Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société SAS Brocard Pierre a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 9 octobre 2015 par laquelle le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a rejeté sa demande d'aide à l'investissement pour un montant de 21 896 euros.
Par un jugement n° 1600659 du 5 mars 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 mai 2018 et 19 février 2019, la société SAS Brocard Pierre, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 mars 2018 ;
2°) d'annuler la décision du directeur général de FranceAgriMer du 9 octobre 2015 ;
3°) de mettre à la charge de FranceAgriMer le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société SAS Brocard Pierre soutient que :
- la décision du 9 octobre 2015, qui retire une précédente décision lui octroyant la subvention sollicitée, a été adoptée sans qu'elle ait été mise en mesure de faire valoir ses observations en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- le directeur général de FranceAgriMer n'est pas compétent pour subordonner l'attribution des aides à des conditions venant s'ajouter à celles limitativement prévues par les dispositions législatives ou règlementaires ;
- FranceAgriMer a commis une erreur de droit en considérant que la signature d'un devis valait commencement des travaux.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 septembre 2018 et 6 mars 2019, FranceAgriMer conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société SAS Brocard Pierre sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
FranceAgriMer soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 20 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 7 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement CE n° 479/2008 du 29 avril 2008 ;
- le règlement CE n° 555/2008 du 27 juin 2008 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- la décision du directeur général de FranceAgriMer FILITL/SEM/D 2013-76 du 4 décembre 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer).
Une note en délibé présentée par l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a été enregistrée le 13 juin 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Le 6 janvier 2014, un producteur récoltant de champagne, la SAS Brocard Pierre, a déposé auprès de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), établissement public administratif de l'Etat notamment chargé de la mise en oeuvre du programme d'aide adopté par la France en application de l'article 7 du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil de l'Union européenne du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole, une demande d'aide pour l'acquisition de matériel de thermorégulation et d'une étiqueteuse adhésive. Par un courrier du 20 janvier 2014, FranceAgriMer a accusé réception de la demande déposée par la SAS Brocard Pierre et l'a autorisée à commencer les travaux à compter du 6 janvier 2014. Par un courrier du 25 août 2014, FranceAgriMer a indiqué à la SAS que son projet était éligible pour un montant maximal d'aide de 20 230 euros. Par une décision du 9 octobre 2015, FranceAgriMer a informé la SAS du rejet de sa demande de paiement à raison du non-respect de la date de commencement des travaux. La société SAS Brocard Pierre fait appel du jugement du 5 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de FranceAgriMer du 9 octobre 2015.
Sur la légalité de la décision du 9 octobre 2015 :
2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) - retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". L'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 alors applicable dispose : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique (...) ".
3. La décision par laquelle l'autorité administrative compétente remet en cause l'octroi d'une subvention a le caractère d'une décision défavorable retirant une décision créatrice de droits au sens de l'article 1er de la loi n° 79587 du 11 juillet 1979. Par suite, une telle décision doit être motivée selon les modalités prévues par ces mêmes dispositions et être précédée d'une procédure contradictoire.
4. Le courrier du 25 août 2014 par lequel FranceAgriMer a indiqué à la SAS Brocard Pierre que son projet était éligible pour un montant maximal d'aide de 20 230 euros constitue une décision unilatérale créatrice de droits au profit de son bénéficiaire. Si FranceAgriMer pouvait retirer cette subvention sans considération de délai dès lors, selon cet établissement, que les conditions mises à son octroi n'ont jamais été respectées, il ne pouvait toutefois procéder à ce retrait sans mettre la SAS Brocard Pierre en mesure de présenter ses observations. Il est constant que FranceAgriMer n'a pas mis la SAS Brocard Pierre en mesure de présenter ses observations avant de procéder par la décision du 9 octobre 2015 au retrait de la décision du 25 août 2014 notifiant à cette entreprise l'octroi d'une subvention d'investissement de 20 230 euros. Cette omission ayant privé la société SAS Brocard Pierre d'une garantie, cette dernière est fondée à soutenir que la décision en date du 9 octobre 2015 du directeur général de FranceAgriMer est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et doit, par suite, être annulée.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la société SAS Brocard Pierre est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 octobre 2015.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SAS Brocard Pierre, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que FranceAgriMer demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 1 500 euros à verser à la SAS Brocard Pierre sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 mars 2018 et la décision du directeur général de FranceAgriMer du 9 octobre 2015 sont annulés.
Article 2 : FranceAgriMer versera à la société SAS Brocard Pierre une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de FranceAgriMer présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société SAS Brocard Pierre et à FranceAgriMer.
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N° 18NC01363