LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 novembre 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1247 F-P+B+I
Pourvoi n° U 19-16.009
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 NOVEMBRE 2020
La Société d'économie mixte d'exploitation du thermalisme et du tourisme de Néris-Les-Bains, société anonyme, dont le siège est 6 place des Thermes, 03310 Néris-les-Bains, a formé le pourvoi n° U 19-16.009 contre l'arrêt rendu le 6 mars 2019 par la cour d'appel de Riom (3e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M... E..., ayant été domicilié [...] , décédé le 13 février 2020,
2°/ à Mme K... E..., domiciliée [...] ,
3°/ à la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF, dont le siège est 17 avenue du général Leclerc, 13347 Marseille cedex,
4°/ à M. Q... E..., domicilié [...] ,
5°/ à M. O... E..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lemoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la Société d'économie mixte d'exploitation du thermalisme et du tourisme de Néris-Les-Bains, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF, de Me Le Prado, avocat de Mme E... et de M.M. Q... et O... E..., et l'avis de M. Aparisi, avocat référendaire général, après débats en l'audience publique du 7 octobre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lemoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à Mme K... E... et à MM. Q... et O... E... de ce qu'en tant qu'héritiers de M... E..., qui est décédé le 13 février 2020, ils reprennent l'instance contre lui introduite.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 6 mars 2019), un jugement a déclaré la Société d'économie mixte d'exploitation du thermalisme et du tourisme de Néris-les-Bains (la SEMETT) responsable de la légionellose dont M... E... était atteint et l'a condamnée à lui payer, ainsi qu'à son épouse, Mme K... E..., certaines sommes en réparation de leurs préjudices. La SEMETT a en outre été condamnée à payer une certaine somme à la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (la caisse de prévoyance).
3. La SEMETT a interjeté appel de ce jugement par deux déclarations d'appel distinctes, la première reçue au greffe de la cour le 31 mars 2017, dirigée contre M. et Mme E..., la seconde reçue le 11 avril 2017, dirigée contre la caisse de prévoyance. Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 19 septembre 2017.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
5. La SEMETT fait grief à l'arrêt, en confirmant le jugement entrepris pour le surplus, de la condamner à verser à la caisse de prévoyance la somme de 62 298,96 euros, alors « qu'une jonction d'instance ne créant pas une procédure unique, les demandes des parties sont déterminées, pour chaque instance, par les conclusions déposées dans celle-ci ; qu'en l'espèce, la SEMETT, avant l'ordonnance de jonction, avait déposé deux jeux de conclusions le 7 septembre 2017, à la fois dans l'instance l'opposant à M. et Mme E..., et à la fois dans l'instance l'opposant à la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF ; qu'en statuant exclusivement au visa des conclusions du 7 septembre 2017 déposées par la SEMETT dans l'instance l'opposant à M. et Mme E... bien que la SEMETT avait aussi déposé des conclusions le même jour dans l'instance l'opposant à la caisse de prévoyance, demandant l'annulation du jugement et la constatation du caractère injustifié des sommes allouées à la caisse de prévoyance, la cour d'appel a violé les articles 368 et 954 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte des articles 552 et 553 du code de procédure civile, qu'en cas d'indivisibilité du litige, d'une part, l'appel dirigé contre l'une des parties réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance, et d'autre part, l'appel formé contre l'une des parties n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance.
7. Dès lors, la seconde déclaration d'appel formée par l'appelant pour appeler à la cause les parties omises dans la première déclaration d'appel régularise l'appel, sans créer une nouvelle instance, laquelle demeure unique.
8. Ayant retenu, par des motifs non critiqués, que l'objet du litige était indivisible, ce dont il résultait que la procédure était unique, peu important que la SEMETT ait formé successivement deux appels et qu'une jonction d'instances ait postérieurement été prononcée, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui a relevé qu'elle statuait au regard des dernières conclusions notifiées le 7 septembre 2017 par la SEMETT, ne s'est pas référée à un autre jeu de conclusions.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société d'économie mixte d'exploitation du thermalisme et du tourisme de Néris-les-Bains aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par Mme K... E... et MM. Q... et O... E... et par la Société d'économie mixte d'exploitation du thermalisme et du tourisme de Néris-les-Bains et condamne la Société d'économie mixte d'exploitation du thermalisme et du tourisme de Néris-les-Bains à payer à la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille vingt et signé par lui et par Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour la Société d'économie mixte d'exploitation du thermalisme et du tourisme de Néris-Les-Bains
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR, en confirmant le jugement entrepris pour le surplus, condamné la SEMETT à verser à la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF la somme de 62 298,96 euros ;
AUX COMMÉMORATIFS QUE « suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour le 31 mars 2017, la SEMETT a interjeté appel général de cette décision, en intimant les époux E... ; que par une seconde déclaration du 11 avril 2017, la SEMETT a interjeté appel général de cette décision en intimant également la Caisse de prévoyance ; que par une ordonnance rendue 19 septembre 2017, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures d'appel ; qu'aux termes de ses dernières écritures notifiées le 7 septembre 2017, au moyen de la communication électronique, la société SEMETT demande à la cour, au visa de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, de : - annuler le jugement dont appel ; - constater l'irrecevabilité et en tout cas le mal fondé du moyen selon lequel l'appel à l'encontre de la Caisse de prévoyance serait irrecevable ; - rejeter l'appel incident des époux E... en ce qu'il est irrecevable et en tout cas mal fondé ; - constater qu'il n'existe pas de lien de causalité démontré entre l'affectation nosocomiale et le séjour de M. E... au sein de l'établissement thermal de Néris-les-Bains ; Subsidiairement de : - constater le caractère pour partie injustifié et en tout cas excessif des sommes allouées par le tribunal aux époux E... ; - condamner les époux E... au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'elle prétend que la Caisse de Prévoyance n'est pas partie à l'instance d'appel, le recours formé à son encontre ayant fait l'objet d'une procédure distincte et, que nul ne plaidant pas procureur, les époux E... n'ont pas qualité pour conclure à l'irrecevabilité de l'appel concernant une autre partie ; et qu'elle ajoute que la signification du jugement faite par les époux E... n'a pas eu pour effet de faire courir le délai d'appel vis-à-vis de la caisse ; que sur le fond, la SEMETT prétend que la preuve d'un lien de causalité entre le séjour de M. E... au sein des thermes qu'elle exploite et la pathologie dont il a souffert n'est pas rapportée ; qu'elle se prévaut d'un suivi sanitaire consciencieux de ses installations, des travaux dont elles ont fait l'objet et d'un plan d'action institué à compter du 24 octobre 2013 ; qu'elle indique que les caractéristiques des souches de légionelles prélevées au sein de de l'établissement sont différentes de celles dont était porteur M. E... et que l'ARS n'a pas conclu à une contamination à l'occasion des soins dispensés au sein des thermes ; et qu'elle ajoute que le seul autre cas de légionellose détecté en 2011 à Néris-les-Bains, n'avait pas été imputé à l'établissement thermal ce qui démontre qu'il existe une autre source de contamination sur la commune » (arrêt attaqué, pp. 3-4) ;
AUX MOTIFS QUE « sur la créance de la Caisse de prévoyance : la Caisse de prévoyance indique avoir dû verser à son assuré des prestations à hauteur de 61 261,96 euros selon un relevé définitif ; et qu'elle en réclame paiement à la SEMETT, outre une indemnité pour frais de gestion de 1 037 euros ; que dans le dispositif de ses écritures qui, conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, a seul pour effet de saisir la cour, laquelle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion, la SEMETT, qui a contesté le montant des indemnités allouées aux époux E..., n'a pas demandé l'infirmation ou la réformation du jugement en ce qu'il a accordé une indemnité globale de 62 298,96 euros (61 261,96 + 1 037) à la caisse de prévoyance et en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts légaux ; qu'en conséquence, ces dispositions du jugement ne peuvent qu'être confirmées » (arrêt attaqué, p. 10) ;
AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF justifie, au titre des prestations versées, d'une créance principale de 61 261,96 euros outre les frais de gestion applicables en vertu du décret n° 98-255 du 31 mars 1998, soit un montant total de 62 298,96 euros » (jugement entrepris, p. 6) ;
ALORS QUE 1°) le juge ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées ; qu'en se prononçant seulement au visa des conclusions déposées par la SEMETT le 7 septembre 2017 dans l'instance l'opposant à M. et Mme E... et en retenant que la SEMETT n'avait pas demandé l'infirmation ou la réformation du jugement en ce qu'il avait accordé une indemnité globale de 62 298,96 euros à la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF, cependant que la SEMETT avait aussi régulièrement déposé le 7 septembre 2017 un jeu de conclusions dans l'instance dirigée contre la caisse de prévoyance aux termes duquel elle sollicitait l'annulation du jugement et la constatation du caractère injustifié des sommes allouées à la caisse de prévoyance, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;
ALORS QUE 2°) une jonction d'instance ne créant pas une procédure unique, les demandes des parties sont déterminées, pour chaque instance, par les conclusions déposées dans celle-ci ; qu'en l'espèce, la SEMETT, avant l'ordonnance de jonction, avait déposé deux jeux de conclusions le 7 septembre 2017, à la fois dans l'instance l'opposant à M. et Mme E..., et à la fois dans l'instance l'opposant à la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF ; qu'en statuant exclusivement au visa des conclusions du 7 septembre 2017 déposées par la SEMETT dans l'instance l'opposant à M. et Mme E... bien que la SEMETT avait aussi déposé des conclusions le même jour dans l'instance l'opposant à la caisse de prévoyance, demandant l'annulation du jugement et la constatation du caractère injustifié des sommes allouées à la caisse de prévoyance, la cour d'appel a violé les articles 368 et 954 du code de procédure civile.