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02/04/2019 | FRANCE | N°17VE00944

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 02 avril 2019, 17VE00944


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Ricoh France a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction des cotisations minimales de taxe professionnelle supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009 pour des sommes respectives, en droits et pénalités, de 351 436 euros, 1 830 384 euros et 2 084 710 euros, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1508372 du 1er d

cembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Ricoh France a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction des cotisations minimales de taxe professionnelle supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009 pour des sommes respectives, en droits et pénalités, de 351 436 euros, 1 830 384 euros et 2 084 710 euros, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1508372 du 1er décembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de décharge de la SAS Ricoh France et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et des mémoires en réplique, enregistrés les 28 mars 2017, 12 octobre 2017, 22 février 2018, 2 juillet 2018 et 24 septembre 2018, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement du 1er décembre 2016 ;

2° de remettre à la charge de la SAS Ricoh France les cotisations minimales de taxe professionnelle au titre des années 2007, 2008 et 2009 dont la décharge a été prononcée par le jugement en litige.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- les conventions de " location mandatée " conclues entre la SAS Ricoh France et des organismes financeurs correspondent à des conventions de location financière engendrant des charges de nature financière, et non de simples locations engendrant des loyers ; l'article 1647 B sexies du code général des impôts ne prévoit pas la déductibilité des charges financières pour le calcul de la valeur ajoutée ;

- l'administration ayant procédé dans le délai de répétition à une substitution de motifs et de procédure par une nouvelle proposition de rectification du 27 décembre 2012, cette circonstance a eu pour effet de prolonger le délai de reprise initial de l'administration ; le nouveau délai expirait le 31 décembre 2015 ; est sans incidence le fait que l'avis de mise en recouvrement ne fasse pas référence à la proposition de rectification corrective du 27 décembre 2012 ;

- la commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'était pas compétente pour connaître du litige l'opposant à la société Ricoh France.

Vu le jugement attaqué.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dibie,

- les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la société Ricoh France.

Une note en délibéré présentée pour la SAS Ricoh France a été enregistrée le 20 mars 2019.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Ricoh France, exerçant une activité de location de matériels bureautiques et de prestations de maintenance associées, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a notamment remis en cause la prise en compte des rétrocessions de " location mandatée " au sein des charges retenues pour le calcul de la valeur ajoutée servant d'assiette à la cotisation minimale de taxe professionnelle au titre des années 2007, 2008 et 2009. Par le présent recours, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS relève appel du jugement en date du 1er décembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la SAS Ricoh France des cotisations minimales de taxe professionnelle supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009.

2. Aux termes de l'article 1647 E sexies du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " I. - La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies. Le chiffre d'affaires et la valeur ajoutée à prendre en compte sont ceux de l'exercice de douze mois clos pendant l'année d'imposition ou, à défaut d'un tel exercice, ceux de l'année d'imposition (...) ". Aux termes de l'article 1647 B sexies du même code dans sa rédaction applicable au litige : " I. Sur demande du redevable, la cotisation de taxe professionnelle de chaque entreprise est plafonnée en fonction de la valeur ajoutée produite au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie (...). La valeur ajoutée est définie selon les modalités prévues au II (...). / II. 1. La valeur ajoutée mentionnée au I est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constaté pour la période définie au I. / 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : d'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes ; les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise pour elle-même ; les stocks à la fin de l'exercice ; et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l'exercice. / Les consommations de biens et services en provenance de tiers comprennent : les travaux, fournitures et services extérieurs, à l'exception des loyers afférents aux biens pris en crédit-bail, ou des loyers afférents à des biens, visés au a du 1° de l'article 1467, pris en location par un assujetti à la taxe professionnelle pour une durée de plus de six mois ou des redevances afférentes à ces biens résultant d'une convention de location-gérance, les frais de transports et déplacements, les frais divers de gestion. / Lorsqu'en application du deuxième alinéa sont exclus des consommations de biens et services en provenance de tiers les loyers ou redevances que verse le preneur, les amortissements visés au 2° du 1 de l'article 39, autres que ceux comptabilisés en amortissements dérogatoires et se rapportant aux biens loués, sont déduits de la valeur ajoutée du bailleur (...) ". Ces dispositions fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée en fonction de laquelle est calculée la cotisation minimale de taxe professionnelle. Pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, il y a lieu de se reporter aux dispositions du plan comptable général dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée.

3. La SAS Ricoh France, lorsqu'elle établit avec ses clients un contrat de location de matériels bureautiques, transfère ce contrat à une entreprise de financement sous forme de contrats dits de " location mandatée ". L'administration, qui ne conteste pas que c'est par erreur que la SAS Ricoh France a comptabilisé les loyers versés aux organismes de financement propriétaires des machines dans la catégorie du crédit-bail, soutient pour la première fois en appel que les contrats de location mandatée conclues entre la SAS Ricoh France et les entreprises de financement sont des contrats de location-financement dès lors que les loyers versés par la SAS Ricoh France aux organismes de financement propriétaires des machines, le sont toujours en contrepartie de l'avance d'un capital d'investissement, et non en contrepartie de la simple mise à disposition des machines. A cet égard, il résulte en effet de l'instruction que la SAS Ricoh France n'est pas rémunérée pour son activité de mandataire, qu'elle supporte tous les risques liés à la gestion des contrats de location, notamment le risque de non paiement des loyers par l'utilisateur final hors procédure collective et celui lié aux litiges commerciaux sur le fonctionnement des matériels loués et le risque lié au coût de la résiliation des contrats en cours de location hors procédure collective. En outre, la SAS Ricoh France acquiert à la fin du contrat les matériels amortis pendant la durée de la location pour une valeur symbolique fixée dès la conclusion du contrat. Si la SAS Ricoh France fait valoir que la facturation aux clients distingue bien la location des machines des autres prestations de service notamment de maintenance, qu'il n'existe pas de risque d'impayés car l'organisme valide le profil solvable des utilisateurs finaux et que les coûts de résiliation avant terme sont couverts par l'indemnité de résiliation payée par le client, ces circonstances sont sans influence sur la nature de la prestation qu'elle a conclue avec les organismes financeurs. Ainsi, les loyers résultant des contrats de location-financement qui constituent, en application des normes comptables en vigueur, une charge financière, et non des consommations de biens ou de services en provenance de tiers, sont, en application des dispositions précitées de l'article 1647 E sexies du code général des impôts, des charges entrant dans le calcul de la valeur ajoutée servant d'assiette aux cotisations minimales de taxe professionnelle.

4. Il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a, en application des dispositions de l'article 1647 E sexies du code général des impôts, déchargé la SAS Ricoh France des cotisations minimales de taxe professionnelle supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009.

5. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés en appel par la SAS Ricoh France.

6. Aux termes de l'article L. 174 du livre des procédures fiscales : " Les omissions ou les erreurs concernant la taxe professionnelle (...) peuvent être réparées par l'administration jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun (...) ".

7. Il résulte de l'instruction qu'une proposition de rectification en date du 20 décembre 2010 portant sur l'assiette de la cotisation minimale de taxe professionnelle au titre de l'année 2007, et complétée par une seconde proposition de rectification en date du 22 novembre 2011 a eu pour effet d'interrompre la prescription et d'ouvrir un nouveau délai de reprise jusqu'au 31 décembre 2013. Si la SAS Ricoh France soutient que la proposition de rectification corrective notifiée le 27 décembre 2012 n'a pu avoir pour effet d'ouvrir un nouveau délai de reprise dès lors qu'elle a été notifiée postérieurement au délai de reprise initial et que l'avis de mise en recouvrement notifié le 29 décembre 2014 ne mentionnait pas cette dernière proposition de rectification, il ne résulte pas des dispositions précitées, ni d'aucun principe général du droit, que ces circonstances auraient fait obstacle à ce que cette proposition de rectification notifiée avant l'expiration du nouveau délai de reprise ait pour effet d'interrompre la prescription et d'ouvrir un nouveau délai de reprise jusqu'au 31 décembre 2015. Il s'ensuit que l'avis de mise en recouvrement notifié le 29 décembre 2014 n'était pas tardif.

8. En vertu des dispositions de l'article L. 59C du livre des procédures fiscales, " La Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 H du code général des impôts intervient pour les entreprises qui exercent une activité industrielle et commerciale sur les désaccords en matière de bénéfices industriels et commerciaux et de taxes sur le chiffre d'affaires (...). En vertu du I. de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, auquel renvoie, s'agissant de la commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient seulement lorsque le désaccord porte sur le montant du résultat de l'entreprise ou de son chiffre d'affaires taxable, sur les conditions d'application des régimes d'exonération ou d'allègement fiscaux en faveur des entreprises nouvelles, sur l'application de certaines dispositions relatives aux rémunérations non déductibles pour la détermination du résultat des entreprises industrielles ou commerciales, ou sur la valeur vénale de certains biens. Il est constant que le litige opposant la SAS Ricoh France à l'administration portait sur la détermination de la valeur ajoutée devant servir d'assiette à la cotisation minimale de taxe professionnelle qui ne figure pas au nombre des désaccords qui peuvent être portés devant la commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Il s'ensuit que l'absence de saisine de cette commission n'a pas eu pour effet de priver la SAS Ricoh France d'une garantie.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du recours, que le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge des cotisations minimales de taxe professionnelle supplémentaires auxquelles la SAS Ricoh France a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009 pour des sommes respectives, en droits et pénalités, de 351 436 euros, 1 830 384 euros et 2 084 710 euros. L'Etat n'étant pas la partie perdante, il n'y a pas lieu de mettre à sa charge la somme de 10 000 euros demandée par la

SAS Ricoh France en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1508372 du Tribunal administratif de Montreuil en date du 1er décembre 2016 est annulé.

Article 2 : Les impositions dont le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge par le jugement précité sont remises à la charge de la SAS Ricoh France.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SAS Ricoh France en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

N° 17VE00944


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00944
Date de la décision : 02/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-04-05 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxe professionnelle. Questions relatives au plafonnement.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Alice DIBIE
Rapporteur public ?: M. CHAYVIALLE
Avocat(s) : PWC SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-04-02;17ve00944 ?
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