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09/11/2017 | FRANCE | N°17PA00213

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 09 novembre 2017, 17PA00213


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ypso France SAS a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté ses demandes tendant à l'obtention des agréments prévus par les dispositions du II de l'article 209 et du 6° de l'article 223 I du code général des impôts.

Par un jugement n° 1501565 du 23 novembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une re

quête, enregistrée le 16 janvier 2017, la société Ypso France SAS, représentée par Me A..., dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ypso France SAS a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté ses demandes tendant à l'obtention des agréments prévus par les dispositions du II de l'article 209 et du 6° de l'article 223 I du code général des impôts.

Par un jugement n° 1501565 du 23 novembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2017, la société Ypso France SAS, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501565 du 23 novembre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté ses demandes tendant à l'obtention des agréments prévus par les dispositions du II de l'article 209 et du 6° de l'article 223 I du code général des impôts ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les agréments prévus par les dispositions du II de l'article 209 et du 6° de l'article 223 I du code général des impôts sont des agréments de plein droit dont le refus doit être motivé par l'administration fiscale ; l'administration fiscale, à laquelle il a été demandé de justifier de son silence, n'a pas motivé le rejet implicite de sa demande ; elle est fondée à se prévaloir des énonciations de l'instruction référencée BOI 13-D-2-02 n° 46 du 21 août 2002 ;

- l'administration ne pouvait, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, s'abstenir d'examiner sa demande ;

- elle remplissait les conditions des articles 209, II et 223 I, 6° du code général des impôts pour obtenir la délivrance des agréments qu'elle sollicitait ; compte tenu de la nouvelle rédaction des dispositions du II de l'article 209 du code général des impôts, l'administration ne peut exclure du bénéfice du transfert de déficits, les sociétés ayant une activité de gestion de titres de sociétés ; s'agissant d'une restructuration intragroupe motivée par une simplification de l'organigramme, les parties à l'opération ne sauraient être soupçonnées d'organiser un marché de déficits ; la dissolution de la société NC Numéricâble ne faisait pas obstacle au transfert à la société Eno France de sa contribution au déficit d'ensemble d'Ypso France ; s'agissant du transfert de la contribution de la société Numéricâble, l'ensemble des réorganisations menées par le groupe visait exclusivement à simplifier un organigramme et n'a jamais affecté les modalités d'exercice de l'activité des sociétés et notamment de celle de la société Numéricâble, qui a poursuivi son activité ; elle est fondée à se prévaloir des énonciations de la réponse ministérielle n° 17801 faite à M.B..., sénateur, publiée au Journal Officiel du 30 mars 2006, p. 923.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2017, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens soulevés par la société Ypso France SAS ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office, tiré de ce que l'administration ne pouvait, sans méconnaître le champ d'application de la loi, rejeter la demande d'agrément de la société Ypso France SAS portant sur le transfert de la contribution de la société Numéricâble au déficit d'ensemble du groupe en se fondant sur les dispositions du b du II de l'article 209 du code général des impôts, auxquelles renvoient les dispositions du premier alinéa du c du 6° de l'article 223 I du même code, dès lors que les déficits objets de la demande d'agrément en litige ne proviennent pas d'une société absorbée ou scindée au sens des dispositions de cet alinéa.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poupineau ;

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

1. Considérant que la société Ypso France, société mère d'un groupe auquel appartenaient les sociétés Numéricâble et NC Numéricâble, a été absorbée le 15 juin 2006 avec effet rétroactif au 1er avril 2006 par la société Eno France, devenue la société Ypso France SAS ; que le 30 juin 2006, la société Numéricâble a procédé à la dissolution sans liquidation de la société NC Numéricâble, dont elle détenait la totalité du capital ; que la société Eno France a, par un courrier du 27 avril 2006, reçu par l'administration le 2 mai 2006, sollicité la délivrance de l'agrément prévu au II de l'article 209 du code général des impôts, en vue de bénéficier du transfert des déficits antérieurs, constatés à la clôture de l'exercice 2005, non encore déduits, de la société Ypso France, qui s'élevaient à 6 469 901 euros ; que, par ailleurs, la société Eno France a, en application des dispositions du c) du 6 de l'article 223 L du même code, opté, à compter du 1er avril 2006, pour la constitution d'un groupe fiscalement intégré composé de la société Numéricâble, membre du groupe fiscal dont la société Ypso France était la tête ; que, par le courrier précité du 27 avril 2006, complété les 11 septembre et 13 octobre 2006, elle a déposé une demande d'agrément, sur le fondement des dispositions du 6° de l'article 223 I du même code, afin de bénéficier du transfert du déficit d'ensemble du groupe dont elle était la société mère ; que la société Ypso France SAS, anciennement Eno France, demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 23 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a refusé de lui délivrer les agréments sollicités ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la demande d'agrément présentée au titre du transfert à la société Eno France des déficits propres de la société Ypso France :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) II. En cas de fusion ou opération assimilée placée sous le régime de l'article 210 A, les déficits antérieurs et la fraction d'intérêts mentionnée au sixième alinéa du 1 du II de l'article 212 non encore déduits par la société absorbée ou apporteuse sont transférés, sous réserve d'un agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies, à la ou aux sociétés bénéficiaires des apports, et imputables sur ses ou leurs bénéfices ultérieurs dans les conditions prévues respectivement au troisième alinéa du I et au sixième alinéa du 1 du II de l'article 212. (...) L'agrément est délivré lorsque : a. L'opération est justifiée du point de vue économique et obéit à des motivations principales autres que fiscales ; b. L'activité à l'origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé est poursuivie par la ou les sociétés bénéficiaires des apports pendant un délai minimum de trois ans (...) " ; que ces dispositions, qui sont claires et ne comportent aucune restriction tenant à la nature de l'activité de la société absorbée ou apporteuse, ne font pas obstacle à ce que les déficits enregistrés par une société holding absorbée soient transférés à la société holding absorbante, dès lors que celle-ci continue à détenir les titres de participation des sociétés précédemment détenues par la société holding absorbée pendant un délai minimum de trois ans ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration ne pouvait, ainsi qu'elle l'a fait, se fonder, pour rejeter la demande d'agrément portant sur le transfert des déficits de la société Ypso France comptabilisés à la clôture de l'exercice 2005, sur la seule circonstance que cette société, qui avait pour activité l'acquisition et la gestion de titres de participation, n'exerçait aucune activité opérationnelle susceptible d'être poursuivie par le preneur, ainsi que l'exigent les dispositions précitées du II de l'article 209 du code général des impôts ; que, l'administration ne faisant valoir aucun autre motif au soutien de sa décision et s'en remettant à la sagesse de la Cour, la société requérante est fondée à soutenir que le refus implicite d'agrément qui lui a été opposé est entaché d'illégalité ;

En ce qui concerne la demande d'agrément présentée au titre du transfert à la société Eno France du déficit d'ensemble du groupe dont la société Ypso France était la société-mère :

4. Considérant qu'aux termes du 6° de l'article 223 I du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Dans les situations visées aux c ou e du 6 de l'article 223 L, les déficits de la société absorbée ou scindée, déterminés dans les conditions prévues à l'article 223 5, sont transférés au profit de la ou des sociétés bénéficiaires des apports sous réserve d'un agrément délivré dons les conditions prévues à l'article 1649 nonies. L'agrément est délivré lorsque : a. L'opération est placée sous le régime prévu à l'article 210 A ; b. Elle est justifiée du point de vue économique et obéit à des motivations principales autres que fiscales; c. Les déficits proviennent : de la société absorbée ou scindée sous réserve du respect de la condition mentionnée au b du II de l'article 209 ; ou des sociétés membres du groupe auquel il a été mis fin qui font partie du nouveau groupe et pour lesquelles le bénéfice des dispositions prévues au 5 est demandé. Les déficits transférés sont imputables sur les bénéfices ultérieurs dans les conditions prévues au troisième alinéa du 1 de l'article 209. " ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, pour refuser d'accorder l'agrément sollicité au titre des déficits de la société Numéricâble, le ministre s'est fondé sur les dispositions précitées du b du II de l'article 209 du code général des impôts, auxquelles renvoient les dispositions du c du 6° de l'article 223 I du même code, après avoir relevé que la condition tenant à la poursuite de l'activité à l'origine des déficits non encore imputés n'était pas respectée en l'espèce ; que toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 1, la société Numéricâble, société-fille de la société Ypso France, n'a pas été absorbée par la société Eno France, mais a été intégrée au nouveau groupe fiscal dont cette société est devenue la société mère après avoir absorbé la société Ypso France ; que le ministre ne pouvait ainsi, sans méconnaître le champ d'application de la loi, opposer à la demande d'agrément la condition tenant à la poursuite par la société bénéficiaire des apports de l'activité à l'origine des déficits, prévue par les dispositions précitées du b du II de l'article 209 du code général des impôts, cette condition ne pouvant être légalement opposée, en vertu des dispositions mêmes du c) du 6 de l'article 223 I de ce code, qu'au transfert de la part du déficit d'ensemble du groupe auquel il a été mis fin correspondant aux déficits de la société absorbée ;

6. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle la société Eno France s'est constituée, sur le fondement des dispositions du c) du 6° de l'article 223 L du code général des impôts, seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû par le groupe formé avec les sociétés membres de celui qui avait été constitué par la société Ypso France, la société NC Numéricâble, bien qu'ayant appartenu à l'ancien groupe, avait elle-même été absorbée par la société Numéricâble, laquelle faisait partie du nouveau groupe et avait bénéficié du transfert au 1er avril 2006 du déficit propre de cette société, sur le fondement des dispositions du II de l'article 209 du même code ; que le ministre ne pouvait dès lors pas légalement se fonder, pour refuser d'accorder l'agrément sollicité au titre du transfert à la société Eno France de la part du déficit d'ensemble du groupe auquel il avait été mis fin à la suite de l'absorption de la société Ypso France correspondant aux déficits de la société NC Numéricâble, sur le motif tiré de ce que cette société ne faisait pas partie du nouveau groupe fiscalement intégré constitué par la société Eno France ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 6 que la société Ypso France SAS est fondée à soutenir que la décision attaquée, en tant qu'elle a rejeté la demande de délivrance de l'agrément prévu par les dispositions précitées du 6 de l'article 223 I du code général des impôts au titre du transfert des déficits provenant des sociétés Numéricâble et NC Numéricâble, est entachée d'illégalité ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Ypso France SAS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande, et à demander l'annulation de la décision du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie refusant de lui délivrer les agréments qu'elle avait sollicités ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que l'exécution du présent jugement implique qu'il soit enjoint au ministre de l'action et des comptes publics, ainsi que le demande la société Ypso France SAS, de procéder à un nouvel examen de ses demandes d'agrément dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais que la société Ypso France SAS a exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1501565 du Tribunal administratif de Paris en date du 23 novembre 2016 et la décision par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté les demandes de la société Ypso France SAS tendant à l'obtention des agréments prévus par les dispositions du II de l'article 209 et du 6° de l'article 223 I du code général des impôts sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'action et des comptes publics de procéder à un nouvel examen des demandes d'agrément présentées par la société Ypso France SAS dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la société Ypso France SAS au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ypso France SAS et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques (service juridique de la fiscalité).

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 novembre 2017.

Le rapporteur,

V. POUPINEAULe président,

S.-L. FORMERYLe greffier,

N. ADOUANE

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA00213


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00213
Date de la décision : 09/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-02-01-02-01-02 Contributions et taxes. Règles de procédure contentieuse spéciales. Questions communes. Pouvoirs du juge fiscal. Recours pour excès de pouvoir. Refus d'agrément.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Valérie POUPINEAU
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : SCP GRANRUT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-11-09;17pa00213 ?
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