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03/12/2020 | FRANCE | N°19LY02192

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 03 décembre 2020, 19LY02192


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Orange a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 20 mars 2017 par laquelle l'inspectrice du travail de la 10ème section du département du Rhône a refusé d'autoriser le licenciement de M. E... A... et la décision du 26 octobre 2017 par laquelle le ministre du travail, après avoir retiré sa décision implicite de rejet de recours hiérarchique formé le 18 mai 2017 et annulé la décision de l'inspectrice du travail du 20 mars 2017, a refusé d'autoriser le licenciement

de M. A....

Par jugement n° 1709115 lu le 2 avril 2019, le tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Orange a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 20 mars 2017 par laquelle l'inspectrice du travail de la 10ème section du département du Rhône a refusé d'autoriser le licenciement de M. E... A... et la décision du 26 octobre 2017 par laquelle le ministre du travail, après avoir retiré sa décision implicite de rejet de recours hiérarchique formé le 18 mai 2017 et annulé la décision de l'inspectrice du travail du 20 mars 2017, a refusé d'autoriser le licenciement de M. A....

Par jugement n° 1709115 lu le 2 avril 2019, le tribunal administratif de Lyon a, d'une part, constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision du 20 mars 2017 de l'inspectrice du travail de la 10ème section du Rhône refusant l'autorisation de licencier M. A... et, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société Orange.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 11 juin 2019, 5 novembre 2019 et 17 septembre 2020, la société Orange, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 avril 2019 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision du 26 octobre 2017 par laquelle le ministre du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. A... ;

2°) d'annuler la décision du 26 octobre 2017 par laquelle le ministre du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le contrat de travail de M. A... ne prévoit ni périmètre d'activité ni périmètre d'intervention sur un segment particulier de clientèle et M. A... a toujours occupé le même poste d'ingénieur commercial services au sein de l'agence entreprise Rhône-Alpes-Auvergne ; il n'y a eu aucune modification de la classification et des fonctions de M. A... et c'est à tort que le tribunal administratif a considéré qu'il y aurait eu modification du contrat de travail ;

- il n'y a pas eu de modification de la rémunération contractuelle variable de M. A... ; il n'est pas démontré que la modification du " périmètre d'intervention " de M. A... aurait eu une incidence sur sa rémunération par la baisse de sa part variable assise sur le chiffre d'affaire ; la baisse de rémunération de M. A... n'est pas due au périmètre d'intervention mais au fait qu'il a opposé un refus de travail ou ne s'est borné à intervenir que lorsqu'il le souhaitait et à ses absences ;

- le comportement adopté par M. A... auprès de ses collègues était conflictuel et agressif emportant un dysfonctionnement du service ; M. A... a mis en oeuvre une démarche active et délibérée de paralysie et de désorganisation du fonctionnement de l'équipe ;

- ces faits étaient constitutifs d'un motif de licenciement ;

- son comportement vis-à-vis de son supérieur et de ses collègues ne peut être considéré comme un unique refus d'une prétendue modification de son contrat de travail mais révèle des actes délétères d'agressivité et de provocation à l'égard de ses collègues de travail ;

- quel que puisse être le ressenti de M. A... quant à ses conditions de travail, rien ne l'autorisait à adopter un tel comportement à l'égard de son supérieur direct ou, encore, à l'égard de ses collègues de travail ;

- le partage d'agendas entre les membres de l'équipe était impératif et ainsi le refus relatif à l'absence de visibilité sur l'agenda outlook et son absence de " reporting " est établi.

Par des mémoires enregistrés les 4 octobre 2019 et 20 août 2020, M. E... A..., représenté par Me D..., conclut dans le dernier état de ses écritures :

1°) avant dire-droit, de mettre en oeuvre la procédure d'inscription de faux prévue par les dispositions de l'article R. 633-1 du code de justice administrative et dans l'hypothèse où la société Orange confirmerait vouloir utiliser l'accusé de réception de la notification du jugement de première instance, de sursoir à statuer dans l'attente que le tribunal judiciaire se prononce ;

2°) au rejet de la requête de la société Orange ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de la société Orange la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête d'appel est irrecevable car tardive ; la procédure d'inscription de faux prévue par les dispositions de l'article R. 633-1 du code de justice administrative doit être mise en oeuvre et dans l'hypothèse où la société Orange confirmerait vouloir utiliser l'accusé de réception de la notification du jugement de première instance, il y a lieu de sursoir à statuer dans l'attente que le tribunal judiciaire se prononce ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 15 octobre 2020, le ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête de la société Orange en renvoyant aux observations présentées devant le tribunal administratif.

Par ordonnance du 17 septembre 2020 la clôture de l'instruction a été fixée au 19 octobre 2020.

Un mémoire enregistré le 19 octobre 2020, présenté pour M. A..., n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me B... pour la société Orange, ainsi que celles de Me C..., substituant Me D..., pour M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Orange a sollicité le 20 janvier 2017 l'autorisation de licencier M. E... A..., ingénieur commercial spécialisé, délégué du personnel et défenseur syndical, pour motifs disciplinaires. Par une décision du 20 mars 2017, l'inspectrice du travail de la 10ème section du Rhône a refusé d'autoriser le licenciement de M. A.... Suite au recours hiérarchique de la société Orange, le ministre, après avoir retiré la décision implicite du recours hiérarchique et annulé la décision de l'inspectrice du travail du 20 mars 2017, a refusé d'autoriser le licenciement de M. A... par une décision du 26 octobre 2017. La société Orange relève appel du jugement lu le 2 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 26 octobre 2017 du ministre du travail.

2. En premier lieu, le refus opposé par un salarié protégé à un changement de ses conditions de travail décidé par son employeur en vertu, soit des obligations souscrites dans le contrat de travail, soit de son pouvoir de direction, constitue, en principe, une faute. En cas d'un tel refus, l'employeur, s'il ne peut directement imposer au salarié ledit changement, doit, sauf à y renoncer, saisir l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement à raison de la faute qui résulterait de ce refus. Après s'être assuré que la mesure envisagée ne constitue pas une modification du contrat de travail de l'intéressé, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier si le refus du salarié constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation sollicitée, compte tenu de la nature du changement envisagé, de ses modalités de mise en oeuvre et de ses effets, tant au regard de la situation personnelle du salarié, que des conditions d'exercice de son mandat. En tout état de cause, le changement des conditions de travail ne peut avoir pour objet de porter atteinte à l'exercice de ses fonctions représentatives.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., recruté par la société Orange depuis novembre 2006 en qualité d'ingénieur commercial services au sein de l'agence " Entreprises Rhône-Alpes Auvergne " sur le site de Lyon, bénéficiait en contrepartie, et selon un avenant du 5 juin 2010, d'une rémunération fixe assortie d'une part variable dite part variable vendeur " correspondant à son poste et complétée par les décisions d'application portées à sa connaissance par son encadrant ". L'intéressé s'était par ailleurs vu attribuer majoritairement un portefeuille de clients relevant du segment " haut de marché " déterminé selon le chiffre d'affaires de l'entreprise prospectée. Si le contrat de travail et l'avenant précité de M. A... ne mentionnaient pas une telle attribution, la réorganisation des services de vente mise en oeuvre à compter du 31 décembre 2015 et qui a emporté une modification des portefeuilles clients attribués à M. A..., soit le remplacement des clients qualifiés " haut de marché " par les clients " moyen de marché " a également emporté, comme l'indique l'intéressé, une modification du pay plan applicable à la détermination de sa part variable vendeur et particulièrement une diminution des coefficients et des marges produit alloués au vendeur pour chaque réalisation de vente. Ainsi, et alors même que l'analyse de l'espérance de gain des équipes de vendeurs de 2014 à 2018 produit en appel par la société Orange démontre que les espérances de gains sont supérieurs pour les vendeurs strictement affectés aux clients dits " milieu de marché ", les modifications des modalités de détermination de la part variable vendeur issues des nouvelles attributions confiées à M. A... à compter du 1er janvier 2016 doivent être considérées comme affectant ses modalités de rémunération et constituent ainsi une modification de son contrat de travail. M. A... était par suite bien-fondé à s'y opposer. En conséquence, le refus réitéré de l'intéressé d'accepter cette modification de son contrat de travail ne revêt pas le caractère d'une faute de nature à justifier son licenciement.

4. En second lieu, aucune pièce du dossier ne permet de constater que M. A..., qui avait le statut de cadre, n'aurait pas procédé à un compte-rendu de son activité vis-à-vis de son supérieur hiérarchique ou encore qu'il aurait été dans l'obligation de partager son agenda avec ses collègues ou d'être joignable par ces derniers.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense ni de mettre en oeuvre la procédure d'inscription de faux prévue par l'article R. 633-1 du code de justice administrative, que la société Orange n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de M. A..., sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de la société Orange est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. A... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Orange, à M. E... A... et au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président ;

Mme Djebiri, premier conseiller ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.

N° 19LY02192


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02192
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-01 Travail et emploi. Institutions du travail.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : CEFIDES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-03;19ly02192 ?
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