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22/10/2019 | FRANCE | N°18NC00476

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 22 octobre 2019, 18NC00476


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 27 avril 2015 par lequel le recteur de l'académie de Besançon a prononcé sa mise à la retraite d'office pour invalidité à compter du 8 janvier 2012, d'autre part, d'annuler les arrêtés la plaçant en congé de longue maladie et en congé de longue durée du 8 janvier 2007 au 7 janvier 2012, enfin, de condamner l'Etat à lui verser une somme correspondant à la perte de revenus depuis le 8 janvier 2010, ainsi

que la somme de 18 300 euros au titre du préjudice moral subi, augmentées des i...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 27 avril 2015 par lequel le recteur de l'académie de Besançon a prononcé sa mise à la retraite d'office pour invalidité à compter du 8 janvier 2012, d'autre part, d'annuler les arrêtés la plaçant en congé de longue maladie et en congé de longue durée du 8 janvier 2007 au 7 janvier 2012, enfin, de condamner l'Etat à lui verser une somme correspondant à la perte de revenus depuis le 8 janvier 2010, ainsi que la somme de 18 300 euros au titre du préjudice moral subi, augmentées des intérêts calculés au taux légal et capitalisés.

Par un jugement n° 1501121 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 27 avril 2015, enjoint au recteur de l'académie de Besançon de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de deux mois, mis à la charge de l'Etat et de Mme A..., à parts égales, les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 720 euros, et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2018, Mme B... A..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501121 du tribunal administratif de Besançon du 21 décembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 avril 2015 ;

3°) d'annuler les arrêtés la plaçant en congé de longue maladie et en congé de longue durée du 8 janvier 2007 au 7 janvier 2012 ;

4°) d'annuler la décision du 8 septembre 2015 et la décision implicite du 4 juillet 2016, portant rejet de sa demande préalable d'indemnisation ;

5°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 82 365,78 euros, augmentée des intérêts de droit à compter de la réception de sa demande préalable d'indemnisation et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des illégalités fautives de l'administration ;

6°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Besançon de la réintégrer au sein d'un service juridique ou, à défaut, dans des fonctions de gestionnaire bénéficiant d'une concession de logement ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement du 21 décembre 2017 est entaché d'irrégularité, dès lors, d'une part, que ce jugement est insuffisamment motivé, d'autre part, que le tribunal a conclu à tort à l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation des arrêtés la plaçant en congé de longue maladie et en congé de longue durée du 8 janvier 2007 au 7 janvier 2012 et des conclusions à fin d'indemnisation, enfin, que le tribunal a méconnu son office en ne faisant pas injonction à l'administration de la réintégrer ;

- l'arrêté du 27 avril 2015 est entaché d'un vice de procédure, dès lors qu'elle n'a pas été informée de son droit à prendre connaissance de la partie médicale de son dossier et qu'elle n'a pas été entendue par la commission de réforme ;

- l'arrêté du 27 avril 2015 est entaché d'une erreur d'appréciation, dès lors que son aptitude physique n'est pas caractérisée et qu'elle a été appréciée sans tenir compte de l'existence de traitements pouvant guérir son affection ou bloquer son évolution ;

- l'arrêté du 27 avril 2015 est entaché d'une erreur de droit, dès lors que, avant de prononcer sa mise à la retraite d'office pour invalidité, l'administration n'a procédé à aucune adaptation de son poste et a méconnu ses obligations en matière de reclassement, en ne lui proposant qu'un poste de catégorie C ;

- l'arrêté du 27 avril 2015 est entaché d'une rétroactivité illégale ;

- l'arrêté du 27 avril 2015 méconnaît les dispositions de l'article 47 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- l'arrêté du 27 avril 2015 est illégal en raison de l'illégalité des arrêtés la plaçant en congé de longue maladie et en congé de longue durée du 8 janvier 2007 et le 7 janvier 2012 ;

- les rapports médicaux des 21 novembre et 12 décembre 2011 se fondent sur des faits matériellement inexacts ;

- elle est fondée à réclamer une somme totale de 82 365,78 euros en réparation des préjudices causés par les illégalités fautives de l'administration.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- Mme A... ne justifie pas d'un intérêt à relever appel puisque le jugement attaqué satisfait à sa demande d'annulation de l'arrêté du 27 avril 2015 ;

- les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Un mémoire complémentaire, présenté pour Mme A..., a été enregistré le 26 septembre 2019. Mme A... conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens. Elle demande, en outre, que l'arrêté du recteur de l'académie de Besançon du 16 janvier 2019, qui prononce sa mise à la retraite pour invalidité à compter du 8 janvier 2015, soit annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté rectoral du 27 avril 2015 et que la somme de 326 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des sommes exposées par elle en première instance et non comprises dans les dépens. Elle soutient encore que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que les juges de première instance n'ont pas analysé ses mémoires complémentaires, enregistrés les 28 avril 2016 et 15 novembre 2017, et, s'agissant du second mémoire, n'ont pas tenu compte de ce qu'elle avait renoncé à présenter des conclusions à fin d'annulation contre les arrêtés de placement en congé de longue maladie et de longue durée entre le 8 janvier 2007 et le 7 janvier 2012.

Par une décision du 18 décembre 2018, modifiée le 4 février 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nancy a admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle et a fixé la contribution de l'Etat à 55 %.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meisse, premier conseiller

- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... a été affectée, en qualité d'attachée d'administration de l'éducation nationale, au collège " Les Hautes Vignes " de Séloncourt, à compter du 1er novembre 2006, pour y exercer les fonctions d'adjointe gestionnaire. Elle a alors bénéficié, au sein de l'établissement, d'un logement de fonctions par nécessité absolue de service en application d'un arrêté du président du conseil général du Doubs du 6 décembre 2006. Entre le 8 janvier 2007 et le 7 janvier 2012, la requérante a été placée d'office en congé de longue maladie, puis en congé de longue durée. Par deux avis en date du 9 janvier 2012 et du 7 octobre 2013, confirmés par celui du comité médical supérieur du 1er juillet 2014, le comité médical départemental du Doubs a conclu à l'inaptitude totale et définitive de la requérante à l'exercice de ses fonctions. Et, à la suite de l'avis favorable de la commission de réforme du 19 février 2015, le recteur de l'académie de Besançon, par un arrêté du 27 avril 2015, a prononcé la mise à la retraite d'office pour invalidité de Mme A... à compter du 8 janvier 2012. Par des courriers des 1er juin 2015 et 13 juillet 2015, la requérante a adressé à son employeur une demande préalable d'indemnisation, qui a été formellement rejetée le 8 septembre 2015. Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2015, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 27 avril 2015, ainsi que les arrêtés la plaçant en congé de longue maladie et en congé de longue durée du 8 janvier 2007 au 7 janvier 2012, et de condamner l'Etat à lui verser une somme correspondant à la perte de revenus subie depuis le 8 janvier 2010, ainsi que la somme de 18 300 euros au titre du préjudice moral, augmentées des intérêts calculés au taux légal et capitalisés. Elle relève appel du jugement n° 1501121 du 21 décembre 2017 par lequel le tribunal a annulé l'arrêté du 27 avril 2015, enjoint au recteur de l'académie de Besançon de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de deux mois, mis à la charge de l'Etat et de Mme A..., à parts égales, les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 720 euros, et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le ministre de l'éducation nationale :

2. Mme A... fait appel du jugement du tribunal administratif de Besançon du 21 décembre 2017, qui a annulé totalement, à sa demande, l'arrêté du recteur de l'académie de Besançon du 27 avril 2015 prononçant sa mise à la retraite d'office pour invalidité à compter du 8 janvier 2012. Ainsi, ce jugement fait entièrement droit, sur ce point, aux conclusions de la demande dont le tribunal était saisi. Dès lors, les conclusions de la requête d'appel tendant à l'annulation de cet arrêté, qui sont en réalité dirigées non contre le dispositif du jugement mais contre ses motifs, ne sont pas recevables. En revanche, la requérante demeure recevable à faire appel du jugement attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre les arrêtés la plaçant en congé de longue maladie et en congé de longue durée, ainsi que ses conclusions à fin d'indemnisation, et qu'il se borne à enjoindre à l'administration le réexamen de sa situation dans le délai de deux mois suivant sa notification.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, contrairement aux allégations de Mme A..., en rejetant comme irrecevables ses conclusions à fin d'annulation des arrêtés la plaçant en congé de longue maladie et en congé de longue durée, ainsi que ses conclusions à fin d'indemnisation, le tribunal administratif de Besançon n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en s'abstenant d'analyser les moyens présentés à l'appui de ces demandes. Par ailleurs, la requérante, qui n'est pas recevable à contester le jugement en tant qu'il annule, pour vices de procédure et de forme, l'arrêté du 27 avril 2015 de mise à la retraite d'office pour invalidité, ne saurait utilement soutenir que les premiers juges ont entaché celui-ci d'irrégularité en ne recherchant pas si cette annulation pouvait se fonder sur un moyen de légalité interne ou, à tout le moins, en n'explicitant pas les raisons pour lesquelles ils ont écarté les moyens de légalité interne qu'elle invoquait au soutien de ses conclusions. Enfin, le jugement attaqué, en indiquant que " l'exécution du présent jugement, qui annule l'arrêté attaqué en raison des vices de procédure dont il est entaché, implique seulement le réexamen de la situation statutaire de Mme A... ", est suffisamment motivé.

4. En deuxième lieu, il ressort des visas du jugement attaqué que les juges de première instance ont, non seulement visé, mais également analysé les mémoires complémentaires de Mme A..., enregistrés respectivement les 28 avril 2016 et 15 novembre 2017. En particulier, si, dans le second mémoire complémentaire, la requérante, en réponse au courrier du 27 octobre 2017, que le tribunal lui a adressé en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, n'a pas contesté la tardiveté de ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre les arrêtés de placement en longue maladie et en longue durée entre le 8 janvier 2007 et le 7 janvier 2012, il ne résulte pas de ses écritures qu'elle y aurait formellement renoncé. Par suite, le tribunal administratif de Besançon n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en les rejetant pour tardiveté.

5. En troisième lieu, la circonstance que le tribunal administratif de Besançon s'est borné, en conséquence de son annulation, à enjoindre au recteur de l'académie de Besançon de réexaminer la situation de Mme A..., conformément aux dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, ne constitue pas un motif d'irrégularité du jugement.

6. En quatrième lieu, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières, dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Cette règle, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.

7. Eu égard aux effets, notamment pécuniaires, qui s'attachent à un placement en congé de longue maladie et en congé de longue durée, la requérante ne pouvait raisonnablement ignorer l'existence des arrêtés dont elle demande l'annulation, d'autant qu'elle joint à sa requête l'arrêté du recteur de l'académie de Besançon, du 13 janvier 2012, qui prolonge son congé de longue durée non imputable au service du 8 octobre 2011 au 7 janvier 2012. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevables, en raison de leur tardiveté, les conclusions à fin d'annulation dirigées contre les arrêtés de placement en congé de longue maladie et en congé de longue durée. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité pour ce motif ne peut qu'être écarté.

8. En cinquième et dernier lieu, la requête introductive d'instance de Mme A..., enregistrée le 17 juillet 2015, ne contenait que des conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 27 avril 2015 de mise à la retraite d'office pour invalidité et des arrêtés de placement en congé de longue maladie et en congé de longue durée entre le 8 janvier 2007 et le 7 janvier 2012. Toutefois, la requérante a, par deux courriers des 1er juin et 13 juillet 2015, adressé à l'administration une demande préalable d'indemnisation. Cette demande ayant été formellement rejetée le 12 septembre 2015, l'intéressée a également saisi le tribunal, dans un mémoire complémentaire du 6 novembre 2015, de conclusions à fin d'indemnisation. Présentées avant l'expiration du délai de deux mois suivant le rejet de la demande préalable, ces conclusions additionnelles, qui sollicitent la réparation du préjudice résultant des illégalités fautives entachant l'arrêté du 27 avril 2017, présentent un lien suffisant avec les conclusions à fin d'annulation contenues dans la requête. Elles ne sauraient donc être regardées comme des demandes nouvelles présentées plus deux mois après l'expiration en cours d'instance du délai de recours contentieux. Par suite, le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il rejette pour irrecevabilité les conclusions à fin d'indemnisation de Mme A.... Il y a lieu d'en prononcer l'annulation partielle et de statuer immédiatement, dans cette mesure, par la voie de l'évocation.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

9. En premier lieu, si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise. Mme A... fait valoir que l'arrêté du 27 avril 2015 est entaché d'un vice de procédure, dès lors que, d'une part, elle n'a pas été informée de son droit d'accès à la partie médicale de son dossier, ni de son droit d'être entendue devant la commission de réforme, qui s'est réunie le 9 février 2015, d'autre part, que seule la commission de réforme, à l'exclusion du comité médical, pouvait se prononcer sur son inaptitude totale et définitive à l'exercice de toutes fonctions. Toutefois, à supposer même établies ces irrégularités procédurales, il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si la procédure avait été régulière. Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.

10. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'inaptitude totale et définitive de Mme A... à l'exercice de toutes fonctions, dûment constatée par le comité médical départemental du Doubs dans ses avis des 9 janvier 2012 et 7 octobre 2013, par le comité médical supérieur dans son avis du 1er juillet 2014 et par la commission de réforme dans son avis du 19 février 2015, ne serait pas caractérisée ni qu'elle n'aurait pas été appréciée en tenant compte de l'existence de traitements permettant, le cas échéant, de guérir l'affection ou de bloquer son évolution. Par suite, ces moyens doivent également être écartés.

11. En troisième lieu, Mme A... ayant été reconnue inapte totalement et définitivement à l'exercice de toutes fonctions, elle ne saurait utilement soutenir que l'administration aurait manqué à ses obligations en matière d'adaptation du poste de travail et de reclassement. De tels moyens doivent encore être rejetés comme inopérants.

12. En quatrième lieu, en prononçant la mise à la retraite d'office pour invalidité de Mme A... à compter du 8 janvier 2012, date à laquelle l'intéressée a épuisé ses droits à congé de maladie, l'administration, qui est tenue de placer son agent dans une position régulière, n'a entaché son arrêté du 27 avril 2015 d'aucune rétroactivité illégale.

13. En cinquième lieu, aux termes du second alinéa de l'article 47 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 : " Pendant toute la durée de la procédure requérant, soit l'avis du comité médical, soit l'avis de la commission de réforme, soit l'avis de ces deux instances, le paiement du demi-traitement est maintenu jusqu'à la date de la décision de reprises de service ou de réintégration, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite ". Les irrégularités affectant la notification d'une décision administrative sont sans incidence sur sa légalité. De surcroît et en tout état de cause, à supposer que le courrier de notification de l'arrêté du 27 avril 2015 ait rappelé l'obligation de Mme A... de rembourser le demi-traitement versé, une telle obligation n'était nullement contraire aux dispositions précitées, dès lors que l'intéressée percevrait rétroactivement sa pension de retraite, à compter du 8 janvier 2012, aux lieu et place du demi-traitement. Par suite, ce moyen ne peut être favorablement accueilli.

14. En sixième lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l'expiration du délai du recours contentieux contre cet acte. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est, en revanche, recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte. Contrairement aux allégations de la requérante, l'arrêté prononçant la mise à la retraite d'office pour invalidité de Mme A... n'a pas été pris pour l'application des arrêtés plaçant l'intéressée en congés de longue maladie et de longue durée, lesquels n'en constituent pas davantage la base légale. Par suite, et alors que les arrêtés en cause ne constituent pas les éléments d'une opération complexe, le moyen tiré de l'illégalité des arrêtés plaçant Mme A... en congés de longue maladie et de longue durée est inopérant et ne peut, dès lors, qu'être écarté.

15. En septième lieu, si la requérante fait valoir que les rapports médicaux des 21 novembre et 12 décembre 2011 seraient entachés d'inexactitude matérielle, que le médecin de prévention n'était pas compétent pour se prononcer sur son aptitude physique et qu'il aurait violé le secret médical, que le nom du médecin généraliste agréé, mandaté par l'administration pour émettre un avis sur son reclassement éventuel sur un poste de catégorie C, figurait sur la liste départementale de la Côte d'Or et non pas sur celle du Doubs, enfin, que l'administration aurait manqué à son devoir de loyauté en ne lui communiquant les rapports joints à l'avis rendu par ce médecin, de telles circonstances, à les supposer établies, qui se rapportent, soit à la prolongation de son congé de longue durée, soit à sa tentative de reclassement, sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 27 avril 2015 portant mise à la retraite d'office pour invalidité.

16. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'indemnisation présentées par Mme A... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur le bien-fondé du jugement :

17. Ainsi que le fait valoir Mme A... dans ses écritures, l'annulation par le tribunal administratif de Besançon de l'arrêté du 27 avril 2015 par lequel le recteur de l'académie de Besançon a prononcé sa mise à la retraite pour invalidité à compter du 8 janvier 2012 impliquait nécessairement, quel qu'en soit le motif, d'enjoindre à l'administration, non pas de réexaminer la situation de l'intéressée, mais de la réintégrer à la date de son éviction illégale du service, de reconstituer sa carrière et de la placer dans une position régulière.

18. Toutefois, il résulte de l'instruction que, à la suite de la notification du jugement attaqué, le recteur de l'académie de Besançon a placé Mme A... en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 8 janvier 2012 dans l'attente de l'avis de la commission de réforme, puis, cet avis ayant été rendu le 17 mai 2018, a pris un nouvel arrêté, le 16 janvier 2019, qui prononce la mise à la retraite d'office de Mme A... à compter du 8 janvier 2015. L'administration ayant ainsi correctement exécuté le jugement attaqué, à la date du présent arrêt, Mme A... n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon s'est borné à enjoindre le réexamen de sa situation.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 janvier 2019 :

19. L'arrêté du 16 janvier 2019 prononçant la mise à la retraite d'office pour invalidité de Mme A... à compter du 8 janvier 2015 n'a pas été pris pour l'application de l'arrêté du 27 avril 2015 par lequel le recteur de l'académie de Besançon a prononcé sa mise à la retraite d'office pour invalidité à compter du 8 janvier 2012. L'arrêté du 27 avril 2015 ne constitue pas davantage la base légale de l'arrêté du 16 janvier 2019. Par suite, et alors que les arrêtés en cause ne constituent pas les éléments d'une opération complexe, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 16 janvier 2019 devrait être annulé par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté du 27 avril 2015 ne peut qu'être écarté.

20. L'arrêté du 16 janvier 2019 ne méconnaît ni le dispositif du jugement annulant l'arrêté du 27 avril 2015, ni les motifs qui constituent le soutien nécessaire de cette annulation. Dès lors, le moyen tiré de ce que cet arrêté aurait été pris en violation des termes du jugement doit être écarté.

21. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions dirigées contre l'arrêté du 16 janvier 2019, les conclusions de la requérante tendant à l'annulation de cet arrêté doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au recteur de l'académie de Besançon de réintégrer Mme A... :

22. Le présent jugement n'implique pas que Mme A... soit réintégrée, comme elle le demande, au sein d'un service juridique ou, à défaut, dans des fonctions de gestionnaire bénéficiant d'une concession de logement. Dès lors, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au recteur de l'académie de Besançon de prendre une telle mesure doivent être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1501121 du 21 décembre 2017 est annulé en tant qu'il rejette pour irrecevabilité les conclusions à fin d'indemnisation présentées par Mme A....

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'éducation nationale.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Besançon.

N° 18NC00476 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC00476
Date de la décision : 22/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Comités médicaux.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Mise à la retraite d'office.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : THIRY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-10-22;18nc00476 ?
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