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01/12/2020 | FRANCE | N°18BX04497

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 01 décembre 2020, 18BX04497


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la protection des paysages et de l'environnement de Lathus a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le permis de construire délivré le 14 juin 2018 par le préfet de la Vienne à la société Ferme éolienne de Plaisance pour l'implantation d'un parc composé de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Plaisance.

Par une ordonnance n° 1802344 du 30 octobre 2018, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Poitiers a rejeté cett

e demande sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la protection des paysages et de l'environnement de Lathus a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le permis de construire délivré le 14 juin 2018 par le préfet de la Vienne à la société Ferme éolienne de Plaisance pour l'implantation d'un parc composé de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Plaisance.

Par une ordonnance n° 1802344 du 30 octobre 2018, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 décembre 2018 et le 12 novembre 2019, l'association pour la protection des paysages et de l'environnement de Lathus, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance n° 1802344 du 30 octobre 2018 ;

2°) d'annuler le permis de construire du 14 juin 2018 et le refus opposé à son recours gracieux dirigé contre ce permis :

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Poitiers a jugé que le délai de recours contre le permis était expiré et qu'en conséquence, l'association ne pouvait plus étayer ses moyens des précisions nécessaires ; en effet, le délai de recours a été prorogé par le recours gracieux, dûment notifié au bénéficiaire de l'autorisation, exercé le 7 août 2018 auprès du préfet à l'encontre du permis de construire en litige ; à la date de l'ordonnance attaquée, le délai de recours n'était pas expiré et les dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ne trouvaient pas à s'appliquer ;

- c'est à tort que le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Poitiers a estimé que les moyens de la requête étaient sommaires ; ils étaient au contraire exposés de manière suffisamment précise et de plus accompagnés des pièces justificatives nécessaires ;

- le permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme ; le projet portera atteinte aux chiroptères protégés dont la présence au sein de la zone d'implantation du futur parc a été établie ;

- le permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ; le projet consiste dans l'implantation de cinq éoliennes d'une hauteur de 180 mètres à une distance de 690 mètres seulement du site classé du dolmen de Chiroux ; l'impact visuel du projet sur ce site est particulièrement fort, comme l'ont d'ailleurs reconnu les auteurs de l'étude d'impact jointe avec le dossier de demande d'autorisation d'exploiter ; il en résultera un changement radical des perceptions visuelles depuis le site en cause.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 septembre 2019 et le 11 décembre 2019, la société Ferme éolienne de Plaisance, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2019, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par ordonnance du 13 décembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 29 janvier 2020 à 12h00.

L'association pour la protection des paysages et de l'environnement a présenté un mémoire le 11 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... A...,

- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 14 juin 2018, le préfet de la Vienne a délivré à la société Ferme éolienne de Plaisance un permis de construire un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Plaisance. L'association pour la protection des paysages et de l'environnement de Lathus (l'APPEL) a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande tendant à l'annulation de ce permis de construire. Elle relève appel de l'ordonnance rendue le 30 octobre 2018 par laquelle le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative et de celles de l'article R. 411-1 du même code.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours (...) les requêtes ne comportant que (...) des moyens qui (...) ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. ". Aux termes de l'article R. 411-1 du même code : " (...) L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ".

3. Pour rejeter la demande dont il a été saisi, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Poitiers a jugé que les moyens soulevés par l'APPEL n'étaient assortis d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé et que, le délai de recours étant expiré, la demande devait être rejetée en application des dispositions précitées du code de justice administrative.

4. Dans sa demande introductive d'instance présentée devant le tribunal, l'APPEL a indiqué que le terrain d'assiette du projet de parc éolien se situe à proximité des sites classés de la Gartempe et du dolmen de Chiroux. L'APPEL a ainsi identifié les sites dont elle estimait qu'ils étaient visuellement impactés par le projet en litige en joignant en outre à sa requête l'arrêté ministériel du 11 août 1986, classant comme monument historique le domaine de Chiroux dit " la Pierre Levée ". Elle a étayé son argumentation en insistant sur les caractéristiques du projet et en soulignant qu'il comprenait cinq aérogénérateurs d'une hauteur de 180 mètres chacun qui engendreraient des nuisances sur le patrimoine protégé. Par suite, et contrairement à ce qu'a jugé le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Poitiers, l'APPEL ne pouvait être regardée comme n'ayant manifestement pas assorti son moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

5. Au demeurant, si tel avait été le cas, l'APPEL aurait eu la possibilité de préciser ses moyens jusqu'à l'expiration du délai de recours contentieux. A cet égard, l'APPEL avait joint à sa demande de première instance son recours gracieux formé le 7 août 2018 devant le préfet de la Vienne à l'encontre du permis de construire en litige. L'exercice de ce recours, dûment notifié à la société Ferme éolienne de Plaisance en application de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, a interrompu le délai de recours contentieux jusqu'à la naissance de la décision rejetant implicitement ce recours deux mois après sa présentation, laquelle a eu pour conséquence de faire courir un nouveau délai de deux mois. Ainsi au 30 octobre 2018, date de l'ordonnance attaquée, et contrairement à ce qu'a jugé le président de la deuxième chambre du tribunal, le délai n'était pas expiré, si bien que l'APPEL conservait la possibilité de préciser le ou les moyens de sa demande.

6. Il résulte de ce qui précède que le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Poitiers ne pouvait régulièrement se fonder sur les dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la demande de l'APPEL. Il y a lieu, par suite, d'annuler cette ordonnance et, dans les circonstances de l'espèce, de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par l'APPEL.

Sur la légalité du permis de construire :

7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme : " Le permis (...) doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement (...) ".

8. En se bornant à citer un passage du rapport du commissaire enquêteur selon lequel le site d'implantation du projet présente un enjeu fort pour la pipistrelle commune, chiroptère protégé, l'APPEL n'apporte aucun élément permettant d'estimer qu'en délivrant le permis de construire en litige ou en ne l'assortissant pas de prescriptions spéciales, le préfet aurait méconnu les dispositions précitées, lesquelles ne peuvent fonder un refus de permis mais conduisent, le cas échéant, l'autorité compétente à assortir l'autorisation des prescriptions permettant de prévenir les conséquences dommageables que le projet est de nature à avoir pour l'environnement.

9. En second lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".

10. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

11. Il résulte de l'instruction qu'au sein de l'aire d'étude immédiate du projet, à une distance d'environ 650 mètres de l'éolienne la plus proche, se trouve le dolmen de la Pierre Levée de Chiroux, monument historique protégé. Au niveau du dolmen lui-même, situé sur un léger promontoire aux abords dégagés, la vue ouvre sur un paysage ondulé et boisé et il résulte de l'instruction, en particulier des photomontages joints au volet paysager de la demande, que trois des cinq éoliennes projetées au moins seront nettement visibles depuis ce site protégé. Compte tenu de la distance relativement faible qui sépare le terrain d'implantation du projet du site de Chiroux et de la hauteur des éoliennes projetées, qui culminent à 180 mètres en bout de pale, le futur parc éolien aura une incidence forte sur ce patrimoine protégé, comme l'a d'ailleurs reconnu le pétitionnaire dans le volet paysager joint à sa demande.

12. Il résulte toutefois de l'instruction que le dolmen de Chiroux est un site relativement peu fréquenté par le public, lequel ne peut y accéder qu'en empruntant un petit chemin à partir d'un parc de stationnement aménagé. Cette circonstance est de nature à atténuer les nuisances visuelles engendrées par le projet en litige d'autant que les éoliennes ne seront visibles depuis le site qu'en direction du nord-ouest. De plus, l'étude d'impact du projet précise que le pétitionnaire a choisi la variante n°3 parmi celles envisagées, qui rend l'éolienne la plus au nord moins perceptible depuis le site et augmente les distances entre les éoliennes, ce qui réduit la perception de leur présence. Enfin, le pétitionnaire s'est engagé, à titre de " mesure de compensation ", à assurer l'entretien et la préservation des chênes qui entourent le dolmen, ce qui est susceptible de permettre, autant que possible, de limiter les nuisances visuelles subies par les visiteurs du dolmen du fait de la réalisation du projet en litige. Dans ces circonstances particulières, en délivrant le permis de construire contesté, qui constitue une autorisation environnementale en vertu de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, le préfet de la Vienne ne peut être regardé comme ayant méconnu les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de première instance présentée par l'APPEL à l'encontre du permis de construire du 14 juin 2018 doit être rejetée.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de l'APPEL la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Ferme éolienne de Plaisance et non compris dans les dépens. En revanche, les conclusions présentées par l'APPEL sur ce même fondement doivent être rejetées dès lors qu'elle est la partie perdante à l'instance.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1802344 du 30 octobre 2018 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Poitiers est annulée.

Article 2 : La demande de première instance présentée par l'APPEL et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : L'APPEL versera à la société Ferme éolienne de Plaisance la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la protection des paysages et de l'environnement de Lathus, à la société Ferme éolienne de Plaisance et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Vienne

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. D... A..., président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.

Le président,

Elisabeth Jayat La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 18BX04497


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04497
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CABINET VOLTA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-01;18bx04497 ?
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