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13/11/2018 | FRANCE | N°17PA02461

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 13 novembre 2018, 17PA02461


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeA... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 12 octobre 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1517654 du 15 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2017, la SCP Becheret-Thierry-Senechal-Gorrias, liquidatrice d

e la société Clinique Paris Montmartre, représentée par la SCP Hadengue et Associés, dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeA... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 12 octobre 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1517654 du 15 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2017, la SCP Becheret-Thierry-Senechal-Gorrias, liquidatrice de la société Clinique Paris Montmartre, représentée par la SCP Hadengue et Associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 mai 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de Mme A...C...devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de Mme C...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- La DIRECCTE ayant eu à contrôler l'étendue des démarches de reclassement dans le cadre de l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), Mme C...n'était pas recevable à critiquer les efforts individuels de reclassement la concernant dans le cadre du recours contre la décision autorisant son licenciement sauf en ce qui concerne l'absence de lien avec son mandat ;

- Le tribunal a statué ultra petita en examinant des moyens, tirés de l'obligation de reclassement externe et de la discrimination, que Mme C...n'avait pas soulevés ;

- Mme C...ne conteste pas que les sociétés du groupe Kapa ne faisaient plus partie du groupe comme l'a à juste titre jugé le tribunal ; en revanche l'existence de liens étroits avec des sociétés n'appartenant pas au groupe n'emporte aucune obligation de reclassement, contrairement à ce qu'affirmé le jugement qui est entaché d'une contradiction de motifs sur ce point ;

- A supposer le moyen recevable, en tout état de cause des postes au sein des sociétés du groupe Kapa ont bien été proposés par lettre simple à l'ensemble des salariés de la société Clinique Paris Montmartre ;

- Le motif économique du licenciement est bien justifié par la cessation définitive d'activité et la liquidation judiciaire prononcée par le juge du Tribunal de commerce de Paris du 23 février 2015 en application de l'article L. 640-1 et suivants du code de commerce.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 octobre 2017, Mme C...représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Clinique Paris Montmartre une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public,

- et les observations de Me Lockwood, avocat de la SCP Becheret-Thierry-Senechal-Gorrias, liquidatrice de la société Clinique Paris Montmartre.

Considérant ce qui suit :

1. La société Clinique Paris Montmartre, représentée par son liquidateur judiciaire, relève appel du jugement du 15 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 12 octobre 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé le licenciement pour motif économique de MmeA... C....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié. A ce titre, lorsque la demande est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, celle-ci n'a pas à être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il appartient alors à l'autorité administrative de contrôler, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, que l'employeur a satisfait, le cas échéant, à l'obligation de reclassement prévue par le code du travail et que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire.

3. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à la recherche des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

4. Pour annuler la décision du 12 octobre 2015 par laquelle le ministre du travail a autorisé le licenciement pour motif économique de Mme A...C..., qui avait été recrutée le 8 décembre 2003 en qualité d'aide-soignante par la société Clinique Paris Montmartre au sein de laquelle elle exerçait les mandats de déléguée syndicale, de déléguée du personnel, de membre du comité d'entreprise et de représentante syndicale au CHSCT, le tribunal administratif a estimé que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement dès lors que si l'ensemble des parts sociales de la société Clinique Paris Montmartre, détenues depuis 2009 par la société Kapa Santé, avait été cédé le 10 avril 2014 à M. B..., puis le 6 janvier 2015 à la société INA, les postes disponibles au sein de ce dernier auraient dû être effectivement proposés à Mme C...eu égard aux liens étroits continuant à exister entre la société Clinique Paris Montmartre et le groupe Kapa.

5. Il ressort, en effet, des pièces du dossier qu'existaient entre la société Clinique Paris Montmartre et la société Kapa Santé des liens étroits, attestés par la prise en charge de rémunérations des salariés de la société Clinique Paris Montmartre par la société Kapa Santé. Ainsi, et nonobstant l'absence de liens capitalistiques entre ces deux entités à la date de la décision contestée et dès lors qu'il n'est pas contesté que l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation de la société Kapa Santé permettaient d'effectuer la permutation de Mme C..., la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'aucune obligation au titre du reclassement interne des salariés ne s'imposait au sein de la société Kapa Santé et que le jugement attaqué serait entaché sur ce point d'une contradiction de motifs.

6. Si la société Clinique Paris Montmartre soutient que Mme C...n'avait jamais critiqué l'obligation de reclassement devant le tribunal et qu'elle n'est plus recevable à le faire, il ressort de la requête de première instance de Mme C...que celle-ci exposait que " le reclassement n'a été recherché qu'au sein de la société INA, unique actionnaire au moment des faits et non au sein du groupe Kapa Santé. Or des postes existaient au sein du Groupe et ils auraient dû être proposés à MmeC... ". Ce moyen manque donc en fait.

7. La circonstance que l'administration ait homologué le PSE de la société Clinique Paris Montmartre ne fait, contrairement à ce que soutient cette dernière, aucunement obstacle à ce que la salariée protégée critique devant le juge administratif l'insuffisance de son reclassement au soutien de la contestation de son licenciement économique.

8. Enfin, si la société requérante produit pour la première fois en appel une lettre datée du 1er avril 2015 rassemblant toutes les propositions de reclassement adressées à la salariée et incluant six postes au sein de la société Kapa Santé, elle ne rapporte pas la preuve que Mme C... l'ait reçue alors qu'il s'agit, comme elle le reconnaît elle-même, d'un courrier simple. Par suite, il n'est pas établi qu'elle ait satisfait à son obligation de reclassement à l'égard de cette salariée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Clinique Paris Montmartre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 12 octobre 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé le licenciement pour motif économique de Mme C....

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que MmeC..., qui n'est pas la partie perdante, verse la somme que demande la société Clinique Paris Montmartre au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros à verser à Mme C...sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Clinique Paris Montmartre est rejetée.

Article 2 : La société Clinique Paris Montmartre versera à Mme C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP Becheret-Thierry-Senechal-Gorrias, liquidatrice de la société Clinique Paris Montmartre, au ministre chargé du travail et à Mme A...C....

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- Mme Julliard, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 13 novembre 2018.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

M. HEERS

Le greffier,

F. DUBUY La République mande et ordonne à la ministre chargée du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA02461


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02461
Date de la décision : 13/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique. Obligation de reclassement.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : WULVERYCK

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-11-13;17pa02461 ?
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