LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 mai 2019
Rejet
Mme FLISE, président
Arrêt n° 607 FS-P+B+I
Pourvoi n° W 18-17.847
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par Mme Christine W..., domiciliée [...], contre l'arrêt n° RG : 18/00072 rendu le 5 avril 2018 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris, dont le siège est [...],
2°/ à la société Renault, société par actions simplifiée, dont le siège est [...], défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 27 mars 2019, où étaient présents : Mme Flise, président, Mme Le Fischer, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, MM. Cadiot, Decomble, Mmes Vieillard, Taillandier-Thomas, Coutou, conseillers, Mmes Brinet, Palle, Vigneras, Dudit, conseillers référendaires, M. de Monteynard, avocat général, Mme Szirek, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme W..., de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Renault, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, l'avis de M. de Monteynard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 avril 2018), que salarié de la société Renault (la société) de 1984 à 2010, V... W... est décédé, le [...], d'un cancer des poumons ; que Mme W..., sa veuve, a souscrit, le 12 octobre 2010, une déclaration de maladie professionnelle ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Paris a, les 12 septembre et 12 octobre 2011, pris en charge l'affection ainsi que le décès au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles ; que Mme W... a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de la société ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que Mme W... fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors, selon le moyen, que saisi d'une contestation relative au caractère professionnel d'une affection désignée par un tableau, le juge qui constate qu'une ou plusieurs conditions relatives au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, ne peut statuer sur l'existence d'un lien de causalité direct entre la maladie et le travail habituel de la victime sans avoir recueilli préalablement l'avis d'un comité régional de reconnaissance de maladies professionnelles qu'ayant constaté qu'il ne disposait pas d'éléments suffisants pour caractériser l'activité de la victime et sa participation à des travaux listés au tableau 30 bis et qu'il était laissé dans l'ignorance du métier qu'elle exerçait précisément, le juge ne pouvait trancher le différend relatif à une prise en charge prévue par l'article L. 461-1, alinéa 3, du code de la sécurité sociale sans recueillir préalablement l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ; qu'en décidant néanmoins que le caractère professionnel de la maladie et, par voie de conséquence, du décès du salarié n'était pas établi sans provoquer au préalable l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1, L. 461-1 et R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que saisi d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, le juge n'est pas tenu de recueillir l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, dès lors qu'il constate que la maladie déclarée, prise en charge par la caisse sur le fondement d'un tableau de maladies professionnelles, ne remplit pas les conditions de ce dernier et que ne sont pas invoquées devant lui les dispositions des troisième ou quatrième alinéas de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;
Et attendu qu'ayant relevé que les conditions tenant à la liste des travaux énoncés au tableau n° 30 bis n'étaient pas réunies, la cour d'appel, devant laquelle n'était pas demandé le bénéfice de la reconnaissance individuelle du caractère professionnel de la maladie au sens du troisième alinéa de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, a exactement déduit, sans avoir à recueillir l'avis préalable d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, que le caractère professionnel de l'affection de l'intéressé n'était pas établi, de sorte que la demande en reconnaissance de la faute inexcusable devait être rejetée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le même moyen, pris en sa seconde branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme W... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme W....
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la veuve d'un salarié (Mme W..., l'exposante) de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur (la société Renault) au titre de la maladie et du décès de son mari à la suite de la déclaration d'affection professionnelle effectuée le 12 octobre 2010 auprès de l'organisme social (la CPAM de Paris) ;
AUX MOTIFS QUE, dans son l'attestation M. Y... B. considérait que qu'il « (était) impossible que (V...) W... n'(eût) pas été soumis aux poussières d'amiante dans les bancs moteurs (embrayage, joints divers) » ; qu'il avait été le « chef » d'V... W... au sein du bâtiment B6, à partir de 1993, quand ce dernier était, selon lui, « à la maintenance électrique des bancs moteurs du B6 depuis plusieurs années » ; que la cour ne pouvait que constater que cette expression, si elle permettait d'envisager de retenir une exposition au risque supérieur ou égale à 10 ans, était insuffisante à caractériser l'activité de V... W... et sa participation à « des travaux d'entretien ou de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante », pour reprendre les termes du tableau 30 bis ; qu'en fait, la cour était laissée dans l'ignorance du métier qu'exerçait précisément V... W..., des pièces sur lesquelles il devait intervenir, des conditions et de la fréquence de cette intervention, de ce que recouvrait exactement son activité de "maintenance électrique", dont l'intitulé suggérait, en tout état de cause, qu'il ne devait pas intervenir directement sur les moteurs ; que, dès lors, la cour devait considérer que le caractère professionnel de la maladie et, par voie de conséquence, du décès de V... W... n'était pas établi et qu'en tout état de cause Mme E... ne rapportait pas la preuve qui lui incombait de la faute inexcusable de l'employeur ;
ALORS QUE, d'une part, saisi d'une contestation relative au caractère professionnel d'une affection désignée par un tableau, le juge qui constate qu'une ou plusieurs conditions relatives au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, ne peut statuer sur l'existence d'un lien de causalité direct entre la maladie et le travail habituel de la victime sans avoir recueilli préalablement l'avis d'un comité régional de reconnaissance de maladies professionnelles ; qu'ayant constaté qu'il ne disposait pas d'éléments suffisants pour caractériser l'activité de la victime et sa participation à des travaux listés au tableau 30 bis et qu'il était laissé dans l'ignorance du métier qu'elle exerçait précisément, le juge ne pouvait trancher le différend relatif à une prise en charge prévue par l'article L. 461-1, alinéa 3, du code de la sécurité sociale sans recueillir préalablement l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ; qu'en décidant néanmoins que le caractère professionnel de la maladie et, par voie de conséquence, du décès du salarié n'était pas établi sans provoquer au préalable l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1, L. 461-1 et R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, d'autre part, en affirmant que, en tout état de cause, l'exposante ne rapportait pas la preuve de la faute inexcusable de l'employeur quand le jugement infirmé avait consacré une longue motivation à sa reconnaissance, la cour d'appel, qui n'a rien réfuté de cette démonstration, a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile.