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11/10/2018 | FRANCE | N°18DA00437

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 11 octobre 2018, 18DA00437


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...F...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 avril 2017 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1704619 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 13 avril 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 février 2018, le préfet du Nord demande à la cour :r>
1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de MmeF....

Il soutient que :

- la décis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...F...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 avril 2017 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1704619 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 13 avril 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 février 2018, le préfet du Nord demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de MmeF....

Il soutient que :

- la décision rejetant la demande de titre de séjour de Mme F...n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- les autres moyens soulevés en première instance par l'intéressée ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2018, Mme B...F..., représentée par Me E...D..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet du Nord ;

2°) à défaut, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 avril 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

1. Mme F...est une ressortissante congolaise née le 17 décembre 1995 et entrée irrégulièrement sur le territoire français, selon ses déclarations, le 8 juin 2012. Alors mineure et isolée, elle a été confiée au service de l'aide sociale à l'enfance par décision du juge des enfants. A sa majorité et pendant les trois années suivantes, elle a conclu avec le même service un " contrat d'accueil provisoire jeune majeur ". Scolarisée à son arrivée en France, elle a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle " employé de commerce multi-spécialité " avec de bons résultats, avant de s'inscrire, pour l'année scolaire 2015-2016, en première année de baccalauréat professionnel, spécialité vente. Le préfet du Nord a muni Mme F...d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiante de 2014 à 2017. L'intéressée a toutefois interrompu ses études en 2016 et s'est mise à la recherche d'un emploi, tout en sollicitant auprès du préfet du Nord un changement de statut tendant à la délivrance d'une carte de séjour temporaire au titre de la vie privée et familiale. Par l'arrêté en litige du 13 avril 2017, le préfet du Nord a rejeté cette demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

2. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date du refus du préfet, MmeF..., qui séjourne en France depuis un peu moins de cinq ans, ne poursuit plus d'études. Célibataire et sans charge de famille, elle ne se prévaut d'aucune attache familiale sur le territoire français, alors qu'elle n'est pas isolée en République démocratique du Congo, où réside toute sa famille et où elle a elle-même vécu jusqu'à ses seize ans. L'intéressée n'exerce pas d'activité professionnelle et ne dispose d'aucune ressource. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et malgré le jeune âge de Mme F...à son arrivée en France et ses efforts d'intégration, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Nord a fait une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

3. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du 13 avril 2017. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme F...devant la juridiction administrative.

Sur les autres moyens soulevés par MmeF... :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

4. L'arrêté en litige, en tant qu'il rejette la demande de titre de séjour de MmeF..., énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Il est dès lors suffisamment motivé.

5. Il ne ressort ni des motifs de cet arrêté, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen attentif et complet de la situation personnelle de Mme F... avant de rejeter sa demande de titre de séjour.

6. Ainsi qu'il a été dit au point 2, il ressort des pièces du dossier que MmeF..., si elle séjourne en France depuis près de cinq ans à la date de la décision en litige, n'y revendique aucune attache familiale, alors qu'il résulte du formulaire d'examen de situation qu'elle a rempli que ses deux parents et ses quatre frères et soeurs résident en République démocratique du Congo. Si l'intimée soutient qu'elle n'a plus aucune relation avec sa famille, en raison notamment des sévices qui lui auraient été infligés par son père, elle n'apporte pas d'élément suffisamment probants à l'appui de ces allégations et ne démontre pas, en tout état de cause, qu'elle serait isolée en cas de retour dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de seize ans, et serait contrainte de vivre auprès de son père . En outre, si Mme F...a produit des efforts d'intégration, notamment en obtenant de bons résultats dans le cadre de son certificat d'aptitude professionnelle, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, elle a interrompu ses études, n'exerce aucune activité professionnelle et ne dispose pas de moyens de subsistance. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de titre de séjour prise par le préfet du Nord n'a pas porté au droit de Mme F...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise. Elle n'a, par suite, pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 6 que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que la décision de rejet de sa demande de titre de séjour est entachée d'illégalité.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

8. Par un arrêté du 18 janvier 2017, le préfet du Nord a donné délégation à M. A...C..., sous-préfet de Dunkerque, à l'effet de signer notamment, dans les limites de son arrondissement, les décisions portant obligation de quitter le territoire français. Mme F...n'est dès lors pas fondée à soutenir que cette décision aurait été prise par une autorité incompétence.

9. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que Mme F...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision rejetant sa demande de titre de séjour.

10. Pour les motifs déjà énoncés au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'obligation faite à Mme F...de quitter le territoire français porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel cette décision a été prise. Elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet du Nord a fait une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 à 10 que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français dont elle fait l'objet est entachée d'illégalité.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

12. L'arrêté préfectoral de délégation de signature cité au point 8 donnait compétence à M. C... pour signer la décision fixant le délai de départ volontaire de MmeF....

13. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas (...) ".

14. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation personnelle de Mme F...justifie que lui soit accordé, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, dont elle ne précise d'ailleurs pas la durée. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions citées au point précédent.

15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 12 à 14 que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le délai de départ volontaire est entachée d'illégalité.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

16. L'arrêté en litige, en tant qu'il fixe le pays à destination duquel Mme F...sera reconduite d'office à défaut de départ volontaire dans le délai qui lui est imparti, expose les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Il est, dès lors, suffisamment motivé.

17. Il résulte de ce qui a été dit au point 11 que Mme F...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont elle fait l'objet.

18. Mme F...soutient qu'ayant refusé, alors qu'elle avait quinze ans, de consentir à un mariage imposé par son père, elle a été victime, de la part de ce dernier, de mauvais traitements, puis d'un viol. Toutefois, elle n'apporte aucun élément de nature à corroborer ce récit. En tout état de cause, la décision en litige, si elle désigne la République démocratique du Congo comme pays de destination de l'éloignement de l'intéressée, n'implique pas nécessairement qu'elle retourne vivre avec son père, alors qu'il ressort de ses propres déclarations que celui-ci vit séparé des autres membres de sa famille. Dès lors, Mme F...n'établit pas que cette décision l'expose à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que cette décision serait contraire à ces stipulations ou aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

19. Il résulte de ce qui a été dit aux points 16 à 18 que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination de son éloignement est entachée d'illégalité.

20. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 13 avril 2017.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au conseil de Mme F...de la somme qu'il demande sur ce fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 6 février 2018 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme F...est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées en appel par le conseil de Mme F...sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...F..., au ministre de l'intérieur et à Me E...D....

N°18DA00437


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA00437
Date de la décision : 11/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Charles-Edouard Minet
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : RIVIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-10-11;18da00437 ?
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