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29/05/2019 | FRANCE | N°18PA02444

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 29 mai 2019, 18PA02444


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Ets Keller a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1608407 du 22 mai 2018 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 juillet 2018 et 28 avr

il 2019, la société Ets Keller, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Ets Keller a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1608407 du 22 mai 2018 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 juillet 2018 et 28 avril 2019, la société Ets Keller, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1608407 du 22 mai 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été privée d'une garantie de procédure, dès lors que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires aurait dû être saisie en raison de la substitution de base légale opérée par l'administration dans sa décision de rejet de sa réclamation ;

- la minoration d'actif de l'exercice 2010 relative aux soldes des affaires C...et Debien est justifiée par une diminution du passif de son bilan à hauteur des montants de 10 450 euros pour l'affaireC..., et de 78 710 euros pour l'affaire Debien, et correspondait à des acomptes versés par ces clients sur des exercices antérieurs au 1er septembre 2007 ; pour déterminer le montant de la variation de l'actif net, le service vérificateur, qui a uniquement retenu l'inscription au crédit des comptes d'actif " en cours de production " de la somme de 24 967 euros considérée comme étant injustifiée, devait également tenir compte des écritures enregistrées en contrepartie au débit des comptes avances clients, la comptabilité étant enregistrée en partie double ;

- au 31 décembre 2010 l'en-cours de production de 24 966,62 euros concernant l'affaire C...ne correspondait plus à la réalité de l'exploitation depuis l'annulation de la vente par le Tribunal de grande instance de La Rochelle du 21 mars 2006, et a donc été annulé ; le principe de corrections symétriques faisait en tout état de cause échec à la rectification opérée par le service ;

- si les inscriptions au crédit des comptes d'en-cours de production "C..." et " Debien " ne sont pas justifiées, il y a lieu symétriquement de considérer que les inscriptions au débit des comptes d'avances 419100 et 393000, qui sont les contreparties comptables des inscriptions litigieuses, ne le sont pas également ;

- le principe des corrections symétriques faisait en tout état de cause échec à la rectification du service pour les deux montants en litige, l'administration n'étant pas fondée à remettre en cause les écritures fongibles antérieures au 1er janvier 2009 qui étaient couvertes par la prescription à la date de la proposition de rectification du 15 juin 2012 ;

- le passif regardé comme injustifié correspondant à une somme de 87 467 euros figurant à l'ouverture de cet exercice au compte 419 intitulé "avances et acomptes clients " est justifié ; cette somme correspond à des avances versées par le client " D... " dans le cadre d'un contrat signé en 2002 pour un montant global de 116 623 euros, et un litige étant né avec ce client, elle n'a pu solder cette opération en 2009 ; le bilan d'ouverture de l'exercice 2010 a été corrigé à concurrence de ce montant de 87 467 euros, sans correction du bilan de clôture de cet exercice, alors qu'en outre, ce montant n'est pas individualisé dans un compte avance client "D..." mais figure au passif du bilan dans un compte général " 419100 Clients avances " qui agrège de nombreuses écritures fongibles justifiant que ce montant de 87 467 euros ne se retrouve pas de bilan à bilan ; en vertu du 2 de l'article 38 du code général des impôts, le service n'était pas fondé à corriger la prétendue erreur affectant ce montant ; le bénéfice de l'exercice clos en 2010 dont le résultat doit servir de base à l'impôt est constitué par la différence entre la valeur de l'actif net au 31 décembre 2010 et au 1er janvier 2010 et doit donc être diminué de 87 457 euros ; elle est fondée à solliciter le bénéfice d'une compensation au titre de l'exercice 2010 de ce montant de 87 457 euros avec la minoration d'actif constatée au titre de l'exercice 2009 ;

- les provisions pour risques sont justifiées ;

- les diverses charges en litige comptabilisées en 2009 et 2010 sont justifiés et ont été engagées dans son intérêt ; le service n'a pas considéré que les sommes en cause étaient excessives ;

- les sommes inscrites en charges exceptionnelles de l'exercice 2007 correspondent à des abandons de créances consentis à sa filiale justifiés par son intérêt commercial, et par l'actif net de la filiale resté négatif en dépit de ces abandons de créance ; il s'agit d'abandons de créances à caractère financier consentis pour maintenir la valeur des parts sociales de sa filiale ;

- elle est fondée à se prévaloir de la doctrine administrative 4 A-2163 n° 19 et 20 et BOI-BIC-BASE-50-20-10-20130129 n° 110.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête, qui ne comporte aucun moyen relatif à la contestation de la réintégration de la somme de 10 473 euros à titre de charges exceptionnelles de l'exercice clos en 2009, est irrecevable à concurrence de ce montant ;

- les moyens soulevés par la société Ets Keller ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lescaut,

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Ets Keller, qui exerce une activité de marchand de biens et de réalisation d'opérations immobilières, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle elle a été assujettie à une cotisation primitive d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2009 majorée des intérêts de retard et d'une pénalité de 40 % pour manquement délibéré sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts, et à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2010, majorée des intérêts de retard et d'une pénalité de 10 % pour dépôt tardif de la déclaration, sur le fondement de l'article 1728 de ce même code. Elle relève appel du jugement en date du 22 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge en droits et pénalités de ces impositions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. La société Ets Keller soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, dès lors qu'il a rejeté ses moyens sans motivation en ce qui concerne les minorations d'actifs en litige dont elle soutenait qu'elles avaient été partiellement compensées par une diminution de passif, en raison de la comptabilité en partie double, en ce qui concerne le passif injustifié dont les premiers juges n'ont pas indiqué les motifs pour lesquels ils ont considéré que les pièces produites n'étaient pas probantes, en ce qui concerne les provisions pour risques qui étaient d'un montant supérieur à celui qui a été réintégré, et en ce qui concerne enfin celui tiré de la situation nette comptable de la société ayant bénéficié des abandons de créances. Le moyen de la société requérante doit cependant être écarté, dès lors que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les détails de l'argumentation présentée, a suffisamment motivé sa décision en ce qui concerne l'appréciation de l'absence de justifications des écritures de minorations d'actif, et de passif injustifié, du montant de la provision remise en cause alors que la société ne tirait aucune conséquence de ce que la provision avait été initialement comptabilisée au cours d'exercices antérieurs aux exercices vérifiés, et en ce qui concerne enfin l'appréciation de l'absence d'intérêts pour la société à consentir les abandons de créance en litige.

4. En second lieu, il résulte du point 8 du jugement attaqué que, contrairement à ce que la société fait valoir, le tribunal s'est prononcé sur la remise en cause de la déduction des abonnements de rugby.

5. Elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier pour ces motifs.

Sur les conclusions à fin de décharge :

6. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ".

En ce qui concerne les minorations d'actif :

7. Le vérificateur a constaté une diminution des stocks inscrits à l'actif de son bilan de l'exercice 2010 correspondant à deux soldes d'opérations intitulées " affaireC... ", pour un montant de 24 967 euros, et " affaire Debien ", pour un montant de 86 176 euros. La société n'ayant pas justifié ces diminutions de stock, le service a donc rapporté au résultat imposable de la société au titre de cet exercice la somme totale de 111 143 euros.

8. Pour justifier la diminution du stock correspondant à l'opération dénommée " affaireC... ", la société Ets Keller soutient que la vente relative à ce client a été annulée par le Tribunal de grande instance de La Rochelle par un jugement du 21 mars 2006, et que cet en-cours de production a fait l'objet d'une annulation dans ses comptes à la clôture de l'exercice 2010, le principe des corrections symétriques faisant en tout état de cause échec à la rectification opérée par le service. Si la société requérante a été condamnée par le Tribunal à verser à Mme C...la somme de 14 030,09 euros, elle n'apporte toutefois aucun élément permettant d'établir une corrélation entre le montant de cette condamnation et celui de 24 967 euros constaté en " A nouveau " sur le compte de stock à l'ouverture de l'exercice 2007, en se bornant à faire état sans plus de précision, de pourparlers qui auraient été engagés postérieurement à la notification de ce jugement.

9. La société Ets Keller se prévaut, s'agissant du compte intitulé " affaire Debien ", du contrat de vente passé avec ce client, et des dépenses inscrites sur les journaux provisoires produits au dossier pour la période du 3 mars 2001 au 5 février 2002, faisant apparaître des dépenses de construction pour cette opération. Ces documents sont toutefois insuffisants à justifier l'écriture de minoration d'actif en litige à défaut de produire les factures correspondant aux travaux réalisés et faute de concordance entre le montant de 86 176 euros inscrit en en-cours de production à l'ouverture de l'exercice 2008, et le solde de 82 644,51 euros du compte 335081000 intitulé " Laurent Debien " arrêté au 23 octobre 2002. La société ne saurait à cet égard faire sérieusement valoir que les écritures ne se reportent pas exactement de bilan à bilan, sans justifier d'éléments autorisant une différence entre les écritures de clôture et d'ouverture des exercices. Si la société fait également valoir qu'aucune livraison n'ayant pu être effectuée en raison de l'abandon de ce chantier, elle n'en justifie pas. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a considéré que les minorations d'actifs en litige n'étaient pas justifiées.

10. La société requérante soutient également que le service ne pouvait retenir les seuls montants inscrits au crédit des comptes d'actif " en cours de production " des sommes de 24 967 euros et de 86 176 euros considérées comme étant injustifiées, sans tenir compte des écritures enregistrées en contrepartie au passif de son bilan, au débit des comptes d'avances clients, la comptabilité étant enregistrée en partie double, de sorte que le rehaussement aurait dû porter sur les variations de l'actif net de son bilan de 286,35 euros pour le solde de l'opération intitulée " affaireC... ", et de la diminution du passif net de 7 967 euros pour le solde de l'opération intitulée " affaire Debien ". Elle fait à cet égard valoir que cette diminution des stocks a nécessairement été contrebalancée dans ses écritures par une diminution du passif de la société à hauteur des montants de 10 450 euros pour l'affaireC..., et de 78 710 euros pour l'affaire Debien, correspondant aux acomptes versés par ces clients sur des exercices antérieurs au 1er septembre 2007, dès lors que ces acomptes étaient enregistrés en " avances clients " dans le compte 419100 durant la réalisation des travaux de construction des biens vendus. Toutefois, à défaut de justifier des écritures passées au crédit des comptes d'actifs de son bilan pour les montants en litige, la société, qui ne produit aucun élément autorisant une différence entre les écritures de clôture et d'ouverture des exercices, ne peut utilement se prévaloir du principe d'enregistrement en partie double de sa comptabilité. Par ailleurs, à supposer qu'elle ait entendu solliciter une compensation, une telle demande ne pourra qu'être rejetée, dès lors que la société n'est pas fondée à en solliciter le bénéfice entre la minoration d'actif constatée et les écritures comptabilisées en charges et produits du compte de résultat. Enfin, pour les motifs exposés au point précédent, la société Ets Keller n'est pas fondée à se prévaloir du caractère fongible des écritures enregistrées dans les comptes intitulés " en cours de production " à l'actif de son bilan pour contester la réintégration au résultat de l'exercice clos en 2010 des montants de 24 967 euros et de 86 176 euros.

En ce qui concerne le passif injustifié :

11. Il appartient au contribuable, pour l'application des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts précitées, de justifier l'inscription d'une dette au passif du bilan de son entreprise.

12. Le service vérificateur a relevé qu'au 31 décembre 2009, le compte de passif n° 419 intitulé " avances et acomptes clients " faisait apparaître un solde de 87 467 euros provenant d'un " report à nouveau " au 1er janvier 2009, qu'elle a réintégré au résultat de l'exercice 2009, premier exercice non prescrit. La société Ets Keller soutient que cette somme correspond aux avances d'un montant de 87 468 euros versées par un client dénommé " D... " dans le cadre d'un contrat signé en 2002, dont l'opération n'a pu être soldée en raison d'un litige né avec ce client. Le contrat de vente signé le 28 janvier 2002 de construction d'une maison individuelle et l'assignation en référé datée du 14 septembre 2004 de ce client en vue de procéder aux travaux permettant de lever les réserves qui avaient été émises ne permettent toutefois pas, au vu des seules précisions qu'ils comportent, de justifier ce passif dès lors que si l'assignation en référé fait état d'une somme de 9 545,06 euros à devoir à M.D..., elle ne corrobore qu'une obligation pour la société Ets Keller de lever des réserves, et ne remet pas en cause la vente conclue avec ce client. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a considéré que le passif regardé comme injustifié correspondant à une somme de 87 467 euros n'était pas justifié.

13. La société requérante soutient que le bilan d'ouverture de l'exercice 2010 ayant été corrigé à concurrence du solde de 87 467 euros, sans correction du bilan de clôture de ce même exercice, elle est fondée à solliciter le bénéfice d'une compensation au titre de l'exercice 2010 entre ce montant et le passif injustifié constaté au titre de l'exercice 2009. Sa demande ne peut cependant qu'être rejetée s'agissant de deux exercices différents, alors qu'en tout état de cause, elle n'apporte pas, à l'appui de sa demande de compensation, la justification des sommes à raison desquelles elle aurait été surtaxée, en se bornant à soutenir que le solde de 87 467 euros enregistré en " report à nouveau " au 1er janvier 2009 n'est pas individualisé dans un compte avance client "D...", mais figure au passif de son bilan dans un compte général " 419100 Clients avances " qui agrège de nombreuses écritures fongibles justifiant que ce montant ne soit pas reporté pour ce montant de bilan à bilan.

14. La société Ets Keller est en revanche fondée à soutenir qu'en vertu des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts, le bilan d'ouverture de l'exercice 2010 ne pouvait être corrigé à concurrence de ce solde de 87 467 euros sans correction du bilan de clôture de ce même exercice à hauteur de ce montant. Elle est, par suite, fondée à demander la réduction, en droits et pénalités, de la cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2010 procédant de l'exclusion de la base imposable de cet exercice de la somme de 87 467 euros.

En ce qui concerne la réintégration de diverses charges et provisions :

S'agissant de la réintégration des provisions pour risques au titre des deux exercices 2009 et 2010 :

15. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5 notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ".

16. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice le montant des charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de la clôture, et qu'elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.

17. Il résulte de l'instruction que le service a respectivement réintégré dans le résultat des exercices clos en 2009 et en 2010 la somme de 18 000 euros libellée " syndicat Ré GC " et " honoraires avocats huissiers " comptabilisée au passif du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit 2009, et la somme de 16 000 euros libellée " B...sur lot Littoral Aménageur Foncier " correspondant à des provisions pour risques.

18. Pour établir l'existence d'un risque aux dates de comptabilisation de la provision de 18 000 euros libellée " syndicat Ré GC " et " honoraires avocats huissiers ", la société se prévaut d'un litige né en 2004 avec ce syndicat, et soutient qu'elle a été constituée antérieurement à l'exercice 2007 pour un montant de 33 600 euros, ce dont elle ne justifie pas en l'absence de production de pièce de nature à établir la date et l'évaluation de cette provision. En se bornant, en effet, à faire état d'un protocole d'accord transactionnel conclu le 20 février 2008 non produit à l'instance, et d'un jugement du Tribunal de grande instance de la Rochelle du 5 août 2011, et à défaut d'apporter le moindre élément sur le litige qui l'opposait au syndicat de copropriétaires lors de la constitution de cette provision, la société requérante ne justifie pas la provision constituée pour un montant de 18 000 euros à la clôture de l'exercice 2009. C'est, par suite, à bon droit, que l'administration a réintégré le montant de cette provision au résultat de cet exercice.

19. La société Ets Keller fait valoir que la somme de 16 000 euros correspond à une provision pour un litige avec sa cliente, MmeB..., dès lors qu'elle a été assignée en référé devant le même tribunal de la Rochelle au mois de juillet 2009 en vue d'obtenir la désignation d'un expert judiciaire. En se bornant, toutefois, à produire l'assignation du 9 juin 2011, la société, qui ne produit ni l'assignation en référé datant de 2009, ni la désignation judiciaire de l'expert intervenue au cours de l'exercice 2009, et n'apporte aucune explication ni élément sur la procédure suivie devant le juge en réparation des dommages subis par sa cliente, ne justifie pas la provision en litige de 16 000 euros à la clôture de l'exercice 2010. Si elle fait également valoir que le montant de la provision a été défini en accord avec l'expert nommé par le tribunal, et correspondrait, selon ses allégations, à la moitié du coût estimé pour la réalisation de travaux, elle n'en justifie pas. La perte n'étant dans ces conditions pas nettement précisée à la clôture de l'exercice 2010, c'est à bon droit que l'administration a réintégré le montant de la provision de 16 000 euros au résultat de cet exercice.

S'agissant des charges déductibles au titre des exercices 2009 et 2010 :

20. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, dont l'article 209 étend le champ d'application à l'assiette de l'impôt sur les sociétés, " I- Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature ". Pour être admis en déduction des bénéfices imposables les frais et charges doivent, d'une manière générale, être exposés dans l'intérêt direct de l'exploitation ou se rattacher à la gestion normale de l'entreprise, correspondre à une charge effective, être appuyés de justifications suffisantes et être compris dans les charges de l'exercice au cours duquel ils ont été engagés.

21. Il résulte de l'instruction que le service a réintégré au résultat imposable de l'exercice clos en 2009 une somme de 3 000 euros correspondant à des achats de chèques cadeaux au motif qu'ils n'ont pas été engagés dans l'intérêt de la société. Si elle soutient que ces chèques cadeaux ont été offerts en contrepartie d'apports d'affaires, elle n'en justifie pas par la seule production de deux attestations établies en 2011 par leurs bénéficiaires. La circonstance que l'administration a estimé que leur montant n'était pas excessif est à cet égard sans incidence.

22. La société Ets Keller conteste également la réintégration dans ses charges de l'exercice 2010 de trois abonnements à des matchs de rugby d'un montant total de 2 683 euros, dont elle soutient qu'ils ont été offerts à des clients et partenaires pour promouvoir son image de marque. L'engagement de ces dépenses dans l'intérêt de l'entreprise n'est cependant pas établi par cette explication très générale, au demeurant non démontrée, de la promotion de l'image de marque de l'entreprise, qui ne peut, par ailleurs, utilement se prévaloir de la circonstance que le service a regardé ces dépenses comme n'étant pas excessives.

23. La société Ets Keller n'est pas fondée à invoquer la doctrine administrative 4C-457, paragraphe 4 du 30 octobre 1997 reprise au BOI-BIC-CHG-40-60-30-20120912 qui ne donne de la loi fiscale aucune interprétation différente de celle dont est fait application par le présent arrêt.

S'agissant des charges exceptionnelles non justifiées :

24. La société ne présente aucun moyen de contestation de la réintégration à son résultat imposable de l'exercice clos en 2009 de la somme de 10 473 euros comptabilisée en charges exceptionnelles et libellée en " frais payés litige Baudet ", et ne justifie pas le caractère déductible de ces charges exceptionnelles. C'est, dès lors, à bon droit que le service vérificateur a remis en cause la déductibilité de cette somme au titre de cet exercice.

En ce qui concerne les abandons de créances :

25. En vertu de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu du I de l'article 209 du même code, le bénéfice imposable est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale et que les renonciations à recettes et abandons de créances consentis par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. Cette règle doit recevoir application même si le bénéficiaire de ces avances est une filiale, hormis le cas où la situation des deux sociétés serait telle que la société mère puisse être regardée comme ayant agi dans son propre intérêt en venant en aide à une filiale en difficulté. A cet égard, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que les avantages octroyés par une entreprise à un tiers constituent un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties. Dans l'hypothèse où l'entreprise s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration d'apporter la preuve que cet avantage est, contrairement à ce que soutient l'entreprise, dépourvu de contrepartie, qu'il a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour l'entreprise ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

26. Il ressort des mentions de la proposition de rectification adressée à la société Ets Keller que le service a constaté qu'elle avait comptabilisé en charges exceptionnelles au cours de l'exercice 2007 les abandons de créances consenties pour des montants de 75 000 euros et de 30 000 euros à l'Agence des Deux Tours, qui exerce une activité d'agence immobilière, et dont elle détient 49 % des parts sociales. Le service a considéré qu'en l'absence de justification par la contribuable de ces écritures et en particulier de l'existence pour elle d'une contrepartie aux abandons de créances ainsi accordés, que ceux-ci ne procédaient pas d'une gestion commerciale normale, dès lors qu'aucun lien commercial n'avait pu être établi entre les deux sociétés. Le service a, en conséquence, rapporté au résultat de l'exercice clos en 2009, le montant de ces abandons de créance imputés sur le déficit de l'exercice 2009 à hauteur de la somme de 105 000 euros.

27. Il résulte de la décision de rejet du 8 avril 2016, que l'administration s'est fondée, contrairement à ce que soutient la société requérante, sur l'acte anormal de gestion en relevant l'absence de relations commerciales entre les deux sociétés, dès lors que la société n'établissait pas que l'Agence des Deux Tours avait vendu ou mis en location des biens immobiliers lui appartenant. La société Ets Keller n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que l'administration aurait procédé à une substitution de motifs ayant eu pour effet de porter atteinte au principe du respect des droits de la défense.

28. Pour contester la réintégration dans son résultat imposable de l'exercice 2009 des sommes inscrites en charges exceptionnelles de l'exercice 2007 correspondant aux abandons de créances consenties à sa filiale, la société Ets Keller soutient qu'elle avait un intérêt commercial à consentir les abandons de créances en litige, dès lors qu'elles avaient pour objet de maintenir son activité et celle de la société civile immobilière Louis Marine II dont elle détient 99 % des parts sociales, en préservant leur volume de vente à travers la gestion locative des biens vendus qui revêtait un caractère complémentaire par rapport à son activité de marchand de biens et de constructeur immobilier. Toutefois, ces circonstances, à supposer même qu'elles puissent justifier la décision de la société de consentir ces abandons de créances, ne permettent pas d'établir qu'elle avait un intérêt propre à renoncer au recouvrement de sa créance. En effet, et alors que le service a constaté lors des opérations de contrôle que l'Agence des Deux Tours n'avait ni vendu, ni mis en location les biens immobiliers de la société Ets Keller, le contrat de vente en l'état futur d'achèvement produit ne démontre aucunement l'existence de relations commerciales avec l'Agence des Deux Tours, pas plus qu'il n'établit la complémentarité d'activité alléguée s'agissant d'un contrat type, et compte tenu du choix laissé à l'investisseur de recourir soit aux services de l'Agence des Deux Tours, soit à ceux de toute autre société, pour la mise en location des maisons commercialisées sous l'enseigne Azur Promotion. En outre, ainsi que le fait valoir le ministre en défense, celle-ci ne justifie ni le nombre de ses clients ayant eu recours aux services de cette agence immobilière, ni le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé avec des clients qui ont également eu recours aux prestations de service fournies par l'Agence des Deux Tours, alors qu'elle n'avait enregistré dans sa comptabilité des deux exercices 2009 et 2010 aucun versement de commissions à sa filiale. Dans ces conditions, et alors que le résultat de l'Agence des Deux Tours est resté déficitaire sur les deux exercices en litige, le montant des abandons de créances consenties à l'Agence des Deux Tours pour un montant total de 105 000 euros était manifestement disproportionné par rapport à l'avantage commercial qui en a résulté pour elle. Par suite, l'abandon du recouvrement de ces créances ne procédait pas d'une gestion commerciale normale.

29. Elle fait, par ailleurs, valoir qu'elle avait un intérêt propre à consentir à l'Agence des Deux Tours les abandons de créances litigieux justifiés par les difficultés financières rencontrées par sa filiale, et qu'elle n'a pas commis d'acte anormal de gestion en décidant de réduire la situation nette négative de la société Agence des Deux Tours, laquelle est restée négative sur les deux exercices clos en 2009 et 2010, en dépit des abandons de créances consentis. La société Ets Keller produit deux extraits du grand livre général de l'Agence des Deux Tours pour les périodes du 1er novembre 2006 au 31 octobre 2007 et du 1er novembre 2007 au 31 octobre 2008, et le bilan de cette société établi au titre de l'exercice clos au 31 octobre 2008 dont il résulte qu'en effet, après avoir consenti les deux abandons de créances enregistrés en produits exceptionnels de l'exercice 2007 pour les montants précités de 75 000 euros et de 30 000 euros, la situation nette du passif du bilan de la société Agence des Deux Tours au 31 octobre de l'exercice 2007, établie après affectation du résultat de l'exercice de 30 390 euros, est restée négative de 41 186 euros compte tenu du report à nouveau négatif de 74 076 euros. Il ressort également de ces documents que la situation nette négative était encore négative de 6 522 euros au 31 octobre 2008, en raison d'un report à nouveau négatif de 43 686 euros. La société requérante établit ainsi qu'elle avait un intérêt propre à apurer les déficits de cette filiale, et qu'elle n'a, dès lors, pas commis d'acte anormal de gestion en décidant de réduire cette situation nette négative par les abandons de créance auxquels elle a procédé. Elle est, dès lors, fondée à contester la réintégration dans son résultat imposable de l'exercice 2009 des sommes inscrites en charges exceptionnelles de l'exercice 2007 correspondant aux abandons de créances consenties à l'Agence des Deux Tours, et à demander la réduction, en droits et pénalités, de la cotisation d'impôt sur les sociétés établie au titre de l'exercice clos en 2009 procédant de la réintégration de ce montant de 105 000 euros dans le résultat de cet exercice.

30. Il résulte de tout ce qui précède que la société Ets Keller est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant, d'une part, à la réduction, en droits et pénalités, de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009 résultant de la réintégration au résultat de cet exercice de la somme de 105 000 euros, et d'autre part, à la réduction, en droits et pénalités, de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 résultant de l'exclusion de la base imposable de la somme de 87 467 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

31. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Les bases d'impositions à l'impôt sur les sociétés de la société Ets Keller seront réduites de la somme de 105 000 euros au titre de l'exercice clos en 2009, et de la somme de 87 467 euros au titre de l'exercice clos en 2010.

Article 2 : La société Ets Keller est déchargée, en droits et pénalités, des cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 correspondant à la réduction des bases d'imposition prononcée à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement n° 1608407 du 22 mai 2018 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à la société Ets Keller la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Ets Keller est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Ets Keller et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris (Pôle fiscal Paris 1).

Délibéré après l'audience du 9 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- Mme Lescaut, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 mai 2019.

Le rapporteur,

C. LESCAUTLe président,

S.-L. FORMERYLe greffier,

C. RENÉ-MINELa République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18PA02444


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