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16/06/2020 | FRANCE | N°17VE02494

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 16 juin 2020, 17VE02494


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner, à titre principal, le Centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger d'Aulnay-sous-Bois et, à défaut, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme réduite à 839 203,31 euros, assortie des intérêts courants à compter de la présentation du recours gracieux ou de l'enregistrement du recours contentieux, en réparation des préjudices

subis en raison des complications médicales résultant de son hospitalisation...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner, à titre principal, le Centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger d'Aulnay-sous-Bois et, à défaut, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme réduite à 839 203,31 euros, assortie des intérêts courants à compter de la présentation du recours gracieux ou de l'enregistrement du recours contentieux, en réparation des préjudices subis en raison des complications médicales résultant de son hospitalisation.

Par un jugement n° 1608184 du 30 mai 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a condamné l'ONIAM, sur le fondement de la solidarité nationale, à verser à M. A... la somme de 515 428,5 euros en réparation des préjudices subis et a rejeté les conclusions présentées par la CPAM du Val-d'Oise, celles du centre hospitalier ainsi que celles de l'ONIAM.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2017, et un mémoire en réplique enregistré le

24 août 2018, l'ONIAM, représenté par Me de la Grange, avocat, demande à la Cour :

1° à titre principal, d'annuler ce jugement en tant qu'il a écarté toute faute de l'établissement hospitalier, et à ce que l'ONIAM soit mis hors de cause ;

2° à titre subsidiaire, d'annuler ce jugement en tant qu'il a retenu l'anormalité du dommage de M. A... ;

3° à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner une expertise sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative ;

4° en tout état de cause, si le jugement en cause devait être confirmé, de réduire la somme à verser à M. A... ou de rejeter ses conclusions indemnitaires ;

5° de mettre à la charge de " à qui de droit " la somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, la responsabilité pour faute du centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger est engagée, sur le fondement de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; qu'en effet le syndrome des loges de la jambe gauche qui fait suite à son hospitalisation du 27 novembre 2012 peut être regardé comme résultant de sa mauvaise installation sur la table d'opération pendant plus de trois heures ;

- le dommage n'est pas anormal ;

- les deux expertises ordonnées par le juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil ne permettaient pas à ce tribunal de disposer des informations nécessaires ;

- il doit être sursis à statuer sur les conclusions indemnitaires de M. A... dans l'attente de la communication de l'indemnisation allouée au titre des suites de l'accident de circulation dans les conditions fixées par la loi du 5 juillet 1985 ;

- le tribunal ne pouvait liquider le poste de l'assistance à tierce personne en l'état des documents fournis et aurait dû surseoir à statuer dans l'attente de communication par l'intéressé de l'absence de perception d'aide au titre du besoin en assistance par tierce personne ; par ailleurs une telle somme s'arrête au jour de la consolidation et non au jour du jugement ; il convient d'en déduire toute prestation versée au titre du même préjudice ;

- sur les pertes de gains professionnels actuels, la période d'arrêt de travail était de 9 mois et non de 6, la période à prendre en compte allant du 13 juillet 2013 au 19 mars 2015, période au cours de laquelle il a toutefois travaillé et était donc en capacité de travailler ; au total la perte de revenu professionnel sur l'ensemble de sa carrière prévisible est de 293 906,45 euros ;

- l'incidence professionnelle doit être ramenée à 10 000 euros ;

- le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les conclusions de M. A... tendant au remboursement de frais divers, et ses conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice d'agrément ; en ce qu'il a ordonné l'indemnisation de dépenses de santé actuelles pour 7,80 euros ;

- il s'en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, le préjudice esthétique temporaire, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice esthétique permanent.

.............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant le centre hospitalier.

Une note en délibéré présentée par la CRAMIF, représentée par Me Peron, avocat, a été enregistrée le 27 mai 2020.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., âgé de 37 ans, a été victime d'un accident de scooter le 12 septembre 2012, et admis à l'hôpital René Grégoire de Montreuil, puis transféré dans la nuit du 12 au 13 septembre 2012 au centre hospitalier intercommunal (CHI) Robert Ballanger à Aulnay-sous-Bois, où sa fracture fermée du tiers proximal du fémur droit a été prise en charge par une opération chirurgicale menée le 13 septembre 2012. A l'issue de cette opération, un syndrome des loges de la jambe gauche a été diagnostiqué, nécessitant la conduite de trois autres opérations chirurgicales, une longue hospitalisation et des traitements, M. A... n'ayant pu regagner son domicile que le 20 septembre 2013. A la suite de la décision implicite de refus de l'ONIAM de l'indemniser des préjudices qu'il a subis à ce titre, M. A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 839 203,31 euros, cette somme étant à mettre, à titre principal, à la charge du CHI Robert Ballanger en raison des fautes commises, et, à titre subsidiaire, à la charge de l'ONIAM sur le fondement de la solidarité nationale. Par un jugement du 30 mai 2017, ce tribunal a condamné l'ONIAM, sur le fondement de la solidarité nationale, à verser à M. A... la somme de 515 428,5 euros en réparation des préjudices subis. L'ONIAM relève régulièrement appel de ce jugement.

En ce qui concerne la responsabilité pour faute du centre hospitalier Robert Ballanger :

2. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ".

3. Le docteur Abols, chirurgien orthopédiste, désigné par une ordonnance n° 1401125 du 7 avril 2014 du juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil, et son sapiteur, le docteur Benichou, anesthésiste-réanimateur, ont déposé leur rapport d'expertise le 30 mars 2015. Un deuxième rapport d'expertise a été réalisé le 6 juin 2016 par le docteur Abols, désigné par une ordonnance n° 1506406 du 6 octobre 2015 du juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil, afin de préciser les conditions dans lesquelles M. A... a été pris en charge par le centre hospitalier et la consolidation éventuelle de son état de santé. Ces rapports mentionnent que la fracture de la dyaphyse fémorale droite liée à la chute de scooter de M. A... a été opérée au centre hospitalier intercommunal (CHI) Robert Ballanger le 13 septembre 2012 avec une ostéosynthèse par enclouage centromédullaire à foyer ouvert. Cette opération, qui a rencontré une complication, a duré six heures. Le lendemain de cette opération un syndrome des loges de la jambe gauche a été diagnostiqué.

4. Il résulte de ces mêmes rapports d'expertise, que la durée opératoire prolongée, pendant environ six heures, de la fracture de la diaphyse fémorale droite de M. A... réalisée le 13 septembre 2012 était en rapport avec les aléas qui peuvent être rencontrés dans le cadre du recours à ce type de chirurgie, un enclouage centro-médullaire du fémur ayant dû être réalisé, et que la durée de l'opération ne peut être regardée comme traduisant une faute médicale.

5. En revanche, la jambe gauche, qui était saine, a été mise en position surélevée sur un appui gynécologique pendant l'opération de la jambe accidentée. Si une telle position est habituellement pratiquée lors de ce type d'intervention, afin de dégager la jambe opérée, il résulte de la conférence d'actualisation de la SFAR 2002 consacrée aux rhabdomyiolyses péri-opératoires et de la conférence d'actualisation de la SFAR 2007 consacrée aux complications des postures en anesthésie que l'immobilisation prolongée en position non physiologique est susceptible d'entrainer un syndrome des loges. Il résulte par ailleurs du rapport d'expertise précité qu' " il est admis que la majorité des complications surviennent lorsque la position est prolongée plus de trois heures ". Il résulte également des données de la science que la position des membres doit être surveillée et, au besoin, changée pour éviter la survenue d'un syndrome des loges.

6. Il ne résulte toutefois pas du compte-rendu d'opération du 13 septembre 2012, produite en première instance, ni du rapport d'expertise que pendant cette opération, la jambe gauche et sa position aient fait l'objet d'une surveillance ou d'un changement de position afin d'éviter un syndrome des loges, alors même que d'une part, la durée de l'opération a été prolongée bien au-delà de trois heures, délai à partir duquel un risque de syndrome des loges apparait, et, que d'autre part, la plaie avait un caractère hémorragique et des médicaments modifiant la circulation du sang ont été injectés. Ce défaut de surveillance de la jambe gauche de M. A..., seul à origine du dommage dont il souffre, constitue une négligence fautive de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier.

7. Il en résulte, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une contre-expertise, que l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 30 mai 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a estimé qu'aucune faute médicale ou de soins ne pouvait être retenue à l'encontre du centre hospitalier.

Sur l'indemnisation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

S'agissant de l'assistance tierce personne :

8. D'une part, le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum augmenté des charges sociales, appliqué à une durée journalière. D'autre part, en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire d'une rente allouée à la victime du dommage dont un établissement public hospitalier est responsable, au titre de l'assistance par tierce personne, les prestations versées par ailleurs à cette victime et ayant le même objet. Il en va ainsi tant pour les sommes déjà versées que pour les frais futurs. Cette déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement si le bénéficiaire revient à meilleure fortune. L'élément de la prestation de compensation du handicap mentionné au 1° de l'article L. 245-3 du code de l'action sociale et des familles, correspondant aux charges liées à un besoin d'aides humaines, a le même objet que l'indemnité allouée à la victime au titre de l'assistance par tierce personne et ne peut faire l'objet d'un remboursement en cas de retour à meilleure fortune. Tel est également le cas du complément de l'AAH, versé en application des dispositions de l'article L. 751-1 du code de la sécurité sociale, qui a pour objet de couvrir, notamment, les frais d'assistance par tierce personne. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise de 2015 du docteur Abols, que l'expert retient un besoin d'assistance par une tierce personne à raison de 15 minutes par jour pour la toilette et de 6 heures par semaine pour l'aide-ménagère, entre le 21 novembre 2013 et le 20 mars 2015, soit 16 mois. Pour cette période, le besoin en tierce personne de M. A... s'est donc élevé à 552 heures. Compte tenu du montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) horaire brut augmenté des cotisations sociales, ce coût doit être évalué à la somme de 7 190 euros, M. A... ayant justifié de l'absence de perception d'aide au titre de son besoin en assistance par une tierce personne, et mis à la charge du centre hospitalier.

S'agissant de l'assistance tierce personne viagère :

9. M. A... justifie, d'une part, de la non-perception de la PCH en produisant une décision de refus de la MDPH du 29 août 2018. Il justifie, d'autre part, de ce que, s'il est également bénéficiaire de l'AAH par une décision de la MDPH du 29 août 2018, il ne peut prétendre au versement effectif de cette allocation, du fait qu'il perçoit déjà une rente d'invalidité d'un montant de 715,92 euros ainsi que l'allocation spécifique de solidarité (ASS) d'un montant de 287,65 euros lui faisant excéder le plafond de ressources auquel le versement effectif de cette allocation est conditionné. Il doit donc être regardé comme ne touchant pas de prestation sociale comprenant une prise en charge de l'aide humaine, et peut par conséquent être indemnisé au titre de l'assistance tierce personne viagère. A compter du présent arrêt, le quantum annuel retenu sera de 456 heures par an pour une base annuelle de 412 jours par an pour tenir compte des congés payés, jours fériés et chômés. Compte tenu du montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) horaire brut augmenté des cotisations sociales, ce montant doit être évalué à 5 928 euros par an soit, en appliquant, compte tenu de l'âge de la victime, un coefficient de capitalisation viagère de 33,713 issu du barème de la Gazette du Palais publié en 2018, un capital total de 199 850,664 euros. Le préjudice au titre de la tierce personne viagère s'établit donc à 199 850,66 euros, son paiement devant être mis à la charge du centre hospitalier.

S'agissant des pertes de revenus professionnels actuels :

10. Ainsi qu'il a été dit en première instance, il résulte de l'instruction, et, notamment de l'avis d'imposition de 2012 pour les revenus de 2011 et des bulletins de salaire de janvier à septembre 2012 que M. A... justifiait avant l'opération d'un revenu de 1 488 euros mensuels nets en moyenne, et donc annuellement de 17 856 euros. Il ressort du rapport d'expertise du docteur Abols du 20 mars 2015 que l'opération aurait dû impliquer un arrêt de travail de 6 à 9 mois, et que M. A... justifie avoir perçu des indemnités journalières du 1er janvier 2013 au 12 mars 2013 pour un montant de 1 942,56 euros brut et 1 811,92 euros nets, et donc avoir cessé de percevoir des indemnités journalières le 12 mars 2013, soit 6 mois après l'opération. Ainsi, et contrairement à ce que soutient l'ONIAM, l'opération initiale du 13 septembre 2013 de la jambe fracturée aurait impliqué seulement 6 mois d'arrêt de travail jusqu'au 12 mars 2013. Il convient d'évaluer la perte de gains professionnels actuels de M. A... du 13 mars 2013 au 20 mars 2015, soit 737 jours, à 36 054,44 euros, somme de laquelle il convient de déduire les salaires déclarés par M. A... dans ses avis d'imposition pour cette période, soit 10 247 euros, dont 1 306 euros entre le 13 mars 2013 et le 31 décembre 2013, 8 748 euros pour l'année 2014 et 193 euros du 1er janvier 2015 au 19 mars 2015. Le préjudice résultant des pertes de revenus professionnels actuels s'élève donc à la somme de 25 807,44 euros.

S'agissant des pertes de revenus professionnels futurs :

11. M. A..., âgé de 37 ans à la date de l'accident, était employé en qualité d'équipier de collecte dans une entreprise de collecte de déchets, par un contrat à durée déterminée en remplacement partiels de salariés prenant leurs congés. Il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait eu des chances sérieuses de maintenir durablement le revenu qui était le sien à la date de l'accident. Le préjudice de perte de revenus professionnels futurs présente ainsi un caractère incertain qu'il n'y a donc pas lieu d'indemniser.

S'agissant de l'incidence professionnelle :

12. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. A... n'est pas dans l'impossibilité d'exercer toute activité professionnelle à la date de consolidation de son état. Il n'y a donc pas lieu d'indemniser le préjudice résultant de l'incidence professionnelle qu'il réclame.

S'agissant des autres dépenses :

13. Si M. A... soutient qu'il a dû faire l'avance de frais d'assistance par son médecin conseil le Dr Rapoport lors des deux expertises, ce pour un montant total de 3 000 euros, il ne produit, en première instance ainsi qu'en appel, aucune pièce justificative permettant d'établir la réalité de ces sommes, malgré une mesure d'instruction en ce sens faite en première instance, que ces dépenses ne sont pas justifiées. Ses conclusions portant sur le préjudice subi s'agissant des frais divers doivent donc être rejetées.

En ce qui concerne les préjudices à caractère extra-patrimonial :

Quant aux préjudices temporaires :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

14. Il résulte de l'expertise que M. A... a, du fait des conséquences dommageables de cette intervention, souffert d'un déficit fonctionnel temporaire total du 12 septembre 2012 au 20 novembre 2013 et d'un déficit fonctionnel partiel à 40% du 21 novembre 2013 au 19 mars 2015. Il résulte toutefois de l'instruction que sans les complications survenues lors de l'opération du 13 septembre 2012, M. A... aurait connu 4 mois de déficit fonctionnel temporaire total du 13 septembre 2012 au 13 janvier 2013, un mois de déficit fonctionnel partiel de 25% du 13 janvier 2013 au 13 février 2013 et un déficit fonctionnel partiel de 10% du 14 février 2013 au 19 mars 2015. Ainsi, le déficit fonctionnel temporaire imputable à la faute du centre hospitalier est de 75% pour la période du 13 janvier 2013 au 13 février 2013, 90% pour la période du 14 février 2013 au 20 novembre 2013, 30% pour la période du 21 novembre 2014 au 19 mars 2015. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 6 975 euros.

S'agissant des souffrances endurées :

15. Le préjudice correspondant aux douleurs durables et importantes éprouvées par M. A... dans le cadre des différentes opérations induites par les conséquences dommageables de l'intervention du 13 septembre 2012, qui ont été estimées par les experts à 5 sur une échelle de 1 à 7, sera justement évalué en fixant l'indemnité réparatrice à la somme de 13 000 euros.

S'agissant du préjudice esthétique temporaire :

16. Il résulte de l'instruction que M. A... a subi un préjudice esthétique temporaire à hauteur de 4 sur une échelle de 7. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 2 000 euros.

Quant aux préjudices permanents :

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

17. Il résulte de l'instruction que M. A... est atteint d'un déficit fonctionnel permanent de 35%, taux défini par l'expertise et non contesté par les parties. Compte tenu de ce taux et de l'âge de l'intéressé, les premiers juges ont justement apprécié ce chef de préjudice en allouant à ce titre la somme de 68 791 euros.

S'agissant du préjudice esthétique :

18. Il résulte de l'instruction que M. A... a subi un préjudice esthétique permanent à hauteur de 3 sur une échelle de 7. Il a été fait une juste appréciation de ce poste de préjudice par les premiers juges en fixant l'indemnité réparatrice à la somme de 3 619 euros.

S'agissant du préjudice d'agrément :

19. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que M. A... n'a pas subi de préjudice d'agrément. Ainsi, ses conclusions à fin d'indemnisation de son préjudice d'agrément doivent être rejetées.

20. Il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité que le centre hospitalier est condamné à verser à M. A... s'élève à la somme 327 233,10 euros.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

21. Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires courent à compter du jour où la sommation de payer le principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. M. A... peut prétendre aux intérêts au taux légal, conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil, à compter la réception de sa demande préalable le 18 juillet 2016.

22. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. A la date du présent arrêt, il était dû une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu d'accueillir cette demande à compter du 18 juillet 2017.

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise présentées au titre des débours :

23. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. / Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident (...). ".

24. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité du CHI Robert Ballanger est établie. La CPAM produit une attestation définitive des débours en date du 8 novembre 2016 d'un montant de 184 542,44 euros ainsi qu'une attestation d'imputabilité rectificative en date du 4 octobre 2016 attestant de la stricte imputabilité des prestations dont le remboursement est demandé au seul accident médical du 13 septembre 2012. Il y a lieu, par suite, de condamner le centre hospitalier à verser à la CPAM la somme de 184 542,44 euros, somme assortie des intérêts légaux à compter du 8 novembre 2016.

En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :

25. Aux termes du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée ". L'arrêté du 27 décembre 2019 a fixé à 1 091 euros le montant maximum de l'indemnité régie par ces dispositions.

26. La CPAM du Val d'Oise obtenant le remboursement, par le CHI Robert Ballanger d'une somme de 184 542,44 euros au titre des débours exposés au profit de M. A..., elle a droit, en application des dispositions citées ci-dessus, à l'indemnité forfaitaire de gestion pour le montant de 1 091 euros.

Sur le remboursement des débours de la CRAMIF aux droits de laquelle est venue la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise :

27. La CPAM du Val-d'Oise, venant aux droits de la CRAMIF en vertu de deux conventions relatives au transfert de l'activité recours contre tiers en date des 30 mars 2018 et 17 avril 2018 conclues entre la CRAMIF et la caisse, aux termes desquelles la caisse primaire d'assurance maladie " prend en charge le recours contre tiers relatif aux assurés de son département auxquels ont été versées des pensions d'invalidité par la CRAMIF ", demande, par la voie de l'appel incident, la condamnation du centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger à lui verser, en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, une somme de 188 408,29 euros, correspondant aux frais exposés au titre de la pension d'invalidité servie à M. A....

28. Il résulte de l'instruction que la requête de première instance formée par M. A... a été communiquée le 30 mars 2017 à la CRAMIF. Celle-ci a, par un mémoire enregistré le 4 avril 2017 et visé par le jugement, demandé la condamnation du CHI Robert Ballanger à lui verser une somme de 18 364,71 euros au titre des arrérages échus de pension d'invalidité au 28 février 2017 et une somme de 164 040,83 euros au titre des arrérages à échoir jusqu'à la date de substitution par une pension de retraite. Ces mêmes conclusions, actualisées en appel et présentées par la CPAM venant aux droits de la CRAMIF en vertu des deux conventions susmentionnées, ne sont ainsi pas nouvelles en appel, et, sont recevables.

29. Il y a lieu par suite d'accorder à la CPAM venant aux droits de CRAMIF une somme de 23 875,48 euros au titre des arrérages échus actualisés au 1er octobre 2017, assortie des intérêts légaux à compter du 4 avril 2017, date de présentation du mémoire devant le tribunal administratif, et de leur capitalisation à compter du 4 avril 2018.

30. En revanche, il n'y a pas lieu d'accorder un capital représentatif des arrérages à échoir jusqu'à la date de substitution par une pension de retraite mais d'accorder le remboursement par le centre hospitalier des arrérages versés sur production de justificatifs et au fur et à mesure des échéances, jusqu'à la date de substitution d'une pension de retraite.

Sur les dépens :

31. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens. ".

32. Les frais d'expertise liquidés et taxés par des ordonnances n° 1401125 et n° 1506406 du vice-président et du premier vice-président du Tribunal administratif de Montreuil à hauteur de 6 351 euros, mis à la charge du CHI Robert Ballanger, puis en première instance à la charge de l'ONIAM, sont mis à la charge définitive du CHI Robert Ballanger. Il y a donc lieu de condamner cet établissement à rembourser à l'ONIAM les sommes versées à ce titre.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

33. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ONIAM qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le CHI Robert Ballanger demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

34. Les conclusions présentées par M. A... au titre de ces dispositions doivent être regardées comme dirigées contre la partie perdante. Il y a lieu, dans ces conditions, de mettre à la charge du CHI Robert Ballanger une somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre des frais qu'il a exposés, une somme de 1 500 euros à verser à l'ONIAM, ainsi qu'une somme de 1 500 euros à verser à la CPAM du Val-d'Oise au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1 : Le CHI Robert Ballanger versera à M. A... une somme de 327 233,10 euros assortie des intérêts à compter du 18 juillet 2016, et de leur capitalisation à compter du 18 juillet 2017.

Article 2 : Le CHI Robert Ballanger versera une somme de 184 542,44 euros à la CPAM du Val-d'Oise, assortie des intérêts à compter du 8 novembre 2016, et de leur capitalisation à compter du 8 novembre 2017.

Article 3 : Le CHI Robert Ballanger versera à la CPAM du Val-d'Oise une somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Article 4 : Le CHI Robert Ballanger versera à la CPAM du Val-d'Oise venant aux droit de la CRAMIF une somme de 23 875,48 euros au titre des arrérages de pension d'invalidité échus au 1er octobre 2017, assortie des intérêts légaux au 4 avril 2017, ainsi que le remboursement des arrérages de pension d'invalidité postérieurs à cette date servie à M. A..., sur production de justificatifs et au fur et à mesure des échéances, jusqu'à la date de substitution d'une pension de retraite.

Article 5 : Les frais d'expertise liquidés et taxés par des ordonnances n° 1401125 et n° 1506406 du vice-président et du premier vice-président du Tribunal administratif de Montreuil à hauteur de 6 351 euros, sont mis à la charge définitive du CHI Robert Ballanger.

Article 6 : Le CHI Robert Ballanger versera une somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le CHI Robert Ballanger versera une somme de 1 500 euros à la CPAM du Val-d'Oise au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le CHI Robert Ballanger versera une somme de 1 500 euros à l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 9 : Le surplus des conclusions présentées par M. A..., la CPAM du Val-d'Oise et l'ONIAM est rejeté.

Article 10 : Les conclusions du CHI Robert Ballanger présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 11 : Le jugement n° 1608184 du 30 mai 2017 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

5

N° 17VE02494


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02494
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : Mme LE GARS
Rapporteur ?: Mme Diane MARGERIT
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-16;17ve02494 ?
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