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30/01/2020 | FRANCE | N°18PA03654

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 30 janvier 2020, 18PA03654


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. O... K... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 20 novembre 2017 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 30 juin 2017 et a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1800829/3-3 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2018, M. K..., représenté par Me Q..., demande à la Cour :

1°) d'a

nnuler le jugement n° 1800829/3-3 du 25 septembre 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. O... K... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 20 novembre 2017 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 30 juin 2017 et a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1800829/3-3 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2018, M. K..., représenté par Me Q..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800829/3-3 du 25 septembre 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 20 novembre 2017 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 30 juin 2017 et a autorisé son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de la société Compagnie française d'entretien et de maintenance (COFREM) le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, en ce qu'il ne répond pas aux arguments de droit sur l'absence de valeur probante du constat d'huissier établi à la demande de la direction de la société et de fait établis par les nombreuses pièces versées au dossier ;

- c'est à tort que la décision ministérielle litigieuse et le jugement attaqué ont considéré que le lien avec le mandat n'était pas établi ;

- aucune faute lourde n'a été commise, et aucune intention de nuire à la société employeur n'a été constatée ; les faits de violences et de dégradations qui lui sont reprochés ne sont pas établis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. K... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en observations, enregistré le 11 mars 2019, la société Compagnie française d'entretien et de maintenance et la société Aquanet Services, représentées par Me A..., concluent au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 000 euros à la société Aquanet Services soit mis à la charge de M. G... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. K... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me Q..., avocate de M. K..., et de Me I... substituant Me A..., avocat de la Compagnie française d'entretien et de maintenance (Cofrem) et de la société Aquanet Services.

La Compagnie française d'entretien et de maintenance (Cofrem) et la société Aquanet Services ont produit le 21 janvier 2020 une note en délibéré.

Considérant ce qui suit :

1. M. O... K... a été embauché le 6 août 2002 par la société Aquanet, filiale du groupe Alhena, par un contrat à durée indéterminée, comme agent très qualifié de service. Il a été élu le 17 novembre 2014 membre titulaire au comité d'entreprise et titulaire délégué du personnel de l'unité économique et sociale Cofrem, Aquanet, Afranet, jusqu'à sa révocation le 30 mai 2017, et désigné le 14 juin 2015 comme membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Le 13 juin 2017, à la suite d'événements survenus le 20 février 2017, la société Aquanet a demandé l'autorisation de licencier M. K... pour faute. Le 30 juin 2017, l'inspecteur du travail a rejeté cette demande. Le 20 novembre 2017, sur recours hiérarchique formé par la société Aquanet et reçu le 19 juillet 2017, la ministre du travail a annulé la décision du 30 juin 2017 et a autorisé le licenciement de M. K.... Par le jugement du 25 septembre 2018 dont M. K... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cette décision ministérielle.

Sur les conclusions à fin d'annulation, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué et les autres moyens de la requête :

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. Aux termes de l'article L. 1333-1 du code du travail : " En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. / L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. / Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. ".

4. A l'appui de la demande d'autorisation de licenciement a été produit, d'une part, un procès-verbal de constat d'huissier du 20 février 2017 indiquant que, le matin du même jour, des manifestants portant des chasubles siglés F.O., dont M. O... K..., ont empêché le directeur des relations sociales de la société, accompagné de deux agents de sécurité, de se rendre en voiture, depuis le siège de la société, au bureau de poste situé 4, impasse Bonne-Nouvelle à Paris (11ème arrondissement), les contraignant à s'y rendre à pied, suivi par une délégation de grévistes et de syndicalistes, dont M. K..., et qu'à leur retour au siège de la société quatre syndicalistes, dont M. K..., ont adopté un comportement intimidant et violent, l'un d'eux poussant le directeur des relations sociales qui est tombé au sol sur le dos dans le caniveau, tandis que l'un des sacs postaux contenant une partie des votes des salariés lui était arraché des mains, puis vidé sur le sol, des manifestants, dont M. K..., ouvrant alors les enveloppes contenues dans ce sac, lisant le contenu des enveloppes nominativement identifiées, en détruisant certaines et en répandant d'autres au sol. Si, en vertu de l'article 1er de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, les constatations des huissiers de justice font foi jusqu'à preuve contraire, l'huissier de justice, dans son procès-verbal de constat du 20 février 2017, précise que M. O... K... lui a été désigné par le directeur des relations sociales et le directeur commercial de la société. En outre, il existe une contradiction de fait entre le procès-verbal de constat de l'huissier qui indique que le directeur des relations sociales et ses agents de sécurité ont été suivis, depuis le siège de la société jusqu'au bureau de poste, par une délégation de grévistes et de syndicalistes dont M. K..., et le procès-verbal de dépôt de plainte du 21 février 2017 du directeur des relations sociales qui indique y être allé à pied, " suivis par une délégation F.O. dont M. (...) accompagné d'autres gens de F.O. que je ne connais pas ", ce point étant corroboré par l'attestation de M. F... N... du 20 avril 2018 qui déclare avoir été présent à la poste de Bonne Nouvelle le 20 février 2017 et y avoir accompagné le directeur des relations sociales et l'huissier de justice à la poste, où se trouvaient quatre personnes de F.O., dont lui-même, qu'il désigne, à l'exclusion d'autres personnes, donc de M. K.... D'autre part, a été produit le procès-verbal de dépôt de plainte du 21 février 2017 du directeur des relations sociales, dans lequel il indique que, le 20 février 2017, des syndicalistes, dont M. K..., l'ont empêché, ses accompagnants et lui, de quitter les locaux de l'entreprise en voiture, et qu'à leur retour du bureau de poste, devant le siège de l'entreprise, des manifestants, dont M. K..., ont tiré sur le sac postal qu'il avait en main, qu'ils ont récupéré lorsque, poussé par le secrétaire général F.O. Propreté IDF, il est tombé au sol, sur le dos, dans le caniveau, et dont ils ont déchiré toutes les enveloppes avant de récupérer ces enveloppes pour les conserver dans leur local. Enfin, ont été produites les attestations du 27 février 2017 de M. H... L... et du 28 février 2017 de M. B... D... indiquant avoir vu M. K..., parmi d'autres syndicalistes, qui déchirait des enveloppes du sac postal, ces attestations étant rédigées dans la forme prescrite par les articles 200 à 203 du nouveau code de procédure civil et l'article 441-7 du nouveau code pénal, et l'attestation du directeur commercial de la société du 28 février 2017, rédigée dans la même forme, indiquant que M. K... se trouvait parmi les manifestants au moment où il a souhaité, en vain, partir avec son véhicule, accompagné du directeur des relations sociales et des agents de sécurité, pour aller récupérer les votes par correspondance au bureau de poste.

5. Le requérant, qui fait valoir que les attestations de M. H... L... et de M. B... D... sont presque identiques et ont été rédigées de la même main, et qu'elles sont sujettes à caution du fait que leurs auteurs étaient membres de la C.F.D.T., et donc des opposants syndicaux dans le cadre du conflit qui a donné lieu à la manifestation du 20 février 2017, de même qu'il met en cause l'objectivité du procès-verbal de dépôt de plainte du 21 février 2017 du directeur des relations sociales et de l'attestation du directeur commercial de la société du 28 février 2017 comme émanant de membres de la direction de la société, soutient qu'il n'a pas été présent lors des événements litigieux car il souffrait du ventre et était resté dans le local syndical. A cette fin, il produit, outre un certificat médical du 20 juin 2018 attestant qu'il a consulté le 14 février 2017, soit six jours avant les faits, pour des brûlures épigastriques et que trois médicaments lui ont été prescrits, une attestation de M. M... du 3 avril 2017 certifiant n'avoir pas vu M. K... à l'arrivée du sac des enveloppes de vote, une attestation de M. P... du 5 mars 2017 certifiant avoir été présent pendant la grève et attestant que M. K... s'était plaint plusieurs fois d'avoir mal au ventre et était très souvent dans le local syndical, une attestation de M. G... du 3 avril 2017 certifiant que lors de la manifestation du 20 février 2017 chez Alhena M. K... était souffrant et qu'il était resté dans le local syndical toute la matinée jusqu'à la fin de l'incident qui s'est produit ce jour-là, une attestation de M. J... du 3 avril 2017 certifiant avoir assisté à la manifestation du 20 février 2017 et n'avoir constaté aucune violence de la part des délégués, dont M. K..., et une attestation de M. C... du 6 avril 2017 attestant que M. K... n'était pas présent pendant la bousculade, toutes ces attestations ayant été rédigées dans la forme prescrite par les articles 200 à 203 du nouveau code de procédure civil et l'article 441-7 du nouveau code pénal.

6. Il résulte de ce qui précède que la présence de M. K... lors de la manifestation du 20 février 2017 et sa participation aux incidents litigieux, et en particulier à la soustraction du sac postal des mains du directeur des relations sociales de la société et à la destruction des enveloppes qu'il contenait, n'est pas établi avec certitude. Par suite, un doute subsistant quant aux faits reprochés à M. K..., il doit profiter à ce dernier, en application des dispositions précitées de l'article L. 1333-1 du code du travail. Il s'ensuit que la décision du 20 novembre 2017 par laquelle la ministre du travail a estimé que les faits invoqués à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement étaient matériellement établis, ainsi que le jugement du 25 septembre 2018 du tribunal administratif de Paris qui a rejeté la demande de M. K..., doivent être annulés.

Sur les frais liés à l'instance :

7. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais liés à l'instance ; dès lors, les conclusions présentées à ce titre par la société Aquanet Services doivent être rejetées.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Compagnie française d'entretien et de maintenance, qui, n'étant pas l'employeur de M. K..., n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. K... au titre des frais liés à l'instance et exposés par lui.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 25 septembre 2018 du tribunal administratif de Paris et la décision du 20 novembre 2017 de la ministre du travail sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de M. K..., tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la société Aquanet Services, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. O... K..., à la société Compagnie française d'entretien et de maintenance, à la société Aquanet Services et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. E..., président assesseur,

- Mme Collet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 janvier 2020.

Le rapporteur,

I. E...Le président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 18PA03654


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03654
Date de la décision : 30/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Absence de faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : DE SAINT RAT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-01-30;18pa03654 ?
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