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25/08/2020 | FRANCE | N°18LY04420

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 25 août 2020, 18LY04420


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1701407 du 5 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de 92 531 euros (article 1er) et rejeté le surplus de leur demande (article 2).

Procédure dev

ant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 décembre 2018 et un mémoire en réplique e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1701407 du 5 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de 92 531 euros (article 1er) et rejeté le surplus de leur demande (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 décembre 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 15 octobre 2019, M. et Mme B..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 octobre 2018 ;

2°) de leur accorder la décharge de la somme de 1 898 789 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- M. B... était contractuellement obligé de prolonger pour dix ans supplémentaires l'usufruit temporaire sur les titres de la SAS Coralu, de sorte que l'administration n'est pas fondée à soutenir que l'évaluation des titres de la SARL CM serait basée sur une hypothèse purement potestative ;

- en cas de majoration de la valeur d'apport, ce sont les associés qui sont auteurs de la libéralité et non la société dont les titres ont été émis en contrepartie de cet apport ;

- l'exception au principe de symétrie en droit fiscal ne s'applique qu'aux apports consentis pour un prix minoré ;

- compte tenu de ce que M. B... dispose de 99,9 % des parts de la société civile JMS, l'opération ne peut être regardée comme constitutive d'une libéralité ;

- la société JMS n'a procédé à aucun désinvestissement, exception faite de la soulte ;

- la fraction majorée de l'apport ne revêt pas le caractère de revenu disponible au sens des articles 12 et 156 du code général des impôts ;

- l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 a été méconnu ;

- l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par M. et Mme B... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la constitution et notamment la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Savouré, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M. et Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle à la suite duquel ils ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2009, assorties de pénalités pour manquement délibéré, résultant notamment d'un redressement portant sur une opération d'apport en usufruit temporaire de parts de la SARL CM, contrôlée par M. B..., au profit de la société civile JMS, qui exerce une activité de holding et de prise de participation dans des sociétés financières et dont les requérants étaient associés. Saisi par M. et Mme B..., le tribunal administratif de Lyon a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de 92 531 euros en droits et pénalités, compte tenu du dégrèvement intervenu en matière de contributions sociales consécutivement à l'abandon de la majoration en base de 25 % prévue par le 7° du 2 de l'article 158 du code général des impôts et rejeté le surplus des conclusions de la demande. Par la présente requête, M. et Mme B... interjette appel de ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c) Les rémunérations et avantages occultes (...) ".

3. Lorsqu'une société bénéficie d'un apport pour une valeur que les parties ont délibérément majorée par rapport à la valeur vénale de l'objet de la convention, sans que cet écart ne comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être regardé comme une libéralité consentie à l'associé et représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées de l'article 111 du code général des impôts. La preuve d'une telle libéralité doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre la valeur d'apport déclarée et la valeur vénale réelle du bien apporté et, d'autre part, d'une intention, pour l'apporteur d'octroyer, et, pour la société bénéficiaire, de recevoir une libéralité du fait des conditions de l'apport. Cette intention est présumée lorsque les parties sont en relation d'intérêts.

4. Le 29 juin 2009, M. B... a apporté à la société civile JMS l'usufruit temporaire, pour une durée de sept ans, de 15 777 titres de la SAS Coralu dont il est associé principal, pour une valeur de 5 364 180 euros. Il a reçu en contrepartie 487 900 titres de la société civile JMS d'une valeur de dix euros et une soulte de 485 180 euros. Le même jour, cet usufruit a été cédé par la société civile JMS à la SARL CM pour le même montant. La SARL CM a financé cette acquisition au moyen d'un emprunt sur sept ans à un taux de 4 %.

5. Par ailleurs, le 27 novembre 2009, M. B... a apporté à la société civile JMS l'usufruit temporaire pour une durée de dix-sept ans de 10 426 parts qu'il détenait dans la SARL CM, pour une valeur de 2 649 767 euros. Il a reçu en contrepartie 241 000 titres de la société civile JMS d'une valeur de 10 euros et une soulte de 239 767 euros.

6. Le vérificateur a constaté que la valorisation de l'usufruit temporaire pour sept ans des titres de la SAS Coralu était basée sur un taux de rentabilité interne de 6,12 % et qu'il était prévu que l'équilibre financier de l'acquisition au moyen d'un emprunt pas la SARL CM soit assuré grâce à la distribution de dividendes. La valorisation de l'usufruit temporaire pour dix-sept ans des parts de la SARL CM était quant à elle basée sur un taux de rentabilité interne de 10 %, résultant, d'une part, d'une absence de distribution pendant les sept premières années compte tenu du remboursement à intervenir de l'emprunt souscrit pour l'acquisition de l'usufruit sur les titres de la SAS Coralu et, d'autre part, d'un flux continu de distribution de 1 038 000 euros au cours des dix années suivantes.

7. Toutefois, l'administration a constaté que la valeur de l'usufruit temporaire des parts de la SAS Coralu était basée sur un montant de dividendes hypothétique et, surtout, sur la volonté exclusive de M. B... de prolonger de neuf années supplémentaires l'usufruit temporaire de sept ans portant sur 11 100 titres de la SAS Coralu. Le vérificateur a ainsi estimé la valeur de l'usufruit temporaire sur les parts de la SARL CM à 621 353 euros et que la différence entre cette somme et la valeur déclarée de l'apport de 2 649 767 euros, soit 2 028 414 euros, devait être regardée comme une rémunération ou avantage occulte imposable sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts.

8. M. B... produit, pour la première fois en appel, un document qu'il présente comme une annexe au contrat, qu'il aurait reçu par courriel le 23 novembre 2009, dont il ressort que la valeur unitaire de l'usufruit temporaire des parts de la SARL CM serait basée sur l'hypothèse suivant laquelle il reconduirait pour une durée de dix ans supplémentaires l'usufruit temporaire portant sur les titres de la SAS Coralu. Toutefois, le traité d'apport ne mentionne pas cette annexe. A supposer même qu'il puisse être regardé comme faisant partie du contrat, il ne pourrait être regardé que comme un exposé des modalités d'estimation de la valeur de l'usufruit temporaire de la SARL CM. Si ces modalités d'estimation prennent pour hypothèse une prolongation de l'usufruit des titres de la SAS Coralu, elles n'emportent pas pour autant une quelconque obligation pesant sur M. B... sur ce point. En outre, M. et Mme B... ne sauraient sérieusement soutenir que l'absence de prolongation de l'usufruit temporaire les aurait exposés à une action indemnitaire de la part de la société civile JMS, dans la mesure où celle-ci est contrôlée par eux-mêmes. Par suite, l'administration établit que la valeur d'apport de l'usufruit est basée sur une opération relevant de la seule volonté de M. B... et qu'il ne peut être tenu compte de cette hypothèse pour l'évaluation de la valeur des titres. Elle établit ainsi, par voie de conséquence, que l'apport, valorisé à 2 649 767 euros, devait en réalité être regardé comme ayant une valeur vénale de 621 353 euros, ce qui est constitutif d'un écart significatif. L'administration établit ainsi que l'opération d'apport litigieuse était constitutive d'une libéralité pour sa totalité et non seulement à concurrence de la soulte dont M. B... a bénéficié et ce, quand bien-même M. B... a reçu des titres de la société civile JMS, d'une valeur correspondant à l'apport effectué.

9. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B..., un apport en nature effectué par un associé pour une valeur majorée est susceptible d'être regardée comme une libéralité octroyée par la société bénéficiaire de l'apport, en raison de la distribution de titres surévalués, imposable entre ses mains sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes de l'article 156 du même code : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. (...) ".

11. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B..., l'opération litigieuse, qui doit s'analyser comme une rémunération ou avantage occulte ainsi qu'il a été dit plus haut, doit être regardée comme un revenu imposable au titre de l'année où ils en ont bénéficié, quand bien même elle ne prend pas la forme d'une somme en numéraire mais de parts de société.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour (...) assurer le paiement des impôts (...) ". Il résulte des termes mêmes de cet article que le droit au respect de ses biens, reconnu à toute personne physique ou morale, ne porte pas atteinte au droit de chaque Etat partie au protocole additionnel de mettre en oeuvre les lois qu'il juge nécessaires pour assurer le paiement des impôts. L'imposition des sommes mises à la disposition d'un contribuable ne saurait être regardée comme portant par elle-même atteinte au respect des biens au sens de l'article 1er de ce protocole. Il résulte de ce qui a été dit plus haut que l'avantage dont a bénéficié M. B... doit être regardé comme ayant été mis à sa disposition. Ainsi les rectifications en litige n'ont pas eu pour effet de porter au droit de propriété une atteinte prohibée par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. En cinquième lieu, la rectification en litige, qui résulte de l'application de la loi fiscale, ne peut être utilement contestée devant le juge de l'impôt au motif qu'elle serait contraire au principe constitutionnel d'égalité des contribuables devant l'impôt garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, sauf à présenter une question prioritaire de constitutionnalité.

14. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande. Leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 9 juillet 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente-assesseure,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 août 2020.

2

N° 18LY04420


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04420
Date de la décision : 25/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : ARCHIMEDE AVOCATS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-25;18ly04420 ?
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