La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/04/2019 | FRANCE | N°18PA03188

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 18 avril 2019, 18PA03188


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire ampliatif, et un mémoire, enregistrés les 27 septembre 2018, 31 octobre 2018 et 25 mars 2019, la société Toujours jeunes, représentée par Me Salon, demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision n° 2018-456 du 13 juin 2018 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé l'association Oxygène à exploiter un service de radio en catégorie B par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé Inside dans la zone de Tarbes ;

2°) d'annuler la décision du 13 juin 2018

par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a rejeté sa candidature pour exploite...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire ampliatif, et un mémoire, enregistrés les 27 septembre 2018, 31 octobre 2018 et 25 mars 2019, la société Toujours jeunes, représentée par Me Salon, demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision n° 2018-456 du 13 juin 2018 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé l'association Oxygène à exploiter un service de radio en catégorie B par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé Inside dans la zone de Tarbes ;

2°) d'annuler la décision du 13 juin 2018 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a rejeté sa candidature pour exploiter en catégorie B, dans cette même zone, le service de radio dénommé 100 % Souvenirs ;

3°) d'enjoindre au Conseil supérieur de l'audiovisuel de réexaminer sa candidature dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge du Conseil supérieur de l'audiovisuel le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision autorisant l'association Oxygène à exploiter le service de radio Inside a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le comité territorial de l'audiovisuel de Toulouse n'avait pas préalablement rendu son avis ;

- la décision rejetant sa candidature est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été notifiée dans le délai d'un mois courant à compter de la date de publication au Journal officiel de la décision autorisant l'association Oxygène à exploiter un service de radio dénommé Inside dans la zone de Tarbes, en méconnaissance de l'article 32 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- les motifs retenus par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) sont contradictoires ; celui-ci ne pouvait retenir que le service de radio Inside proposait une programmation diversifiée qui correspondait aux attentes du public tout en admettant que les radios au format identique ou très voisin autorisées à Lourdes étaient diffusées dans la zone de Tarbes (Fun Radio Midi-Pyrénées, Fun Radio Hautes-Pyrénées, NRJ Pyrénées, RTL 2, Virgin Radio) ;

- le CSA a commis une erreur d'appréciation en ne prenant pas en considération les caractéristiques de sa programmation qui, dans le prolongement du service PicFM, intéresse directement le public des personnes âgées de plus de 65 ans et qui est unique dans la zone en cause ;

- l'offre du service Inside apparaît redondante avec celle qui existait, soit directement dans la zone de Tarbes, soit indirectement dans la zone de Lourdes et qui émettait jusqu'à Tarbes ; en autorisant la radio Inside, le CSA a ainsi méconnu l'impératif de sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels ;

- le CSA a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en déduisant automatiquement de la seule durée du PIL que l'intérêt du service Inside pour le public de la zone était supérieur à l'intérêt, pour le même public, du service proposé par 100 % Souvenirs alors que le principe du pluralisme des courants d'expression socio-culturels implique une approche qualitative distincte du simple décompte de la durée respective du programme d'intérêt local.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2018, le Conseil supérieur de l'audiovisuel conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, les conclusions à fin d'annulation de la décision n° 2018-456 du 13 juin 2018 autorisant l'association Oxygène à exploiter le service de radio Inside sont irrecevables pour tardiveté ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me Salon, avocat de la SARL Toujours Jeunes.

Une note en délibéré a été produite le 5 avril 2019 par le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Considérant ce qui suit :

1. Le 19 avril 2017, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a lancé un appel à candidatures pour l'exploitation de services radiophoniques par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence à temps complet ou partagé dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel de Toulouse. Par une décision n° 2018-456 du 13 juin 2018, il a autorisé l'association Oxygène à exploiter un service de radio en catégorie B dénommé Inside dans la zone de Tarbes pour une durée de cinq ans. Par une décision du même jour, notifiée le 30 juillet 2018, le CSA a rejeté la candidature de la société Toujours jeunes pour la diffusion en catégorie B du service dénommé 100 % Souvenirs sur cette même zone. La société Toujours jeunes demande à la Cour d'annuler ces deux décisions du CSA.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le CSA et tirée de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision n° 2018-456 du 13 juin 2018 :

2. Il ressort des pièces du dossier que la décision n° 2018-456 du 13 juin 2018 par laquelle le CSA a autorisé l'association Oxygène à exploiter un service de radio en catégorie B dénommé Inside dans la zone de Tarbes a été publiée au Journal officiel de la République française du 27 juin 2018. Les conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ont été enregistrées au greffe de la Cour le 27 septembre 2018, soit après l'expiration du délai de recours contentieux. Par suite, il y a lieu d'accueillir la fin de non-recevoir opposée par le CSA et tirée de ce que ces conclusions tendant à l'annulation de la décision n° 2018-456 du 13 juin 2018 sont irrecevables pour tardiveté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 13 juin 2018 rejetant la candidature de la société Toujours jeunes :

3. Aux termes de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 : " (...) Le conseil accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. Il tient également compte : 1° De l'expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; 2° Du financement et des perspectives d'exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; 3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d'une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d'une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse ; 4° Pour les services dont les programmes comportent des émissions d'information politique et générale, des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, l'honnêteté de l'information et son indépendance à l'égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ; 5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement ; 6° Pour les services dont les programmes musicaux constituent une proportion importante de la programmation, des dispositions envisagées en faveur de la diversité musicale au regard, notamment, de la variété des oeuvres, des interprètes, des nouveaux talents programmés et de leurs conditions de programmation ; 7° S'il s'agit de la délivrance d'une nouvelle autorisation après que l'autorisation précédente est arrivée à son terme, du respect des principes mentionnés au troisième alinéa de l'article 3-1. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille, sur l'ensemble du territoire, à ce qu'une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l'expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l'environnement ou la lutte contre l'exclusion. Le conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part. Il s'assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l'information politique et générale. (...) ".

4. Par deux communiqués n° 34 du 29 août 1989 et n° 281 du 10 novembre 1994, le CSA, faisant usage de la compétence qui lui a été conférée par l'article 29 précité de la loi du 30 septembre 1986, a déterminé cinq catégories de services en vue de l'appel à candidatures pour l'exploitation de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre. Ces cinq catégories sont ainsi définies : services associatifs éligibles au fonds de soutien, mentionnés à l'article 80 (catégorie A), services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié (catégorie B), services locaux ou régionaux diffusant le programme d'un réseau thématique à vocation nationale (catégorie C), services thématiques à vocation nationale (catégorie D), et services généralistes à vocation nationale (catégorie E).

5. Pour rejeter la candidature de la société Toujours jeunes pour la diffusion en catégorie B du service dénommé 100% Souvenirs dans la zone de Tarbes, le CSA a estimé que : " 100% Souvenirs (...), qui propose de diffuser un programme d'intérêt local (PIL) d'une durée quotidienne comprise entre 18h 36 et 18h 54 (...) inférieure à celle du PIL proposé par Inside, candidat retenu en catégorie B, d'une durée quotidienne de 20h 24. Dès lors, 100 % Souvenirs (...) s'avère susceptible de contribuer dans une moindre mesure à la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels que ce candidat. Par ailleurs, la programmation musicale proposée par 100% Souvenirs est en partie représentée dans la zone et s'avère ainsi susceptible de compléter de façon moins satisfaisante l'offre radiophonique de la zone et de répondre dans une moindre mesure à l'intérêt du public que celle de TSF Jazz, candidat retenu en catégorie D, dont la programmation musicale thématique consacrée au jazz est plus originale dans la zone. En effet, la programmation musicale de 100 % Souvenirs, notamment axée sur la variété des années 1950 à 1980, est au moins en partie représentée par celle de Nostalgie, service autorisé à Tarbes avant l'appel ".

6. Il ressort des pièces du dossier que l'une des deux fréquences disponibles faisant l'objet de l'appel à candidatures dans la zone de Tarbes était auparavant attribuée à l'association PicFM pour son service de radio du même nom en catégorie A qui s'adressait aux seniors avant que celle-ci ne restitue au CSA son autorisation d'émettre afin que la société Toujours jeunes, qui souhaitait reprendre le programme de PicFM sous le nom de 100 % Souvenirs, puisse présenter sa candidature en catégorie B. Toutefois, la circonstance que le programme de radio en cause était déjà diffusé dans la zone de Tarbes avant l'appel à candidatures ne saurait lui donner, pour ce seul motif, un droit à la délivrance d'une autorisation dans le cadre de l'appel à candidatures.

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la durée du programme d'intérêt local (PIL) du service de radio Inside était de 20h 24 et que ce programme concernait la zone de Pau dont il est originaire et la zone de Tarbes. La durée du PIL du service de radio 100 % Souvenirs était quant à elle de 18h 54 en semaine dont 2h 21 d'informations ou rubriques locales et 18h 36 le week-end dont 30 mn d'informations ou rubriques locales, avec un " décrochage spécifique " à la zone des Hautes Pyrénées (Tarbes, Lourdes, Arreau, Argelès-Gazost et Barèges) de 38 minutes 30 en semaine et 19 mn le week-end. La différence de durée des PIL de la radio Inside et de la radio 100 % Souvenirs, notamment d'une 1h 30 en semaine, ne revêt pas une importance telle, nonobstant la circonstance que 100 % Souvenirs n'aurait pas proposé un décrochage spécifique à la zone de Tarbes, que l'impératif de sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels aurait été méconnu par le CSA si celui-ci avait retenu la candidature de la SARL Toujours Jeunes. D'autre part, il est constant que la population âgée de plus de 60 ans est passée de 28,30 % en 2010 à 31,50 % en 2015 dans l'unité urbaine de Tarbes et que le programme de PicFM consacré à la variété avec 70 % de titres " gold ", à l'accordéon, à la chanson française, à des musiques régionales et à des artistes peu diffusés connaissait un réel succès d'audience auprès des seniors. En particulier, l'audience de Pic FM n'a cessé de croître depuis 2013 pour atteindre plus de 6,5 % en 2016-2017. En 2017, 74,1 % des seniors de 65 ans et plus écoutaient ce programme ainsi que 85 % des personnes retraitées, alors que ces mêmes catégories d'auditeurs atteignaient seulement 19,9 % et 20,3 % pour la radio Nostalgie. Comme il a été dit, la radio 100 % Souvenirs proposait le même programme que Pic FM en catégorie B et était la seule offre radiophonique dans la zone de Tarbes entièrement dédiée aux seniors de plus de 65 ans. Ainsi, au regard de la démographie locale et de l'offre radiophonique existante dans la zone de Tarbes et nonobstant la présence d'autres radios proposant de la chanson française et pouvant s'adresser à un public de plus de 60 ans comme Nostalgie et France Bleu Béarn et dans une moindre mesure TSF Jazz, et alors que la durée du PIL proposée par la société requérante était de 18 h 54 en semaine, le CSA a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en rejetant la candidature de la société Toujours Jeunes.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés à l'appui des conclusions à fin d'annulation de la décision du 13 juin 2018 du CSA rejetant la candidature de la société Toujours jeunes, que cette dernière est fondée à demander l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. L'annulation de la décision du CSA en date du 13 juin 2018 rejetant la candidature de la société Toujours jeunes dans la zone de Tarbes implique que le CSA réexamine la candidature que cette société a présentée dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle une fréquence se libérera dans la zone.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CSA une somme de 1 500 euros à verser à la société Toujours jeunes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 13 juin 2018 par laquelle le CSA a rejeté la candidature de la société Toujours jeunes est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au CSA de réexaminer la candidature de la société Toujours jeunes dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle une fréquence se libérera dans la zone.

Article 3 : Le CSA versera à la société Toujours jeunes une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Toujours jeunes est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Toujours jeunes, au Conseil supérieur de l'audiovisuel et à l'association Oxygène.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 avril 2019.

Le rapporteur,

V. LARSONNIERLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de la culture en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 18PA03188


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03188
Date de la décision : 18/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SALON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-04-18;18pa03188 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award