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24/05/2018 | FRANCE | N°18VE00109

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 24 mai 2018, 18VE00109


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2017, M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté en date du 8 novembre 2017 par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a prononcé son transfert aux autorités suédoises.

Par un jugement n° 1710310 du 14 décembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 8 novembre 2017 et enjoint au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS de réexaminer la situation de M. A...dans un délai d'un mois à compter de la n

otification de ce jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2017, M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté en date du 8 novembre 2017 par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a prononcé son transfert aux autorités suédoises.

Par un jugement n° 1710310 du 14 décembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 8 novembre 2017 et enjoint au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS de réexaminer la situation de M. A...dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 janvier 2018 et un mémoire enregistré le 27 avril 2018 qui n'a pas été communiqué, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la requête de M. A...dans toutes ses prétentions.

Il soutient que :

- l'arrêté portant transfert aux autorités suédoises est suffisamment motivé au regard des exigences du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des principes issus de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le requérant a été régulièrement et complètement informé de la procédure " Dublin III " par la réception des brochures requises dans une langue qu'il comprend et a pu, lors de l'entretien individuel confidentiel organisé le 10 avril 2017, fournir les explications et informations permettant la correcte application des critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile ;

- les moyens soulevés dans la requête de première instance doivent être écartés : le signataire de l'acte attaqué était compétent ; il a pu sans erreur manifeste d'appréciation estimer que les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 n'étaient pas applicables à la situation de M.A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. B...A..., ressortissant afghan né le 21 octobre 1994 et entré en France le 2 février 2017, a présenté, le 10 avril 2017, une demande d'admission au séjour au titre de l'asile à la préfecture de la Seine-Saint-Denis ; que la consultation du fichier Eurodac a établi que ses empreintes digitales, relevées lors de cette demande, l'avaient déjà été par les autorités hongroises le 17 mai 2015, suédoises le 12 juin 2015 et allemandes le 2 décembre 2016 ; qu'après un entretien individuel mené le 10 avril 2017 avec l'intéressé, les services de la préfecture ont, le 31 mai 2017, saisi ces autorités d'une demande de reprise en charge qui a été acceptée le 8 juin 2017 par les autorités suédoises ; que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, par un arrêté du 8 novembre 2017, notifié le même jour, a ordonné le transfert de M. A...vers la Suède ; qu'il relève appel du jugement en date du 14 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté ;

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. / L'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut également être accordée lorsque la procédure met en péril les conditions essentielles de vie de l'intéressé, notamment en cas d'exécution forcée emportant saisie de biens ou expulsion. " ; qu'aux termes de l'article 41 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 : " Lorsque la demande d'aide juridictionnelle est formée après que la partie concernée ou son mandataire a eu connaissance de la date d'audience et moins d'un mois avant celle-ci, il est statué sur cette demande selon la procédure d'admission provisoire. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 27 avril 2018, soit postérieurement à la réception de l'avis l'informant de l'audience et moins d'un mois avant celle-ci, M. A...a adressé au bureau d'aide juridictionnelle une demande tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de faire application des dispositions précitées de l'article 41 du décret du 19 décembre 1991 et d'admettre provisoirement M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle, ainsi qu'il le demande par l'intermédiaire de son avocat ;

Sur la légalité de l'arrêté du 8 novembre 2017 :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, en date du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de le remettre aux autorités responsables de l'examen de sa demande d'asile au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend ; que cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement ; qu'eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a été mis en possession, le 10 avril 2017, des brochures A et B exposant les informations prévues à l'article 4 précité du règlement communautaire du 26 juin 2013 ; qu'il est constant, toutefois, que c'est dans leur version pachtou que ces brochures lui ont été remises ; qu'il résulte des mentions figurant sur le compte rendu de l'entretien individuel organisé le 10 avril 2017 conformément à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 que M. A...a déclaré comme langue comprise par lui la seule langue dari et que c'est dans cette langue qu'a été mené l'entretien ; que, de même, le formulaire de notification de l'arrêté litigieux porte mention que cette notification s'est faite par le truchement d'un interprète en dari, " langue que l'intéressé déclare comprendre " ; que si le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS fait valoir dans ses dernières écritures que les brochures A et B n'existent pas en langue dari, mais seulement en pachtou, langue officielle de l'Afghanistan, il ressort en tout état de cause de la liste qu'il produit pour en justifier que lesdites brochures sont aussi disponibles en farsi, également langue officielle nationale en Afghanistan, et qui, compte tenu de sa très grande proximité avec le dari, pouvait être comprise par M. A...; que dans ces conditions, faute que les documents requis par la réglementation lui aient été communiqués dans l'une des langues, le dari ou le farsi, qu'il était capable de comprendre, M. A...est fondé à soutenir qu'il n'a pas été en mesure de comprendre les informations relatives à ses droits et garanties et que, par suite, la décision de transfert est intervenue au terme d'une procédure irrégulière ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner le bien-fondé du second motif d'annulation retenu par les premiers juges, également contesté en appel, tiré de l'insuffisance de motivation, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 8 novembre 2017 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros réclamée par M. A...au titre des frais irrépétibles, qui sera versée, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à son avocat, sous réserve que celui-ci renonce à la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Flora Bernard, avocat de M.A..., une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

N° 18VE00109 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00109
Date de la décision : 24/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: Mme RUDEAUX
Avocat(s) : BERNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-05-24;18ve00109 ?
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