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31/05/2018 | FRANCE | N°17PA02269,17PA02270

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 31 mai 2018, 17PA02269,17PA02270


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 13 juillet 2016 par laquelle la société La Poste l'a exclu de ses fonctions pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1614347 du 8 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision de la société La Poste du 13 juillet 2016 et a mis à sa charge la somme de 1 000 euros à verser à M. A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure d

evant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 17PA02269 les ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 13 juillet 2016 par laquelle la société La Poste l'a exclu de ses fonctions pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1614347 du 8 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision de la société La Poste du 13 juillet 2016 et a mis à sa charge la somme de 1 000 euros à verser à M. A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 17PA02269 les 6 juillet 2017 et 8 janvier 2018, la société La Poste, représentée par MeE..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1614347 du 8 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de M. A...le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a fait une application rétroactive de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 et a écarté ainsi les faits fautifs commis par M. A...antérieurement au 12 février 2013 ; aucun délai de prescription n'est applicable aux faits commis par l'intéressé ; à la date de la promulgation de la loi du 20 avril 2016, la procédure disciplinaire était déjà engagée à l'encontre de M. A...; dans l'hypothèse où une procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre d'un fonctionnaire dans le délai de prescription de trois ans, la circonstance que celle-ci soit annulée au terme d'une procédure contentieuse n'interdit pas à l'administration d'engager une nouvelle procédure à l'encontre de l'intéressé pour les faits initialement réprimés ;

- par leurs décisions respectives des 20 mars 2014 et 29 octobre 2015, devenues définitives, la Cour et le Tribunal administratif de Paris n'ont sanctionné que le quantum de la sanction prononcée à l'encontre de l'intéressé et non la matérialité des faits reprochés ; par suite, les faits fautifs commis par M. A...entre 2009 et 2013 pouvaient régulièrement faire l'objet d'une procédure disciplinaire ;

- la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans n'était pas entachée d'erreur d'appréciation au vu de l'ensemble des faits reprochés entre 2009 et 2015 ; en tout état de cause, les seuls faits reprochés pour les années 2014 et 2015 justifiaient cette sanction ; les faits d'entrave à la liberté de mouvement et d'occupation des locaux présentaient le caractère d'une faute disciplinaire justifiant le prononcé d'une sanction particulièrement lourde ; ils excédaient ce qui est toléré au titre de l'exercice des droits syndicaux, y compris pendant un conflit social ; ils ont provoqué d'importantes perturbations dans l'exercice de la mission du service public postal ; M. A...n'a pas respecté les modalités d'exercice des droits syndicaux énoncées par le décret du 28 mai 1982 ; ces agissements présentaient en outre un caractère répété ; enfin, M. A...a commis une agression physique lors d'une tentative d'intrusion sur un site de La Poste ;

S'agissant des autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal :

- la décision contestée est suffisamment motivée ;

- la commission administrative paritaire locale du " niveau opérationnel de déconcentration " (NOD) d'appartenance de M. A...était compétente pour se prononcer sur la sanction envisagée et a été régulièrement créée ;

- les membres de la commission administrative paritaire locale étaient suffisamment informés des faits reprochés à l'intéressé ;

- elle n'a pas méconnu le principe non bis in idem ; le tribunal et la Cour ayant reconnu le caractère fautif et réitéré des agissements de M.A..., elle pouvait valablement décider de prendre une nouvelle sanction fondée sur les mêmes faits et sur des faits fautifs commis ultérieurement, dans le cadre d'une nouvelle procédure disciplinaire et prononcer une sanction plus sévère que celles annulées par le juge administratif ;

- la décision du 24 décembre 2015 qui avait pour objet la réintégration juridique et la reconstitution de la carrière de M. A...ne saurait être considérée comme un abandon des poursuites engagées à son encontre ;

- elle n'a pas prolongé son éviction du service pendant deux ans ;

- le moyen tiré de ce que la sanction infligée méconnaîtrait le principe constitutionnel d'égalité devant la loi vise en réalité à contester la constitutionnalité de l'article 29 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications ; ce moyen est irrecevable faute pour cette question prioritaire de constitutionnalité d'être présentée dans un mémoire distinct et motivé ; en tout état de cause, le législateur peut régler de façon différente des situations différentes ;

- la matérialité des faits reprochés à M. A...est établie ;

- ces faits ont excédé ce qui est toléré au titre de l'exercice des droits syndicaux, y compris pendant un conflit social ;

- la sanction contestée n'a pas pour objet d'empêcher l'exercice de toute activité syndicale et ne porte pas atteinte aux droits syndicaux ;

- la discrimination syndicale et le détournement de pouvoir allégués ne sont pas établis.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 octobre 2017 et 4 février 2018, complétés par une pièce supplémentaire enregistrée le 7 février 2018, M.A..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mis à la charge de La Poste au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 17PA02270 le 6 juillet 2017, la société La Poste, représentée par MeE..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 1614347 du 8 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de mettre à la charge de M. A...le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.

Cette requête a été dispensée d'instruction en application des dispositions de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 82-447 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,

- les observations de MeE..., pour la société La Poste,

- et les observations de M.A....

1. Considérant que M.A..., fonctionnaire de La Poste depuis 1996, a été détaché à titre permanent auprès du syndicat Sud des services postaux parisiens à compter du 1er juin 2008 ; que par une décision du 13 juillet 2016, la société La Poste a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans ; que la société La Poste fait appel du jugement du 8 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et a demandé, en outre, à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à son exécution ;

2. Considérant que les requêtes susvisées n° 17PA02269 et n° 17PA02270, présentées pour la société La Poste tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement du 8 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. /Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. En cas de poursuites pénales exercées à l'encontre du fonctionnaire, ce délai est interrompu jusqu'à la décision définitive de classement sans suite, de non-lieu, d'acquittement, de relaxe ou de condamnation. Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de l'agent avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire (...). " ; que lorsqu'une loi nouvelle institue ainsi, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d'une action disciplinaire dont l'exercice n'était précédemment enfermé dans aucun délai, le nouveau délai de prescription est immédiatement applicable aux procédures en cours, mais ne peut, sauf à revêtir un caractère rétroactif, courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ; qu'il s'ensuit que les faits reprochés à M. A...dans le cadre de la procédure disciplinaire initiée le 12 février 2016 pouvaient encore être régulièrement invoqués dans un délai de trois ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016, alors même que certains d'entre eux avaient été commis en 2009, 2010 et 2011 ; que, par suite, la société La Poste est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que seuls les faits commis à compter du 10 mars 2014 pouvaient légalement fonder la sanction contestée ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que l'annulation par le juge administratif de décisions prononçant une sanction n'interdit pas au pouvoir disciplinaire de prendre, dans le respect des motifs énoncés par le juge, une nouvelle sanction reposant sur les mêmes faits ; qu'ainsi, c'est à bon droit que la société La Poste a fondé sa décision du 13 juillet 2016, prononçant à l'encontre de M. A...une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans, sur les faits commis par celui-ci et qui avaient motivé ses précédentes décisions des 24 janvier 2011 et 25 septembre 2014, annulées respectivement par un jugement du 23 mai 2013 du Tribunal administratif de Paris, confirmé par un arrêt de la Cour du 20 mars 2014, au motif que la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans dont six mois avec sursis était entachée d'une erreur d'appréciation, et, par un jugement du 29 octobre 2015 du même tribunal, au motif que la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans avait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) " ; qu'aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. (...) Troisième groupe : - la rétrogradation ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. (...) L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. Celui-ci ne peut avoir pour effet, dans le cas de l'exclusion temporaire de fonctions du troisième groupe, de ramener la durée de cette exclusion à moins de un mois. L'intervention d'une sanction disciplinaire du deuxième ou troisième groupe pendant une période de cinq ans après le prononcé de l'exclusion temporaire entraîne la révocation du sursis. En revanche, si aucune sanction disciplinaire, autre que l'avertissement ou le blâme, n'a été prononcée durant cette même période à l'encontre de l'intéressé, ce dernier est dispensé définitivement de l'accomplissement de la partie de la sanction pour laquelle il a bénéficié du sursis. " ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;

6. Considérant que la société La Poste soutient que la sanction en litige n'est pas disproportionnée au regard de la gravité de l'ensemble des fautes commises par M. A...au cours de différentes interventions syndicales depuis 2009 ;

Sur les faits reprochés à M. A...pour la période comprise entre 2009 et 2011 :

7. Considérant que le 18 novembre 2009, M.A..., utilisant un mégaphone, a incité les agents de la société La Poste à soutenir les salariés de la société Alternative Post qui avaient mis en place un barrage bloquant l'accès au centre de tri et a invité ces derniers à participer à la grève nationale du 24 novembre 2009 ; que, s'il ne ressort pas des mentions du procès-verbal établi par l'huissier de justice mandaté par la société La Poste que M. A...ait directement participé à la réalisation de ce barrage, il apparaît qu'il a néanmoins participé au blocage de ce centre de tri ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les 17 et 18 février 2009, 5 et 11 mars 2010, 21, 28 et 29 mai 2010, M. A...a pénétré dans des plateformes de distribution du courrier parisiennes, accompagné d'une ou plusieurs personnes étrangères au service, sans avoir informé préalablement la direction des établissements ni obtenu une autorisation et qu'à l'occasion de deux de ces intrusions, les 5 et 11 mars 2010, l'intéressé a pris la parole pendant la pause des agents sans porter atteinte cependant au fonctionnement du service ; que le 21 mai 2010, M. A...a également pris la parole afin de relayer un appel à la grève ; que si lors des manifestations des 28 et 29 mai 2010, des dégâts matériels ont été commis à la suite d'une intrusion non autorisée dans les locaux du siège du groupe La Poste à laquelle a participé M.A..., la requérante n'établit pas que celui-ci aurait commis ces dégradations ; qu'au cours de l'année 2011, M. A...a pénétré à quatre reprises dans des établissements de la société La Poste, sans avoir informé préalablement la direction de ces établissements ni obtenu une autorisation, et a pris la parole devant les agents pendant leurs heures de travail ; que la requérante ne se prévaut pas d'une atteinte au fonctionnement du service ;

Sur les faits reprochés au titre de l'année 2014 :

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a, à vingt-deux reprises, entre le 10 mars 2014 et le 14 octobre 2014, pénétré dans des plateformes de distribution du courrier parisiennes, accompagné d'une ou plusieurs personnes étrangères au service, sans avoir informé préalablement la direction des établissements ni obtenu une autorisation et qu'à l'occasion de douze de ces intrusions, il a pris la parole en tant que délégué syndical sans autorisation ; que la qualité de représentant syndical, détaché auprès du syndicat SUD PTT, ne permettait pas à M. A...de pénétrer sans autorisation dans les centres postaux de tri parisiens pour s'adresser aux personnels en poste, afin notamment qu'ils s'associent au mouvement de grève au sein de la direction opérationnelle territoriale du courrier (DOTC) des Hauts-de-Seine, initié le 29 janvier 2014 par le syndicat Sud " activités postales 92 " ; qu'en outre, M. A...a participé, avec plusieurs autres manifestants, à l'occupation du bureau du directeur de la DOTC Paris-Nord le 26 mars 2014 ; que le 14 octobre 2014, la société La Poste a dû faire appel aux forces de police pour faire sortir les représentants syndicaux ; que ces agissements revêtent un caractère fautif ; que, toutefois, il ressort des procès-verbaux de constat d'un huissier de justice produits par la société La Poste que ces faits, qui s'inscrivent, comme il vient d'être dit, dans un contexte social tendu, n'ont pas porté atteinte à la liberté individuelle du travail et n'ont que peu perturbé le fonctionnement du service, seul 800 plis étant " en reste " sur l'ensemble de cette période ; qu'en outre, la société requérante ne justifie d'aucun préjudice commercial résultant de ces faits ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal de constat dressé le 10 mars 2014 par un huissier de justice à la demande de la société La Poste que M.A..., qui avait pénétré sans autorisation dans une salle de distribution du courrier du centre de Paris 7ème, a retiré, avec d'autres agents, des documents intitulés " Elections 2014 - Liste Paris Bleu Marine pour le 7ème arrondissement " des liasses d'informations publicitaires ; que de tels agissements ont constitué une entrave à la distribution de ces imprimés à laquelle était tenue l'entreprise en tant que prestataire de service, et, dès lors, revêtent un caractère fautif ; que, néanmoins, il ressort du constat d'huissier susmentionné que l'action de M. A...a été brève et a cessé dès l'intervention de la directrice de l'établissement ; qu'il est constant que les imprimés en cause ont simplement été déplacés et ont été par la suite distribués ; que la société La Poste ne justifie d'aucun préjudice, notamment commercial, qui résulterait de ces agissements ; que le fait de se saisir, le 11 mars 2014, d'une pile de casiers en plastique vide pour la reposer immédiatement ne saurait à lui seul être regardé comme un agissement fautif ; qu'il s'ensuit que la société La Poste ne peut se fonder sur ce dernier agissement pour fonder la sanction en litige ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier d'une attestation en date du 19 mars 2014 émanant d'un membre du personnel encadrant de la plate-forme de préparation et de distribution du courrier de Paris Bonvin que M. A...a tenté de pénétrer dans l'établissement en tirant fortement par le bras le responsable " organisation qualité " de cette plateforme lui provoquant un hématome ; que cette agression physique est fautive et justifie une sanction disciplinaire ;

12. Considérant que M. A...ne conteste pas s'être associé aux propos de sa collègue Mme C...qui a, le 11 mars 2014, comparé les méthodes des responsables hiérarchiques de la plateforme de distribution du courrier des Invalides à celles de dictatures d'Amérique latine ; que ces propos inappropriés s'inscrivaient respectivement dans le conflit portant sur le retrait des imprimés électoraux susmentionnés et dans un contexte social tendu lié à une réorganisation importante de la distribution du courrier au sein de la société La Poste ; que, dans les circonstances de l'espèce, ces propos n'ont pas excédé les limites admissibles de la polémique syndicale et ne sauraient être regardés comme fautifs ;

13. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 9 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique, applicable à la société La Poste : " Les documents d'origine syndicale peuvent être distribués aux agents dans l'enceinte des bâtiments administratifs, mais en dehors des locaux ouverts au public. Ces distributions ne doivent en aucun cas porter atteinte au bon fonctionnement du service. Lorsqu'elles ont lieu pendant les heures de service, elles ne peuvent être assurées que par des agents qui ne sont pas en service ou qui bénéficient d'une décharge de service. " ; qu'il s'ensuit que M. A...pouvait, dans le respect des conditions ci-dessus énoncées, distribuer des tracts syndicaux sans commettre de faute ;

Sur les faits reprochés au titre de l'année 2015 :

14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les 25, 26 et 27 février 2015, 5, 9, 11, 24, 25, 26 et 27 mars 2015, M.A..., avec d'autres personnes étrangères au service, a pénétré dans des établissements de la société La Poste sans avoir informé préalablement la direction des établissements ni obtenu une autorisation et qu'à l'occasion de ces intrusions, il a pris la parole en tant que délégué syndical sans autorisation ; qu'à deux reprises, M. A...a pris à partie les représentants de deux autres syndicats ; que sur cette période, ces interventions ont conduit à ce que l'envoi de 9 500 plis soit retardé ; que les forces de police ont dû intervenir à deux reprises ; que ces faits revêtent un caractère fautif ;

15. Considérant que M. A...a fait l'objet d'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an effectuée du 20 octobre 1999 au 19 octobre 2000, ainsi que d'une mesure disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions de trois mois assortie d'un sursis de deux mois le 5 février 2009 ; que les agissements fautifs décrits aux points 7 à 11 et 14 du présent arrêt revêtent un caractère réitéré ; que, toutefois, ces agissements qui ont eu lieu dans un climat social tendu, en particulier en 2014, n'ont porté qu'une atteinte très limitée au fonctionnement du service et à la liberté individuelle du travail ; qu'en outre, la société La Poste n'invoque aucun préjudice d'ordre commercial généré par ces agissements ; que, dans ces conditions, la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans infligée à M. A... est disproportionnée par rapport aux fautes commises par l'intéressé ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société La Poste n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 13 juillet 2016 ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :

17. Considérant que la Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête de la société La Poste tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris du 8 juin 2017, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 17PA02270 par laquelle La Poste sollicitait de la Cour le sursis à l'exécution de ce jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société La Poste demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société La Poste une somme de 1 500 euros à verser à M. A... sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 17PA02270.

Article 2 : La requête n° 17PA02269 de la société La Poste est rejetée.

Article 3 : La société La Poste versera à M. A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Poste et à M.D... A....

Délibéré après l'audience du 17 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mai 2018.

Le rapporteur,

V. LARSONNIERLe président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

C. RENÉ-MINE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 17PA02269, 17PA02270 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02269,17PA02270
Date de la décision : 31/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions. Erreur manifeste d'appréciation.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : RENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-05-31;17pa02269.17pa02270 ?
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