Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Conversant International Ltd, anciennement dénommée Valueclick International Ltd, a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles la société Valueclick International Ltd a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 10 avril 2008 au 30 novembre 2012 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1508234/2-1 du 7 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 mai et 14 décembre 2017, la société Conversant International Ltd, représentée par Me Eric Meier, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1508234/2-1 du 7 mars 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;
3°) de mettre une somme de 10 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle ne peut être regardée comme disposant d'un établissement stable en France en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;
- en outre, dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux prestations qu'elle a fournies a été régulièrement acquittée par les clients français, les rappels contestés conduisent à acquitter une nouvelle fois la taxe sur la valeur ajoutée sur ces opérations, en méconnaissance du principe de neutralité ;
- elle ne peut être regardée comme disposant d'un établissement stable en France en matière d'impôt sur les sociétés ;
- en outre, l'administration, pour déterminer le montant des bénéfices de l'établissement stable, a appliqué une méthode injustifiée dans son principe et dans sa mise en oeuvre, s'agissant, notamment, de l'évaluation des charges d'exploitation, dont le montant a été fixé arbitrairement à 80 % du montant des recettes d'exploitation ;
- ce montant forfaitaire de charges de 80 % devait être appliqué au chiffre d'affaires TTC qu'elle a facturé et non pas au chiffre d'affaires hors taxes reconstitué par le service ;
- l'administration a déterminé le bénéfice de l'établissement stable sans tenir compte du principe de l'indépendance fiscale de cet établissement et sans appliquer le principe de libre concurrence ;
- l'administration ayant à tort appliqué le délai de reprise spécial prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales en cas d'activité occulte, le droit de reprise était prescrit s'agissant de l'exercice clos en 2009 ;
- dès lors qu'elle n'a pas exercé d'activité occulte, l'application de la majoration de 80 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les opérations de contrôle ont permis d'établir que la société Valueclick International Ltd exerçait en France une activité imposable, par l'intermédiaire d'un établissement stable ;
- la société Valueclick International Ltd n'ayant pas déposé dans le délai légal ses déclarations de chiffres d'affaires et de résultats, elle supporte la charge de la preuve ;
- les éléments réunis par le service vérificateur ont permis d'établir que la société Valueclick France exerçait une activité non prévue par le contrat de services intragroupe la liant à la société Valueclick International Ltd et qu'elle pouvait en conséquence être qualifiée d'établissement stable de cette dernière, tant en matière de taxe sur la valeur ajoutée que pour l'application de la convention franco-irlandaise ;
- la méthode retenue par le service pour déterminer le montant du résultat imposable, qui tient compte de ce qu'une partie des recettes a été reversée aux éditeurs par la société Valueclick International Ltd et qui a fixé le montant des charges à 80 % par souci de réalisme économique, n'est ni sommaire ni radicalement viciée ;
- la société requérante ne produit aucun élément justificatif caractérisant ses conditions d'exploitation sur la période considérée et n'établit pas que les bases fixées par le service seraient exagérées ;
- la méthode de l'approche autorisée est inapplicable en l'espèce, l'établissement stable situé en France réalisant l'intégralité des activités facturées aux clients ;
- le service vérificateur n'a pas utilisé la méthode de répartition forfaitaire globale pour déterminer le bénéfice de l'établissement stable ;
- la pénalité de 80 % en cas de découverte d'une activité occulte a été appliquée à bon droit par le service, celui-ci ayant réuni un faisceau d'indices démontrant l'exercice par la société Valueclick International Ltd d'une activité occulte, par le biais de la société Valueclick France.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- la convention entre la France et l'Irlande du 21 mars 1968 tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- les conclusions de M. Platillero, rapporteur public,
- et les observations de Me Meier, avocat de la société Conversant International Ltd.
1. Considérant que la société Valueclick International Ltd, dont le siège est situé en Irlande et dont la dénomination sociale est aujourd'hui Conversant International Ltd, a fait l'objet en 2013 d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle le service a estimé qu'elle exerçait en France une activité imposable, par l'intermédiaire d'un établissement stable ; qu'elle a en conséquence été assujettie à l'impôt sur les sociétés au titre des années 2009, 2010 et 2011, et un rappel de taxe sur la valeur ajoutée a été mis à sa charge au titre de la période du 10 avril 2008 au 30 novembre 2012 ; qu'elle relève appel du jugement en date du 7 mars 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;
Sur la taxe sur la valeur ajoutée :
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel " ;
En ce qui concerne la période du 10 avril 2008 au 31 décembre 2009 :
3. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 259 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 283 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables (...) Toutefois, lorsque la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée par un assujetti établi hors de France, la taxe est acquittée par l'acquéreur, le destinataire ou le preneur (...) " ;
5. Considérant que la société Valueclick International Ltd, détenue à 100 % par la société de droit américain Valueclick Inc, exerce une activité de marketing digital, notamment en Europe, par l'intermédiaire de sociétés soeurs et notamment, en France, par l'intermédiaire de la SARL Valueclick France ; qu'elle propose à ses clients des services dénommés " Media ", " Marketing par affiliation " et " Technology " ; qu'un contrat de licence de droits de propriété intellectuelle conclu le 30 juin 2008 avec la société Valueclick Inc l'autorise à exploiter les droits relatifs aux produits " Media ", " Marketing par affiliation " et " Technology " sur tous les marchés, hormis l'Amérique du Nord ; qu'en exécution d'un contrat de prestations de services (" Intercompany Services Agreement ") entré en vigueur le 1er juillet 2008, passé entre les sociétés du groupe, la société Valueclick France doit fournir à la société Valueclick International Ltd les services suivants : " assistance marketing consistant à agir comme le représentant marketing de Valueclick International, ce qui inclut mais pas seulement, l'identification, la prospection et le signalement des clients potentiels à Valueclick International ", " services continus de management et services d'assistance back-office ", " assistance administrative, incluant la comptabilité, la gestion des ressources humaines, les technologies de l'information et la trésorerie " ; que l'article 5.7 de ce contrat stipule par ailleurs : " Dans l'exercice des droits et la réalisation des obligations prévus par le présent accord, les parties sont et demeureront des contractants indépendants. Cet accord ne pourra pas avoir pour effet 1) d'instituer entre les parties des relations de la nature de celles qui unissent une entreprise et son agent, des associés, les partenaires d'une joint-venture ou de les regarder comme participants à une entreprise commune ou 2) d'autoriser une partie à contracter ou à s'engager au nom d'une autre partie, et aucune partie ne pourra en représenter une autre, envers une personne, une entreprise, une société ou une autre entité à l'égard de laquelle elle serait autorisée à contracter ou à s'engager " ; qu'en contrepartie des services rendus à la société Valueclick International Ltd, la société Valueclick France est remboursée de ses frais (cost) et perçoit une rémunération égale à 8 % du montant de ces frais ; qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la société Valueclick International Ltd, l'administration a estimé que cette société n'était qu'une entité de facturation et de signature des contrats passés avec les clients français et que l'activité de marketing en France étant réalisée par la société Valueclick France, celle-ci était constitutive d'un établissement stable en France de la société irlandaise Valueclick International Ltd, laquelle devait en conséquence être regardée comme le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'ensemble des prestations facturées en France, au lieu des clients français, qui, jusqu'alors, acquittaient la taxe et la déduisaient aussitôt, selon le mécanisme de l'auto-liquidation ;
6. Considérant que, pour l'application des dispositions précitées de l'article 259 du code général des impôts, il convient, comme la Cour de justice des Communautés européennes l'a jugé notamment dans ses arrêts Berkholz du 4 juillet 1985 (C-168/84, points 17 et 18) et ARO Lease BV du 17 juillet 1997 (C-190/95, points 15 et 16), de déterminer le point de rattachement des services rendus afin d'établir le lieu des prestations de services ; que l'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique apparaît comme un point de rattachement prioritaire, la prise en considération d'un autre établissement à partir duquel la prestation de services est rendue ne présentant un intérêt que dans le cas où le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle du point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre Etat membre ; qu'un établissement ne peut être utilement regardé, par dérogation au critère prioritaire du siège, comme lieu des prestations de services d'un assujetti, que s'il présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées ;
7. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que la société Valueclick France disposait des personnels nécessaires aux opérations de commercialisation en France des produits du groupe Valueclick, ainsi qu'à la fourniture à la société irlandaise des services de direction et d'assistance, prévus par le contrat de services intragroupe du 1er juillet 2008 ; que, cependant, il résulte également des pièces du dossier que les salariés de la société Valueclick ne pouvaient décider seuls de la mise en ligne des annonces publicitaires, le lancement des programmes étant toujours subordonné à la signature préalable des contrats par les dirigeants de la société Valueclick International Ltd, quand bien même cette signature présentait un caractère d'automatisme et s'apparentait à une simple validation des contrats négociés et élaborés par les salariés de la société Valueclick France ; que la société Valueclick International Ltd ne peut donc être considérée comme ayant disposé en France, au titre de la période en litige, de l'équipement humain apte à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de marketing litigieuses ;
8. Considérant, par ailleurs, qu'il ressort des pièces du dossier que les infrastructures nécessaires à la délivrance des lignes de service Média, Marketing par affiliation et Technologie, étaient regroupées dans des centres de données situés aux Etats-Unis, aux Pays-Bas et en Suède ; qu'aucun de ces équipements n'était situé sur le territoire français ; que le parc informatique limité dont disposait la société Valueclick France n'avait pas la nature d'un centre de données et n'était pas assez puissant pour permettre la prise en charge des traitements d'exécution des campagnes publicitaires ; que, dans ces conditions, même si cet équipement permettait à la société française d'accéder aux ressources informatiques du groupe, la société Valueclick International Ltd ne peut être considérée, en l'absence d'éléments montrant qu'elle aurait eu un accès pérenne à ces ressources, comme ayant disposé, au titre de la période susvisée, de l'équipement technique apte à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de publicité litigieuses ; qu'en conséquence, elle ne peut être regardée comme établie en France au titre de la période du 10 avril 2008 au 31 décembre 2009 ;
En ce qui concerne la période du 1er janvier 2010 au 30 novembre 2012 :
9. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 259 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2010 : " Le lieu des prestations de services est situé en France : 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle (...) " ;
10. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 283 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2010 : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables (...) 2. Lorsque les prestations mentionnées au 1° de l'article 259 sont fournies par un assujetti qui n'est pas établi en France, la taxe doit être acquittée par le preneur " ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 7 et 8 que la société Valueclick International Ltd ne peut être regardée comme établie en France au titre de la période du 10 avril 2008 au 31 décembre 2009 ; qu'en ce qui concerne la période du 1er janvier 2010 au 30 novembre 2012 l'administration n'apporte pas d'autre élément de nature à la faire regarder comme établie en France ; qu'ainsi, en application des dispositions précitées, elle n'était pas davantage redevable, au titre de cette période, de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux prestations de marketing digital litigieuses ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Valueclick International Ltd ne disposait pas d'un établissement stable en France au cours de la période en litige ; que, dès lors et conformément aux dispositions précitées de l'article 283 du code général des impôts, elle ne saurait être redevable de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux prestations facturées à ses clients établis en France ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de lui accorder la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie et des pénalités correspondantes, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
Sur l'impôt sur les sociétés :
13. Considérant qu'en vertu de l'article 209 du code général des impôts, les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, ainsi que ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions, sont passibles de l'impôt sur les sociétés ;
14. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la convention fiscale franco-irlandaise susvisée : " 1. Les bénéfices industriels et commerciaux d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce une activité industrielle ou commerciale dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce une telle activité, l'impôt peut être perçu dans l'autre Etat sur les bénéfices de l'entreprise, mais uniquement dans la mesure où ces bénéfices sont imputables audit établissement stable (...) " ; que, selon l'article 2, 9°, de la même convention : " Le terme " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où une entreprise exerce tout ou partie de son activité. /a. Constituent notamment des établissements stables : / (aa) Un siège de direction ; / (bb) Une succursale ; (cc) Un bureau (...) /c. Une personne agissant dans un Etat contractant pour le compte d'une entreprise de l'autre Etat contractant autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant, visé à l'alinéa d ci-après, est considérée comme "établissement stable" dans le premier Etat si elle dispose dans cet Etat de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, à moins que l'activité de cette personne ne soit limitée à l'achat de marchandises pour l'entreprise. /d. On ne considère pas qu'une entreprise d'un Etat contractant a un établissement stable dans l'autre Etat contractant du seul fait qu'elle y effectue des opérations commerciales par l'entremise d'un courtier, d'un commissionnaire général ou de tout autre intermédiaire jouissant d'un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité. /e. Le fait qu'une société résidente d'un Etat contractant contrôle ou est contrôlée par une société qui est résidente de l'autre Etat contractant ou qui y effectue des opérations commerciales (que ce soit par l'intermédiaire d'un établissement stable ou non) ne suffit pas, en lui-même, à faire de l'une quelconque de ces deux sociétés un établissement stable de l'autre (...) " ;
15. Considérant que, pour l'application de ces stipulations, pour avoir un établissement stable en France, une société résidente d'Irlande doit soit disposer d'une installation fixe d'affaires par laquelle elle exerce tout ou partie de son activité, soit avoir recours à une personne non indépendante exerçant habituellement en France des pouvoirs lui permettant de l'engager dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant ses activités propres ; que l'administration soutient, à titre principal, que la société Valueclick International Ltd disposait en France d'une installation fixe d'affaires, à titre subsidiaire, que la société Valueclick France constituait à l'égard de la société Valueclick International Ltd un agent dépendant, exerçant des pouvoirs lui permettant d'engager celle-ci dans une relation commerciale ;
En ce qui concerne l'existence d'une installation fixe d'affaires :
16. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus, la société Valueclick France est liée à la société Valueclick International Ltd par un contrat de services intragroupe du 1er juillet 2008, en exécution duquel elle fournit à celle-ci différents services ; que le service vérificateur a estimé que les tâches effectuées par les salariés de la société Valueclick France excédaient les missions dévolues à cette dernière aux termes du contrat de services intragroupe et que l'activité ainsi réalisée par la société Valueclick France, non prévue par le contrat, caractérisait l'existence d'un établissement stable, au sens des stipulations précitées de la convention franco-irlandaise ; que, cependant, eu égard à la généralité des termes utilisés par le contrat pour définir les prestations devant être réalisées par la société Valueclick France et au fait que ces prestations recouvrent pratiquement l'ensemble des tâches qu'une entreprise fournissant des prestations de marketing digital est susceptible d'accomplir, y compris les négociations avec les clients, la société Valueclick France ne peut être regardée en l'espèce comme ayant réalisé d'autres prestations que celles prévues par le contrat, susceptibles de correspondre à l'activité d'un établissement stable, distincte de la sienne ; que la société Valueclick International Ltd ne peut dès lors être considérée comme ayant disposé en France d'une installation fixe d'affaires ;
En ce qui concerne la qualité d'agent indépendant de la société Valueclick France et son pouvoir d'engager la société Valueclick International Ltd :
17. Considérant que l'administration fiscale soutient que, bien que les stipulations de l'article 5.7 du contrat de services intragroupe s'opposaient à ce que la société Valueclick France puisse engager d'une quelconque manière la société Valueclick International Ltd, les salariés de la société Valueclick France avaient, en fait, le pouvoir de conclure des contrats au nom de la société requérante ; que, cependant, si le service a relevé au cours des opérations de contrôle que les personnels de la société Valueclick France négociaient les termes des contrats et la rédaction de certaines clauses avec les clients, que la signature apposée sur les contrats par les dirigeants irlandais présentait un caractère d'automatisme et s'apparentait à une simple validation des contrats négociés et élaborés par les dirigeants et salariés de la société Valueclick France, que les programmes publicitaires étaient mis au point et suivis par des salariés de la société Valueclick France, que le personnel de la société française se comportait auprès des tiers comme agissant en tant que salariés de la société irlandaise et qu'il existait dans l'esprit des clients et des éditeurs une confusion entre la société Valueclick International Ltd et la société Valueclick France, aucun de ces éléments ne permet d'établir que les salariés de la société Valueclick France auraient été investis du pouvoir d'agir pour le compte et au nom de la société Valueclick International Ltd ;
18. Considérant que les contrats souscrits par les clients français l'étaient avec la seule société Valueclick International Ltd ; que la circonstance, invoquée par l'administration fiscale, que les noms de salariés de la société Valueclick France apparaissent également sur certains contrats ne saurait remettre en cause la qualité de cocontractant de la seule société irlandaise ; qu'il n'est pas sérieusement contesté au demeurant qu'elle a fixé les stipulations générales des contrats ainsi que les grilles tarifaires et que les modifications éventuelles aux contrats ou aux tarifs, souhaitées par les clients, doivent lui être soumises préalablement ; que si l'administration soutient que les programmes publicitaires sont mis en oeuvre par la société Valueclick France après négociation des contrats par celle-ci et signature des ordres d'insertion par les clients, il n'est pas établi ni d'ailleurs allégué, que le lancement des programmes, pour l'un quelconque des contrats intéressant les exercices en litige, serait intervenu avant sa validation définitive par la société Valueclick International Ltd ; que cette validation, même si elle apparaissait comme purement formelle, des commandes enregistrées par les salariés de la société Valueclick France, conditionne en droit l'entrée en vigueur du contrat souscrit par l'annonceur ;
19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Valueclick France ne peut être regardée comme ayant disposé, au titre des exercices en litige, du pouvoir d'engager la société Valueclick International Ltd dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant les activités propres de cette société ; qu'elle ne pouvait dès lors constituer un établissement stable en France de la société Valueclick International Ltd, en tout état de cause, à supposer même qu'elle n'aurait pas bénéficié à l'égard de cette dernière d'un statut indépendant, au sens du c. de l'article 2, 9°, de la convention fiscale franco-irlandaise susvisée ; que la société Conversant International Ltd est en conséquence fondée à soutenir que c'est à tort que le service l'a assujettie en France à l'impôt sur les sociétés au motif qu'elle y exerçait son activité de marketing digital par l'intermédiaire d'un établissement stable ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, il y a lieu de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes ;
20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Conversant International Ltd est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en décharge ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
21. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat en remboursement des frais exposés par la société Conversant International Ltd ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1508234/2-1 du 7 mars 2017 est annulé.
Article 2 : La société Conversant International Ltd est déchargée des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la société Valueclick International Ltd au titre de la période du 10 avril 2008 au 30 novembre 2012, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la société Conversant International Ltd au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Conversant International Ltd et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique est).
Délibéré après l'audience du 8 février 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jardin, président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 1er mars 2018.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 17PA01538