Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La chambre de commerce et d'industrie (CCI) d'Ille-et-Vilaine, venant aux droits de la chambre de commerce et d'industrie territoriale (CCIT) de Saint-Malo Fougères, a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la résolution du marché de fourniture et de mise en service d'une grue automobile portuaire à câbles passé avec la société Treuils et Grues Labor, de condamner conjointement et solidairement d'une part la société Treuils et Grues Labor et la société Ascorel ainsi que leurs assureurs respectifs à lui payer les sommes de 522 120,01 euros HT, soit 624 455,52 euros TTC équivalent au remboursement du prix payé à la société Labor pour la fourniture et la mise en service de la grue au titre du marché, 7 010,00 euros HT, soit 8 383,96 euros TTC au titre des dépenses engagées auprès de la société Norisko pour le contrôle qualité de la grue, et d'autre part, ces mêmes sociétés ainsi que la société In Situ et son assureur à lui verser les sommes de 19 547,00 euros HT, soit 23 378,21 euros TTC correspondant à la somme engagée auprès de la société Saint Malo Hydraulique au titre du marché 2008/73, lot n°1, 58 265,85 euros HT, soit 69 685,96 euros TTC correspondant aux sommes engagées auprès de la société Ascorel au titre des commandes 070/0391 du 11 avril 2008 et 070/0835 du 7 juillet 2009, 17 342,94 euros HT, soit 20 951,61 euros TTC correspondant aux sommes engagées auprès de la société Ascorel pour les prestations réalisées par cette dernière dans le cadre des opérations d'expertise entre le 3 avril 2015 et le 29 février 2016, 50 009,01 euros TTC au titre du montant réclamé par la société Ascorel, 42 992,42 euros HT, soit 51 590,90 euros TTC correspondant à la somme engagée auprès de la société SNM en cours d'expertise judiciaire, 20 149 euros HT, soit 24 160,10 euros TTC correspondant aux sommes engagées auprès de son expert technique, 40 405 euros HT, soit 48 682,44 euros TTC au titre des frais d'expertise judiciaire engagés et tous autres dépens. Dans le cadre de la même instance, la société Ascorel a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de la CCIT de Saint-Malo Fougères à lui verser la somme de 50 009,01 euros TTC.
Par un jugement n° 1605318 du 29 mai 2018, le tribunal administratif de Rennes a condamné la société Treuils et Grues Labor à verser à la CCI d'Ille-et-Vilaine la somme de 239 775,79 euros TTC et la CCI d'Ille-et-Vilaine à verser à la société Ascorel la somme de 50 009,01 euros TTC, et a mis les frais d'expertise à la charge définitive de la société Treuils et Grues Labor.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2018, et des mémoires enregistrés les 26 mars 2019 et 29 mai 2019, dont le dernier n'a pas été communiqué, la société Treuils et Grues Labor, représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 31 mai 2018 en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre ;
2°) de rejeter les demandes indemnitaires dirigées contre elle ;
3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie d'Ille-et-Vilaine le versement à son profit d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le rapport d'expertise judiciaire remis le 26 juillet 2016, qui souffre de nombreuses insuffisances en tant notamment qu'il n'a pas de fondement technique ni n'éclaire sur l'origine et les causes des désordres allégués par la CCI, n'est d'aucune utilité ;
- elle n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles de nature à engager sa responsabilité, la société Ascorel, sous-traitant, étant seule responsable de la mauvaise exécution du marché initial et du marché passé pour la remise en état de fonctionnement de la grue ;
- la CCI ne justifie de l'existence d'aucun préjudice ;
- les frais d'expertise judiciaire ne peuvent être mis à sa charge dès lors que cette expertise n'a été d'aucune utilité au litige.
Par un mémoire, enregistré le 18 septembre 2018, et un mémoire récapitulatif enregistré le 5 mars 2019, la société Ascorel, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et des conclusions d'appel incident et provoqué présentées par la chambre de commerce et d'industrie d'Ille-et-Vilaine, et à ce que soit mise à la charge de la société Treuils et Grues Labor ou de toute partie perdante une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la cour est incompétente pour connaître d'une part des conclusions de l'appelante tendant à obtenir la garantie d'Ascorel au titre de la mauvaise exécution du marché initial conclu en 2004, d'autre part des demandes présentées en première instance par la CCIT de Saint-malo Fougères ;
- le rapport d'expertise judiciaire remis le 26 juillet 2016, qui souffre de nombreuses insuffisances en tant notamment qu'il n'a pas de fondement technique ni n'éclaire sur l'origine et les causes des désordres allégués par la CCI, est inexploitable et doit être écarté des débats ;
- en sa qualité de sous-traitant dans le cadre du marché initial conclu en 2004, sa responsabilité ne saurait être engagée à l'égard de la chambre de commerce et d'industrie Ille-et-Vilaine ; en toute hypothèse, elle n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles de nature à engager sa responsabilité ;
- la demande de la CCI tendant à obtenir la résolution du marché est irrecevable ;
- l'existence des préjudices allégués par la CCI n'est pas établie.
Par un mémoire, enregistré le 26 septembre 2018, la société MMA, venant aux droits de la société Compagnie Azur Assurances, représentée par MeH..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Treuils et Grues Labor une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient à titre principal que les demandes de la CCI dirigées contre elle sont portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, à titre subsidiaire qu'elles ne sont pas fondées.
Par un mémoire, enregistré le 23 janvier 2019, la société Axa France Iard, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la CCIT Saint-Malo Fougères une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la société requérante ne dirige aucune de ses conclusions contre elle et qu'en toute hypothèse, les demandes de la CCI dirigées contre elle sont portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2019, la chambre de commerce et d'industrie d'Ille-et-Vilaine, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident et provoqué, demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses demandes et de rejeter la demande reconventionnelle de la société Ascorel.
Elle soutient que :
- la société Labor n'a pas rempli ses engagements contractuels dès lors que la grue objet du marché n'a jamais fonctionné ;
- la responsabilité contractuelle de la société Ascorel est engagée dès lors que cette société n'a pas été en mesure de mettre en fonctionnement la partie automate de la grue et le système " contrôleur état de charge " ;
- la responsabilité contractuelle de la société In Situ, qui n'a pas été en mesure de mettre au point la grue, est également engagée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2019, la société In Situ et la société Allianz Iard, représentées par MeJ..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la CCIT Saint-Malo Fougères ou de toute partie perdante une somme de 10 000 euros à verser à la société In Situ en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les demandes de la CCI dirigées contre la société Allianz Iard sont portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, et subsidiairement, elles ne sont pas fondées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Besse, rapporteur ;
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la Société Treuils et Grues Labor, de Me B...pour la CCI d'Ille-et-Vilaine, de Me D...pour la Société Ascorel, de Me I...pour les sociétés In Situ et Allianz Iard, de Me E...pour la société MMA et de Me C...pour la société Axa France Iard.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 7 janvier 2004, la chambre de commerce et d'industrie (CCI) du Pays de Saint-Malo, aux droits de laquelle vient la CCI d'Ille-et-Vilaine, a confié à la société Treuils et Grues Labor un marché portant sur la fourniture et la mise en service d'une grue automobile portuaire à câbles pour un montant de 687 000 euros HT. L'acte d'engagement fixait un délai contractuel de dix mois, hors congés, correspondant à une date de livraison de la grue au plus tard le 13 décembre 2004. La société Treuils et Grues Labor a sous-traité auprès de la société Ascorel la fourniture et l'installation sur la grue d'un système de contrôle/commande et d'un contrôleur d'état de charges (CEC). La CCI du Pays de Saint-Malo a procédé à la réception provisoire, avec des réserves, le 11 avril 2007. À la suite de mises en demeure restées infructueuses adressées à la société Treuils et Grues Labor afin qu'elle remédie aux dysfonctionnements affectant la grue, la CCI du Pays de Saint-Malo a notifié à la société, le 28 novembre 2007, sa décision de faire procéder à l'exécution du marché à ses frais et risques par un autre prestataire. À cet effet, la CCI a conclu le 28 janvier 2008 un marché avec la société In Situ, portant sur une mission d'expertise technique de la grue. En exécution de ce marché, la société In Situ a remis un rapport le 23 juillet 2008 proposant les modifications qu'elle estimait nécessaire d'apporter à la grue pour permettre sa mise en service. La CCI a alors conclu un marché portant sur des " travaux de remise en état de fonctionnement d'une grue mobile portuaire ". Le lot n° 1 " Hydraulique " a été confié à la société Saint-Malo Hydraulique le 12 décembre 2008, pour un montant de 19 547 euros HT, et le lot n° 2 " Automatisme " a été confié à la société Ascorel, le 21 novembre 2008, pour un montant de 63 071 euros HT. En dépit des tentatives de remise en état de fonctionnement de la grue dans le cadre de ce marché, celle-ci n'a jamais pu être mise en service. Par une décision du 4 janvier 2012, la CCI d'Ille-et-Vilaine a procédé à la résiliation pour fautes du marché passé avec la société Treuils et Grues Labor le 7 janvier 2004. Le 6 février 2012, le président du tribunal administratif de Rennes, à la demande de la CCI, a désigné un expert qui a remis son rapport le 26 juillet 2016. La CCI du Pays de Saint-Malo, aux droits de laquelle sont successivement venues la CCI territoriale (CCIT) Saint-Malo Fougères puis la CCI d'Ille-et-Vilaine, a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de prononcer la résolution du marché de fourniture et de mise en service conclu avec la société Treuils et Grues Labor, d'autre part, de condamner conjointement et solidairement les sociétés Treuils et Grues Labor et Ascorel, ainsi que leurs assureurs respectifs, à l'indemniser des préjudices résultant de la mauvaise exécution de ce marché, enfin, de condamner ces mêmes sociétés ainsi que la société In Situ et son assureur en raison de la mauvaise exécution des marchés conclus respectivement les 28 janvier 2008, 21 novembre 2008 et 12 décembre 2008. Par un jugement du 29 mai 2018, le tribunal administratif de Rennes a condamné la seule société Treuils et Grues Labor à verser à la CCI d'Ille-et-Vilaine la somme de 239 775,79 euros TTC, correspondant aux dépenses engagées par celle-ci auprès de la société Saint Malo Hydraulique au titre du marché du 12 décembre 2008, auprès de la société Ascorel au titre des commandes des 11 avril 2008 et 7 juillet 2009, aux prestations réalisées par cette dernière dans le cadre des opérations d'expertise réalisées entre le 3 avril 2015 et le 29 février 2016, et aux travaux supplémentaires exécutés à la demande de la CCI, auprès de la société SNM en cours d'expertise judiciaire et auprès de son expert technique. Le tribunal a par ailleurs mis les frais d'expertise judiciaire à la charge définitive de la société Treuils et Grue Labor, et fait droit aux conclusions reconventionnelles présentées par la société Ascorel en condamnant la CCIT de Saint-Malo Fougères à verser à cette dernière la somme de 50 009,01 euros TTC représentant le coût des travaux supplémentaires dont la CCI ne s'était pas acquittée. La société Treuils et Grues Labor relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre. Par la voie de l'appel incident, la CCI d'Ille-et-Vilaine demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses demandes.
Sur l'appel principal de la société Treuils et Grue Labor :
2. En premier lieu, même si le rapport d'expertise judiciaire remis le 26 juillet 2016 se borne pour une large part à reprendre à son compte les constats et l'analyse des dysfonctionnements effectués par la société In Situ au terme de sa mission d'expertise technique de la grue réalisée en 2008, l'expert, après avoir relevé que la société Labor a livré une grue qui n'est pas compatible avec un usage portuaire et qui n'a jamais fonctionné, conclut que les défauts constatés ne sont pas liés à un défaut d'entretien mais résultent de toute évidence de problèmes de conception, auxquels seul le remplacement de la grue pourrait remédier. Contrairement à ce que soutient la société Treuils et Grue Labor, il ne résulte pas de l'instruction que ce rapport souffre d'insuffisances de nature à justifier qu'il soit écarté des débats.
3. En deuxième lieu, en l'absence de clause prévue à cet effet, seule une faute d'une gravité suffisante est de nature à justifier la résiliation d'un marché public aux torts exclusifs de son titulaire.
4. Il résulte de l'instruction, notamment de l'" état des lieux après essais " réalisé en 2008 par la société In Situ dans le cadre de sa mission d'expertise technique de la grue, dont l'expert judiciaire confirme les constats, que dès le stade de sa livraison, la grue présentait de multiples dysfonctionnements affectant gravement, notamment, les fonctions " levage ", " translation ", " relevage cabine ", ainsi que la direction de l'engin et le fonctionnement de la benne. Ainsi, en fournissant à la CCI du Pays de Saint-Malo, avec plus de deux ans de retard par rapport à la date de livraison prévue le 13 décembre 2004, une grue dont la mise en service n'a jamais pu intervenir en raison de graves vices de conception, la société Treuils et Grues Labor, qui n'a pas exécuté les prestations objet du marché dont elle était titulaire, a commis une faute d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du marché à ses torts exclusifs, sans qu'y fasse obstacle le délai de cinq ans qui s'est écoulé entre la date de réception de la grue et celle de la décision de résiliation.
5. En troisième lieu, la société requérante ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 36.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services (CCAG-FCS) approuvé par arrêté du 19 janvier 2009, pour soutenir que les conditions prévues par ces stipulations pour procéder à une exécution du marché à ses frais et risques n'étaient pas réunies, dès lors que le marché litigieux, conclu le 7 janvier 2004, relevait de l'application du CCAG-FCS du 27 mai 1977.
6. En quatrième lieu, la société Treuils et Grue Labor, qui doit répondre vis-à-vis du maître d'ouvrage des fautes de son sous-traitant, ne saurait utilement soutenir, pour s'exonérer de sa responsabilité dans la mauvaise exécution du marché dont elle était titulaire, que la société Ascorel, en sa qualité de sous-traitant chargée de lui fournir et d'installer sur la grue un système de contrôle/commande et un contrôleur d'état de charges, serait seule responsable de cette mauvaise exécution du contrat.
7. En dernier lieu, la société Treuils et Grue Labor soutient que les préjudices que le tribunal l'a condamnée à réparer ne sont ni établis ni justifiés. Toutefois, il résulte de l'instruction que la CCI justifie avoir exposé, en raison des fautes imputables à la requérante qui n'a pas rempli ses obligations contractuelles consistant en la fourniture et la mise en service d'une grue en état de fonctionnement, des frais en pure perte en vue de remédier aux dysfonctionnements de la grue et de permettre son fonctionnement. Ainsi que l'a estimé à bon droit le tribunal, ces frais correspondent à la somme de 23 378,21 euros TTC engagée auprès de la société Saint Malo Hydraulique au titre du marché conclu le 12 décembre 2008, aux sommes de 69 685,96 euros TTC et 20 951,61 euros TTC engagées auprès de la société Ascorel respectivement au titre des commandes des 11 avril 2008 et 7 juillet 2009 et pour les prestations réalisées par cette société dans le cadre des opérations d'expertise, qui n'ont pas été inutiles, entre le 3 avril 2015 et le 29 février 2016, à la somme de 50 009,01 euros TTC due par la CCI au titre des travaux supplémentaires exécutés à sa demande par la société Ascorel, à la somme de 51 590,90 euros TTC engagée auprès de la société SNM en cours d'expertise judiciaire correspondant aux factures acquittées du 10 novembre 2015 au 14 mars 2016, et à la somme de 24 160,10 euros TTC correspondant aux sommes engagées auprès de son expert technique dont il n'est pas démontré que les prestations qu'il a fournies n'auraient pas été utiles à l'expertise judiciaire.
8. Il résulte de tout de ce qui précède que la société Treuils et Grues Labor n'est pas fondée à soutenir, par les moyens qu'elle invoque, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser à la CCI d'Ille-et-Vilaine une indemnité de 239 775,79 euros TTC.
Sur les conclusions d'appel incident et provoqué de la CCI d'Ille-et-Vilaine :
9. En premier lieu, il n'appartient qu'aux juridictions judiciaires de connaître des actions tendant au paiement des sommes dues par un assureur au titre de ses obligations de droit privé et à raison du fait dommageable commis par son assuré, alors même que l'appréciation de la responsabilité de cet assuré dans la réalisation du fait dommageable relève du juge administratif. En conséquence, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 3 de son jugement, de rejeter comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions de la CCI d'Ille-et-Vilaine dirigées contre la société d'assurance MMA, en sa qualité d'assureur de la société Treuils et Grues Labor, la société d'assurance Axa France lard, en sa qualité d'assureur de la société Ascorel, et la société d'assurance Allianz lard, en sa qualité d'assureur de la société In Situ.
10. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 8 du présent arrêt que la situation de la CCI d'Ille-et-Vilaine n'est pas aggravée par l'appel principal de la société Treuils et Grues Labor par rapport à ce qui résultait du jugement attaqué du tribunal administratif de Rennes. Par suite, ses conclusions d'appel provoqué tendant d'une part à remettre en cause sa condamnation à indemniser la société Ascorel à hauteur de 50 009,01 euros TTC et d'autre part à la condamnation conjointe et solidaire de la société In Situ doivent être rejetées comme irrecevables.
11. En troisième lieu, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.
12. Les conclusions présentées par la CCI d'Ille-et-Vilaine tendant au prononcé de la résolution du marché conclu avec la société Treuils et Grues Labor le 7 janvier 2004 doivent être regardées comme tendant à l'annulation de ce contrat. Or, la CCI d'Ille-et-Vilaine n'invoque au soutien de ces conclusions aucune irrégularité qui confèrerait un caractère illicite au contenu du contrat en cause ni aucun vice d'une particulière gravité susceptible d'affecter notamment les conditions dans lesquelles la CCI aurait consenti à ce marché. Par suite, les conclusions à fin d'annulation du marché doivent être rejetées.
14. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction, notamment des constats effectués en 2008 par la société In Situ dans le cadre de sa mission d'expertise technique de la grue et confirmés par l'expert judiciaire, que la grue fournie à la CCI par la société Treuils et Grues Labor, avec plus de deux ans de retard par rapport à la date de livraison contractuellement prévue, présentait de nombreux dysfonctionnement résultant de vices de conception qui ont rendu sa mise en service impossible, en dépit même des essais ultérieurs en ce sens. Dans ces conditions, en livrant une grue hors d'état de fonctionner, la société Treuils et Grues Labor n'a pas exécuté les prestations de fourniture et de mise en service d'une grue automobile portuaire qui constituaient l'objet même du marché dont elle était titulaire. En conséquence, la CCI est fondée à obtenir réparation par la société Treuils et Grues Labor du préjudice constitué par les dépenses qu'elle a exposées en pure perte, correspondant au prix d'acquisition de la grue, fixé à 522 120,01 euros HT soit 624 455,52 euros TTC, et aux frais engagés au titre du contrôle de la grue à hauteur de 7 010 euros HT, soit 8 383,96 euros TTC. Par suite, la CCI d'Ille-et-Vilaine est fondée à obtenir à ce titre une indemnité de 529 130,01 euros HT.
15. En cinquième lieu, la CCI d'Ille-et-Vilaine justifie avoir engagé des dépenses à hauteur de 22 516 euros HT auprès de la société In Situ au titre de la mission d'expertise technique de la grue qui lui a été confiée par le marché passé le 28 janvier 2008, ainsi qu'au titre de la réalisation d'un cahier des charges et du suivi des entreprises, de la coordination et de la rédaction du dossier technique. Elle est dès lors fondée à obtenir une indemnité correspondant au montant de ces dépenses qui ont directement résulté de la mauvaise exécution du marché par la société Treuils et Grues Labor.
16. Enfin, la CCI Ille-et-Vilaine justifie avoir exposé 15 628,45 euros HT de frais d'avocat au cours de l'expertise, dont elle est également fondée à obtenir l'indemnisation dès lors que cette dépense résulte directement de la mauvaise exécution du marché.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la CCI est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a limité à 239 775,79 euros TTC le montant de l'indemnité qui lui a été allouée, et à obtenir la condamnation de la société Treuils et Grues Labor à lui verser une indemnité supplémentaire de 567 274,46 euros HT, soit 678 460,25 euros TTC.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la chambre de commerce et d'industrie d'Ille-et-Vilaine, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, les sommes que demandent respectivement la société Treuils et Grues Labor et la société Axa France Iard au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement des mêmes dispositions par les sociétés MMA, venant aux droits de la société Compagnie Azur Assurances, et Allianz Iard. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Treuils et Grues Labor, sur ce même fondement, le versement à la chambre de commerce et d'industrie d'Ille-et-Vilaine, à la société Ascorel et à la société In Situ, d'une somme de 500 euros chacune.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Treuils et Grues Labor est rejetée.
Article 2 : La somme de 239 775,79 euros que la société Treuils et Grues Labor a été condamnée à verser à la chambre de commerce et d'industrie d'Ille-et-Vilaine par l'article 2 du jugement attaqué est portée au montant de 918 236,04 euros.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 mai 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la chambre de commerce et d'industrie d'Ille-et-Vilaine est rejeté.
Article 5 : La société Treuils et Grues Labor versera à la chambre de commerce et d'industrie d'Ille-et-Vilaine, à la société Ascorel et à la société In Situ une somme de 500 euros chacune en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les conclusions présentées par les sociétés MMA, Axa France Iard et Allianz Iard sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Treuils et Grues Labor, à la chambre de commerce et d'industrie d'Ille-et-Vilaine, à la société Ascorel, à la société In Situ, à la société Axa France Iard, à la société Allianz Iard et aux Mutuelles du Mans Assurances.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 juin 2019.
Le rapporteur,
P. BesseLe président,
L. Lainé
Le greffier,
M. F...
La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT02885