La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/11/2018 | FRANCE | N°18PA00504

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 15 novembre 2018, 18PA00504


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1602651/6-1 du 13 mai 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé à M. A...B...l'accès aux informations le concernant contenues dans les " fichiers des services de l'information générale " de son ministère, enjoint au ministre de communiquer à M. B...ces informations dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard et mis le versement de la somme de 1

500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1602651/6-1 du 13 mai 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé à M. A...B...l'accès aux informations le concernant contenues dans les " fichiers des services de l'information générale " de son ministère, enjoint au ministre de communiquer à M. B...ces informations dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard et mis le versement de la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1602651/6-2 du 12 décembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a liquidé l'astreinte au bénéfice de M. B...pour la somme de 3 650 euros et mis le versement de la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 février et le 25 septembre 2018, M. B..., représenté par Me Boukara, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1602651/6-2 du 12 décembre 2017 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a limité à 3 650 euros la part de l'astreinte à lui verser ;

2°) de fixer à 86 500 euros la part de l'astreinte à lui verser ;

3°) de mettre le versement de la somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement du 13 mai 2016 n'a pas été complètement exécuté dès lors que le ministre de l'intérieur, méconnaissant l'autorité de la chose jugée, a refusé, par une décision dépourvue de base légale puisqu'elle se fonde sur une circulaire réputée abrogée du fait de son absence de publication et prise en violation des droits de la défense, de lui communiquer les copies des documents qu'il a pu consulter ;

- compte tenu de l'inexécution persistante du jugement, le taux de l'astreinte doit être porté à 150 euros par jour de retard ;

- les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leur décision en tant qu'elle limite à 10 % de l'astreinte à lui verser ;

- dès lors que l'astreinte est liquidée à l'encontre de l'Etat, il y a lieu de lui verser intégralement l'astreinte à liquider.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par l'appelant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jardin,

- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,

- et les observations de Me Boukara, avocate de M.B....

Une note en délibéré, enregistrée le 2 novembre 2018, a été présentée par Me Boukara, pour M.B....

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Considérant que l'article L. 911-7 du code de justice administrative dispose : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-8 du même code : " La juridiction peut décider qu'une part de l'astreinte ne sera pas versée au requérant. Cette part est affectée au budget de l'État " ;

2. Considérant que par un jugement n° 1602651/6-1 du 13 mai 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé à M. B... l'accès aux informations le concernant contenues dans les " fichiers des services de l'information générale " de son ministère et enjoint au ministre de communiquer à M. B... ces informations dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a décidé que le ministre n'avait exécuté le jugement du 13 mai 2016 que le 17 août 2017, en a tiré les conséquences en liquidant à 36 500 euros le montant de l'astreinte pour la période du 17 août 2016 au 17 août 2017 et a fixé à 10 % du montant de cette somme la part de l'astreinte allouée à M.B... ; qu'en se référant aux circonstances de l'espèce, décrites dans le jugement, pour justifier ce pourcentage, les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision sur ce point ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant que l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 dispose : " (...) lorsqu'un traitement intéresse la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, le droit d'accès s'exerce dans les conditions prévues par le présent article pour l'ensemble des informations qu'il contient. / La demande est adressée à la commission qui désigne l'un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes pour mener les investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires. Celui-ci peut se faire assister d'un agent de la commission. Il est notifié au requérant qu'il a été procédé aux vérifications. / Lorsque la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, que la communication des données qui y sont contenues ne met pas en cause ses finalités, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, ces données peuvent être communiquées au requérant (...) " ; qu'aux termes de l'article 88 du décret du 20 octobre 2005 : " Aux termes de ses investigations, la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, celles des informations susceptibles d'être communiquées au demandeur dès lors que leur communication ne met pas en cause les finalités du traitement, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique. Elle transmet au demandeur ces informations. Le cas échéant, celles-ci sont communiquées selon des modalités définies d'un commun accord entre la commission et le responsable du traitement. / Lorsque le responsable du traitement s'oppose à la communication au demandeur de tout ou partie des informations le concernant, la commission l'informe qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / La commission peut constater, en accord avec le responsable du traitement, que les informations concernant le demandeur doivent être rectifiées ou supprimées et qu'il y a lieu de l'en informer. En cas d'opposition du responsable du traitement, la commission se borne à informer le demandeur qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / Lorsque le traitement ne contient aucune information concernant le demandeur, la commission informe celui-ci, avec l'accord du responsable du traitement. / En cas d'opposition du responsable du traitement, la commission se borne à informer le demandeur qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / La réponse de la commission mentionne les voies et délais de recours ouverts au demandeur. " ;

4. Considérant que lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule la décision du responsable du traitement refusant de communiquer au demandeur les informations le concernant au motif que la communication de ces informations n'est pas susceptible de mettre en cause les finalités du traitement, aucune disposition législative ou réglementaire n'autorise le gestionnaire du traitement à refuser au demandeur de délivrer une copie de ces informations ; que la circulaire INTC9300137C du 2 juin 1993, qui n'écarte pas de manière impérative la possibilité pour le demandeur d'obtenir des copies des pièces communicables de son dossier, ne saurait en tout état de cause fonder légalement un tel refus ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le préfet de la Haute-Vienne, département dans lequel M. B...était assigné à résidence, l'a convoqué à la préfecture pour le 17 août 2017 en vue de la communication des informations que l'administration était tenue de lui communiquer pour exécuter l'injonction dont le contenu a été rappelé au point 2 ; que l'avocat de M. B...a vainement demandé à plusieurs reprises la délivrance d'une copie de ces informations ; que, finalement, M. B...a pu consulter ces informations à la préfecture de la Haute-Vienne le 17 novembre 2017, sans pouvoir en obtenir une copie ; qu'il suit de ce qui a été dit au point 4 que l'administration n'a ainsi pas complètement exécuté le jugement du 13 mai 2016 ; qu'il y a lieu dès lors pour la Cour, d'une part, de procéder à la liquidation de l'astreinte pour la période allant du 17 août 2016 à la date de lecture du présent arrêt, sans en modifier le taux, à la somme totale de 82 000 euros, d'autre part, dans les circonstances de l'espèce, de fixer la part allouée à M. B...à 10 % de cette somme, soit 8 200 euros, enfin de faire injonction au ministre de l'intérieur de délivrer à M. B...une copie des documents qu'il a pu consulter le 17 novembre 2017, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous une astreinte de 200 euros par jour de retard ; qu'il y a en outre lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'astreinte prononcée à l'encontre du ministre de l'intérieur est liquidée au bénéfice de M. B...pour la somme de 8 200 euros.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. B...une copie des documents qu'il a pu consulter le 17 novembre 2017, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous une astreinte de 200 euros par jour de retard.

Article 3 : Le jugement n° 1602651/6-2 du 12 décembre 2017 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.

L'assesseur le plus ancien,

D. DALLELe président-rapporteur,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00504


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00504
Date de la décision : 15/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-06-07-01 Procédure. Jugements. Exécution des jugements. Astreinte.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Claude JARDIN
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : BOUKARA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-11-15;18pa00504 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award