Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par une requête enregistrée sous le n° 1700105, M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite du maire de La Souche (07380) rejetant sa demande, en date du 9 septembre 2016 de suspension des travaux de réalisation d'une station d'épuration au lieudit " La Chareyrade ", sur le territoire de cette commune, ainsi que la décision ressortant du commencement de ces travaux le 12 décembre 2016.
Par une requête enregistrée sous le n° 1700107, M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 3 septembre 2015 portant prescriptions spécifiques relatives aux conditions d'exploitation d'une station d'épuration au lieudit " La Chareyrade ", sur le territoire de la commune de La Souche.
Par un jugement n° 1700105 et 1700107 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 3 septembre 2015 et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour
I - Par une requête et des mémoires enregistrés sous le n° 18LY04550 le 18 décembre 2018, le 24 mai 2019, le 2 août 2019, le 25 février 2020 et le 23 avril 2020, la commune de La Souche, représentée par Me H..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 25 octobre 2018 ;
2°) d'autoriser, à titre provisoire, la poursuite de l'exploitation de la station d'épuration jusqu'à la délivrance d'un nouvel arrêté préfectoral permettant la régularisation administrative de l'équipement ;
3°) de mettre à la charge de M. F... une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. F... ne dispose pas d'un intérêt à agir ;
- le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif n'a jamais été soulevé par M. F... dans ses écritures ;
- la juridiction a commis une erreur de droit, dès lors qu'elle a omis de vérifier à quelle date était applicable la distance des 100 mètres en cause ;
- les moyens soulevés par M. F... dans les requêtes n° 1700105 et 1700107 ne sont pas fondés.
Par cinq mémoires en défense, enregistrés le 29 avril 2019, le 13 juillet 2019, le 13 février 2020, le 23 mars 2020 (non communiqué) et le 19 juin 2020, M. F... représenté par Me B... :
1°) conclut au rejet de la requête ;
2°) demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens présentés par la commune ne sont pas fondés.
II - Par une requête enregistrée le 31 décembre 2018, sous le n° 18LY04716, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 25 octobre 2018.
Il soutient que :
- le jugement ne respecte pas les prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative concernant la signature de la minute du jugement ;
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit et d'une méconnaissance, par le tribunal, de son office de juge de plein contentieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2019, M. F... représenté par Me B... :
1°) conclut au rejet de la requête ;
2°) demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête est tardive ;
- les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'arrêté du 21 juillet 2015 relatif aux systèmes d'assainissement collectif et aux installations d'assainissement non collectif, à l'exception des installations d'assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5 ;
- l'arrêté du 24 août 2017 modifiant l'arrêté du 21 juillet 2015 relatif aux systèmes d'assainissement collectif et aux installations d'assainissement non collectif, à l'exception des installations d'assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant la commune de La Souche, et celles de Me A..., représentant M. F... ;
Une note en délibéré présentée par M. F... a été enregistrée le 10 février 2021.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... a demandé l'annulation d'une part, de la décision implicite du maire de La Souche rejetant sa demande de suspension des travaux de réalisation d'une station d'épuration au lieudit " La Chareyrade ", d'autre part, de l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 3 septembre 2015 portant prescriptions spécifiques relatives aux conditions d'exploitation d'une station d'épuration au lieudit " La Chareyrade ", sur le territoire de la commune de La Souche. Le ministre de la transition écologique et solidaire et la commune de La Souche relèvent appel du jugement rendu le 25 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 3 septembre 2015.
Sur la jonction :
2. Les requêtes susvisées enregistrées sous les numéros 18LY04550 et 18LY04716 présentées par la commune de La Souche et le ministre de la transition écologique et solidaire sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué comporte les signatures des magistrats du tribunal administratif de Lyon et du greffier d'audience. Ainsi, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une irrégularité au regard de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de La Souche :
4. Si la commune de La Souche soutient que M. F... ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité à agir à l'encontre de l'arrêté préfectoral, il résulte de l'instruction que ce dernier est propriétaire d'une parcelle comportant une habitation située à 85 mètres de la parcelle d'implantation de la station d'épuration autorisée. Eu égard à la nature de l'activité de l'installation en cause, aux potentiels inconvénients que présente celle-ci pour les tiers et à la proximité de l'habitation de M. F..., la fin de non-recevoir opposée par la commune de la Souche doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. A la suite de la réception en préfecture, le 26 juin 2015, du dossier de déclaration concernant l'assainissement du bourg de La Souche, par un arrêté, en date du 3 septembre 2015, le préfet de l'Ardèche a, d'une part, édicté des prescriptions spécifiques à déclaration, en application de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, relatives aux conditions d'exploitation de la station d'épuration située au lieu-dit " La Chareyrade ", sur le territoire de la commune de la Souche et d'autre part, a autorisé le rejet des eaux épurées.
6. Aux termes de l'article L. 214-10 du code de l'environnement : " Les décisions prises en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 et L. 214-8 peuvent être déférées à la juridiction administrative dans les conditions prévues aux articles L. 181-17 à L. 181-18. ". L'article L. 181-17 du même code dispose : " Les décisions prises sur le fondement de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 181-9 et les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les décisions prises, en application de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient, dès lors, au juge du plein contentieux d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.
7. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 21 juillet 2015 relatif aux systèmes d'assainissement collectif et aux installations d'assainissement non collectif, à l'exception des installations d'assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5, dans sa version initiale : " Les stations de traitement des eaux usées sont conçues et implantées de manière à préserver les riverains des nuisances de voisinage et des risques sanitaires. Cette implantation tient compte des extensions prévisibles des ouvrages de traitement, ainsi que des nouvelles zones d'habitations ou d'activités prévues dans les documents d'urbanisme en vigueur au moment de la construction. Les stations de traitement des eaux usées sont implantées à une distance minimale de cent mètres des habitations et des bâtiments recevant du public. Après avis de l'agence régionale de santé et, dans le cas d'une installation d'assainissement non collectif, du service public d'assainissement non collectif, il peut être dérogé aux prescriptions des deux alinéas ci-dessus, par décision préfectorale, sur demande du maître d'ouvrage accompagnée d'une expertise démontrant l'absence d'incidence. / Les stations de traitement des eaux usées ne sont pas implantées dans des zones inondables et sur des zones humides. En cas d'impossibilité technique avérée ou de coûts excessifs et en cohérence avec les dispositions d'un éventuel plan de prévention des risques inondation, il est possible de déroger à cette disposition. ". L'article 2 de l'arrêté du 24 août 2017, modifiant l'arrêté du 21 juillet 2015, supprime le deuxième alinéa de l'article 6 précité, lequel imposait une distance minimale d'implantation de cent mètres. Toutefois, selon l'article 11 de l'arrêté du 24 août 2017 précité : " Les dispositions du présent arrêté entrent en vigueur le lendemain de sa publication. Les dispositions des articles 2 et 3 du présent arrêté ne s'appliquent pas aux dossiers déposés avant cette date. ". Il résulte de ces dispositions et de l'office du juge du plein contentieux, s'agissant d'apprécier le respect de règles de fond régissant l'installation, qu'à la date où la Cour statue sur la légalité de l'arrêté du 3 septembre 2015, les dispositions qui lui sont applicables sont celles de l'article 6 de l'arrêté du 21 juillet 2015 dans sa version initiale, non modifiées par l'article 2 de l'arrêté du 24 août 2017.
8. Il résulte de l'instruction que la station d'épuration concernée par l'arrêté du 3 septembre 2015 est implantée à moins de 100 mètres de plusieurs habitations, dont celle de M. F... et d'un établissement recevant du public. Il est constant que l'installation en cause n'a fait l'objet d'aucune dérogation au sens du troisième alinéa de l'article 6 de l'arrêté du 21 juillet 2015 précité, sans que l'avis favorable de l'Agence Régionale de Santé du 17 juillet 2015 produit, portant sur les risques relatifs à la baignade, puisse en tenir lieu, en l'absence d'expertise démontrant l'absence d'incidence du projet. Par suite, l'arrêté préfectoral du 3 septembre 2015 a été pris en méconnaissance des exigences prévues l'article 6 de l'arrêté ministériel du 21 juillet 2015, qui lui sont applicables à la date à laquelle la Cour statue, relatives à la distance minimale d'implantation de 100 mètres des stations d'épuration par rapport aux habitations et bâtiments recevant du public.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée au ministre en défense, que la commune de La Souche et le ministre de la transition écologique et solidaire ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon, statuant sur le moyen soulevé régulièrement par M. F... en première instance, a annulé l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 3 septembre 2015 au motif que l'implantation de la station d'épuration située au lieu-dit " La Chareyrade " ne respectait pas la distance minimale d'implantation de 100 mètres par rapport aux habitations et bâtiments recevant du public.
Sur les conséquences de l'annulation de l'arrêté du 3 septembre 2015 :
10. L'article L. 181-18 du code de l'environnement, créé par l'article 1er de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale dispose que : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / II. En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées. ".
11. Lorsqu'il prononce l'annulation, totale ou partielle, d'une autorisation environnementale, le juge de pleine juridiction des autorisations environnementales a toujours la faculté, au titre de son office, d'autoriser lui-même, à titre provisoire, et le cas échéant sous réserve de prescriptions complémentaires qu'il fixe lui-même et pour un délai qu'il détermine, la poursuite de l'exploitation, des activités ou des travaux en cause dans l'attente de la délivrance d'une nouvelle autorisation par l'autorité administrative. Les dispositions précitées de l'article L. 181-18 du code de l'environnement n'ont ni pour objet ni pour effet de lui retirer ce pouvoir. Dans tous les cas, que ce soit pour suspendre l'exécution de l'autorisation attaquée ou pour délivrer une autorisation provisoire, il appartient au juge de prendre en compte, pour déterminer l'opportunité de telles mesures, l'ensemble des éléments de l'espèce, notamment la nature et la portée de l'illégalité en cause, les considérations d'ordre économique et social ou tout autre motif d'intérêt général pouvant justifier la poursuite de l'exploitation, des activités ou des travaux et l'atteinte éventuellement causée par ceux-ci aux intérêts mentionnés aux articles L. 181-3 et L. 181-4 du code l'environnement ou à d'autres intérêts publics et privés.
12. La station d'épuration a été mise en service le 1er septembre 2017. Il ne résulte pas de l'instruction que le fonctionnement de l'installation, qui est utilisée par 129 usagers, porterait atteinte aux intérêts mentionnés aux articles L. 181-3 et L. 181-4 du code l'environnement ou à d'autres intérêts publics et privés. Compte tenu de ces éléments, il y a lieu d'accorder, à la commune de La Souche un délai de quatre mois, à compter de la notification du présent arrêt, pour présenter une nouvelle déclaration d'exploitation, notamment au regard de l'article 6, dans sa version issue de l'arrêté du 24 août 2017 modifiant l'arrêté du 21 juillet 2015, qui prévoit : " qu'après avis de l'agence régionale de santé, il peut être dérogé aux prescriptions de l'alinéa ci-dessus, par décision préfectorale, sur demande du maître d'ouvrage accompagnée d'une expertise démontrant l'absence d'incidence. ". Dans ces conditions, il est d'intérêt général d'autoriser la commune de La Souche à poursuivre l'exploitation, à titre provisoire, de la station d'épuration, dans l'attente qu'il soit statué à nouveau par le préfet de l'Ardèche, qui devra se prononcer, sur le nouveau dossier de déclaration, dans un délai de deux mois. Il y a lieu, également, d'assortir cette autorisation provisoire des prescriptions identiques à celles édictées par l'arrêté annulé.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. F..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la commune de La Souche. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de La Souche et de l'Etat, chacun, la somme de 1 000 euros à verser à M. F..., au titre des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 18LY04550 présentée par la commune de La Souche et la requête n° 18LY04716 présentée par le Ministre de la transition écologique et solidaire sont rejetées.
Article 2 : Jusqu'à ce qu'il soit statué par le préfet de l'Ardèche sur le dossier de déclaration, la commune de La Souche est provisoirement autorisée à poursuivre l'exploitation de la station d'épuration située au lieu-dit " La Chareyrade ", sur son territoire. Cette autorisation provisoire est soumise aux prescriptions identiques à celles édictées par l'arrêté préfectoral annulé du 3 septembre 2015.
Article 3 : La commune de La Souche présentera une nouvelle déclaration à la préfecture de l'Ardèche au plus tard dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Le préfet de l'Ardèche devra se prononcer, sur le nouveau dossier de déclaration, dans un délai de deux mois, soit un délai total de six mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat et la commune de La Souche verseront chacun à M. F... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F..., à la commune de La Souche et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.
Délibéré après l'audience du 9 février 2021, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme C... G..., première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.
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N°s 18LY04550, 18LY04716