Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 2 mai 2016 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui renouveler un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 500 euros en réparation des préjudices subis.
Par un jugement n° 1610498 du 16 mars 2017, le Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 avril 2017, et un mémoire en réplique enregistré le 18 août 2017, M.A..., représenté par Me Bouchmal, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler l'arrêté du 2 mai 2016 du préfet des Hauts-de-Seine ;
3° d'enjoindre au préfet compétent de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à défaut, enjoindre au préfet, de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4° de condamner l'Etat à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de la réparation du préjudice résultant des troubles dans ses conditions d'existence ;
5° mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont omis de répondre à deux moyens tirés, d'une part, de ce que le préfet a méconnu l'étendue de ses compétences et de ses pouvoirs en s'abstenant d'examiner la possibilité de régulariser sa situation, d'autre part, de l'erreur de droit commise par le préfet sur le non-respect de la durée de travail annuelle insuffisant à justifier de ne pas renouveler un titre de séjour étudiant ; le jugement est insuffisamment motivé ;
- la décision portant refus de renouvellement est insuffisamment motivée en l'absence de référence à sa situation universitaire et au regard d'éléments de fait erronés sur le nombre d'heures travaillées ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation des pièces en estimant que l'administration pouvait ne pas renouveler un titre étudiant, alors que seule la mesure de retrait est prévue par l'article L. 313-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; une mesure de retrait n'est pas équivalente à un rejet de titre de séjour ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit en relevant que l'article L. 313-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pouvait être mis en oeuvre de manière autonome sans tenir compte de la réussite dans le parcours d'étude ; le législateur n'a pas entendu instaurer un système de sanction automatique en privant un étudiant étranger qui réussit son parcours d'études de son titre de séjour pour des dépassements non voulus par l'étudiant
lui-même ; l'arrêté est ainsi entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle en lui faisant perdre une chance d'obtenir son diplôme ;
- l'article L. 313-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile donne faculté et non obligation de retirer le titre au motif du non-respect du temps de travail ; la volonté du législateur est d'une appréciation au cas par cas des situations, notamment du sérieux des études, et non d'une sanction au caractère automatique de retrait de titre ;
- le tribunal a commis une erreur de fait dans le calcul de la durée annuelle du travail et une erreur de qualification juridique en estimant qu'il n'avait pas respecté la limite annuelle de 964 heures ; il a travaillé 912,7 heures sur la période de référence ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise sans que l'administration ne lui adresse une information précise, fiable et loyale notamment sur les suites éventuelles de la demande de produire les bulletins de paie, sans qu'il soit invité à présenter ses observations écrites ou orales, par des modalités contraires au principe des droits de la défense et du principe du contradictoire ;
- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle méconnait les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de sa situation personnelle et professionnelle, de son intégration dans la société française ;
- le refus illégal lui a causé des troubles dans les conditions d'existence qui devront être réparés par la somme de 4 000 euros.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Geffroy,
- et les observations de Me Bouchmal pour M.A....
1. Considérant que M.A..., ressortissant marocain né le 27 juin 1978, est entré en France le 21 octobre 2010 sous couvert d'un visa long séjour portant la mention " étudiant " ; qu'une carte de séjour temporaire mention " étudiant " lui a été délivrée et renouvelée quatre fois pour la période du 21 octobre 2010 au 20 août 2015 ; que, par arrêté du 2 mai 2016, le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de renouveler le titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que le requérant relève régulièrement appel du jugement du 16 mars 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". (...) / La carte ainsi délivrée donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle. " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-26 du code du travail : " L'étranger titulaire du titre de séjour portant la mention " étudiant " est autorisé à exercer une activité salariée, à titre accessoire, dans la limite d'une durée annuelle de travail égale à 964 heures. " ;
3. Considérant que les dispositions précitées et le dernier alinéa de l'article
L. 313-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes duquel " La carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 313-7 du présent code peut être retirée à l'étudiant étranger qui ne respecte pas la limite de 60 % de la durée de travail annuelle prévue au même article. " n'imposent pas au préfet de retirer ou de refuser de renouveler une carte de séjour en qualité d'étudiant, et ne le privent pas du pouvoir de régularisation qui lui appartient toujours au regard de la situation particulière de chaque étranger notamment au regard de la réalité et du sérieux du suivi de ses études ; qu'en l'espèce il ressort des termes de l'arrêté attaqué et des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine s'est placé à tort en situation de compétence liée, et sans examiner la réalité et le sérieux du suivi des études universitaires, pour prendre à l'encontre de M. A...la décision de refus de renouvellement du titre de séjour en litige au seul motif qu'il avait dépassé la limite de 60 % de la durée de travail annuelle ;
4. Considérant que le préfet des Hauts-de-Seine a demandé en première instance une substitution de motifs tirée de l'absence de visa de long séjour étudiant rendu nécessaire par la tardiveté de la demande de renouvellement du titre de séjour étudiant ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant a saisi, avant l'expiration de son titre de séjour, la préfecture des Hauts-de-Seine afin de solliciter le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant avant d'être renvoyé devant l'université afin d'y déposer sa demande en application d'une convention conclue entre la préfecture et l'université relative à la mise en oeuvre d'une procédure simplifiée de dépôt des demandes de titres de séjour des étudiants étrangers inscrits à l'université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense ; que par suite il n'y pas lieu d'opérer la substitution de motifs demandée par le préfet des Hauts-de-Seine ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par suite, le jugement et l'arrêté attaqué doivent être annulés ;
6. Considérant que l'annulation mentionnée au point 3 n'implique pas nécessairement qu'il soit enjoint au préfet, de délivrer une carte de séjour temporaire à M. A... ; que, par suite, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la situation du requérant dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions indemnitaires :
7. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, l'intéressé titulaire depuis le 23 novembre 2015 d'un diplôme de maitrise de droit, gestion, économie mention droit des affaires s'étant inscrit pour l'année 2015/2016 à l'institut d'études judiciaires de Paris Ouest pour préparer l'examen d'entrée au CRFPA de Versailles, que la situation irrégulière de M. A..., à compter du 2 mai 2016, l'aurait privé d'une chance sérieuse d'obtenir un diplôme ou de mener à bien un projet professionnel ; qu'ayant été muni entre le 20 août 2015 et le 2 mai 2016 de récépissés l'autorisant à poursuivre régulièrement ses études et à travailler, il est ainsi seulement fondé à demander la réparation du préjudice né des troubles dans les conditions d'existence entre le 2 mai 2016 et le 20 août 2016, date à laquelle aurait expiré son titre de séjour étudiant s'il avait été renouvelé ; qu'il en sera fait une juste évaluation en condamnant l'Etat à verser à M. A... la somme de 1 500 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à M. A..., au titre des frais exposés qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 16 mars 2017 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et l'arrêté du 2 mai 2016 du préfet des Hauts-de-Seine sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour à M. A...dans l'attente du réexamen de sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser la somme de 1 500 euros à M.A....
Article 4 : L'Etat versera à M.A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
N° 17VE01221 2