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14/05/2019 | FRANCE | N°17VE03557

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 14 mai 2019, 17VE03557


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Supermarchés Match a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à l'entière exécution de la décision de dégrèvement de la taxe sur les achats de viande qu'elle a acquittée au titre de l'année 2002.

Par un jugement n° 1534835 du 12 octobre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non lieu à statuer à concurrence de la somme de 6 150 184,85 euros versée à la SAS Supermarchés Match le 27 juillet 2017, et conda

mné l'Etat à verser à la société requérante le solde des intérêts moratoires restant dus...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Supermarchés Match a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à l'entière exécution de la décision de dégrèvement de la taxe sur les achats de viande qu'elle a acquittée au titre de l'année 2002.

Par un jugement n° 1534835 du 12 octobre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non lieu à statuer à concurrence de la somme de 6 150 184,85 euros versée à la SAS Supermarchés Match le 27 juillet 2017, et condamné l'Etat à verser à la société requérante le solde des intérêts moratoires restant dus.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 novembre 2017 et 19 septembre 2018, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :

1° de réformer le jugement attaqué ;

2° d'ordonner le remboursement des intérêts moratoires accordés à tort à la SAS supermarchés Match.

Il soutient que :

- pour ouvrir droit à des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, les dégrèvements doivent avoir pour origine une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, ce qui n'est pas le cas lorsque, comme en l'espèce, la réclamation a pour objet d'obtenir le bénéfice d'un droit ;

- la décision du 26 octobre 2011 ne fait pas suite à une réclamation contentieuse tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, mais peut s'analyser comme l'exécution de la décision de dégrèvement du 16 août 2004, et a été prise conformément à la demande de la société Match du 13 mars 2008 devant le Tribunal administratif de Lille ; elle ne fait ainsi pas suite à une réclamation contentieuse mais à une demande d'exécution d'une décision de dégrèvement ; c'est un dégrèvement spontané ;

- la demande du 10 juillet 2014, à l'origine de la présente instance, ne constituait pas une réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle ne visait pas à contester une imposition mais tendait à l'exécution de la créance née de la décision du 26 octobre 2011 ;

- à cet égard, force est de constater que le bien fondé de la taxe sur les achats de viande 2002 a été confirmé par la Cour dans un arrêt du 28 février 2012 devenu définitif ; or, l'administration ne peut renoncer au paiement d'un impôt légalement dû ; la restitution à laquelle il a été procédé le 27 juillet 2017 porte dès lors non sur cette imposition, mais sur une créance née d'une décision créatrice de droit, en l'occurrence la décision du 26 octobre 2011.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 février 2018 et 28 septembre 2018, la SAS Supermarchés Match, représentée par Me A...et MeB..., avocats, conclut au rejet de la requête du ministre et, par la voie de l'appel incident, demande à la Cour :

- de réformer le jugement en précisant que les intérêts moratoires de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales courent à compter du jour du paiement de la taxe de l'année 2002 jusqu'au jour du remboursement intégral de la somme par l'administration ;

- d'enjoindre à l'Etat d'assurer la complète exécution de la décision de dégrèvement du 26 octobre 2011 dans un délai n'excédant pas deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

S'agissant de l'application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales :

- elle s'est bien prévalue dans sa réclamation, d'une erreur commise dans l'assiette et le calcul de l'imposition en application de l'article L.190 du livre des procédures fiscales et la jurisprudence reconnait de façon constante l'application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales en cas de remboursement ayant nécessité de la part du contribuable la mise en oeuvre des procédures d'exécution prévues notamment par l'article L. 911-4 du code de justice administrative ; la décision de dégrèvement dont l'exécution est demandée n'est pas intervenue à la suite d'une demande de remboursement d'une créance fiscale déjà constituée ;

- la décision du 26 octobre 2011 n'est pas la conséquence de la demande d'exécution de la décision de dégrèvement du 16 août 2004, mais ne fait que prendre acte de la décision du Conseil d'Etat du 16 mars 2011, SAS Somadis n° 333860, qu'elle cite expressément ; elle porte sur la réclamation du 24 décembre 2003 tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions litigieuses ;

S'agissant du calcul des intérêts moratoires :

- le tribunal administratif a fait une confusion entre l'intérêt de retard de l'article 1727 du code général des impôts et l'intérêt moratoire de l'article L.208 du livre des procédures fiscales ; or, si l'article L. 208 renvoie à l'article 1727, c'est uniquement pour la fixation du taux d'intérêt ;

- les intérêts moratoires courent à compter de la date du paiement, qui doit s'entendre de celle à partir de laquelle la somme indûment payée est devenue indisponible pour le contribuable, jusqu'à la date du remboursement complet ; en cas de remboursement partiel, les paiements reçus doivent s'imputer d'abord sur les intérêts moratoires dus par l'administration, puis sur le principal restant dû ;

- en l'espèce, si le 25 février 2011, la société a restitué la taxe, dont elle avait obtenu le remboursement en 2004, suite au jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 14 octobre 2010, il reste que le point de départ des intérêts est le jour du paiement de chacun des acomptes mensuels de taxe sur les achats de viande en 2002 ;

- s'agissant du point d'arrivée, les intérêts moratoires ont continué de courir après le versement le 27 juillet 2017, de la somme de 6.150.184,85 euros, et le 28 novembre 2017, du de la somme de 1 663 671,12 euros en exécution du jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Munoz-Pauziès, président-assesseur,

- les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la SAS Supermarchés Match.

Considérant ce qui suit :

1. Par réclamation préalable du 24 décembre 2003, la SAS Supermarchés Match a demandé la restitution de la taxe sur les achats de viande acquittée en 2001 et 2002, en se prévalant de l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) du 20 novembre 2003, Gemo, aff. C-126/01. Cette réclamation a donné lieu à deux décisions favorables, l'une du 16 août 2004, au titre des deux années en cause, l'autre du 19 octobre 2004, au titre de l'année 2002. Toutefois, l'administration, constatant que l'arrêt de la CJCE n'emportait pas illégalité de la taxe pour l'année 2002, a remis les sommes ainsi dégrevées à la charge de la SAS Supermarchés Match, par avis de mise en recouvrement du 24 septembre 2007, et, par un arrêt du 28 février 2012, contre lequel le pourvoi en cassation n'a pas été admis, la Cour administrative d'appel de Versailles a rejeté la demande tendant à la décharge de cette imposition. La SAS Supermarchés Match a alors saisi le Tribunal administratif de Lille, par une requête enregistrée le 13 mars 2008, d'une demande tendant à l'exécution de la décision du 16 août 2004 et, en cours d'instance, l'administration a pris une nouvelle décision de dégrèvement le 26 octobre 2011 pour les années 2001 et 2002. Toutefois, cette dernière décision n'a pas été exécutée s'agissant de l'année 2002. Dès lors, la SAS Supermarchés Match a de nouveau saisi le Tribunal administratif de Lille d'une demande de provision en exécution de la décision de dégrèvement du 26 octobre 2011, auquel le juge des référés du tribunal administratif a fait droit, avant d'être censurée par le juge des référés du Conseil d'Etat par une ordonnance n° 1601289 du 11 avril 2016. La SAS Supermarchés Match a alors saisi le Tribunal administratif de Versailles d'une demande tendant à l'exécution de la décision de dégrèvement du 26 octobre 2011. Le 27 juillet 2017, en cours d'instance, l'administration a procédé au paiement de la somme de 5 973 896 euros, assortie des intérêts au taux légal d'un montant de 176 288,85 euros, soit la somme totale de 6 150 184,85 euros. Par le jugement attaqué du 12 octobre 2017, le tribunal administratif prononcé un non lieu à statuer à concurrence de la somme de 6 150 184,85 euros versée à la SAS Supermarchés Match le 27 juillet 2017, et a condamné l'Etat à verser à la société requérante le solde des intérêts moratoires restant dus, en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

2. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que les dégrèvements prononcés par l'administration d'office, sans réclamation préalable du contribuable, n'ouvrent pas droit au versement par l'Etat d'intérêts moratoires.

4. En l'espèce, le dégrèvement prononcé le 26 octobre 2011 ne fait pas suite à la réclamation préalable du 24 décembre 2003, dès lors que, en réponse à cette première réclamation, les impositions en cause ont été dégrevées, puis remises à la charge de la société par proposition de rectification du 20 décembre 2004 et avis de mise en recouvrement du 24 septembre 2007. Le dégrèvement ne fait pas davantage suite à la réclamation préalable du 19 octobre 2007, dès lors que cette seconde réclamation a été implicitement rejetée, et que ce rejet a été confirmé par un arrêt de cette cour en date du 28 février 2012, devenu définitif après la non-admission du pourvoi en cassation de la société Supermarchés Match. Ce dégrèvement est intervenu, non devant le juge de l'assiette de l'impôt, mais devant le juge saisi d'une demande tendant à l'exécution de la décision de dégrèvement du 16 août 2004, laquelle décision avait été remise en cause par la décision de remettre à la charge de la société les sommes en cause, notifiée par la proposition de rectification déjà mentionnée du 20 décembre 2004. Dès lors, le dégrèvement du 26 octobre 2011, qui n'a pas été prononcé à la suite d'une réclamation préalable, n'ouvre pas droit au versement d'intérêts moratoires.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a mis à la charge de l'Etat les intérêts moratoires de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. Par suite, les conclusions incidentes de la société Supermarchés Match, relatives aux modalités de calcul de ces intérêts, ne peuvent qu'être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de ses conclusions à fin d'injonction et de paiement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Versailles du 12 octobre 2017 est annulé.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident de la SAS supermarchés Match sont rejetées.

N° 17VE03557 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17VE03557
Date de la décision : 14/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxes sur le chiffre d`affaires et taxes assimilées autres que la TVA.

Procédure - Incidents - Non-lieu - Absence.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. CHAYVIALLE
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-05-14;17ve03557 ?
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