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05/11/2019 | FRANCE | N°19DA01530-19DA01590

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 05 novembre 2019, 19DA01530-19DA01590


Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 10 octobre 2016, le préfet de l'Oise a pris à l'encontre de M. D... A... un arrêté de remise à l'autorité administrative d

e ses armes et munitions motif pris de ce que le comportement ou l'état de santé de l'intéressé présentait un danger gr...

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 10 octobre 2016, le préfet de l'Oise a pris à l'encontre de M. D... A... un arrêté de remise à l'autorité administrative de ses armes et munitions motif pris de ce que le comportement ou l'état de santé de l'intéressé présentait un danger grave pour lui-même ou pour autrui. Le 15 novembre 2017, le préfet a décidé d'opérer la saisie définitive des armes et munitions de M. A.... Par un jugement du 21 mai 2019, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 15 novembre 2017 au motif que l'intéressé ne présentait pas de risque justifiant la saisie de ses armes et a enjoint au préfet de l'Oise de réexaminer la situation de M. A.... Le préfet de l'Oise fait appel de ce jugement par la requête n° 19DA01530 et demande par ailleurs le sursis à exécution du jugement par une requête n°19DA01590.

2. Les requêtes du préfet de l'Oise sont dirigées contre un même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y être statuées par un seul arrêt.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 15 novembre 2017 :

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

3. Aux termes de l'article L. 312-7 du code de la sécurité intérieure : " Si le comportement ou l'état de santé d'une personne détentrice d'armes et de munitions présente un danger grave pour elle-même ou pour autrui, le représentant de l'Etat dans le département peut lui ordonner, sans formalité préalable ni procédure contradictoire, de les remettre à l'autorité administrative, quelle que soit leur catégorie. ". Aux termes de l'article L. 312-8 du même code : " L'arme et les munitions faisant l'objet de la décision prévue à l'article L. 312-7 doivent être remises immédiatement par le détenteur, ou, le cas échéant, par un membre de sa famille ou par une personne susceptible d'agir dans son intérêt, aux services de police ou de gendarmerie. Le commissaire de police ou le commandant de la brigade de gendarmerie peut procéder, sur autorisation du juge des libertés et de la détention, à la saisie de l'arme et des munitions entre 6 heures et 21 heures au domicile du détenteur ". Les dispositions de l'article L. 312-9 de ce code énoncent que : " La conservation de l'arme et des munitions remises ou saisies est confiée pendant une durée maximale d'un an aux services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétents. Durant cette période, le représentant de l'Etat dans le département décide, après que la personne intéressée a été mise à même de présenter ses observations, soit la restitution de l'arme et des munitions, soit la saisie définitive de celles-ci. Les armes et les munitions définitivement saisies en application du précédent alinéa sont vendues aux enchères publiques. Le produit net de la vente bénéficie aux intéressés. ". Il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'exercer un entier contrôle sur les décisions prises par l'autorité préfectorale en application de ces dispositions législatives.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui détenait plus d'une dizaine d'armes de catégorie C et D et des munitions, a fait trois tentatives de suicide les 24 juillet, 14 septembre et 28 septembre 2016. Il ressort également du procès-verbal de renseignement administratif établi le 5 octobre 2016 par la gendarmerie nationale que, malgré l'utilisation d'une chambre forte permettant la sécurisation des armes à son domicile, M. A... s'est procuré la clé de la chambre forte à l'insu de sa compagne qui la lui avait retirée. En outre, un expert a établi le profil psychologique de l'intéressé en relevant qu'il était " fragile mentalement et moralement ". Si M. A... produit une expertise réalisée à sa demande par le Dr Batlaj, le 14 octobre 2017, indiquant que " compte tenu de la stabilité de l'humeur et du suivi régulier et que M. A... n'a jamais fait usage de ses armes en dehors de son activité de chasseur, activité qu'il pense restreindre, dans ce contexte les armes qu'il détient peuvent lui être rendues ", il apparaît qu'entre la date de l'arrêté du 10 octobre 2016, portant remise à l'autorité administrative de ses armes et l'arrêté en litige du 15 novembre 2017, M. A... a été vu à six reprises par un psychiatre, la dernière fois le 28 septembre 2017, et était reçu régulièrement par un psychologue, la prise en charge devant se poursuivre en 2018. Par suite, compte tenu du délai de 14 mois séparant la dernière tentative de suicide et la date de la décision en litige et de la nécessité dans laquelle se trouvait M. A..., à cette date, de poursuivre un suivi psychiatrique et psychologique, le préfet de l'Oise n'a pas commis d'erreur d'appréciation en décidant la saisie définitive des armes et munitions de l'intéressé.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé son arrêté du 15 novembre 2017. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant la juridiction administrative.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. A... :

6. M. A... soulève, par voie d'exception, l'illégalité de l'arrêté 10 octobre 2016 de remise à l'autorité administrative de ses armes et munitions en soutenant que le juge des libertés et de la détention aurait dû être saisi préalablement. Toutefois, ainsi que l'indiquait le préfet de l'Oise en première instance, il ne peut être excipé de l'illégalité de décisions devenues définitives, dépourvues de caractère réglementaire et qui ne sont pas des éléments d'une opération complexe.

7. Or en l'espèce, il est constant que l'arrêté du 10 octobre 2016, qui comporte les voies et délais de recours, a été notifié à M. A... le 15 octobre 2016 et a ainsi acquis un caractère définitif le 16 décembre suivant. Par ailleurs, l'arrêté du 15 novembre 2017 par lequel le préfet de l'Oise a saisi définitivement les armes et munitions de M. A... qui avaient été saisies en vertu de l'arrêté précité du 10 octobre 2016, ne saurait être regardé comme un élément d'une même opération complexe. Par suite, et en tout état de cause, l'exception d'illégalité de l'arrêté du 10 octobre 2016 soulevée par M. A... à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 novembre 2017, tirée de ce que le préfet n'avait pas saisi le juge des libertés et de la détention préalablement à la saisie des armes et munitions en méconnaissance des dispositions de l'article R. 312-68 du code de la sécurité intérieur aux termes desquelles, pour l'application de l'article L. 312-8 précité, le préfet saisit le juge des libertés et de la détention et informe le procureur de la République, est irrecevable et doit être écartée.

8. Il résulte des dispositions citées au point 3 que, lorsque le préfet s'est fondé sur le danger présenté par une personne pour lui ordonner de remettre une arme à l'autorité administrative, cette mesure emporte pour l'intéressé une interdiction d'acquérir ou de détenir des armes et munitions qui produit effet tant que le préfet n'a pas décidé la restitution de l'arme. Le préfet dispose d'un délai d'un an pour décider, après avoir invité la personne à présenter ses observations, la restitution ou la saisie définitive de l'arme. L'expiration de ce délai ne le prive pas de la possibilité de prendre l'une ou l'autre de ces décisions mais ouvre seulement à l'intéressé la possibilité de rechercher la responsabilité de l'Etat au titre des préjudices que le retard apporté à la décision a pu lui causer. Dès lors, M. A... ne peut utilement soulever le moyen tiré de ce que l'arrêté du 15 novembre 2017 est intervenu au-delà du délai d'un an prévu par l'article L. 312-9 du code de la sécurité intérieure reproduit au point 3.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé son arrêté du 15 novembre 2017 par lequel il a prononcé la saisie définitive des armes et munitions de M. A....

Sur la demande de sursis à exécution du jugement :

10. Dès lors qu'il est statué sur le fond du litige, les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué, présentées par le préfet de l'Oise sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, sont devenues sans objet.

Sur les frais liés au litige:

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que réclame M. A... au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 21 mai 2019 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : La demande présentée en première instance par M. A... et ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par le préfet de l'Oise dans la requête n° 19DA01590.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... A....

Nos19DA01530,19DA01590 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01530-19DA01590
Date de la décision : 05/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : LEDRU

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-11-05;19da01530.19da01590 ?
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