La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/06/2018 | FRANCE | N°17PA01740

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 21 juin 2018, 17PA01740


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 5 avril 2016 du directeur du centre hospitalier de la Polynésie française rejetant sa demande tendant au paiement de la somme de 2 360 000 F CFP au titre de l'indemnité de sujétions spéciales qui lui est due en raison des missions qu'elle a effectuées dans les îles de la Polynésie française et de condamner le centre hospitalier de la Polynésie française à lui payer cette somme, assortie des intérêts

au taux légal à compter de sa demande.

Par un jugement n° 1600384 du 21 févrie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 5 avril 2016 du directeur du centre hospitalier de la Polynésie française rejetant sa demande tendant au paiement de la somme de 2 360 000 F CFP au titre de l'indemnité de sujétions spéciales qui lui est due en raison des missions qu'elle a effectuées dans les îles de la Polynésie française et de condamner le centre hospitalier de la Polynésie française à lui payer cette somme, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande.

Par un jugement n° 1600384 du 21 février 2017, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2017, MmeA..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600384 du 21 février 2017 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) d'annuler la décision du 5 avril 2016 ;

3°) de condamner le centre hospitalier de la Polynésie française à lui payer la somme de 2 360 000 F CFP, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de la Polynésie Française la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le rejet de sa demande de paiement de l'indemnité de sujétions spéciales est entaché d'incompétence faute de délégation régulièrement publiée habilitant son signataire ;

- la délibération n° 58/2014/CHPF du 23 décembre 2014, qui fonde son droit à cette indemnité pour les missions effectuées en 2015, est entrée en vigueur dès cette date dès lors que l'arrêté n° 198 CM du 19 février 2015 la rendant exécutoire doit avoir un effet rétroactif, l'arrêté n° 580 CM du 5 juillet 1993 ne pouvant lui être opposé pour retenir une autre date d'entrée en vigueur dans la mesure où il est devenu illégal en raison de la répartition des compétences résultant de la loi organique ;

- l'adoption tardive de la délibération du 23 décembre 2014, qui ne peut être justifiée par la nécessité de consulter des organes internes au centre hospitalier, est fautive, de sorte qu'elle a droit au paiement des indemnités correspondant aux missions effectuées en 2013 et en 2014.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2017, le centre hospitalier de la Polynésie française, représenté par la SELARL Jurispol, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A...le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision ayant lié le contentieux est inopérant dans un recours de plein contentieux ;

- aucun des moyens soulevés par la requérante n'est par ailleurs fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française et la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- la délibération n° 97-153 APF du 13 août 1997 portant attribution d'une indemnité de sujétions spéciales à certains personnels de l'administration territoriale ;

- la délibération n° 2011-66 APF du 22 septembre 2011 portant modification des montants de certaines indemnités servies aux agents de la Polynésie française ;

- l'arrêté n° 580 CM du 5 juillet 1993 relatif aux commissaires du gouvernement et à la force exécutoire des délibérations des établissements publics territoriaux ;

- la délibération n° 28/2005/CHPF du 9 août 2005 portant création d'une indemnité de sujétion spéciale pour les missionnaires dans les îles (personnel paramédical) ;

- la délibération n° 58/2014/CHPF du 23 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jardin,

- et les conclusions de M. Platillero, rapporteur public.

Sur l'application de la délibération n° 58/2014/CHPF du 23 décembre 2014 :

1. Considérant que, par une délibération n° 97-153 APF du 13 août 1997, l'assemblée de la Polynésie française a créé une indemnité de sujétions spéciales, attribuable à certains personnels de l'administration et des établissements publics, qu'ils soient agents non fonctionnaires ou fonctionnaires, pour tenir compte de situations particulières et a prévu que, dans les établissements publics, les modalités d'attribution de cette indemnité seraient fixées par le conseil d'administration, conformément à une grille figurant à l'article 3 de cette délibération ; que le conseil d'administration du centre hospitalier de la Polynésie française a fait usage de la faculté ouverte par cette délibération en créant, par une délibération n° 28/2005/CHPF du 9 août 2005, une indemnité de sujétion spéciale pour les personnels paramédicaux accompagnant des missions médico-chirurgicales dans les îles de Polynésie française hors Iles du Vent ; que l'article 2 de cette délibération ne prévoyait initialement l'attribution de l'indemnité qu'aux infirmières diplômées d'Etat et aux diététiciens ; que, par une délibération n° 58/2014/CHPF du 23 décembre 2014, le conseil d'administration a complété la liste des personnels susceptibles de bénéficier de cette indemnité en y ajoutant les psychologues cliniciens, les rééducateurs et les éducateurs spécialisés ;

2. Considérant que l'article 12 de l'arrêté n° 580 CM du 5 juillet 1993 dispose : " Les délibérations des conseils d'administration (...) intervenant dans les matières suivantes : (...) règles relatives à la rémunération du personnel et aux indemnités diverses, sont soumises à l'approbation du conseil des ministres (...) " ; qu'aux termes de l'article 15 de ce même arrêté : " Le conseil des ministres approuve et rend exécutoires, par arrêté (...)les délibérations énumérées au premier alinéa de l'article 12 (...) " ; qu'aux termes de son article 16 : " Les arrêtés rendant exécutoires les délibérations des conseils d'administration sont publiés en extrait au Journal officiel de la Polynésie française avec, le cas échéant, le texte desdites délibérations. A la diligence du commissaire de gouvernement ou, à défaut, du directeur de l'établissement, les textes des délibérations exécutoires de plein droit dans les conditions prévues aux articles 12, premier alinéa, et 13 ci-dessus, sont adressés au secrétaire général du gouvernement pour être, le cas échéant, publiés au Journal officiel de la Polynésie française (...) " ;

3. Considérant que l'approbation par le conseil des ministres d'une délibération relative à une indemnité à attribuer au personnel d'un établissement public a pour effet de rendre la délibération exécutoire avec effet rétroactif à la date à laquelle elle est intervenue ; que la circonstance que l'arrêté n° 198 CM du 19 février 2015 du conseil des ministres approuvant la délibération n° 58/2014/CHPF du 23 décembre 2014 n'a été publié au Journal officiel de la Polynésie française que le 27 février 2015 ne fait par suite pas obstacle à l'application de cette délibération aux missions effectuées par les agents entre le 23 décembre 2014 et le 27 février 2015, contrairement à ce qu'a estimé la directrice des affaires juridiques et des droits des patients du centre hospitalier, dans sa décision du 5 avril 2016, pour rejeter la demande de Mme A...tendant au paiement de l'indemnité de sujétion spéciale pour les 17 jours de mission qu'elle a effectués entre le 23 décembre 2014 et le 27 février 2015 ; qu'elle est dès lors fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 5 avril 2016 ;

4. Considérant que la délibération n° 58/2014/CHPF du 23 décembre 2014 prévoit, pour les psychologues cliniciens, que l'indemnité se calcule par référence au groupe 1 de la délibération n° 97-153 APF du 13 août 1997, pour 1 jour de tournée ; que le montant de cette indemnité doit par suite être fixé à 20 000 F CFP par jour de tournée, dès lors que la délibération n° 2011-66 APF du 22 septembre 2011 minorant de 10 % ce montant n'est applicable qu'aux agents de la Polynésie française et pas à ceux de ses établissements publics ; que MmeA..., dont le nombre de jours de mission n'est pas contesté, a droit à une indemnité de 340 000 F CFP en application de la délibération n° 58/2014/CHPF du 23 décembre 2014, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception par le centre hospitalier de sa demande datée du 17 mars 2016 ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier de la Polynésie française :

5. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ; que ces modalités de mise en oeuvre du principe d'égalité sont applicables à l'édiction de normes régissant la situation des fonctionnaires ou d'agents publics contractuels qui, en raison de leur contenu, ne sont pas limitées à un même corps ou à un même cadre d'emplois ;

6. Considérant que les agents du centre hospitalier de la Polynésie française accompagnant des missions médico-chirurgicales dans les îles de Polynésie française subissent les mêmes sujétions spéciales, liées à la nécessité de s'éloigner de leur domicile pendant plusieurs jours, quelle que soit leur fonction ; que, compte tenu de l'objet de l'indemnité en litige, qui est de compenser ces sujétions, le centre hospitalier, qui n'invoque aucune raison d'intérêt général justifiant une différence de traitement, ne pouvait par suite, sans méconnaître le principe d'égalité, réserver cette indemnité à certaines catégories d'agents accompagnant de telles missions ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier de l'attestation du docteur Sueur, responsable de l'unité de pédopsychiatrie créée en mai 2012, qu'après le transfert de l'hôpital de jour de pédopsychiatrie relevant de la direction de la santé au centre hospitalier de la Polynésie française, approuvé par l'arrêté n° 509 CM du 12 avril 2012, des consultations pluridisciplinaires, auxquelles Mme A...a participé dès le mois de janvier 2013, ont été progressivement mises en oeuvre, conformément au schéma d'organisation des soins de la Polynésie française ; qu'à partir du moment où d'autres agents que ceux énumérés dans la délibération n° 28/2005/CHPF du 9 août 2005 accompagnaient ainsi des missions dans les îles de Polynésie française, le centre hospitalier devait leur étendre le bénéfice de l'indemnité de sujétion spéciale, conformément d'ailleurs à l'article 1er de cette délibération, pour respecter le principe d'égalité ; qu'en ne le faisant que par sa délibération n° 58/2014/CHPF du 23 décembre 2014, il a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice directement lié à cette faute en accordant à MmeA..., compte tenu du nombre de jours de missions non contesté qu'elle a effectués entre le début de l'année 2013 et la fin de l'année 2014, une indemnité d'un montant de 2 020 000 F CFP assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception par le centre hospitalier de sa demande datée du 17 mars 2016, sans qu'il y ait lieu d'annuler la décision du 5 avril 2016, qui n'a eu pour objet que de lier le contentieux dans le cadre d'une action en responsabilité de la puissance publique relevant par nature du plein contentieux ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de la Polynésie Française, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeA..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le centre hospitalier de la Polynésie française demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre la somme de 1 000 euros à la charge du centre hospitalier de la Polynésie française au titre de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1600384 du 21 février 2017 du Tribunal administratif de la Polynésie française est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de Mme A... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 5 avril 2016 de la directrice des affaires juridiques et des droits des patients du centre hospitalier de la Polynésie française relative à l'application de la délibération n° 58/2014/CHPF du 23 décembre 2014 et celles tendant à la condamnation de cet établissement public à lui verser la somme de 2 360 000 F CFP.

Article 2 : La décision du 5 avril 2016 de la directrice des affaires juridiques et des droits des patients du centre hospitalier de la Polynésie française relative à l'application de la délibération n° 58/2014/CHPF du 23 décembre 2014 est annulée.

Article 3 : Le centre hospitalier de la Polynésie française est condamné à payer à Mme A...la somme de 2 360 000 F CFP, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception par le centre hospitalier de sa demande datée du 17 mars 2016.

Article 4 : Le centre hospitalier de la Polynésie française versera la somme de 1 000 euros à Mme A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.

Article 6 : Les conclusions du centre hospitalier de la Polynésie française présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au centre hospitalier de la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 juin 2018.

L'assesseur le plus ancien,

D. DALLELe président-rapporteur,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne à la ministre des outre-mer, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 17PA01740


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01740
Date de la décision : 21/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Claude JARDIN
Rapporteur public ?: M. PLATILLERO
Avocat(s) : JURISPOL

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-21;17pa01740 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award