Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La FONDATION JEROME LEJEUNE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 13 mai 2015 par laquelle l'Agence de la biomédecine a autorisé, pour une durée de cinq ans, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (unité 1197) à mettre en oeuvre le protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ayant pour finalité l'étude de la capacité de l'hémangioblaste issu des cellules souches embryonnaires humaines à générer des progéniteurs endothéliaux fonctionnels.
Par un jugement n° 1610384 du 21 juin 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 juillet 2017 et le 29 janvier 2018, la FONDATION JEROME LEJEUNE, représentée par Me Hourdin, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement et la décision du 13 mai 2015 de l'Agence de la biomédecine ;
2° de mettre à la charge de l'Agence de la biomédecine la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- l'Agence de la biomédecine ne s'est pas acquittée de l'obligation, qui lui incombe en vertu de l'article R. 2151-2 du code de la santé publique, d'évaluer, préalablement à l'autorisation, les garanties de sécurité, qualité, traçabilité des embryons et cellules souches embryonnaires, ainsi que les conditions matérielles de réalisation de la recherche, le rapport de la mission du 12 novembre 2010 ne permettant pas de confirmer que la traçabilité des cellules souches embryonnaires humaines était assurée dans le cadre de la recherche visée, alors que la nouvelle autorisation de recherche a nécessité le recours à une nouvelle lignée et le rapport de la mission d'inspection du 29 décembre 2014 ne fournit aucune garantie sur la traçabilité des cellules souches embryonnaires utilisées dans le cadre de la recherche, indiquant même " qu'une traçabilité sera mise en place " ;
- les règles d'information et de consentement du couple géniteur fixées aux articles L. 2151-5, R. 2151-4 et L. 1211-2 du code de la santé publique ont été méconnues. C'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il appartenait à l'Agence de la biomédecine de ne vérifier que les conditions posées au I de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique au nombre desquelles ne figure pas celle relative au consentement du couple, en matière de cellules souches embryonnaires, alors que les exigences inscrites au II de l'article L. 2151-5 doivent nécessairement s'appliquer aux recherches sur les embryons et sur les cellules souches embryonnaires, alors même que l'embryon aurait été détruit. En outre, il n'existe pas un statut différent pour les cellules souches embryonnaires d'origine française et celles importées de l'étranger. La recherche étant réalisée en France, les exigences du droit français s'appliquent quels que soient les protocoles suivis à l'étranger ;
- les dispositions de l'article L. 2151-5 I 3° du code de la santé publique ont été méconnues, dès lors que les recherches en cause peuvent être menées sur des cellules pluripotentes induites sans recours à des embryons ou cellules souches embryonnaires. Il appartient à l'Agence de la biomédecine de démontrer qu'en l'état des connaissances scientifiques aucune autre alternative que le recours aux cellules souches embryonnaires ne permet de poursuivre la recherche envisagée.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Besson-Ledey,
- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,
- les observations de Me Hourdin pour la FONDATION JEROME LEJEUNE et celles de Me A...pour l'Agence de la biomédecine.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 13 mai 2015, publiée au Journal officiel de la République française le 5 novembre 2015, l'Agence de la biomédecine a autorisé, en application des dispositions de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (unité 1197 dirigée par le Pr Uzan) à mettre en oeuvre, pour une durée de cinq ans, un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines. Ce projet de recherche, qui s'inscrit dans la continuité d'un précédent autorisé en 2006 portant sur les conditions de différenciation de ces cellules souches, renouvelé une première fois le 17 décembre 2010 aux fins d'étudier la caractérisation des progéniteurs mésenchymateux obtenus à partir de progéniteurs mésodermiques issus des cellules souches embryonnaires humaines, a pour finalité l'étude de la capacité de l'hémangioblaste issu des cellules souches embryonnaires humaines à générer des progéniteurs endothéliaux fonctionnels. La FONDATION JEROME LEJEUNE relève appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 21 juin 2017 qui a rejeté sa demande en annulation de la décision du 13 mai 2015 de l'Agence de la biomédecine.
2. Aux termes de l'article R. 2151-2 du code de la santé publique : " Outre la vérification des conditions fixées à l'article L. 2151-5, l'Agence de la biomédecine s'assure de la faisabilité du protocole et de la pérennité de l'organisme et de l'équipe de recherche. (...) Elle évalue les moyens et dispositifs garantissant la sécurité, la qualité et la traçabilité des embryons et des cellules souches embryonnaires. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le protocole de recherche autorisé par la décision en litige nécessite l'utilisation de plusieurs lignées de cellules souches embryonnaires humaines, les lignées H1 et H9 importées des Etats-Unis d'Amérique en vertu d'une autorisation accordée le 19 juin 2006 et la lignée SA-01 importée de Suède en vertu d'une autorisation accordée le 17 décembre 2010. Ces lignées sont conservées par la plateforme de l'unité INSERM 935, dirigée par le Pr Bennaceur qui fournit les cellules souches embryonnaires sous forme indifférenciée à l'unité 1197 autorisée à mettre en oeuvre le protocole en cause avec ces cellules. Selon la Fondation requérante la traçabilité de ces cellules souches embryonnaires humaines ne serait pas assurée au sein de l'unité de conservation. Si l'Agence de la biomédecine fait valoir que l'autorisation de recherche litigieuse s'inscrit dans la continuité d'un précédent protocole de recherche, lequel a donné lieu à un rapport favorable sur les conditions matérielles et techniques le 12 novembre 2010, ce rapport fait cependant état d'informations inexactes du Pr Uzan sur la conservation des lignées par la plateforme de l'unité INSERM 935, dirigée par le Pr Bennaceur, qui fournit les cellules souches embryonnaires à l'unité 1197 et fait également état de l'absence de fiches de transfert de lignées cédées aux équipes placées sous la responsabilité du Pr Bennaceur. Par ailleurs le rapport de la mission d'inspection du 29 décembre 2014, qui valide le protocole en cause, se borne toutefois à indiquer, s'agissant des modalités de traçabilité de ces cellules souches, qu'" une traçabilité sera mise en place ". Ni les rapports d'inspection des 10 et 16 avril 2015, qui se bornent à renvoyer à la demande de renouvellement, sans se prononcer sur les moyens et dispositifs mis en oeuvre pour garantir la traçabilité des cellules souches embryonnaires, ni l'avis du 16 avril 2015 du conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine qui estime, sans autre précision, que les règles de traçabilité sont respectées, ne permettent, eu égard aux mentions figurant dans les rapports d'inspection des 29 décembre 2014 et 12 novembre 2010, de tenir pour établi que les conditions de traçabilité des embryons et cellules souches embryonnaires étaient, à la date de la décision litigieuse, garanties au sein de l'unité INSERM 935. Dans ces conditions la FONDATION JEROME LEJEUNE est fondée à soutenir que l'autorisation litigieuse a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article R. 2151-2 du code de la santé publique.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, que la FONDATION JEROME LEJEUNE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Agence de la biomédecine le paiement à la FONDATION JEROME LEJEUNE d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, la FONDATION JEROME LEJEUNE n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre des mêmes dispositions par l'Agence de la biomédecine ne peuvent être que rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1610384 du 21 juin 2017 du Tribunal administratif de Montreuil et la décision du 13 mai 2015 de l'Agence de la biomédecine sont annulés.
Article 2 : L'Agence de la biomédecine versera une somme de 2 000 euros à la FONDATION JEROME LEJEUNE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par l'Agence de la biomédecine au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 17VE02493