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19/12/2018 | FRANCE | N°18PA01750

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 19 décembre 2018, 18PA01750


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société World Investment Corporation a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer, à titre principal, la restitution totale du prélèvement qu'elle a acquitté sur la

plus-value de 1 802 280 euros réalisée lors de la cession, en juin 2008, d'un ensemble immobilier sis 32, boulevard Suchet à Paris (75016), et, à titre subsidiaire la restitution partielle de ce prélèvement.

Par un jugement n° 1300126/2-3 du 20 mars 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses dema

ndes.

Par un arrêt n° 14PA03269 du 17 novembre 2015, la Cour administrative d'appel de P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société World Investment Corporation a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer, à titre principal, la restitution totale du prélèvement qu'elle a acquitté sur la

plus-value de 1 802 280 euros réalisée lors de la cession, en juin 2008, d'un ensemble immobilier sis 32, boulevard Suchet à Paris (75016), et, à titre subsidiaire la restitution partielle de ce prélèvement.

Par un jugement n° 1300126/2-3 du 20 mars 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 14PA03269 du 17 novembre 2015, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.

Par une décision n° 398055 du 16 mai 2018, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Paris.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 juillet 2014 et 27 juillet 2018, la société World Investment Corporation, représentée par Me C...et par MeG..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300126/2-3 du 20 mars 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge du prélèvement litigieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'exerce pas d'activité lucrative ;

- elle doit être assimilée à une société de personnes non soumise à l'impôt sur les sociétés tant en raison de son activité, qui se limite à la détention d'un bien immobilier utilisé par ses seuls associés et leurs familles, que de sa forme.

Par des mémoires en défense enregistrés les 26 février 2015 et 12 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société World Investment Corporation ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 août 2018, la clôture d'instruction a été fixée au

17 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard, rapporteur,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public ;

- les observations de MeG..., pour la société World Investment Corporation.

1. Considérant que la société World Investment Corporation (WIC), établie dans l'Etat du Delaware aux Etats-Unis d'Amérique, a acquis en 1986 un bien immobilier composé de trois appartements, six chambres et trois emplacements de voiture sis 32 boulevard Suchet dans le 16ème arrondissement de Paris, qu'elle a revendu le 24 juin 2008 ; que la plus-value réalisée lors de cette cession, d'un montant imposable déclaré de 1 802 280 euros, a fait l'objet du prélèvement de 33,33 % prévu par le III de l'article 244 bis A du code général des impôts ; qu'à la déclaration de plus-value adressée à l'administration fiscale était annexée une réserve de la société WIC qui contestait être soumise à l'impôt sur la plus-value des sociétés commerciales ; qu'après rejet de sa réclamation, la société WIC a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande de restitution totale, ou subsidiairement partielle, du prélèvement versé au Trésor Public ; que la société WIC relève régulièrement appel du jugement n° 1300126/2-3 du Tribunal administratif de Paris du 20 mars 2014 qui a rejeté sa demande ;

2. Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article 244 bis A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I.- 1. Sous réserve des conventions internationales, les plus values, telles que définies aux e bis et e ter du I de l'article 164 B, réalisées par les personnes et organismes mentionnés au 2 du présent I lors de la cession des biens ou droits mentionnés au 3 sont soumises à un prélèvement selon le taux fixé au deuxième alinéa du I de l'article 219. (...) 2. Sont soumis au prélèvement mentionné au 1 : a) Les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B ; b) Les personnes morales ou organismes, quelle qu'en soit la forme, dont le siège social est situé hors de France (...) 3. Le prélèvement mentionné au 1 s'applique aux plus-values résultant de la cession : a) De biens immobiliers ou de droits portant sur ces biens (...) II. Lorsque le prélèvement mentionné au I est dû par des contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu, les plus-values sont déterminées selon les modalités définies : 1° Au I et aux 2° à 8° du II de l'article 150 U, aux II et III de l'article 150 UB et aux articles 150 V à 150 VE (...) III. Lorsque le prélèvement mentionné au I est dû par une personne morale assujettie à l'impôt sur les sociétés, les plus-values sont déterminées par différence entre, d'une part, le prix de cession du bien et, d'autre part, son prix d'acquisition, diminué pour les immeubles bâtis d'une somme égale à 2 % de son montant par année entière de détention. " ; qu'il résulte de ces dispositions que les personnes physiques et morales qui ne sont pas résidentes de France sont soumises au prélèvement qu'elles instituent sur les plus-values résultant de la cession des biens, parts, actions ou droits visés au 3. du I suivant des modalités qui diffèrent selon qu'elles relèveraient, si elles étaient résidentes de France, de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 206 du même code, dans sa rédaction applicable : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 8 ter, 239 bis AA et 1655 ter, sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues au IV de l'article 3 du décret n° 55 594 du 20 mai 1955 modifié, les sociétés coopératives et leurs unions ainsi que, sous réserve des dispositions des 6° et 6° bis du 1 de l'article 207, les établissements publics, les organismes de l'Etat jouissant de l'autonomie financière, les organismes des départements et des communes et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. " ;

4. Considérant, en premier lieu, que la société requérante fait valoir que la mise à disposition gratuite de cet immeuble, avant sa cession, au profit de Mme F...B...et de ses deux fils, MM. A...et E...D..., neveux de ses associés, n'était pas constitutive d'une activité lucrative ; que si les statuts hybrides de la société World Investment Corporation lui permettaient d'exercer des activités tant civiles que commerciales, il résulte de l'instruction que l'immeuble en litige était effectivement mis à disposition, gratuitement, de parents des associés de la société ; que cette activité ne présentait pas de caractère lucratif ; que si le ministre fait valoir que la société requérante n'apporte pas la preuve que ses activités se limitaient à une gestion patrimoniale de ce bien immobilier, il n'identifie aucune activité de la société susceptible de revêtir un caractère lucratif, tant dans le cadre de l'exploitation de l'immeuble susmentionné que dans un autre cadre ; qu'ainsi, et alors même que l'imposition a été établie conformément à la déclaration de l'intéressée, d'ailleurs assortie de réserves, la société requérante ne peut être regardée comme s'étant livrée à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante est une " corporation ", société de droit américain, et a été enregistrée en 1985 dans l'Etat du Delaware ; que si les statuts de la société indiquent que l'objet social concerne toutes les activités permises par la loi, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait été constituée pour une autre activité que la détention, à titre patrimonial, d'un bien immobilier ; qu'elle a été créée avec un faible capital social de départ et avec l'émission de titres répartis de façon égalitaire entre les membres d'une même famille ; que les titres sont nominatifs, les associés bénéficiant, en cas d'émission de nouvelles parts, d'un droit prioritaire de souscription ; que les dirigeants et les actionnaires sont responsables des dettes de la société ; que par suite, la société requérante ne saurait être assimilée à une société passible de l'impôt sur les sociétés en raison de sa forme sociale ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que la plus-value de cession réalisée a été taxée selon les modalités prévues au III de l'article 244 bis A du code général des impôts applicables aux sociétés relevant de l'impôt sur les sociétés ; que la société requérante est dès lors fondée à demander la décharge du prélèvement en cause ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de

2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La société World Investment Corporation est déchargée du prélèvement qu'elle a acquitté sur la plus-value de 1 802 280 euros réalisée lors de la cession, en juin 2008, d'un ensemble immobilier sis 32, boulevard Suchet à Paris (75016).

Article 2 : Le jugement n° 1300126/2-3 du 20 mars 2014 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à la société World Investment Corporation la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société World Investment Corporation et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 décembre 2018.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01750


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01750
Date de la décision : 19/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : HOCHE SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-19;18pa01750 ?
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