Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les arrêtés du 13 avril 2018 par lesquels la préfète de la Côte-d'Or, lui a, d'une part, fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a désigné le pays de renvoi, et l'a, d'autre part, assignée à résidence pour une durée de maximale de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 1801028 du 18 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 17 mai 2018 et un mémoire enregistré le 17 janvier 2019 qui n'a pas été communiqué, Mme E... C..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon du 18 avril 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés de la préfète de la Côte-d'Or du 13 avril 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est de nationalité française par filiation et ne pouvait ainsi légalement faire l'objet d'une décision d'éloignement ;
- l'obligation de quitter le territoire français a été édictée en violation du droit d'être entendu ;
- cette obligation méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée et méconnaît les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de risque de fuite ;
- la décision d'assignation à résidence est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire, enregistré le 12 décembre 2018, le préfet de la Côte d'Or conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;
- et les observations de Me B... pour Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante camerounaise née en 1989, qui déclare être entrée en France en avril 2013, a été interpellée en situation irrégulière à la suite d'un contrôle d'identité le 13 avril 2018 et a fait l'objet, le même jour, de deux arrêtés par lesquels la préfète de la Côte-d'Or lui a, d'une part, fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a désigné le pays de renvoi et l'a, d'autre part, assignée à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours. Mme C... relève appel du jugement du 18 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de ces arrêtés.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sont considérées comme étrangers au sens du présent code les personnes qui n'ont pas la nationalité française, soit qu'elles aient une nationalité étrangère, soit qu'elles n'aient pas de nationalité ". Ne peut faire l'objet de l'une des mesures prévues par ce code, et notamment d'une mesure d'éloignement, une personne qui, à la date de cette mesure, possède la nationalité française, alors même qu'elle aurait également une nationalité étrangère.
3. Aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français. ". Aux termes de l'article 29 de ce code : " La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques. / Les questions de nationalité sont préjudicielles devant toute autre juridiction de l'ordre administratif ou judiciaire à l'exception des juridictions répressives comportant un jury criminel. ". Il résulte des dispositions de l'article 30 du code civil que la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause, sauf s'il est titulaire d'un certificat de nationalité française. Si, en vertu de l'article 29 du même code, les questions de nationalité sont préjudicielles devant les juridictions de l'ordre administratif, il résulte de l'article R. 771-2 du code de justice administrative que la juridiction administrative n'est tenue de surseoir à statuer et de transmettre la question à la juridiction judiciaire que si elle soulève une difficulté sérieuse.
4. Mme C... soutient qu'elle a la qualité de française par filiation paternelle, son père, M. A... D..., né le 16 décembre 1956 à Sainte-Marie en Martinique, possédant la nationalité française. La requérante produit notamment, à l'appui de ses allégations, un extrait d'acte de naissance la désignant comme la fille de M. D..., ainsi que la carte nationale d'identité française de ce dernier. Toutefois, le tribunal d'instance de Palaiseau a refusé, le 27 février 2017, la délivrance d'un certificat de nationalité française à l'intéressée au motif que la filiation n'était pas légalement établie, en l'absence de mariage de ses parents avant sa naissance et à défaut d'acte de reconnaissance durant sa minorité. Mme C... ne soutient pas qu'à la date des arrêtés attaqués, elle aurait contesté cette décision de refus. Dans ces conditions, la requérante, qui n'assortit pas l'exception de nationalité qu'elle soulève de justifications suffisantes, n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
5. En deuxième lieu, lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ce droit implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger intéressé à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité de son séjour ou la perspective de son éloignement.
6. Mme C..., à la suite de son interpellation le 13 avril 2018, a été auditionnée par les services de police. A l'occasion de cette audition, l'intéressée a fait état des conditions de son arrivée en France, des motifs pour lesquels elle entendait y séjourner, et des démarches effectuées en France pour obtenir la nationalité française. Elle a également été informée qu'une décision d'éloignement allait être prise à son encontre. La requérante a été ainsi mise à même de présenter utilement ses observations avant l'intervention de l'obligation de quitter le territoire français et n'établit pas qu'elle aurait tenté en vain de porter à la connaissance de l'administration des éléments pertinents relatifs à sa situation, avant l'intervention de la mesure d'éloignement en litige. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée du droit d'être entendue résultant du principe général du droit de l'Union européenne.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Mme C... se prévaut de la présence en France de ses parents, de son frère et de sa soeur de nationalité française, et de sa relation avec un ressortissant français avec lequel elle a conclu un pacte civil de solidarité en décembre 2017. Toutefois, la requérante, qui déclare être entrée en France en avril 2013 où elle s'est maintenue irrégulièrement sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour, a vécu la majeure partie de sa vie au Cameroun, dont dix années séparée de ses parents alors qu'elle était mineure. Sa relation avec son compagnon n'excède pas quelques mois à la date de la décision attaquée. La requérante n'est ainsi pas fondée, eu égard aux conditions de son séjour en France, à établir que la décision attaquée, au regard des objectifs qu'elle poursuit, porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations citées au point précédent. Pour les mêmes motifs, la mesure d'éloignement en litige n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle est susceptible de comporter pour sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
9. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...) ".
10. En premier lieu, la décision n'accordant aucun délai de départ volontaire à Mme C... vise le a) et le f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique les motifs pour lesquelles la préfète de la Côte-d'Or a entendu n'accorder aucun délai de départ volontaire à l'intéressée.
11. Si Mme C... soutient que la décision lui refusant un délai de départ volontaire ne pouvait être légalement fondée sur le f) du 3° du II de l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu des garanties de représentation dont elle justifie et qui ont justifié son assignation à résidence, il est constant que l'intéressée est entrée irrégulièrement sur le territoire national où elle n'a pas demandé la délivrance d'un titre de séjour, de sorte qu'elle entrait dans le cas visé au a) du même texte, permettant, sauf circonstance particulière, de présumer établi le risque qu'elle se soustraie à la mesure d'éloignement. Les démarches entreprises par la requérante aux fins de se voir reconnaître la nationalité française ne suffisent pas à caractériser en l'espèce une circonstance particulière faisant obstacle à cette présomption. Ainsi, la préfète de la Côte-d'Or, qui aurait pris la même décision si elle ne s'était fondée que sur ce motif, n'a pas fait une inexacte application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
Sur la légalité de l'assignation à résidence :
12. Mme C..., qui n'a pas démontré l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondée à s'en prévaloir au soutien de ses conclusions dirigées contre la mesure d'assignation à résidence.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2019 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 février 2019.
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et au préfet de la Côte-d'Or en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 18LY01941
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