Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Les Productions de la Plume a demandé au Tribunal administratif de Paris, par deux requêtes distinctes enregistrées sous les numéros 1506165/1-1 et 1511404/1-1, la décharge des rappels de taxe sur les spectacles d'un montant total de 226 865,13 euros, en droits et pénalités, dont elle a été constituée débitrice par des titres de recettes émis en 2014 par le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz.
Par un jugement du 31 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Les Productions de la Plume des rappels de taxe sur les spectacles procédant, d'une part, de 4 titres de recettes datés du 22 décembre 2014, d'un montant total de 43 320,90 euros, s'agissant des spectacles donnés à Pau, Toulon, Amiens et Caen, d'autre part, de 4 titres de recettes datés du 1er avril 2014, d'un montant total de 23 676,08 euros, s'agissant de spectacles donnés à Bordeaux, Biarritz, Nice et Rennes, et rejeté le surplus des conclusions des requêtes de la société Les Productions de la Plume.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 juillet 2017 et le 29 avril 2018, la société Les Productions de la Plume, représentée par Me de Stefano, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 1506165/1-1 et 1511404/1-1 du 31 mai 2017 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à ses conclusions ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions et pénalités restant en litige ;
3°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de répondre à certaines conclusions ;
- les mises en demeure préalables à la taxation d'office prévues par le VIII du A de l'article 76 de la loi ne lui ont pas été régulièrement notifiées ;
- les accusés de réception des mises en demeure ont été signés par une personne non habilitée ;
- la motivation des taxations d'office est insuffisante dès lors qu'elle n'a pas été informée des modalités de calcul des droits avant leur mise en recouvrement ;
- la commission d'arbitrage de la taxe sur les spectacles n'a pas été consultée ;
- les spectacles, qui ne sont pas des sketches humoristiques mais des meetings politiques, n'entrent pas dans le champ de la taxe sur les spectacles de variété ;
- le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz ignore la nature des manifestations qu'il a taxées d'office ;
- le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz ne justifie pas que les représentations qu'il a taxées ont bien eu lieu ;
- sauf pour le spectacle donné à Toulouse le 22 février 2014, elle n'était pas responsable de la billetterie, au sens du IV de l'article 76 de la loi du 30 décembre 2003 et n'était donc pas le redevable de la taxe ;
- c'est à tort que le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz lui a appliqué une majoration de 40 %, dès lors, d'une part, qu'elle n'est pas redevable de la taxe sur les spectacles et, d'autre part, que le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz ne lui a pas adressé de mises en demeure préalables.
Par un mémoire, enregistré le 17 novembre 2017, le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz, représenté par MeB..., conclut, d'une part, au rejet de la requête de la société Les Productions de la Plume, d'autre part, par voie d'appel incident, au rétablissement des impositions et pénalités déchargées par le Tribunal administratif de Paris, enfin, à ce qu'une somme de 15 000 euros soit mise à la charge de la société Les Productions de la Plume au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête devant le tribunal enregistrée sous le numéro 1511404/1-1 est tardive s'agissant de 21 titres de recettes datés du 1er avril 2014 dès lors que la réclamation préalable en date du 15 mai 2014 a été rejetée par une décision du 12 juin 2014, la seconde contestation en date du 3 septembre 2014 ne pouvant avoir pour effet de proroger le délai de recours contentieux ;
- la société Les Productions de la Plume a bien accusé réception de l'ensemble des mises en demeure ; c'est en toute mauvaise foi qu'elle prétend ne pas les avoir reçues ;
- les autres moyens de la requérante sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,
- et les observations de Me De Stefano, avocat de la société Les Productions de la Plume.
1. Considérant que, par deux requêtes distinctes, la société anonyme à responsabilité limitée (SARL) Les Productions de la Plume a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des rappels de taxe sur les spectacles mis à sa charge pour des représentations de spectacles de M. C...M'A... M'A..., dit "C...", par le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), d'un montant total, en droits et pénalités, de 226 865,13 euros ; que le tribunal a joint ces requêtes et y a partiellement fait droit, en prononçant la décharge des rappels de taxe sur les spectacles procédant, d'une part, de quatre titres de recettes datés du 22 décembre 2014, d'un montant total de 43 320,90 euros, correspondant à des spectacles donnés à Pau, Toulon, Amiens et Caen, d'autre part, de quatre titres de recettes datés du 1er avril 2014, d'un montant total de 23 676,08 euros, correspondant à des spectacles donnés à Bordeaux, Biarritz, Nice et Rennes ; que la société Les Productions de la Plume relève appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable ; que, par voie d'appel incident, le CNV demande le rétablissement des rappels dont la décharge a été prononcée par le Tribunal ;
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande :
2. Considérant qu'en vertu du IX de l'article 76 de la loi 30 décembre 2003 les réclamations contentieuses relatives à l'assiette de la taxe sur les spectacles sont traitées par le directeur du CNV et présentées, instruites et jugées selon les règles applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 199-1 du même livre : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur sa réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R* 198-10 (...) " ;
3. Considérant que le rejet d'une réclamation, même devenu définitif, n'empêche pas le contribuable d'en présenter une seconde portant sur les mêmes impositions, à condition de le faire avant l'expiration du délai qui lui est imparti, et de saisir le juge de l'impôt à l'intérieur du délai de recours ouvert par le rejet de la seconde réclamation ; que si, en cas de silence gardé par l'administration fiscale sur la réclamation pendant six mois, le contribuable peut soumettre le litige au tribunal administratif, le délai de recours contentieux ne peut courir à son encontre tant qu'une décision expresse de rejet de sa réclamation, laquelle doit être motivée et, conformément aux prévisions de l'article R 421-5 du code de justice administrative, comporter la mention des voies et délais de recours, ne lui a pas été régulièrement notifiée ;
4. Considérant qu'il suit de ce qui a été dit au point 3 que la société requérante était en droit, comme elle l'a fait après le rejet par le CNV, le 12 juin 2014, d'une première réclamation datée du 15 mai 2014 dirigée contre 21 titres de recettes, d'introduire une nouvelle réclamation ayant le même objet, en date du 3 septembre 2014 ; qu'au regard de la décision implicite de rejet prise par le CNV sur cette nouvelle réclamation, le délai de recours dont disposait la société Les Productions de la Plume n'était pas expiré quand elle a saisi le Tribunal administratif de Paris, le 2 juillet 2015, contrairement à ce que soutient le CNV ;
En ce qui concerne le fond du litige :
5. Considérant qu'aux termes du VIII du A de l'article 76 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 : " Le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz contrôle les déclarations prévues au VI (...) Lorsque le redevable n'a pas déposé la déclaration prévue au VI, une mise en demeure avec accusé de réception lui est adressée par le directeur du centre national. A défaut de régularisation dans les trente jours à compter du jour de la réception de cette mise en demeure, les agents chargés du contrôle procèdent à la taxation d'office. A cette fin, ils peuvent fixer la base d'imposition notamment par référence au chiffre d'affaires réalisé pour une ou plusieurs représentations comparables ou pour la cession ou la concession d'un spectacle comparable. Les droits notifiés sont assortis d'une majoration de 40 %. / Le directeur du centre national émet un titre exécutoire selon les modalités prévues au VII comprenant les droits réclamés en application des deux alinéas précédents et le montant des majorations applicables trente jours après la date de réception par le redevable de la réponse à ses observations ou, en l'absence d'observations de la part du redevable, trente jours après la date de la notification de rectifications ou, en cas de taxation d'office, trente jours après la date de la notification des droits (...) " ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Les Productions de la Plume a fait l'objet d'une procédure de taxation d'office, faute pour elle d'avoir déposé les déclarations prévues au VI du A de l'article 76 de la loi du 30 décembre 2003 ; que, dans le cadre de cette procédure, le CNV lui a notifié les titres de recettes litigieux sans lui avoir notifié préalablement, trente jours auparavant, les droits rappelés et les bases d'imposition, contrairement à ce que prévoient les dispositions précitées du VIII du A de la loi du 30 décembre 2003 ; que, dans ces conditions et quand bien même les titres de recettes feraient eux-mêmes apparaître les bases d'imposition, la société requérante est fondée à soutenir que les taxations d'office dont elle a fait l'objet sont entachées d'une irrégularité de la procédure d'imposition ;
Sur l'appel incident du CNV :
7. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 2 à 4, la demande de la société Les Productions de la Plume, en ce qui concerne la fraction des rappels de taxe sur les spectacles dont le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge, était recevable ; que, par ailleurs, le CNV n'apporte pas davantage en appel qu'en première instance la preuve, qui lui incombe, de ce que les mises en demeure datées du 16 décembre 2013 et du 22 octobre 2014 ont été régulièrement notifiées à la société requérante ; que ses conclusions d'appel incident doivent dès lors être rejetées ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Les Productions de la Plume, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge du surplus des rappels de taxe sur les spectacles restant en litige ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Les Productions de la Plume en remboursement des frais exposés par le CNV, qui a la qualité de partie perdante dans la présente instance ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la société Les Productions de la Plume ;
DECIDE :
Article 1er : Il est accordé à la société Les Productions de la Plume la décharge des rappels de taxe sur les spectacles restant en litige et des pénalités correspondantes.
Article 2 : Le jugement n°s 1506165/1-1 et 1511404/1-1 du 31 mai 2017 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Les Productions de la Plume au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions de l'appel incident du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz ainsi que ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les Productions de la Plume et au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jardin, président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 septembre 2018.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02673