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10/09/2019 | FRANCE | N°19DA01375

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 10 septembre 2019, 19DA01375


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération Confédération Générale du Travail (CGT) des personnels du commerce, de la distribution et des services a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 10 décembre 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi (P.S.E.) de la société Flunch.

Par un jugement n° 1900811 du 24 a

vril 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération Confédération Générale du Travail (CGT) des personnels du commerce, de la distribution et des services a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 10 décembre 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi (P.S.E.) de la société Flunch.

Par un jugement n° 1900811 du 24 avril 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2019, la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, représentée par Me B... E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 10 décembre 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi (P.S.E.) de la société Flunch ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- les observations de M. D... F..., représentant la ministre du travail, et celles de Me A... C..., représentant la société par actions simplifiée Flunch.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée Flunch, qui exploite un réseau de restaurants en libre-service et emploie 6 124 salariés en France, a informé, le 5 septembre 2018, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France, d'un projet de réorganisation impliquant la fermeture des restaurants de Belfort, Le Havre Grand Cap, Nancy Saint-Sébastien et Rouen centre-ville, entraînant la suppression de quatre-vingts emplois. Le comité central d'entreprise, réuni le 13 septembre 2018, a désigné un expert-comptable pour l'assister dans le cadre de la procédure d'information et de consultation, dont le terme a été fixé au 13 novembre 2018, et pour accompagner les organisations syndicales représentatives lors des négociations ouvertes à compter du 28 septembre 2018 en vue d'aboutir à un accord collectif relatif au plan de sauvegarde de l'emploi. Ces négociations ayant échoué, la société Flunch a fixé de manière unilatérale les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi. Saisie le 20 novembre 2018, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a homologué ce plan par une décision du 10 décembre 2018. La Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services relève appel du jugement du 24 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, d'une part, il incombe notamment à l'administration, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document fixant, de manière unilatérale, un plan de sauvegarde de l'emploi en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, d'apprécier, conformément aux dispositions de l'article L. 1233-57-3 du même code " (...) le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe (...) ". Pour l'application de ces dispositions, les moyens du groupe s'entendent des moyens, notamment financiers, dont dispose l'ensemble des entreprises placées, ainsi qu'il est dit au I de l'article L. 2331-1 du code du travail, sous le contrôle d'une même entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce, ainsi que de ceux dont dispose cette entreprise dominante, quel que soit le lieu d'implantation du siège de ces entreprises.

3. D'autre part, aux termes du treizième alinéa de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social : " Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. ".

4. Enfin, aux termes de l'article L. 233-1 du code de commerce : " Lorsqu'une société possède plus de la moitié du capital d'une autre société, la seconde est considérée, pour l'application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme filiale de la première. ", aux termes de l'article L. 233-3 du même code : " I.- Toute personne, physique ou morale, est considérée, pour l'application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme en contrôlant une autre : / 1° Lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ; / 2° Lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ; / 3° Lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ; / 4° Lorsqu'elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de cette société. / II.-Elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu'elle dispose directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne. (...) ", et aux termes de l'article L. 233-16 du même code : " I.-Les sociétés commerciales établissent et publient chaque année à la diligence du conseil d'administration, du directoire, du ou des gérants, selon le cas, des comptes consolidés ainsi qu'un rapport sur la gestion du groupe, dès lors qu'elles contrôlent de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises, dans les conditions ci-après définies. / II.-Le contrôle exclusif par une société résulte : / 1° Soit de la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote dans une autre entreprise ; / 2° Soit de la désignation, pendant deux exercices successifs, de la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise. La société consolidante est présumée avoir effectué cette désignation lorsqu'elle a disposé au cours de cette période, directement ou indirectement, d'une fraction supérieure à 40 % des droits de vote, et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détenait, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne ; / 3° Soit du droit d'exercer une influence dominante sur une entreprise en vertu d'un contrat ou de clauses statutaires, lorsque le droit applicable le permet. / III.-Le contrôle conjoint est le partage du contrôle d'une entreprise exploitée en commun par un nombre limité d'associés ou d'actionnaires, de sorte que les décisions résultent de leur accord. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, pour l'application des dispositions citées au point 2, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a apprécié les moyens dont dispose le groupe auquel appartient la société Flunch en fixant son périmètre à l'ensemble des entreprises placées sous le contrôle de la société Surestag, qu'elle a considéré comme l'entreprise dominante au sens de ces dispositions, dès lors qu'elle détient la totalité du capital de la société Restag, laquelle détient 99,35 % du capital de la société Soparagapes et 66, 29 % de celui de la société Agapes, cette dernière détenant la totalité du capital de la société Flunch. L'appelante soutient à nouveau en cause d'appel qu'en omettant d'inclure dans le périmètre de ce groupe les sociétés Acanthe, Valorest et Cimofat, qui devraient, selon elle, être regardées comme les sociétés dominantes au sens des dispositions citées aux points 2 à 4, l'administration a méconnu ces dispositions. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les parts du capital de la société Surestag détenues par les sociétés Acanthe, Valorest et Cimofat s'élèvent, respectivement, à 44,01 %, 30,75 % et 24,25 %. Par suite, aucune de ces trois sociétés ne détient plus de 50 % du capital de la société Surestag et n'atteint ainsi, à elle seule, le seuil fixé par les dispositions des articles L. 233-1 et L. 233-16 du code de commerce citées au point 4. En outre, il ressort des stipulations de l'article 9 des statuts de la société Surestag que si " chaque action émise en rémunération des apports, ainsi que chaque action qui sera émise ultérieurement, donne droit à une voix ", " toutefois, aucun associé, quel que soit le nombre d'actions qu'il détient, ne pourra exercer plus de 39% des droits de vote pour son compte propre à l'occasion d'une décision collective ". Dès lors, aucune des trois sociétés précitées, pas même la société Acanthe, ne détient plus de 39 % des droits de vote au sein de la société Surestag, et n'atteint donc le seuil fixé par les dispositions des articles L. 233-3 et L. 233-16 du code de commerce citées au point 4. Par ailleurs, les circonstances tirées de ce que les sociétés Acanthe, Valorest et Cimofat comptent des dirigeants communs, de ce que l'article 12 du statut de chacune de ces sociétés restreint l'admission aux seuls membres d'une même famille et par extension aux personnes qui leur sont unies par les liens du mariage ainsi qu'aux sociétés exclusivement constituées entre eux, et, à la supposer même établie, de ce que les actions de ces sociétés seraient " indissociables " comme le soutient l'appelante, ne sont de nature ni à remettre en cause la qualité de personne morale distincte de chacune de ces trois sociétés, ni à démontrer qu'il existerait un accord permettant à l'une de ces sociétés d'obtenir la totalité des droits de vote au sein de la société Surestag, ou la désignation, par l'une d'elles, pendant deux exercices successifs, de la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de la société Surestag, ou encore un contrat ou une clause statutaire fixant un droit, pour l'une d'elles, d'exercer une influence dominante sur la société Surestag, et qu'ainsi, l'une des ces trois sociétés exercerait un contrôle exclusif de la société Surestag au sens du II de l'article L. 233-16 du code de commerce. Enfin, la circonstance que l'un des gérants de la société Acanthe exerce également les fonctions de président du conseil d'administration de la société Surestag n'est pas non plus de nature à démontrer que cette seconde société est placée sous le contrôle de la première au sens des dispositions citées aux points 2 à 4. Il s'ensuit que la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France n'a pas méconnu ces dispositions en circonscrivant le périmètre du groupe auquel appartient la société Flunch, pour apprécier les moyens dont il dispose, aux seules sociétés placées sous le contrôle de la société Surestag.

6. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 1233-57-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige : " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1, (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-57-5 du même code : " Toute demande tendant, avant transmission de la demande de validation ou d'homologation, à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure prévue par les textes législatifs, les conventions collectives ou un accord collectif est adressée à l'autorité administrative. Celle-ci se prononce dans un délai de cinq jours. ".

7. D'autre part, aux termes de l'article L. 1233-28 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours réunit et consulte, selon le cas, le comité d'entreprise ou les délégués du personnel, dans les conditions prévues par le présent paragraphe. ", et aux termes de l'article L. 1233-30 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I.-Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité d'entreprise sur : / 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi. / Les éléments mentionnés au 2° du présent I qui font l'objet de l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 ne sont pas soumis à la consultation du comité d'entreprise prévue au présent article. / Le comité d'entreprise tient au moins deux réunions espacées d'au moins quinze jours. / II.-Le comité d'entreprise rend ses deux avis dans un délai qui ne peut être supérieur, à compter de la date de sa première réunion au cours de laquelle il est consulté sur les 1° et 2° du I, à : / 1° Deux mois lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent ; / 2° Trois mois lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à cent et inférieur à deux cent cinquante ; / 3° Quatre mois lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à deux cent cinquante. / Une convention ou un accord collectif de travail peut prévoir des délais différents. / En l'absence d'avis du comité d'entreprise dans ces délais, celui-ci est réputé avoir été consulté. (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-31 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif./ Il indique : / 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ;/ 2° Le nombre de licenciements envisagé ; / 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; / 4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; / 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; / 6° Les mesures de nature économique envisagées. ", et aux termes de l'article L. 1233-32 du même code : " Outre les renseignements prévus à l'article L. 1233-31, (...) / Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, l'employeur adresse le plan de sauvegarde de l'emploi concourant aux mêmes objectifs. ".

8. Enfin, aux termes de l'article L 1233-34 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le comité d'entreprise peut recourir à l'assistance d'un expert-comptable en application de l'article L. 2325-35. Le comité prend sa décision lors de la première réunion prévue à l'article L. 1233-30. Le comité peut également mandater un expert-comptable afin qu'il apporte toute analyse utile aux organisations syndicales pour mener la négociation prévue à l'article L. 1233-24-1. / L'expert-comptable peut être assisté par un expert technique dans les conditions prévues à l'article L. 2325-41. / Le rapport de l'expert est remis au comité d'entreprise et, le cas échéant, aux organisations syndicales ", et aux termes de l'article L. 1233-36 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Dans les entreprises dotées d'un comité central d'entreprise, l'employeur consulte le comité central et le ou les comités d'établissement intéressés dès lors que les mesures envisagées excèdent le pouvoir du ou des chefs d'établissement concernés ou portent sur plusieurs établissements simultanément. Dans ce cas, le ou les comités d'établissement tiennent leurs réunions après celles du comité central d'entreprise tenues en application de l'article L. 1233-30. Ces réunions ont lieu dans les délais prévus à l'article L. 1233-30. / Si la désignation d'un expert-comptable est envisagée, elle est effectuée par le comité central d'entreprise, dans les conditions et les délais prévus au paragraphe 2. ".

9. Lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document unilatéral fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. Il appartient à ce titre à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité d'entreprise, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation. Toutefois, l'absence de transmission par l'employeur d'un document au comité d'entreprise n'est pas de nature à entraîner nécessairement l'irrégularité de la procédure d'information et de consultation mais doit être pris en compte dans l'appréciation globale que doit porter l'administration sur la régularité de cette procédure.

10. Lorsque l'assistance d'un expert-comptable a été demandée en application de l'article L. 1233-34 du code du travail, l'administration doit s'assurer que celui-ci a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité d'entreprise de formuler ses avis en toute connaissance de cause. La circonstance que l'expert-comptable n'ait pas eu accès à l'intégralité des documents dont il a demandé la communication ne vicie pas la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise si les conditions dans lesquelles l'expert-comptable a accompli sa mission ont néanmoins permis au comité d'entreprise de disposer de tous les éléments utiles pour formuler ses avis en toute connaissance de cause.

11. Il ressort des pièces du dossier que, par une lettre du 22 octobre 2018, les représentants des organisations syndicales chargés de la négociation de l'accord collectif ont saisi la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France d'une demande tendant à ce qu'il soit fait injonction à la société Flunch, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1233-57-5 du code du travail citées au point 6, de leur transmettre, ainsi qu'à l'expert-comptable désigné par le comité central d'entreprise, plusieurs pièces comptables. Par une lettre du 29 octobre 2018, le directeur de l'unité départementale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a accepté d'enjoindre à l'employeur, qui l'a fait, de produire les documents comptables relatifs aux sociétés Restag et Surestag, mais pas ceux portant sur les sociétés Valorest, Acanthe et Cimofat. Tout d'abord, il ressort des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal de la seconde réunion du comité central d'entreprise du 13 novembre 2018, que l'expert-comptable a rappelé la procédure d'injonction précitée et a exposé, de manière circonstanciée lors de cette réunion, son analyse du contenu des documents comptables relatifs aux sociétés Restag et Surestag et de la question du périmètre du groupe auquel la société Flunch appartient, incluant ces deux sociétés, qui a donné lieu à plusieurs interventions des membres du comité. Dans ces conditions, les membres du comité central d'entreprise ont disposé de tous les éléments utiles d'information sur le périmètre du groupe, incluant les sociétés Restag et Surestag, retenu par l'employeur et l'administration, contrairement à ce que soutient l'appelante. Ensuite, dès lors que les sociétés Acanthe, Cimofat et Valorest n'avaient pas à être incluses dans le périmètre de ce groupe pour les motifs exposés au point 5, la circonstance que l'administration ait refusé d'enjoindre à la société Flunch de transmettre à l'expert-comptable et aux organisations syndicales les documents comptables relatifs à ces trois sociétés n'est pas de nature à vicier la procédure d'information et de consultation du comité central d'entreprise. En tout état de cause, il ressort, là aussi, des pièces du dossier que la question de l'éventuelle extension du périmètre du groupe aux sociétés Valorest, Acanthe et Cimofat a été largement abordée par l'expert-comptable et débattue par les membres du comité central d'entreprise, en particulier lors de la réunion du 13 novembre 2018. Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient l'appelante, d'une part, le comité central d'entreprise a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, tant sur l'opération projetée et ses modalités d'application que sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi, en particulier sur le périmètre du groupe auquel appartient la société Flunch retenu pour apprécier les moyens dont il dispose, et, d'autre part, que les conditions dans lesquelles l'expert-comptable qu'il a désigné a accompli sa mission ont permis au comité de disposer de tous les éléments utiles pour formuler ses avis en toute connaissance de cause dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation, nonobstant la circonstance qu'ils n'aient pas eu accès à l'intégralité des documents dont ils ont demandé la communication. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'information et de consultation doit être écarté.

12. En dernier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité (...) ", et aux termes de l'article L. 1233-62 du même code : " Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : / 1° Des actions en vue du reclassement interne sur le territoire national, des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ;/ 1° bis Des actions favorisant la reprise de tout ou partie des activités en vue d'éviter la fermeture d'un ou de plusieurs établissements ; / 2° Des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ; / 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ; / 4° Des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ; / 5° Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ; / 6° Des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires réalisées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente-cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée. ".

13. D'autre part, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. / Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. ".

14. Lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s'assurant notamment du respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du même code. A ce titre elle doit, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d'une part, des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et, d'autre part, des moyens dont disposent l'entreprise et, le cas échéant, l'unité économique et sociale et le groupe. Il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. L'employeur doit, à cette fin, avoir identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise. En outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe. Pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l'employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation.

15. La fédération CGT soutient à nouveau en cause d'appel que les mesures d'accompagnement et de reclassement prévues par le plan de sauvegarde de 1'emploi ne sont pas suffisantes au regard des moyens de la société Flunch et du groupe auquel elle appartient. Toutefois, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif de Lille, le plan de sauvegarde de l'emploi homologué par l'administration du travail prévoit, pour les salariés concernés par le projet de licenciement, des mesures précises et concrètes afin de favoriser leur recrutement dans l'une des entreprises du groupe contrôlé par la société Surestag. L'employeur s'est notamment engagé à proposer autant d'emplois dans les restaurants Flunch les plus proches que d'emplois supprimés, ainsi que des emplois dans chaque restaurant de la société Agapes, soit un total de plus de trois cents emplois qui seront proposés aux quatre-vingts hôtes et hôtesses dont l'emploi est supprimé, les membres de l'encadrement étant, quant à eux, affectés, par application de la clause de mobilité figurant dans leur contrat de travail, dans les autres restaurants du groupe. Ce plan comporte par ailleurs d'autres mesures de reclassement interne, notamment, une compensation salariale correspondant à douze mois de rémunération, une période d'adaptation dans le nouvel emploi de deux à trois mois, plusieurs aides à la mobilité géographique, une prise en charge des frais de déménagement et de recherche d'un nouveau logement, une indemnité de double résidence, une indemnité d'installation et une aide à l'emploi du conjoint. Le document homologué prévoit, en outre, des aides au reclassement externe, notamment une compensation salariale correspondant à douze mois de rémunération, plusieurs aides financières en matière de formation, d'adaptation et à la création d'entreprise, permettant d'accompagner la mobilité géographique et la reconversion professionnelle du salarié, ainsi que des mesures spécifiques pour les salariés les plus âgés et les travailleurs handicapés. Enfin, la société Flunch a prévu de recruter un prestataire extérieur afin d'assurer un accompagnement personnalisé des salariés durant la phase de reclassement. Dans ces conditions, les mesures précitées, prises dans leur ensemble, sont de nature à satisfaire aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés compte tenu des moyens dont disposent l'entreprise et le groupe auquel elle appartient, lequel n'a pas, compte tenu de la définition du groupe fixé par les dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail citées au point 13 et pour les motifs exposés au point 5, à être étendu aux sociétés Acanthe, Valorest et Cimofat, contrairement à ce que fait encore valoir l'appelante. Le moyen tiré du caractère insuffisant du plan de sauvegarde de 1'emploi doit, dès lors, être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, la présente instance n'ayant entraîné aucuns dépens, les conclusions de la société Flunch présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative tendant à ce que les dépens soient " réservés " ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Flunch présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, à la ministre du travail et à la société par actions simplifiée Flunch.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la région Hauts-de-France et à la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France.

N°19DA01375 10


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01375
Date de la décision : 10/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CABINET CAPSTAN NORD EUROPE - POUILLART - THIESSET

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-09-10;19da01375 ?
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