Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Vaucluse a rejeté leur demande indemnitaire préalable formée le 23 décembre 2011 et de condamner l'Etat à leur verser une somme de 40 020 euros, augmentée des intérêts au taux légal, dument capitalisés, à compter de la date de leur recours indemnitaire préalable.
Par le jugement n° 1600061 du 20 mars 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 mai 2018 et 17 février 2020 sous le n° 18MA02301, M. et Mme B..., représentés par Me D..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 20 mars 2018 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet de leur demande indemnitaire ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 40 020 euros, augmentée des intérêts au taux légal, dument capitalisés, à compter du 23 décembre 2011, date de leur recours indemnitaire préalable ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le préfet n'est pas fondé à leur opposer la prescription quadriennale ;
- il ne peut invoquer l'autorité de la chose jugée par les jugements des 27 décembre 2006 et 25 mars 2008 du tribunal en l'absence d'identité d'objet ;
- le jugement est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il a minimisé les dépassements de seuils en les qualifiant de modérés et ponctuels ;
- les dépassements de limites de bruit sont établis par le bilan de fonctionnement réalisé en 2007 par la société Norisko environnement ;
- l'Etat a commis une faute dès lors qu'il n'apporte pas la preuve de son intervention pour faire cesser la cause des bruits des moteurs des camions fournisseurs de la SEE la nuit ;
- il n'a pas respecté les obligations prévues par l'arrêté du 7 novembre 1997 concernant le contrôle dès la fin des aménagements du site ;
- l'Etat aurait dû agir pour faire cesser ces nuisances en application de l'article L. 514-1 du code de l'environnement ;
- il n'a pas rempli son obligation de contrôle alors qu'il était informé des nuisances sonores ;
- l'usine viole les dispositions de l'article UE1 du plan d'occupation des sols interdisant le dépôt des déchets ;
- ils subissent des nuisances lumineuses induites par le fonctionnement de l'usine la nuit ;
- l'inaction fautive de l'Etat engage sa responsabilité ;
- le lien de causalité entre ces fautes et leur préjudice est établi ;
- ils ont subi des troubles dans leurs conditions d'existence évalués à la somme de 40 020 euros.
Un courrier du 9 décembre 2019 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête de M. et Mme B....
Elle soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Une ordonnance portant clôture immédiate de l'instruction a été émise le 11 mars 2020.
Un mémoire présenté par la ministre de la transition écologique et solidaire a été enregistré le 31 mars 2020, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté NOR ENVP9760055A du 23 janvier 1997 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me C... représentant M. et Mme B..., et de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 20 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet de Vaucluse rejetant leur demande indemnitaire préalable formée le 23 décembre 2011 et à la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 40 020 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. (...) ". En vertu de l'article L. 514-5 du même code, dans sa rédaction alors applicable, les personnes chargées de l'inspection des installations classées peuvent visiter à tout moment les installations soumises à leur surveillance. Aux termes de L. 514-1 du code de l'environnement dans sa version applicable à la date des faits : " I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, et lorsqu'un inspecteur des installations classées ou un expert désigné par le ministre chargé des installations classées a constaté l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet met en demeure ce dernier de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé. Si, à l'expiration du délai fixé pour l'exécution, l'exploitant n'a pas obtempéré à cette injonction, le préfet peut : / 1° Obliger l'exploitant à consigner entre les mains d'un comptable public une somme répondant du montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée à l'exploitant au fur et à mesure de l'exécution des mesures prescrites ; il est procédé au recouvrement de cette somme comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. Pour le recouvrement de cette somme, l'Etat bénéficie d'un privilège de même rang que celui prévu à l'article 1920 du code général des impôts ; / 2° Faire procéder d'office, aux frais de l'exploitant, à l'exécution des mesures prescrites ; / 3° Suspendre par arrêté, après avis de la commission départementale consultative compétente, le fonctionnement de l'installation, jusqu'à exécution des conditions imposées et prendre les dispositions provisoires nécessaires. (...) ".
3. Il résulte des dispositions citées ci-dessus qu'il appartient à l'Etat, dans l'exercice de ses pouvoirs de police en matière d'installations classées, d'assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement par les installations soumises à autorisation en application de l'article L. 512-1 du même code et ce, en premier lieu, en assortissant l'autorisation délivrée à l'exploitant de prescriptions encadrant les conditions d'installation et d'exploitation de l'installation qui soient de nature à prévenir les risques susceptibles de survenir. Il lui appartient, ensuite, d'exercer sa mission de contrôle sur cette installation en veillant au respect des prescriptions imposées à l'exploitant et à leur adéquation à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. A cet égard, les services en charge de ce contrôle disposent des pouvoirs qui leur sont reconnus par l'article L. 514-5 mentionné ci-dessus afin de visiter les installations soumises à autorisation. Il leur appartient d'adapter la fréquence et la nature de ses visites à la nature, à la dangerosité et à la taille de ces installations. Il leur revient, enfin, de tenir compte, dans l'exercice de cette mission de contrôle, des indications dont ils disposent sur les facteurs de risques particuliers affectant les installations ou sur d'éventuels manquements commis par l'exploitant.
4. Aux termes de l'arrêté du 23 janvier 1997 relatif à la limitation des bruits émis dans l'environnement par les installations classées pour la protection de l'environnement : " (...) L'arrêté préfectoral d'autorisation fixe, pour chacune des périodes de la journée (diurne et nocturne), les niveaux de bruit à ne pas dépasser en limites de propriété de l'établissement, déterminés de manière à assurer le respect des valeurs d'émergence admissibles. Les valeurs fixées par l'arrêté d'autorisation ne peuvent excéder 70 dB(A) pour la période de jour et 60 db(A) pour la période de nuit, sauf si le bruit résiduel pour la période considérée est supérieur à cette limite. (...) ". L'article 9 de l'arrêté du 7 novembre 1997 autorisant la société " L'européenne d'embouteillage " (SEE) à exploiter un établissement spécialisé dans la production de boissons et d'eaux prévoit que : " Les prescriptions de l'arrêté du 23 janvier 1997 relatif à la limitation des bruits émis dans l'environnement par les installations classées sont applicables. / Les dispositions du présent article sont applicables au bruit global émis par l'ensemble des activités exercées à l'intérieur de l'établissement. / Les émissions sonores ne doivent pas dépasser les niveaux de bruit admissibles en limite de propriété de l'établissement, fixés aux différentes périodes de la journée ci-après : / période diurne : 65 dBA, / période nocturne 55 dBA. / Dès la fin des aménagements faisant l'objet du présent arrêté, puis avec une périodicité triennale, l'exploitant fait réaliser, à ses frais, une mesure des niveaux d'émission sonore de son établissement par une personne ou un organisme qualifié et aux emplacements choisis après accord de l'inspection des installations classées ".
5. Il résulte d'un rapport réalisé par la société Serial, dans le cadre d'une expertise ordonnée par un jugement avant dire droit n° 0204798 du 27 décembre 2006 du tribunal administratif de Marseille que, lors de la première campagne de mesures réalisée du 25 au 26 juin 2007, " la position de la propriété B... au regard de son environnement (point haut) expose cette habitation à de nombreuses sources sonores (...) RD 6, RN 100, voie ferrée (...) sans parler des sources locales du village (...) ", qu'" aucune tonalité marquée n'a été mise en évidence, ce qui confirme le respect des textes par la SEE ". Ce rapport précise également qu'il n'est " pas justifié d'attribuer la potentialité de gêne aux seules tours aéroréfrigérantes " de l'usine et que " les limites fixées [par l'arrêté préfectoral] ne nécessitent pas obligatoirement d'être revues ". Il conclut que " la potentialité de gêne au droit de la propriété B... reste modérée car toutes les mesures (...) rejoignent des émergences nocturnes proches des valeurs admissibles quelques soient les méthodologies retenues " et que " les exigences liées à l'arrêté préfectoral sont généralement respectées sauf ponctuellement en limite de propriété Est, mais celle-ci n'est pas la plus contraignante en terme d'urbanisme et l'impact ferroviaire y est particulièrement marqué ". Par ailleurs, le bilan de fonctionnement de l'établissement effectué par la société Norisko Environnement constate trois points de dépassement des seuils des émissions sonores fixés par l'article 9 de l'arrêté du 7 novembre 1997, évalués à 1 dB(A) pour l'année 2001, ainsi qu'à 2,5 dB(A) en période diurne et à 5 dB(A) en période nocturne pour l'année 2004. En revanche, les niveaux sonores mesurés en limite de propriété sont conformes aux prescriptions de l'arrêté du 7 novembre 1997. S'il résulte de ce bilan que ces nuisances sonores sont provoquées par le stationnement des poids lourds, moteurs au ralenti, à l'entrée du site, les dispositions mentionnées au point 3 de l'article 9 de l'arrêté du 7 novembre 1997 ne sont applicables qu'au bruit global émis par l'ensemble des activités exercées à l'intérieur de l'établissement. Ainsi, M. et Mme B... ne sauraient reprocher au préfet de Vaucluse de ne pas être intervenu pour faire cesser la cause de ces nuisances qui, en tout état de cause, ne présentent pas un caractère de gravité tel que l'Etat ait commis une faute en ne prenant pas les mesures pour les faire cesser ni d'être intervenu tardivement suite à des plaintes de riverains à partir de l'année 2002.
6. S'il n'est pas établi que l'établissement de la SEE a fait l'objet d'un contrôle spécifique à la fin des aménagements prévus par les dispositions de l'article 9 de l'arrêté du 7 novembre 1997, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que les limites des niveaux sonores imposées par cet arrêté auraient été dépassées dans la phase de démarrage de l'installation. Par ailleurs, il n'est pas contesté que les mesures triennales prévues au même article 9 ont été effectuées. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que l'administration aurait commis une carence fautive, plus particulièrement en ce qu'elle n'aurait pas contrôlé cet établissement dès la fin des aménagements faisant l'objet de l'arrêté du 7 novembre 1997.
7. Si M. et Mme B... soutiennent que l'établissement SEE a violé les dispositions de l'article UE1 du POS de 1971 qui interdit tout dépôt de déchets et que l'administration n'a rien fait pour y mettre un terme et se plaignent des nuisances lumineuses induites par le fonctionnement de l'usine la nuit, ces fautes, à les supposer établies, ne présentent aucun lien de causalité avec le préjudice résultant des nuisances sonores qu'ils invoquent.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs demandes.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. et Mme B... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et à la ministre de la transition écologique et solidaire.
Délibéré après l'audience du 19 juin 2020, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 3 juillet 2020.
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N° 18MA02301
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