LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 avril 2021
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 363 F-P
Pourvoi n° S 19-21.803
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 AVRIL 2021
La société civile (SC) [Personne physico-morale 1], dont le siège est [Adresse 1], représentée par M. [C] [E], agissant en qualité de mandataire ad hoc, a formé le pourvoi n° S 19-21.803 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société BNP Paribas Personal Finance, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ au directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques des Alpes-Maritimes, domicilié [Adresse 3],
3°/ à la société Sienne Mosaica, société à responsabilité limitée, ayant son siège chez la SCP [Personne physico-morale 2], huissiers de justice, [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de la société civile (SC) [Personne physico-morale 1], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société BNP Paribas Personal Finance, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 mars 2021 tenue dans les conditions prévues à l'article 5 de l'ordonnance n° 2020-1400 du 18 novembre 2020 par M. Pireyre, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre.
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 mai 2019), sur des poursuites à fin de saisie immobilière engagées par la société BNP Paribas Personal Finance par un commandement valant saisie immobilière du 2 novembre 2017, par jugement d'orientation du 18 octobre 2018, rendu en présence de la société Sienne Mosaica et du Trésor public d'[Localité 1], autres créanciers inscrits, un juge de l'exécution a ordonné la vente forcée d'un bien appartenant à la société civile [Personne physico-morale 1] (la société).
2. Par déclaration du 21 décembre 2018, la société a interjeté appel de ce jugement et, par ordonnance sur requête du 28 décembre 2018, a été autorisée à assigner à jour fixe à l'audience du 13 mars 2019.
3. La société BNP Paribas Personal Finance ayant, par des écritures du 8 mars 2019, soulevé l'irrecevabilité de cet appel au motif que la société Sienne Mosaica et le Trésor public d'[Localité 1] n'avaient pas été intimés, la société a déposé une nouvelle déclaration d'appel à l'encontre de ces deux créanciers par un acte du 8 mars 2019 et les a fait assigner pour l'audience.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
4. La société civile [Personne physico-morale 1] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel interjeté par elle par déclaration du 21 décembre 2018, alors :
« 1°/ qu'en cas d'indivisibilité, l'appel dirigé contre l'une des parties réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance ; que, par suite, l'appelant qui n'a formé son appel qu'à l'encontre de l'une des parties est recevable à appeler les autres parties à la cause en cours d'instance, sans encourir l'irrecevabilité de son appel ; qu'en relevant, pour déclarer l'appel irrecevable, qu'en matière de saisie immobilière, il existe un lien d'indivisibilité entre tous les créanciers de sorte que l'appelante ne pouvait diriger son appel à l'encontre de la seule société BNP Paribas Personal Finance et que l'appel complémentaire formé à l'encontre de deux autres créanciers inscrits n'avait pas pu régulariser la procédure faute de jonction entre les deux appels, cependant que, dans le cadre d'un litige indivisible, l'appel complémentaire n'avait pas eu pour effet de faire naître une seconde instance, distincte de celle ouverte par le premier appel, la cour d'appel a violé les articles 552, alinéa 2, et 553 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en cas d'appel du jugement d'orientation, l'ordonnance du premier président fixant la date à laquelle l'affaire sera examinée par priorité, produit ses effets, en raison de l'indivisibilité du litige, à l'égard de tous les créanciers, peu important qu'elle n'ait visé que certains d'entre eux ; qu'en retenant néanmoins, pour déclarer l'appel irrecevable, que la société [Personne physico-morale 1] ne pouvait se prévaloir de l'ordonnance sur requête rendue le 28 décembre 2018 l'autorisant à assigner la société BNP Paribas Personal Finance à jour fixe dès lors que cette ordonnance visait uniquement cette banque, la cour d'appel a violé les articles 552, alinéa 2, 917, 919 du code de procédure civile et R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 552, alinéa 2, 553, et 919 du code de procédure civile, et R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution :
5. En premier lieu, en application des deux premiers de ces articles, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel dirigé contre l'une des parties réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance mais l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance. Par conséquent, l'appel étant, en application de l'article 900 du même code, formé par déclaration unilatérale ou requête conjointe, les parties que l'appelant a omis d'intimer sont appelées à l'instance par voie de déclaration d'appel.
6. En second lieu, la seconde déclaration d'appel formée par l'appelant pour appeler à la cause les parties omises dans la première déclaration d'appel régularise l'appel, sans créer une nouvelle instance, laquelle demeure unique. Il en résulte que lorsque l'instance est valablement introduite selon la procédure à jour fixe, la première déclaration d'appel ayant été précédée ou suivie d'une requête régulière en autorisation d'assigner à jour fixe, laquelle n'a pour objet que de fixer la date de l'audience, la seconde déclaration d'appel n'implique pas que soit présentée une nouvelle requête.
7. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient qu'aucune jonction de la présente procédure avec celle enregistrée sous la référence 19/03349 n'a été demandée ni ordonnée d'office, qu'il n'est pas discuté que la déclaration d'appel complémentaire du 8 mars 2019 visant les deux créanciers inscrits qui n'avaient pas été intimés dans le cadre de cette procédure, n'a pas été suivie d'une requête à fin d'assignation à jour fixe visant ces deux parties en méconnaissance des dispositions de l'article R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution qui dispose que l'appel contre le jugement d'orientation est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe et que l'appelante ne peut se prévaloir d'une régularisation de la procédure par l'assignation à jour fixe de ces créanciers inscrits, alors que ces assignations ont été délivrées en vertu d'une ordonnance sur requête qui visait uniquement la société BNP Paribas Personal Finance et en suite de la déclaration d'appel dirigée contre cette seule partie.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BNP Paribas Personal Finance et la condamne à payer à la société civile SC [Personne physico-morale 1] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quinze avril deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la société civile (SC) Victoria Nicolas Benjamin [Personne physico-morale 1]
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable l'appel interjeté par la société [Personne physico-morale 1] par déclaration du 21 décembre 2018 ;
AUX MOTIFS QU'en application de l'article 553 du code de procédure civile, dans une procédure de saisie immobilière l'indivisibilité s'applique à tous les créanciers, poursuivants ou autres, de sorte que l'appel de l'une des parties à l'instance devant le juge de l'exécution doit être formé par déclaration d'appel dirigée contre toutes les parties à cette instance ; qu'en l'espèce, la société [Personne physico-morale 1] n'a pas intimé la Sarl Sienne Mosaica et le Trésor public d'[Localité 1], créanciers inscrits ; que pour faire obstacle à la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel fondée sur les dispositions de l'article 553 du code de procédure civile, l'appelante se prévaut d'une jurisprudence de la Cour de cassation jugeant que si lorsque la matière est indivisible, l'appel interjeté en temps utile contre l'une des parties conserve le droit de l'appelant vis-à-vis des autres et couvre l'irrégularité ou la tardivité d'intimation, encore faut-il que tous les intéressés aient été mis en cause devant la juridiction d'appel ; qu'elle rappelle que le jugement déféré ne lui ayant pas été signifié le délai d'appel n'a pas couru et qu'elle a régularisé le 8 mars 2019 une déclaration d'appel complémentaire du même jugement, enregistrée au répertoire général sou les références 19/03349, en intimant les deux créanciers inscrits auxquels elle a fait délivrer le 11 mars 2019 une assignation à comparaître pour l'audience du 13 mars 2019 ; que toutefois aucune jonction de la présente procédure avec celle enregistrée sous la référence 19/03349, n'a été demandée, ni ordonnée d'office ; que par ailleurs, il n'est pas discuté que la déclaration d'appel complémentaire du 8 mars 2019 visant les deux créanciers inscrits qui n'avaient pas été intimés dans le cadre de cette procédure, n'a pas été suivie d'une requête aux fins d'assignation à jour fixe visant ces deux parties en méconnaissance des dispositions de l'article R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution qui dispose que l'appel contre le jugement d'orientation est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe ; que l'appelante ne peut se prévaloir d'une régularisation de la procédure par l'assignation à jour fixe de ces créanciers inscrits alors que ces assignations ont été délivrées en vertu d'une ordonnance sur requête qui visait uniquement la société BNP Paribas Personal Finance et ensuite de la déclaration d'appel dirigée contre cette seule partie ; que l'appel interjeté par la société [Personne physico-morale 1] par déclaration du 21 décembre 2018 doit être en conséquence déclarée irrecevable ;
ALORS, 1°), QU'en cas d'indivisibilité, l'appel dirigé contre l'une des parties réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance ; que, par suite, l'appelant qui n'a formé son appel qu'à l'encontre de l'une des parties est recevable à appeler les autres parties à la cause en cours d'instance, sans encourir l'irrecevabilité de son appel ; qu'en relevant, pour déclarer l'appel irrecevable, qu'en matière de saisie-immobilière, il existe un lien d'indivisibilité entre tous les créanciers de sorte que l'appelante ne pouvait diriger son appel à l'encontre de la seule société BNP et que l'appel complémentaire formé à l'encontre de deux autres créanciers inscrits n'avait pas pu régulariser la procédure faute de jonction entre les deux appels, cependant que, dans le cadre d'un litige indivisible, l'appel complémentaire n'avait pas eu pour effet de faire naître une seconde instance, distincte de celle ouverte par le premier appel, la cour d'appel a violé les articles 552, alinéa 2 et 553 du code de procédure civile ;
ALORS, 2°), QUE le juge, tenu en toutes circonstances, de faire respecter et de respecter lui-même le principe de la contradiction, ne peut relever d'office une fin de non-recevoir sans inviter au préalable les parties à s'en expliquer ; qu'en relevant d'office que l'appel complémentaire formé contre les créanciers inscrits qui n'avaient pas été intimés initialement, n'avait pas été suivi d'une requête aux fins d'assignation à jour fixe, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS, 3°), QU en cas d'appel du jugement d'orientation, l'ordonnance du premier président fixant la date à laquelle l'affaire sera examinée par priorité, produit ses effets, en raison de l'indivisibilité du litige, à l'égard de tous les créanciers, peu important qu'elle n'ait visé que certains d'entre eux ; qu'en retenant néanmoins, pour déclarer l'appel irrecevable, que la société [Personne physico-morale 1] ne pouvait se prévaloir de l'ordonnance sur requête rendue le 28 décembre 2018 l'autorisant à assigner la société BNP Paribas à jour fixe dès lors que cette ordonnance visait uniquement cette banque, la cour d'appel a violé les articles 552, alinéa 2, 917, 919 du code de procédure civile et R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution.