2017 ;

2°) de condamner la commune de Marseille à lui verser la somme de 1 003 325 euros, majorée des intérêts au taux légal ainsi que la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Marseille une somme de 5 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune de Marseille a manqué à ses obligations contractuelles en s'abstenant de mettre le stade Vélodrome à disposition du club pour la rencontre programmée du 16 août 2009 ;

- la convention conclue ne comporte aucune clause ou cause exonératoire de responsabilité ;

- l'accident survenu le 16 juillet 2009 ne constitue pas un cas de force majeure ;

- le fait du tiers ne peut pas être invoqué ;

- à défaut d'être engagée sur le fondement de la faute, la responsabilité de la commune est engagée sur le terrain de la responsabilité sans faute à raison de la modification unilatérale du contrat ou de l'édiction de décisions unilatérales prises dans l'exercice des pouvoirs de police du maire ;

- elle justifie d'un préjudice financier en lien direct avec la décision de la commune de ne pas mettre le stade à sa disposition.

Par des mémoires enregistrés les 26 janvier 2018, 12 février 2018, 13 juin 2019 et 16 août 2019, la société Live Nation France, représentée par le cabinet Clyde et Co LLP, agissant par Me C..., conclut au rejet de la requête, au rejet des conclusions aux fins d'appel en garantie présentée par la commune de Marseille à son encontre et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Olympique de Marseille au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêt de la cour du 23 mai 2018 a autorité de chose jugée à son égard en ce qu'il a écarté la responsabilité de la commune de Marseille et mis hors de cause la société Live Nation France ;

- l'appel en garantie dirigée à son encontre par la commune de Marseille n'est pas fondé ;

- le déplacement du match résulte de la seule décision de la société Olympique de Marseille ;

- elle n'a commis aucune faute dans les faits à l'origine de l'accident et des évènements litigieux ;

- l'accident survenu le 16 juillet 2009 et la réquisition du stade par l'autorité judiciaire constituent un cas de force majeure ;

- la société Olympique de Marseille ne justifie du préjudice allégué ni dans son principe, ni dans son quantum.

Par des mémoires enregistrés les 29 janvier 2018, 13 juin 2019 et 27 septembre 2019, la commune de Marseille, représentée par Me D..., conclut à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué, à ce que la société Live Nation la garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre, à titre plus subsidiaire, au sursis à statuer jusqu'à ce que le juge répressif se soit prononcé sur la responsabilité pénale encourue par la société Live Nation France et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société sportive professionnelle Olympique de Marseille.

Elle soutient que :

- la requête n'est pas recevable à défaut de qualité pour agir du représentant légal de la société appelante et compte tenu du caractère imprécis des moyens d'appel ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. A...,

- et les observations de Me F... pour la société Olympique de Marseille et de Me di Angelo pour la commune de Marseille.

Une note en délibéré présentée pour la société Olympique de Marseille a été enregistrée le 2 mars 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Marseille a conclu le 1er juillet 2009 avec la société sportive professionnelle Olympique de Marseille une convention de mise à disposition du stade Vélodrome, valable pour la période du 1er juillet 2009 au 31 juin 2011, en vue de l'organisation des rencontres de football programmées du club de l'Olympique de Marseille. La commune de Marseille a également conclu avec la société Live Nation une convention de mise à disposition de ce même stade pour la période du 15 au 21 juillet 2009 en vue de l'organisation d'un concert de la chanteuse Madona. Le 16 juillet 2009, au cours des opérations de montage de la scène de spectacle édifiée en vue de cette manifestation, une structure métallique de la scène s'est effondrée, occasionnant le décès de deux personnes. A la suite de cet accident, le match de football devant opposer, le 16 août 2009, l'Olympique Marseille et le Lille Olympique Sporting Club n'a pu avoir lieu au stade Vélodrome, mais s'est tenu au stade de la Mosson à Montpellier. La société Olympique de Marseille a relevé appel du jugement du 23 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de condamnation de la commune de Marseille à lui verser la somme de 1 003 325 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'indisponibilité du stade Vélodrome le 16 août 2009. Par un arrêt n° 17MA03262, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel de la société Olympique de Marseille qui s'est pourvue en cassation. Par une décision n° 421909 du 24 avril 2019, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 23 mai 2018 et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur la responsabilité contractuelle pour faute de la commune de Marseille :

2. Aux termes de l'article 2 de la convention conclue entre la commune de Marseille et la société sportive professionnelle Olympique de Marseille : " La convention a pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles le stade vélodrome est mis à disposition de l'OM pour l'organisation de ses rencontres programmées de football. La ville de Marseille conserve la disposition du stade vélodrome et en assure l'entretien gros et menu, la gestion ainsi que l'exploitation des différentes activités susceptibles de s'y dérouler en dehors des périodes de mise à disposition prévues par la convention. ". Aux termes de l'article 4.1 de cette même convention : " La ville de Marseille met le stade vélodrome à la disposition de l'OM pour l'organisation des rencontres programmées dans les conditions définies par la convention. L'OM est le " club résident " de football du stade vélodrome, prioritaire en cette qualité pour l'utilisation du stade vélodrome dans le cadre des rencontres officielles (...). La ville de Marseille prend les mesures appropriées pour que le stade vélodrome puisse permettre l'organisation des rencontres officielles dans des conditions compatibles avec les normes impératives ". Selon l'article 1er de cette même convention, il faut entendre par normes impératives, " toute règlementation ou norme impérative applicable aux enceintes sportives recevant du public émanant des autorités administratives compétentes ainsi que toute prescription ou décision en matière de sécurité des spectateurs et des sportifs édictées par les autorités nationales, européennes et internationales du football dont la mise en oeuvre est nécessaire pour permettre l'organisation des rencontres de l'OM dans le stade ".

3. Il résulte de l'instruction que le match devant opposer l'Olympique de Marseille au Lille Olympique Sporting Club le 16 août 2009, joué au titre de la deuxième journée du championnat de France de ligue 1, constituait une rencontre programmée au sens des stipulations précitées. La commune de Marseille n'a pas mis le stade à la disposition de l'Olympique de Marseille en vue de cette rencontre. Il s'ensuit que la société Olympique de Marseille est fondée à soutenir que la commune de Marseille a manqué aux obligations mises à sa charge par les stipulations de l'article 4 de ladite convention.

4. Il résulte également de l'instruction que, selon les termes de la convention conclue entre la commune de Marseille et la société Live Nation pour l'organisation du concert de la chanteuse Madona, la société devait libérer l'emprise du stade le 21 juillet 2009, ce qui permettait la remise en état des lieux et la tenue normale du match prévue le 16 août 2009. Cependant, trois jours avant le concert prévu le 19 juillet 2009, la toiture d'une structure métallique temporaire servant de scène s'est effondrée, causant la mort de deux personnes. Cet accident survenu le 16 juillet 2009 a eu pour conséquence l'encombrement de l'aire de jeu du stade Vélodrome par plusieurs dizaines de tonnes de structures métalliques enchevêtrées. Une réunion, destinée à faire le point sur les conséquences de cet accident sur le calendrier de l'enquête judiciaire s'est tenue le 29 juillet 2009, en présence du procureur de la République de Marseille, du juge d'instruction chargé de l'enquête, et de représentants de la mairie de Marseille et de l'Olympique de Marseille. A l'issue de cette réunion, il a été constaté que les investigations liées à l'enquête judiciaire ne permettraient pas de mettre le stade Vélodrome à disposition de l'Olympique de Marseille pour la rencontre prévue le 16 août, constat qui a été confirmé par un communiqué de presse publié par la mairie de Marseille le 29 juillet 2009. Le procureur de la République de Marseille a, par réquisition du 30 juillet 2009, demandé à la commune de Marseille de mettre à sa disposition sans limitation de durée l'intégralité de l'aire de jeu en vue d'entreposer les pièces métalliques issues de l'effondrement de la structure scénique. Si la société Olympique de Marseille a informé le 3 août 2019 la commission des compétitions de la Ligue de Football professionnel de l'organisation d'une réunion le 5 août suivant en vue de déterminer les mesures de sécurité nécessaires au bon déroulement de cette rencontre sportive au stade de la Mosson à Montpellier, elle s'est, ce faisant, bornée à tirer les conséquences de la situation. Les débris, déposés et examinés par des experts dans le cadre de l'enquête, n'ont pu être évacués que le 13 août 2016 au soir, date à laquelle la commune a constaté que la pelouse du stade, sévèrement endommagée par les conséquences de l'accident, devait être intégralement remplacée. L'effondrement de la structure scénique et l'accident mortel, qui n'ont pas pour origine une faute de la commune de Marseille, qui était étrangère à l'opération de montage de la structure scénique en cause, sont des faits qui lui sont extérieurs. Elle n'avait le pouvoir, ni de les anticiper dans leur principe et dans leur ampleur, ni de les prévenir par une quelconque mesure, ni de les arrêter. Ayant eu à son égard le caractère d'un événement indépendant de sa volonté, qu'elle était impuissante à prévenir et empêcher, et étant la cause unique du manquement à ses obligations contractuelles précédemment relevé, ces faits ont constitué un cas de force majeure de nature à l'exonérer de toute responsabilité à l'égard de la société anonyme sportive Olympique de Marseille, qu'elle est fondée à invoquer alors même que les stipulations précitées de la convention ne prévoiraient pas une telle cause d'exonération. Il s'ensuit que la société appelante n'est pas fondée à engager la responsabilité de la commune de Marseille à raison du manquement contractuel en cause.

Sur la responsabilité sans faute de la commune de Marseille :

5. L'absence de mise à disposition du stade en vue du match du 16 août 2009 ne résultant ni d'une décision unilatérale de la commune de Marseille de modification des clauses de la convention du 1er juillet 2009 la liant à la société sportive professionnelle Olympique de Marseille, ni d'une décision prise dans l'exercice de prérogatives de police administrative, la société Olympique de Marseille n'est pas davantage fondée à invoquer la responsabilité sans faute de la commune de Marseille.

Sur les conclusions aux fins d'appel en garantie présentées par la commune de Marseille :

6. Aucune condamnation n'étant prononcée contre la commune de Marseille, ses conclusions en garantie dirigées contre la société Live Nation ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions aux fins de sursis à statuer :

7. Le présent arrêt rejette les conclusions aux fins de condamnation de la commune de Marseille ainsi que celles tendant à l'appel en garantie dirigées contre la société Live Nation. Par suite, les conclusions tendant à ce que la Cour sursoie à statuer sur la présente requête jusqu'à l'intervention d'une décision définitive du juge judiciaire quant à la responsabilité pénale encourue par la société Live Nation France renvoyée devant le tribunal correctionnel des chefs d'homicides et blessures involontaires ne peuvent qu'être rejetées.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la commune de Marseille, que la société Olympique de Marseille n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à condamner la commune de Marseille à lui verser la somme de 1 003 325 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'indisponibilité du stade Vélodrome le 16 août 2009.

Sur les frais liés au litige :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Marseille, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Olympique de Marseille demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Olympique de Marseille le versement d'une somme de 1 000 euros respectivement à la commune de Marseille et à la société Live Nation France au titre des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société anonyme sportive Olympique de Marseille est rejetée.

Article 2 : La société anonyme sportive Olympique de Marseille versera une somme de 1 000 euros respectivement à la commune de Marseille et à la société Live Nation France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme sportive Olympique de Marseille, à la commune de Marseille et à la société Live Nation France.

Délibéré après l'audience du 21 février 2020, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 6 mars 2020.

N° 19MA02108

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02108
Date de la décision : 06/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Notion de contrat administratif - Nature du contrat - Contrats ayant un caractère administratif - Contrats relatifs au domaine public.

Marchés et contrats administratifs - Exécution technique du contrat - Aléas du contrat - Force majeure.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SELARL SINDRES - AVOCATS MARSEILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-06;19ma02108 ?
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