Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 27 avril 2015 par lequel le préfet du Finistère a délivré un permis de construire à la société Néo Plouvien en vue de l'implantation d'un parc éolien sur un terrain situé au lieu-dit Prat Ledan / Kérarédeau, sur le territoire de la commune de Plouvien.
Par un jugement n° 1504676 du 13 avril 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 juin 2018 et 29 octobre 2018, M. C..., représenté par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 avril 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 27 avril 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable dès lors qu'il a intérêt à agir ;
- la délivrance d'un nouveau permis de construire supposait le dépôt d'une nouvelle demande à la suite de l'annulation contentieuse du permis de construire du 29 novembre 2004 et cette demande était soumise aux dispositions d'urbanisme applicables à la date de la nouvelle demande, soit postérieurement au 14 novembre 2012 ;
- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme et est entaché de fraude en faisant référence à une demande de permis de construire déposée en 2003 ;
- le permis de construire aurait dû faire l'objet d'une étude d'impact et être précédé d'une enquête publique, en vertu des dispositions des articles L. 123-1 et R. 122-2 du code de l'environnement ;
- malgré l'arrêté du 19 janvier 2015 modifiant les limites des territoires de Plouvien et Treglonou, la commune de Plouvien doit être regardée comme une commune littorale et l'arrêté de permis de construire litigieux apparaît contraire à l'article L.146-4 I du code de l'urbanisme, le projet qui constitue une extension d'urbanisation n'étant pas inscrit en continuité avec une agglomération ou un village existant ;
- l'arrêté du 19 janvier 2015 est illégal et cette illégalité rejaillit sur le permis de construire ;
- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article L. 553-1 du code de l'environnement ;
- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2018, la société Neo Plouvien SAS, représentée par MeB..., demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge du requérant la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que la requête de première instance était irrecevable car le demandeur n'avait pas intérêt à agir et qu'en tout état de cause les moyens d'annulation soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2018, le ministre de la cohésion des territoires demande à la cour de rejeter la requête.
Il fait valoir qu'il s'en rapporte aux écritures du préfet du Finistère dans son mémoire présenté devant le tribunal administratif de Rennes.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant M. C...et de Me Guiheuxreprésentant la société Néo Plouvien.
Considérant ce qui suit :
1. La société Néo Plouvien a déposé le 4 décembre 2003 auprès du préfet du Finistère une demande de permis de construire en vue de l'implantation d'un parc éolien de huit machines, sur un terrain situé au lieu-dit Prat Ledan / Kérarédeau sur le territoire de la commune de Plouvien. Par un arrêté du 29 octobre 2004, le préfet du Finistère a accordé le permis sollicité. La cour administrative de Nantes a, par un arrêt du 28 janvier 2011, confirmé l'annulation du permis prononcée par un jugement du tribunal administratif de Rennes du 28 février 2008. Par une décision n° 347778 du 14 novembre 2012, le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi formé par la société Néo Plouvien contre cet arrêt. Par un arrêté du 27 avril 2015, le préfet du Finistère a délivré à la société Néo Plouvien un nouveau permis de construire pour ce même projet. M. C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler ce dernier arrêté. Par un jugement du 13 avril 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande. M. C... fait appel de ce jugement.
Sur le bien fondé du jugement :
2. En premier lieu, l'annulation, le 28 février 2008, du permis de construire délivré à la société Néo Plouvien, a eu pour effet de saisir à nouveau le préfet du Finistère de la demande présentée en décembre 2003 par celle-ci, sans que la société ait à formuler une nouvelle demande et sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'un délai important s'était écoulé et que de nouvelles circonstances de droit et de fait étaient intervenues. L'administration, saisie de nouveau de plein droit de la demande, en l'état de l'instruction au jour de sa première décision, est tenue de procéder à une appréciation nouvelle et complète de la demande au vu des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle elle se prononce à nouveau, sauf dispositions transitoires et le cas échéant en procédant à un complément d'instruction. Toutefois, lorsque la demande est introduite dans le cadre de dispositions législatives ou réglementaires ayant prévu que le silence gardé par l'autorité administrative sollicitée fait naître à l'expiration d'un délai une décision implicite d'acceptation, le nouveau délai de nature à faire naître une telle décision ne commence à courir qu'à dater du jour de la confirmation de la demande par l'intéressé.
3. Il résulte de ce qui précède d'une part que c'est sans commettre de fraude que l'administration a visé dans l'arrêté attaqué la demande déposée en 2003 et a statué sur celle-ci. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la confirmation de la demande de la société Néo Plouvien n'est intervenue que par un courrier du 7 avril 2015. Par suite, à la date de l'arrêté attaqué du 27 avril 2015, aucune décision tacite n'était née.
4. En deuxième lieu, l'article 26 du décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 dispose : " Les demandes de permis de construire et d'autorisations prévues par le code de l'urbanisme déposées avant le 1er octobre 2007 demeurent.soumises aux règles de compétence, de forme et de procédure en vigueur à la date de leur dépôt ". Dès lors que la demande de permis de construire dont restait saisie l'administration a été déposée en 2003, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le dossier de demande de permis de construire aurait dû contenir la justification du dépôt de la demande d'autorisation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), cette obligation n'étant prévue que par l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme, créé par le décret précité du 5 janvier 2007.
5. En troisième lieu, il ressort de l'arrêté attaqué qu'il y a eu une enquête publique sur le projet litigieux du 6 avril au 6 mai 2004 et que le dossier de demande de permis comprenait une étude d'impact, certes réalisée antérieurement à la confirmation de la demande en 2015. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué est illégal dès lors qu'il n'a pas été précédé d'une enquête publique et que le dossier de demande aurait dû comprendre une étude d'impact doit être écarté comme manquant en fait.
6. En quatrième lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale. Dès lors, M. C...ne saurait utilement exciper de l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 19 janvier 2015 ayant approuvé la modification des limites communales de Plouvien à l'encontre du permis de construire litigieux.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 321-2 du code de l'environnement : " Sont considérées comme communes littorales, au sens du présent chapitre, les communes de métropole et des départements d'outre-mer : 1° Riveraines des mers et océans, des étangs salés, des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1 000 hectares ; 2° Riveraines des estuaires et des deltas lorsqu'elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux et participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux. La liste de ces communes est fixée par décret en Conseil d'Etat, après consultation des conseils municipaux intéressés ". La Cour, confirmée par le Conseil d'Etat, a considéré que la commune de Plouvien devait être regardée comme riveraine de la mer et donc soumise à la loi littoral dès lors qu'une partie de son territoire est située en deçà de la limite transversale de la mer, déterminée pour l'estuaire de l'Aber Benoît par un décret du 21 mars 1930 : - en ce qui concerne son affluent nord, côté aval du pont du Moulin du Chatel, qui relie Plouvien à Lannilis - en ce qui concerne son affluent sud, côté aval du pont de Tariec. Il est constant que par un arrêté du 19 janvier 2015, le préfet du Finistère a approuvé la modification des limites communales de Plouvien avec une cession de parcelles à la commune de Tréglonou. Cet arrêté est suffisamment précis s'agissant des parcelles concernées au vu de la carte qui y était annexée et dont il est constant qu'elle a été publiée. Dans ces conditions, au vu de cet arrêté, la commune de Plouvien n'est plus soumise à la loi littorale. La circonstance que le territoire de la commune de Plouvien comprendrait, en aval de la limite transversale de la mer, des portions incluses dans la bande des 100 mètres et dans les espaces proches du rivage au droit de l'Aber Benoit ne peut la faire regarder comme une commune littorale au sens des dispositions précitées. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l'article L.146-4 I du code de l'urbanisme doit être écarté comme étant inopérant.
8. En sixième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Il ressort des pièces du dossier que parmi les huit éoliennes dont l'implantation est autorisée, sept d'entre elles sont entre 450 mètres et 500 mètres des habitations les plus proches. Toutefois, la règle de distance de 500 mètres prévue à l'article L. 553-1 du code de l'environnement n'est opposable qu'à une demande d'autorisation au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et non pas à une demande de permis de construire. En outre, si le non-respect de cette distance peut être pris en compte au titre de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, il ne saurait suffire à établir une erreur manifeste d'appréciation en l'espèce, alors que le requérant, qui ne se fonde ni sur l'étude d'impact ni sur la topographie des lieux, se borne à faire état de cette seule distance sans expliquer en quoi le projet porterait atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.
9. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".
10. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-21 cité ci-dessus.
11. Il ressort des pièces du dossier que le plateau agricole accueillant le projet est " semi-ouvert" et " caractérisé par des parcelles de grandes tailles ". Il est bordé des Abers Benoit au sud et de Wrac'h au nord et est ainsi " entaillé depuis son centre vers ses extrémités par les petites vallées souvent peu profondes et encore très boisées ". L'étude d'impact indique, sans que cela soit utilement contredit, que " la zone d'étude n'est pas concernée par les périmètres de protections du site [des abers] " et que " la distance, l'encaissement de l'observateur et la végétation dense des bords de l'aber ne permettent aucune vision vers les éoliennes ". Par conséquent et alors même que l'autorité environnementale a mentionné dans son avis, que " l'implantation du parc éolien à proximité de l'Aber Wrac'h porte inévitablement atteinte au caractère naturel et à la protection du site classé pluricommunal des Abers ", le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme précité en délivrant les permis contestés doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir soulevée en défense, que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. L'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, il n'y a pas lieu de mettre à sa charge le versement de la somme demandée par M. C...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du requérant la somme demandée par la société Neo Plouvien à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Neo Plouvien au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à la société Neo Plouvien, et au ministre de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 15 février 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 mars 2019.
Le rapporteur,
P. PICQUET
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT02284