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12/03/2020 | FRANCE | N°18LY01137

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 12 mars 2020, 18LY01137


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme G... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2008.

Par un jugement n° 1506596 du 30 janvier 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 mars 2018, 18 octobre 2018 et 13 février 2019, Mme D... F..., représentée par M

e A..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme G... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2008.

Par un jugement n° 1506596 du 30 janvier 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 mars 2018, 18 octobre 2018 et 13 février 2019, Mme D... F..., représentée par Me A..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 janvier 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités correspondantes en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les stipulations du 1 de l'article 13 de la convention franco-brésilienne ne peuvent être interprétées comme accordant à la France un quelconque droit d'imposer les plus-values réalisées par un résident français, à l'occasion de l'aliénation de droit sociaux détenus dans une société brésilienne dont l'actif est principalement composé de biens immobiliers ;

- l'article 22 de la convention franco-brésilienne ne permet pas plus à la France d'imposer les revenus en litige ;

- l'instruction 14 B-17-72 du 8 décembre 1972 exclut le droit pour la France, d'imposer le gain litigieux.

Par des mémoires enregistrés les 8 août 2018 et 5 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut d'une part, à ce qu'il n'y ait plus lieu de statuer à hauteur de la somme de 22 514 euros correspondant au dégrèvement prononcé et, d'autre part, au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- il a admis la réclamation de l'intéressée concernant l'imputation sur les rappels d'impôt sur le revenu demeurant à sa charge, de l'impôt qu'elle justifie avoir acquitté au Brésil à hauteur de la somme de 22 514 euros ;

- la plus-value de cession de titres mobiliers par un résident fiscal français est imposable en France et le a du 2 de l'article 22 de la convention franco-brésilienne prévoit que l'exonération des impôts français sur le revenu pour les revenus imposables au Brésil au titre de cette convention ne concernent pas les revenus en litige pour lesquels est prévu le mécanisme du crédit d'impôt destiné à éviter les doubles impositions;

- la doctrine dont la requérante se prévaut ne comporte pas une interprétation des stipulations de la convention franco-brésilienne plus favorable au contribuable que celles dont l'administration a fait application au présent litige.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention fiscale franco-brésilienne signée le 10 septembre 1971 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B..., présidente assesseure ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- les observations de Me A..., représentant Mme D... F... ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 6 mars 2008, Mme D... F... a cédé à une société de droit américain, 400 241 actions de la société de droit brésilien Leaö Irmaös Acicar E Älcoll SA, dont l'actif était principalement composé de biens immobiliers. Elle a réalisé, sur cette cession une plus-value d'un montant de 3 209 281 euros qu'elle n'a pas mentionnée sur sa déclaration de revenus, estimant que ces revenus n'étaient imposables qu'au Brésil. L'administration estimant, à l'inverse, que cette plus-value était imposable en France a notifié à l'intéressée des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, au titre de l'année 2008. Mme D... F... relève appel du jugement du 30 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur l'étendue du litige :

2. Par décision du 22 janvier 2019, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé le dégrèvement, à hauteur de la somme de 22 514 euros, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles Mme D... F... a été assujettie au titre de l'année 2008. Les conclusions de la requête relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur l'imposition en France de la plus-value en litige :

3. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

4. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. (...) ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. (...) ".

5. D'une part, il est constant qu'en 2008 le foyer de Mme D... F... se trouvait en France. Elle était donc domiciliée fiscalement en France au titre de cette année et y était ainsi assujettie à l'impôt sur le revenu à raison de l'ensemble de ses revenus, de source française comme étrangère.

6. D'autre part, il est constant que la plus-value litigieuse relevait du régime d'imposition défini aux articles 150-0 A à 150-0 E du code général des impôts.

7. Aux termes des stipulations de l'article 13 de la convention fiscale franco-brésilienne du 10 septembre 1971 : " Gains en capital / 1. Les gains provenant de l'aliénation des biens immobiliers, tels qu'ils sont définis au paragraphe 2 de l'article 6, ou de l'aliénation de parts ou de droits analogues dans une société dont l'actif est composé principalement de biens immobiliers sont imposables dans l'Etat contractant où ces biens immobiliers sont situés. 2. Les gains provenant de l'aliénation de biens mobiliers faisant partie de l'actif d'un établissement stable qu'une entreprise d'un Etat contractant a dans l'autre Etat contractant, y compris de tels gains provenant de l'aliénation globale de cet établissement stable (seul ou avec l'ensemble de l'entreprise) sont imposables dans cet autre Etat. Toutefois, les gains provenant de l'aliénation de navires ou d'aéronefs exploités en trafic international et de biens mobiliers affectés à l'exploitation desdits navires ou aéronefs ne sont imposables que dans l'Etat contractant où le siège de la direction effective de l'entreprise est situé. 3. Les gains provenant de l'aliénation de tous biens ou droits autres que ceux mentionnés aux paragraphes 1 et 2 sont imposables dans les deux Etats contractants. "

8. Aux termes de l'article 22 de la convention fiscale franco-brésilienne du 10 septembre 1971 : " (...) 2. Dans le cas de la France : a. Les revenus autres que ceux visés aux alinéas b et c ci-dessous sont exonérés des impôts français mentionnés au paragraphe 1 a de l'article 2, lorsque ces revenus sont imposables au Brésil en vertu de la présente Convention. (...) / c. En ce qui concerne les revenus visés aux articles 10, 11, 12, 13, 14, 16 et 17 qui ont supporté l'impôt brésilien conformément aux dispositions desdits articles, la France accorde aux résidents de France percevant de tels revenus de source brésilienne un crédit d'impôt correspondant à l'impôt perçu au Brésil et dans la limite de l'impôt français afférent à ces mêmes revenus. (...) ".

9. La plus-value réalisée par Mme D... F... provient de la cession de parts dans une société dont l'actif est composé principalement de biens immobiliers situés au Brésil et constitue à ce titre, un gain imposable au Brésil sur le fondement du paragraphe 1 de l'article 13 de la convention fiscale franco-brésilienne. Contrairement à ce que soutient l'administration, il ne résulte pas des stipulations précitées que cette plus-value, pourrait également faire l'objet d'une imposition en France, à l'instar des gains mentionnés au paragraphe 3 de l'article 13 de cette convention. Dès lors, la requérante est fondée à soutenir que la plus-value litigieuse ne pouvait être imposée qu'au Brésil.

10. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, Mme D... F... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2008.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : A concurrence de la somme de 22 514 euros, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 janvier 2018 est annulé.

Article 3 : Mme D... F... est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2008.

Article 4 : L'Etat versera 2 000 euros à Mme D... F... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... F... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 20 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme B..., présidente assesseure,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 mars 2020.

N° 18LY01137 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01137
Date de la décision : 12/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Lieu d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS LAWREA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-03-12;18ly01137 ?
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