Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Boucherie David a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012.
Par un jugement n° 1614346 du 27 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 21 août 2017, 30 juillet 2018, 28 septembre 2018, et 26 octobre 2018, la société Boucherie David, représentée par Me A... et Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1614346 du 27 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations primitives et supplémentaire d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens de la procédure.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière au motif que le compte courant d'associé de son gérant ayant été vérifié dans le cadre d'une procédure d'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2006 et 2007, le service ne pouvait procéder à une vérification du solde présenté par ce compte dans le cadre de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, sauf à méconnaître les dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration fiscale n'a pas apporté la preuve que les factures litigieuses ne présenteraient pas de contrepartie ou qu'elles seraient de complaisance ; elle justifie du caractère déductible des sommes figurant sur les factures, dont le libellé est suffisamment précis, établies par les sociétés La Compagnie du Sandwich, Dindolight et Itbog, ainsi que l'existence de ces sociétés ;
- elle était en droit de constituer au titre des années vérifiées une provision de 199 485 euros en vue de faire face à la perte éventuelle de marchandises ; cette provision ne pouvait en tout état de cause être inférieure au montant de 121 794 euros admis par le service dans son courrier du 31 mars 2014 ;
- la provision en litige n'ayant pas été déduite fiscalement, elle ne pouvait donner lieu à rectification au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2010 sans entraîner une double taxation ;
- le solde figurant au compte courant d'associé de son gérant est justifié dès lors qu'il correspond, d'une part, à un transfert de créances et, d'autre part, à des dépenses de la société prises en charge par son gérant ;
- les pénalités pour manquements délibérés ne sont pas justifiées.
Par un mémoire en défense et des mémoires enregistrés le 15 novembre 2017, les 4 octobre 2018, 19 octobre 2018 et 20 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Boucherie David ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,
- et les observations de Me A... représentant la société Boucherie David.
Considérant ce qui suit :
1. La société Boucherie David, qui exerce une activité de grossiste en viande, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2010, 2011 et 2012, à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause des charges non justifiées au titre de ces trois exercices, a réintégré au titre de l'exercice 2010, premier exercice non prescrit, une provision pour dépréciation d'un stock de vins et spiritueux d'un montant de 199 485 euros enregistrée dans ses comptes de l'exercice 1993 et reportée sur les exercices suivants, ainsi que le solde créditeur du compte courant ouvert au nom de son gérant. La société Boucherie David relève appel du jugement du 27 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations primitives et supplémentaire d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. (...) ".
3. La société Boucherie David soutient que la procédure d'imposition est irrégulière au motif que le compte courant d'associé de son gérant ayant été vérifié dans le cadre d'une procédure d'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2006 et 2007, le service ne pouvait procéder à une vérification du solde présenté par ce compte dans le cadre de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet. Toutefois, la prise en compte d'un compte courant d'associé dans le cadre d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle n'est pas une vérification de comptabilité en l'absence de confrontation des écritures comptables avec les déclarations souscrites par la société elle-même. Par ailleurs, la procédure d'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont a fait l'objet le gérant de la société Boucherie David au titre des années 2006 et 2007 constitue une procédure distincte de la vérification de comptabilité de la société requérante au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, alors que ces deux procédures portaient, en outre, sur des années et exercices différents. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales au motif que la société et son gérant ont tous deux fait l'objet d'une procédure de contrôle sur le compte courant détenu par ce dernier dans les livres de la société ne peut donc qu'être écarté.
Sur le bien fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne la déduction de charges non justifiées :
4. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
5. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.
6. Il résulte, en premier lieu, de l'instruction que la société Boucherie David a déduit en charges des trois exercices en litige diverses factures pour un montant total de 28 833,38 euros hors taxe correspondant à des prestations de service de gestion administrative de dossier, de remboursement de fournisseurs, et de vente de produits alimentaires de la société La Compagnie du Sandwich, dont le capital est détenu par l'épouse du gérant de la société requérante, soit directement au titre des actions qu'elle détient, soit par l'intermédiaire de la SAS Rosa, elle-même actionnaire de la société Boucherie David dont elle détient une partie du capital. Après avoir, en effet, constaté que les deux établissements exploités par la société La Compagnie du Sandwich, qui exerçait également son activité sous le nom commercial " Les nouveaux prestataires de service ", étaient fermés depuis au moins trois ans, que les courriers adressés par le service des impôts des entreprises revenaient avec la mention " n'habite pas à l'adresse indiquée " ou " boîte non identifiable", et qu'enfin, cette société n'avait enregistré dans ses comptes aucune immobilisation, ni charges de personnels, le service a estimé, compte tenu notamment des liens entre ces sociétés et leurs gérants, que ses factures ne correspondaient pas à des prestations réellement effectuées et en a réintégré les montants dans le résultat de la société requérante au titre des trois exercices vérifiés. Si la société Boucherie David se prévaut d'avis d'échéance de loyers de l'Office public d'HLM de Bourg-la-Reine, ainsi que de factures d'électricité et d'assurances, ces éléments sont seulement de nature à démontrer une location de locaux. En admettant même que la gérante de cette société ait eu la capacité d'assurer, sans salarié, son activité, le ministre fait valoir sans être utilement contredit sur ce point que les liasses fiscales de la société La Compagnie du Sandwich pour la période concernée ne faisaient mention d'aucun actif immobilisé pouvant justifier l'utilisation de matériels au sein des locaux loués. La société Boucherie David, qui n'apporte aucun élément sur l'exploitation effective d'une activité dans ces locaux, ne justifie dès lors pas la réalité des prestations de services alléguées à son profit. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a remis en cause la déduction des charges en litige du résultat des trois exercices 2010, 2011 et 2012 de la société Boucherie David.
7. Le service a, en deuxième lieu, remis en cause le montant des factures établies par la société Itbog, domiciliée .... Les avis d'échéances de l'office public d'HLM de Bourg-la-Reine ainsi que les factures EDF et assurance produits ne sont cependant pas de nature à démontrer la réalité de l'activité de cette société, la circonstance que la société Itbog a fait l'objet d'un contrôle sans redressement notifié à l'issue de celui-ci, étant, par ailleurs, sans incidence sur le présent litige. L'absence d'obligation légale pour les sociétés commerciales de détenir des immobilisations ou d'employer du personnel alléguée par la société Boucherie David et la circonstance invoquée que la société Itbog n'a pas de personnel administratif ou comptable n'établissent pas davantage la réalité des prestations effectuées par cette société, dès lors, que le ministre fait valoir, sans être contesté sur ce point, que la société requérante ne démontre pas le recours à un prestataire de service durant les exercices en litige aux fins de fournir les prestations de gestion administrative mentionnées sur ses factures, et à défaut pour la société, de produire les bons de commande relatifs à ces factures.
8. Le service a, enfin, relevé que le libellé des factures établies par la société Dindolight, qui exerce une activité de négoce, était trop général en portant la mention " produits alimentaires divers ", et ne comportait aucune indication sur la nature et la quantité des produits vendus. Il a également constaté des liens personnels étroits entre ce fournisseur, la société Itbog et le gérant de la société Boucherie David dès lors que notamment, et ainsi qu'il est rappelé au point précédent, son adresse de domiciliation est celle de la société Itbog, que les locaux où la société Dindolight est domiciliée .... L'absence d'obligation légale pour les sociétés commerciales de détenir des immobilisations ou d'employer du personnel alléguée par la société Boucherie David et la circonstance invoquée que l'activité de négoce de la société Dindolight ne nécessite pas d'utiliser des locaux d'exploitation ne sont, toutefois, pas de nature à établir que cette entreprise exerçait une activité au cours de la période vérifiée à défaut de produire les bons de commande relatifs aux factures en litige et de manière plus générale toute correspondance commerciale susceptible d'établir des liens avec cette société. L'administration a, dès lors, pu en déduire à bon droit que la réalité des prestations figurant sur les factures émises au nom de cette société n'était pas établie. Dans ces conditions, la société Boucherie David n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a refusé d'admettre la déductibilité des sommes figurant sur les factures en litige.
En ce qui concerne la réintégration de la provision pour dépréciation du stock de vins et spiritueux au titre du premier exercice non prescrit :
9. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " 3. Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient.(...) " ; Aux termes de l'article 39 du même code, dans sa rédaction applicable : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...). Les provisions pour pertes afférentes à des opérations en cours à la clôture d'un exercice ne sont déductibles des résultats de cet exercice qu'à concurrence de la perte qui est égale à l'excédent du coût de revient des travaux exécutés à la clôture du même exercice sur le prix de vente de ces travaux compte tenu des révisions contractuelles certaines à cette date. (...) ". Lorsqu'une entreprise constate que l'ensemble des matières ou produits qu'elle possède en stock ou une catégorie déterminée d'entre eux a, à la date de clôture de l'exercice, une valeur probable de réalisation inférieure au prix de revient, elle peut à concurrence de l'écart constaté soit opérer une décote soit constituer une provision pour dépréciation. Une telle provision ne peut cependant être admise que si l'entreprise est en mesure de justifier de la réalité de cet écart et d'en déterminer le montant avec une approximation suffisante.
10. La société Boucherie David a enregistré dans ses comptes de l'exercice 1993 une provision pour dépréciation de stock de vins et spiritueux d'un montant de 199 485 euros. Cette provision, reportée au cours des exercices ultérieurs, figurait pour le même montant au bilan d'ouverture et de clôture de l'exercice 2010 de la société Boucherie David. Le service a cependant réintégré au résultat de l'exercice 2010 de la société, premier exercice non prescrit, le montant de cette provision estimant que celle-ci n'était établie ni dans son principe ni dans son montant par la société Boucherie David, en l'absence d'élément permettant de justifier la valeur du stock et la dépréciation constatée. La société ayant ultérieurement présenté un inventaire physique du stock de vins et spiritueux daté du 16 février 1994 et un inventaire physique du stock restant après récupération en 2011, l'administration a retenu la valeur du stock estimée à 121 794 euros lorsque l'inventaire en a été dressé en 1994, et une valeur résiduelle de 33 897 euros après récupération par la société de ce stock en novembre 2011, précisant en tout état de cause que cette valeur de stock ne pouvait excéder 121 794 euros. Après avoir confirmé la remise en cause de la provision comptabilisée au titre de l'exercice 2010, le service a estimé que la société ne pouvait maintenir une provision dans ses comptes après la récupération de son stock en 2011, et qu'elle aurait dû comptabiliser en 2012 une perte sur stock à hauteur de 87 897 euros calculée par la différence entre les deux valeurs retenues par le service. Il a donc admis une compensation au titre de l'exercice 2012.
11. La société Boucherie David soutient que la provision de 199 485 euros constatée dans ses comptes des exercices clos en 1993, et 1994 et qui figurait encore au bilan d'ouverture de son premier exercice vérifié, est justifiée, dès lors qu'elle a été déterminée par différence entre la valeur brute de son stock de vins et spiritueux de 297 186 euros inscrite à l'actif de son bilan, et la valeur de ce stock, après saisie, qui ne serait que de 97 701 euros telle que constatée par l'inventaire physique daté du 16 février 1994, et non de 121 794 euros comme l'a retenu le service. Cependant l'extrait de l'actif de son bilan arrêté au 20 septembre 2012 n'est pas de nature à justifier que lors de la comptabilisation de la provision litigieuse en 1993, la perte de valeur du stock de vins et spiritueux de la société était probable à cette date, alors qu'en outre, aucun lien ne peut être établi entre ce document comptable et le stock en cause. La société ne démontre pas non plus que le service aurait, à tort, retenu la valeur de 121 794 euros figurant sur l'inventaire physique du stock de vins et spiritueux du 16 février 1994, dès lors que la ventilation dont elle se prévaut, entre le stock de vins et spiritueux qui lui appartenait et celui d'une autre société, ne résulte que d'une mention manuscrite apposée sur cet inventaire, sans valeur probante, et qu'elle n'est corroborée par aucune des autres pièces du dossier. Ainsi, contrairement à ce que la société requérante soutient, la provision de 199 485 euros ne pouvait figurer pour ce montant au bilan d'ouverture de son premier exercice vérifié.
12. La société Boucherie David soutient également qu'elle était en droit de comptabiliser une provision pour dépréciation de stock de 121 794 euros correspondant à la valeur de son stock figurant sur l'inventaire établi en 1994, telle qu'admise par l'administration, le service ne pouvant remettre en cause la totalité de la provision passée de 199 485 euros. La dépréciation du stock de vins et spiritueux n'étant toutefois pas justifiée lors de la constitution de la provision, c'est par suite à bon droit que l'administration a repris la provision de 199 485 euros au titre du premier exercice non prescrit, tout en admettant, pour tenir compte de la dépréciation du stock résiduel récupéré par la société en 2011, la déduction du résultat de l'exercice clos en 2012 d'une perte de 87 897 euros correspondant à la différence entre l'évaluation réalisée par l'inventaire dressé en 1994 et celle faite en 2011, cet exercice antérieur à la survenance de l'évènement justifiant que soit inscrite une perte et non une provision.
13. Enfin, la société Boucherie David soutient que la provision en litige de 199 485 euros n'ayant pas été déduite fiscalement, dès lors qu'elle a été réintégrée de manière extracomptable au titre de l'exercice clos le 30 septembre 1995, elle ne pouvait donner lieu à rectification au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2010 sans entraîner une double taxation à l'impôt sur les sociétés de ce montant. Elle produit la liasse fiscale de l'exercice 1995 dont il ressort qu'une provision a été inscrite à l'actif de son bilan pour un montant de 208 126 euros, sans que la société n'apporte d'explication sur la variation entre ce montant et celui de 199 485 euros enregistré dans ses comptes. Par ailleurs, les tableaux annexés à cette liasse font apparaître la réintégration d'une somme de 429 620 euros dans le résultat de cet exercice, dont la société ne démontre pas, par la production d'une attestation de son expert comptable datée du 13 septembre 2018, qu'il comprendrait la provision en litige.
En ce qui concerne la réintégration du solde créditeur du compte courant d'associé de M. C... dans les résultats de l'exercice clos en 2010 :
14. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ".
15. Il appartient au contribuable, pour l'application de ces dispositions, de justifier, par la production de tous éléments suffisamment précis, l'inscription d'une dette au passif du bilan de son entreprise.
16. L'administration a notamment réintégré au résultat de l'exercice clos en 2010 le solde créditeur du compte courant ouvert au nom de M. C... dans les livres de la société Boucherie David constaté à l'ouverture de l'exercice le 1er octobre 2009, d'un montant de 391 864 euros au motif que la dette correspondante de la société à l'égard de M. C... n'était pas justifiée. Toutefois, le service ayant, lors des opérations de contrôle, admis les justificatifs apportés par la société pour un montant total de 43 933 euros, le passif considéré comme étant injustifié a été ramené à la somme de 347 931 euros.
17. En premier lieu, la société Boucherie David, qui conteste la réintégration de ce solde de 347 931 euros dans son résultat de l'exercice clos en 2010, soutient qu'il est justifié à hauteur de la somme de 315 356,50 euros, dès lors qu'il correspond au transfert à M. C..., après l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire en 1995, des créances détenues par la société civile immobilière (SCI) " 70 bd Maréchal Joffre " d'un montant de 276 542 euros, et par les banques Worms et CCF à hauteur respectivement des sommes de 12 195,93 euros et de 24 618,57 euros.
18. La société, qui n'apporte aucun élément sur le transfert des créances des banques Worm et CCF, ne justifie, en outre, pas l'existence d'une dette de la SCI " 70 bd Maréchal Joffre " envers M. C..., par l'état justificatif de solde général du compte d'avances d'associé détenu dans ses comptes par celui-ci, arrêté à la date du 18 août 2015 pour la période du 1er octobre 2003 au 30 septembre 2004, faisant état d'un crédit de 248 888,26 euros avec en mention manuscrite " subrogation de M. D... C... en lieu et place de la SCI Joffre ", et par l'acte de transfert de créance signé entre M. C... et cette SCI, du montant de sa créance de 276 542,51 euros.
19. En second lieu, la société fait également valoir qu'une partie de ce solde concerne des remboursements de dépenses lui incombant pour des montants de 16 300 euros, prises en charge entre le 1er janvier 2006 et le 4 octobre 2008 par son gérant par des versements en espèces effectués notamment par des retraits opérés sur le compte bancaire de la société Jakimmo, et qui constituent dès lors des dettes de la société envers celui-ci. Elle ne le justifie, toutefois, pas par l'affirmation que les rehaussements opérés par le service ne sont pas fondés du fait des justificatifs apportés pour des montants bien supérieurs, et par la production d'un état justificatif du solde général du compte d'avances d'associés de M. C... portant sur une période antérieure au 1er janvier 2006.
20. La société produit également à l'appui de l'état justificatif de solde de compte établi pour la période du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2006 trois factures de frais de déplacement de M. C..., d'un montant identique de 364,40 euros, datées des 31 octobre, 31 novembre 2005, et 31 décembre 2005 pour des déplacements au marché de Rungis, qui ne sont toutefois pas en litige. Elle verse également au dossier plusieurs bordereaux de remises de chèques de 1 000 euros, 1 500 euros, 1 000 euros, 1 500 euros, 800 euros, 900 euros, 1 500 euros, 2 000 euros, 1 100 euros, 1 900 euros de M. C... à l'ordre de la société Boucherie David les 6 janvier 2006, 1er juillet 2006, 27 juillet et 29 juillet 2006, les 7, 14 et 18 août 2006, et le 29 septembre 2006, mais à défaut de mentionner l'objet de ces versements, et de produire une copie des chèques correspondants, la société requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la créance détenue par M. C... à son encontre.
21. L'état récapitulatif de solde établi pour la période allant du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007 ne permet aucun rapprochement entre les sommes portées au crédit du compte courant d'associé détenu par M. C... dans les livres de la société avec les virements et retraits effectués. En se bornant à produire une copie du relevé bancaire de la société Jakimmo faisant apparaître un retrait d'espèces de 3 000 euros le 29 septembre 2006, la requérante n'établit pas, en l'absence de justification du bénéficiaire et de l'objet de ce retrait, le crédit du compte courant d'associé d'un même montant. Le bordereau de remise de chèque de 1 000 euros du 21 octobre 2006 et l'extrait de compte bancaire de la société Jakimmo faisant apparaître un retrait d'espèces de 1 500 euros ne peuvent justifier le crédit en compte courant d'associé du 25 octobre 2006 pour un montant de 1 500 euros, faute de porter sur des montants identiques. En produisant une copie du compte bancaire de M. C... à la Banque Postale, la requérante n'apporte pas non plus la preuve qui lui incombe, en l'absence de justification du bénéficiaire des versements et remises de chèques effectués, que le détenteur du compte courant d'associé ouvert dans ses livres était, aux mêmes dates, titulaire à son égard d'une créance de même montant. Le dépôt d'espèce de 294,47 euros ne correspond à aucune écriture de l'état de solde du compte courant d'associé présenté. Le bordereau de remise d'un chèque de 1 500 euros du 3 novembre 2006 ne peut davantage justifier l'avance en compte courant d'associé de 1 500 euros du 25 octobre 2006, dès lors que cet état récapitulatif de solde n'indique pas la numérotation du chèque correspondant, de même que la remise de chèque de 1 500 euros du 30 décembre 2006, les retraits d'espèces du mois de janvier 2007, les bordereaux de remises de chèques de 400 euros le 24 janvier 2007, de 2 000 euros le 12 mars 2007, les retraits bancaires effectués sur le compte bancaire de la SCI Joffre de 1 000 euros et de 2 000 euros le 16 mars suivant, les versements effectués par M. C... de 1 845 euros et de 2 000 euros le 19 mars 2007, et la remise de chèque de 700 euros du 22 mars 2007, ainsi que celle de 2 000 euros du 20 avril, en l'absence de mention du bénéficiaire de ces versements. Le retrait bancaire de 1 000 euros du 30 avril 2007 et le versement à cette même date de 1 000 euros sont insuffisants pour établir l'écriture enregistrée trois jours avant, soit le 27 avril 2007, alors qu'au surplus le libellé du versement effectué n'en précise pas la provenance. La somme de 1 700 euros inscrite le 2 mai 2007 sur le compte courant d'associé n'est pas justifiée par le retrait d'un même montant effectué à cette date sur le compte de la SCI Jakimmo, le dépôt d'espèce produit n'indiquant aucun destinataire du versement correspondant. Il en est de même du retrait du compte bancaire personnel de M. C... de 800 euros du 24 mai 2007 et du dépôt d'espèces produit pour un montant identique à cette date, en l'absence d'indication du bénéficiaire de ce dépôt autre que le bureau Paris Moussy. Les remises de chèques de 1 000 euros, 1 500 euros, 2 000 euros, 1 900 euros, 2 500 euros des 16, 19, 23, 25 mai, 29 mai, les trois retraits le 2 juillet pour des montants de 1 500 euros, 1 900 euros et 500 euros, et les dépôt d'espèces de 2 100 euros du 5 juin et de 850 euros du 16 juin 2007 ne justifient enfin pas les avances en compte courants d'associés alléguées en l'absence de correspondance de dates ou de montants avec l'état récapitulatif produit.
22. L'état versé au dossier pour la période du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2008 ne saurait davantage justifier les avances en compte courant d'associé de 500 euros et de 1 500 euros enregistrées les 3 et 4 janvier 2008, dès lors que ces avances ne sont corroborées par aucun autre document. En outre, la société requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la créance détenue par M. C... par les remises de chèques de 1 200 euros et de 1 400 euros effectuées au mois d'octobre 2008, et celle de 1 000 euros du mois de décembre 2008, les remises de chèques de 817 euros et de 2 500 euros du mois de janvier 2009, de 300 euros, de 1 500 euros et de 1 400 euros des 12 et 23 mars 2009, de 1 000 euros et de 700 euros des 1er et 28 avril, de 480 euros au mois de mai, de 1 000 euros et de 2 000 euros au mois de juillet 2009 à défaut pour celles-ci de mentionner l'objet de ces versements, et de produire une copie des chèques correspondants.
En ce qui concerne les pénalités :
23. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
24. Pour appliquer la majoration pour manquement délibéré aux rectifications à l'impôt sur les sociétés résultant de la remise en cause de la déductibilité des sommes figurant sur les factures dont l'administration a considéré qu'elles ne correspondaient à aucune prestation réelle, le service a relevé que la réalité des prestations correspondant aux factures établies au nom des sociétés Les nouveaux prestataires, La Compagnie du Sandwich, Dindolight et Itbog n'était pas établie et que la société requérante ne pouvait ignorer qu'elle n'était pas en droit de déduire de son résultat imposable des sommes figurant sur des factures ne correspondant à aucune prestation réelle. Eu égard à la répétition et à l'ampleur des irrégularités commises au cours des trois exercices vérifiés, l'administration doit être regardée comme ayant suffisamment établi que la société contribuable a volontairement cherché à éluder une part importante de l'impôt dont elle était normalement redevable. La société Boucherie David n'est, par suite, pas fondée à soutenir que l'application de la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée.
25. Il résulte de tout ce qui précède que la société Boucherie David n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions et pénalités litigieuses. Ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête la société Boucherie David est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Boucherie David et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal Ile-de-France Est.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme E..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 septembre 2019.
Le rapporteur,
C. E...Le président,
S.-L. FORMERYLe greffier,
C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17PA02901 2