La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/10/2019 | FRANCE | N°17PA03829

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 17 octobre 2019, 17PA03829


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., pour la société BGL Avigros.

Considérant ce qui suit :

1. La société BGL Avigros exerce une activité de grossiste en volailles et gibiers

dans des locaux du bâtiment " volaille " VG 1 du marché d'intérêt national (MIN) de Rungis. Elle a été assujettie, à raison...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., pour la société BGL Avigros.

Considérant ce qui suit :

1. La société BGL Avigros exerce une activité de grossiste en volailles et gibiers dans des locaux du bâtiment " volaille " VG 1 du marché d'intérêt national (MIN) de Rungis. Elle a été assujettie, à raison de ces locaux, à des cotisations foncières des entreprises (CFE), au titre notamment des années 2013 et 2014. Elle a vainement contesté ces impositions auprès de l'administration, puis a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à leur réduction en se prévalant d'une surévaluation de la valeur locative des locaux qu'elle exploite. Elle a fait appel du jugement en date du 19 octobre 2017 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

2. Par un arrêt du 4 avril 2019, la Cour, avant de statuer sur les conclusions de la requête de la société BGL Avigros, a jugé que la valeur locative des locaux que celle-ci exploitait au sein du MIN de Rungis devait être déterminée selon la méthode de l'appréciation directe prévue au 3° de l'article 1498 du code général des impôts, faute de pouvoir appliquer en l'espèce les méthodes prévues aux 1° et 2° du même article, et a ordonné qu'il soit procédé à un supplément d'instruction contradictoire aux fins pour les parties de produire tous éléments permettant de déterminer la valeur locative de ces installations, créées postérieurement au 1er janvier 1970.

Sur la détermination de la valeur locative des locaux par comparaison :

3. Dans son mémoire enregistré le 29 juillet 2019, postérieurement à l'arrêt avant dire droit de la Cour, le ministre demande que la valeur locative des locaux en litige soit appréciée par référence au local-type n° 31 des " fleurs coupées ", inscrit au procès-verbal complémentaire du 27 décembre 1973 de la commune de Chevilly-Larue. Toutefois, la Cour, dans son arrêt avant dire droit du 4 avril 2019, a jugé que ce local, qui avait été évalué par voie d'appréciation directe, ne pouvait être régulièrement utilisé comme terme de référence et qu'en l'absence d'autres termes de comparaison pertinents il y avait lieu d'évaluer les locaux de la société BGL Avigros par voie d'appréciation directe, conformément aux dispositions du 3° de l'article 1498 du code général des impôts. La Cour ayant par ce motif statué au fond sur la méthode d'évaluation des locaux et épuisé ainsi sa compétence, la demande du ministre de l'action et des comptes publics ne peut qu'être rejetée.

Sur la détermination de la valeur locative par voie d'appréciation directe :

4. Aux termes de l'article 324 AB de l'annexe III au code général des impôts : " Lorsque les autres moyens font défaut, il est procédé à l'évaluation directe de l'immeuble en appliquant un taux d'intérêt à sa valeur vénale, telle qu'elle serait constatée à la date de référence si l'immeuble était libre de toute location ou occupation. Le taux d'intérêt susvisé est fixé en fonction du taux des placements immobiliers constatés dans la région à la date de référence pour des immeubles similaires. ". Aux termes de l'article 324 AC de la même annexe : " En l'absence d'acte et de toute autre donnée récente faisant apparaître une estimation de l'immeuble à évaluer susceptible d'être retenue, sa valeur vénale à la date de référence est appréciée d'après la valeur vénale d'autres immeubles d'une nature comparable ayant fait l'objet de transactions récentes, situés dans la commune même ou dans une localité présentant du point de vue économique une situation analogue à celle de la commune en cause. La valeur vénale d'un immeuble peut également être obtenue en ajoutant à la valeur vénale du terrain, estimée par comparaison avec celle qui ressort de transactions récentes relatives à des terrains à bâtir situés dans une zone comparable, la valeur de reconstruction au 1er janvier 1970 dudit immeuble, réduite pour tenir compte, d'une part, de la dépréciation immédiate et, d'autre part, du degré de vétusté de l'immeuble et de son état d'entretien, ainsi que de la nature, de l'importance, de l'affectation et de la situation de ce bien. ".

5. En vertu des articles 324 AB et 324 AC précités de l'annexe III au code général des impôts, la valeur vénale des immeubles évalués par voie d'appréciation directe doit d'abord être déterminée en utilisant les données figurant dans les différents actes constituant l'origine de la propriété de l'immeuble, si ces données, qui peuvent résulter notamment d'actes de cession, de déclarations de succession, d'apports en société ou, s'agissant d'immeubles qui n'étaient pas construits en 1970, de leur valeur lors de leur première inscription au bilan, ont une date la plus proche possible de la date de référence du 1er janvier 1970. Si ces données ne peuvent être regardées comme pertinentes du fait qu'elles présenteraient une trop grande antériorité ou postériorité par rapport à cette date, il incombe à l'administration fiscale de proposer des évaluations fondées sur les deux autres méthodes prévues à l'article 324 AC, en retenant des transactions qui peuvent être postérieures ou antérieures aux actes ou au bilan mentionnés ci-dessus, dès lors qu'elles ont été conclues à une date plus proche du 1er janvier 1970. Ce n'est que si l'administration n'est pas à même de proposer des éléments de calcul fondés sur l'une ou l'autre de ces méthodes et si le contribuable n'est pas davantage en mesure de fournir ces éléments de comparaison qu'il y a lieu de retenir, pour le calcul de la valeur locative, les données figurant dans les actes constituant l'origine de la propriété du bien ou, le cas échéant, dans son bilan.

6. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté qu'il n'existe pas d'acte faisant apparaître la valeur d'origine des constructions en litige, ni de cession portant sur des biens comparables à une date proche de la date de référence du 1er janvier 1970. Dès lors, la valeur locative des locaux exploités par la société BGL Avigros dans le bâtiment " volaille " VG 1 du MIN de Rungis doit être déterminée par application du second alinéa de l'article 324 AC de l'annexe III au code général des impôts, en ajoutant à la valeur vénale du terrain la valeur de reconstruction de l'immeuble au 1er janvier 1970, diminuée d'un abattement représentatif de sa vétusté et de sa dépréciation. Il doit être ensuite appliqué, pour obtenir la valeur locative, un taux d'intérêt à cette valeur vénale représentatif du taux des placements immobiliers constatés dans la région à la date de référence pour des immeubles similaires.

7. La société requérante et le ministre font valoir que l'immeuble à évaluer a fait l'objet d'une restructuration complète en 2012, assimilable à une reconstruction et que sa valeur de reconstruction s'élevait à la clôture de l'exercice à 19 523 489,61 euros. Sa valeur vénale s'établit ainsi au 1er janvier 1970 à 2 620 602,63 euros par application à sa valeur de reconstruction de l'indice INSEE du coût de la construction. Il doit être appliqué à la valeur vénale actualisée l'abattement de 50 %, fixé par la Cour dans son arrêt avant dire droit, pour tenir compte de la vétusté et de l'état d'entretien de l'immeuble, puis le taux d'intérêt de 6 % proposé par la société BGL Avigros et admis par le ministre. Ces éléments de calcul conduisent à déterminer une valeur locative de l'immeuble au 1er janvier 1970 de 78 618 euros.

8. Le ministre propose de déterminer la valeur vénale du terrain d'assiette du bâtiment, d'une superficie de 81 449 m², par comparaison avec celle d'un terrain, d'une superficie de 3 735 m², situé 25, rue du Pont des Halles sur le territoire de la commune de Chevilly-Larue et cédé le 9 novembre 2010 au prix de 3 200 000 euros, soit 856,76 le m². La société requérante ne remet pas utilement en cause la pertinence de ce terme de référence en se bornant à produire des clichés photographiques dont il n'apparait pas qu'ils se rapporteraient au terrain cédé. Ainsi, en l'absence d'autres termes de comparaison, la valeur vénale du terrain d'assiette doit être établie à 69 782 245,24 euros, ramenée à 21 541 779,10 euros, correspondant à l'emprise du bâtiment " volaille " VG1, qui représente 30,87 % de l'emprise totale des bâtiments du MIN. A cet égard, ne peut être retenue l'évaluation proposée par la société BGL Avigros d'un montant de 13 100 000 euros, ressortant d'un courrier adressé le 22 juillet 2019 par le Syndicat de la volaille et du gibier à la société Sogaris, concessionnaire du terrain, dont les modalités ne sont pas précisément définies et qui résulterait, selon des indications données oralement au Syndicat d'une " estimation réalisée par Sogaris en 2014 ", sans que la société requérante ne fournisse aucune précision sur la réalisation de cette estimation. Il sera fait application, pour actualiser la valeur vénale du terrain au 1er janvier 1970, de l'indice INSEE du coût de la construction retenu par l'administration. Par ailleurs, le ministre propose, pour l'application de l'article 324 AC de l'annexe III au code général des impôts, de ne pas appliquer d'abattement à cette base, relevant, sans être contredit sur ce point, que le terrain est desservi par d'importantes voies d'accès. Enfin, doit être appliqué à la valeur vénale actualisée de 3 091 449,06 euros le taux d'intérêt de 6 % précité. La valeur locative du terrain au 1er janvier 1970 s'élève ainsi à 185 487 euros.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la valeur locative des locaux s'élève à 264 105 euros au 1er janvier 1970 et que les impositions contestées ont été initialement établies par l'administration sur la base d'une valeur locative supérieure à ce montant.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société BGL Avigros est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a refusé de faire droit à sa demande en décharge dans la mesure de la réduction de la valeur locative ci-dessus définie.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société BGL Avigros dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La valeur locative des locaux exploités par la société BGL Avigros dans le bâtiment " volaille " VG 1 du MIN de Rungis est fixée selon les modalités définies aux points 6 à 9 du présent arrêt.

Article 2 : Les cotisations de CFE mises à la charge de la société BGL Avigros sont réduites, dans la limite du quantum de sa réclamation devant l'administration, à concurrence de la réduction de la valeur locative définie à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement n° 1502900 en date du 19 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à la société BGL Avigros une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société BGL Avigros est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société BGL Avigros et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme B..., président assesseur,

- Mme Lescaut, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 octobre 2019.

Le rapporteur,

V. B...Le président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA03829


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03829
Date de la décision : 17/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-045-03-01 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Valérie POUPINEAU
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-17;17pa03829 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award