Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 27 mai 2015 par laquelle le ministre chargé du travail a accordé à la société N'4 Mobilités l'autorisation de le licencier et d'enjoindre au ministre le réexamen de sa situation.
Par un jugement n° 1505577 du 9 novembre 2016, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision contestée.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 janvier 2017 et 17 janvier 2018, la société N'4 Mobilités, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Melun du 9 novembre 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Melun ;
3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 2 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a bien procédé aux démarches quant au renouvellement du permis de construire de M. A...en déposant en juin 2014 un dossier CERFA dans son casier ;
- M. A...a conduit sans permis, en pleine connaissance de cause, et sur plusieurs jours, des bus avec des passagers à bord, n'hésitant pas à risquer sciemment d'engager la responsabilité civile et pénale de la société ;
- il n'a pas averti la société de l'expiration de son permis et a volontairement dissimulé ce fait ;
- la prise de rendez-vous et la réalisation de la visite médicale afin de procéder à la prorogation du permis de construire catégorie D reposant exclusivement sur M.A..., le manquement à cette obligation justifie un licenciement pour faute grave ;
- il avait en outre déjà été sanctionné par un avertissement du 9 septembre 2014 ;
- aucun lien ne saurait être établi entre le mandat de M. A...et son licenciement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2017, M. A...conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la stipulation contractuelle invoquée par la société ne peut servir de fondement au licenciement ;
- il n'a jamais eu la volonté de dissimuler la situation à son employeur dès lors qu'il ignorait avoir conduit sans permis de conduire valable du 3 au 10 octobre 2014 ; il s'agit tout au plus de négligence de sa part ;
- aucun élément concret ne permet de vérifier que le formulaire CERFA permettant de solliciter une visite médicale lui aurait été remis en juin 2014 ;
- en tout état de cause, la simple remise d'un tel formulaire dans le casier du salarié ne permet pas de s'assurer du suivi du renouvellement du permis et ne saurait suffire pour l'employeur à remplir son obligation de sécurité et de résultat ;
- la concomitance entre sa nomination comme représentant de section syndicale de la SNST au sein de la société le 25 juillet 2014 et les quatre retards et absences qui lui ont été reprochés au cours du mois suivant et qu'il a toujours contesté, ce alors qu'aucun reproche ne lui avait été fait auparavant, laisse présumer l'existence d'un lien entre le mandat et le licenciement.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code du travail ;
- le code de la route ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena,
- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la société N'4 Mobilités.
1. Considérant que M.A..., représentant syndical, exerçait les fonctions de conducteur receveur depuis le 28 août 2009 au sein de la société N'4 Mobilités, spécialisée dans le secteur du transport routier de voyageurs ; que cette dernière lui a reproché d'avoir roulé sans permis valable depuis le 3 septembre 2014 et de ne pas en avoir informé son employeur en méconnaissance des stipulations de son contrat du travail ; qu'après mise à pied du salarié le
11 septembre 2014, la direction de la société a saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement pour faute, le 24 septembre suivant ; que, par décision du
29 octobre 2014, l'inspectrice du travail a refusé d'accorder l'autorisation sollicitée après avoir considéré qu'au regard de l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur, la faute commise par M. A...devait être regardée comme non suffisamment grave pour justifier une telle mesure ; que saisi d'un recours hiérarchique, le ministre chargé du travail a quant à lui accordé l'autorisation de licenciement sollicitée, par décision du 27 mai 2015 ; que M. A...a alors demandé au Tribunal administratif de Melun l'annulation de cette dernière décision ; que, par un jugement du 9 novembre 2016, le tribunal a fait droit à sa requête et a annulé la décision contestée au motif que si M. A...avait bien commis une faute en s'étant abstenu de procéder aux démarches nécessaires au renouvellement de son permis de conduire avant l'expiration de celui dont il était jusqu'alors titulaire, cette faute ne présentait néanmoins pas un caractère suffisamment grave de nature à justifier son licenciement, alors qu'il appartenait à l'employeur de veiller à s'assurer de la validité du permis de ses chauffeurs mais également de ce que les renouvellements ont bien été demandés et les procédures menées à leur terme ; que la société N'4 Mobilités relève appel de ce jugement ;
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 221-10 du code de la route dans sa rédaction alors en vigueur : " II.-Les catégories (...) D1, D1E, D, DE et BE ne peuvent être obtenues ou renouvelées qu'à la suite d'un avis médical favorable " ; que son R. 221-11 prévoit que " I.-Lorsqu'une visite médicale est obligatoire en vue de la délivrance ou du renouvellement du permis de conduire, celui-ci peut être : (...) 2° Dans les cas prévus aux II, III et IV de l'article R. 221-10, délivré ou prorogé selon la périodicité maximale suivante : cinq ans pour les conducteurs de moins de soixante ans (...). II. - La validité du permis ainsi délivré ne peut être prorogée qu'après l'avis médical établi par un médecin agréé consultant hors commission médicale ou par la commission médicale. III.- La demande de prorogation doit être adressée au préfet du département du domicile du pétitionnaire. Lorsque l'avis médical est émis avant l'expiration de la durée de validité des catégories concernées, et tant que le préfet n'a pas statué sur la demande de prorogation dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière, le permis reste provisoirement valide (...) " ;
4. Considérant que, pour contester le motif d'annulation retenu par le Tribunal administratif, la requérante fait valoir que le comportement de M. A...qui a consisté à sciemment risquer d'engager la responsabilité civile et pénale de la société en conduisant sans permis D, durant plusieurs jours, des bus transportant des passagers et en dissimulant ce fait, est constitutif d'une faute grave de nature à justifier son licenciement ; qu'elle ajoute qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir assuré ses obligations alors qu'elle a procédé, de son côté, aux démarches relatives au renouvellement de son permis en déposant, en juin 2014, un dossier CERFA dans son casier et que la prise de rendez-vous et la réalisation de la visite médicale afin de procéder à la prorogation du permis de construire catégorie D reposent en tout état de cause exclusivement sur les chauffeurs ;
5. Considérant, toutefois, et en premier lieu, qu'il ne saurait être reproché à M.A..., ainsi que l'a justement relevé le Tribunal administratif, d'avoir méconnu, les stipulations prévues à l'article 11 de son contrat de travail, lesquelles ne concernent que les cas de " suspension, de retrait ou d'annulation du permis de conduire " dès lors qu'il s'agissait uniquement dans son cas, d'une absence de renouvellement de permis faute d'avoir passé la visite médicale ;
6. Considérant, en second lieu, que M. A...ne conteste pas la matérialité des faits qui lui sont reprochés ni la circonstance que c'est à lui qu'incombait de déposer une demande de dossier de renouvellement de son permis en temps voulu ; que néanmoins, la supposée volonté dissimulatrice de ce dernier n'est absolument pas avérée par les pièces du dossier alors qu'il en ressort à l'inverse qu'il a rapidement réagi en faisant quérir par l'un de ses collègues un tel dossier dès le 10 septembre, soit sept jours après la date d'expiration de son permis ; qu'il n'est pas davantage établi qu'un dossier de renouvellement lui aurait été remis dans son casier au mois de juin 2014 et qu'il n'en aurait rien fait ; que, dans ces conditions, alors même que M. A...avait fait l'objet d'un avertissement en septembre 2014 pour retards et absences injustifiées et quand bien même elle aurait été susceptible d'être sévèrement sanctionnée, la faute commise par M. A...n'était toutefois pas d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société N'4 Mobilités la somme de 2 000 euros à verser à M. A...; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que ce dernier, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société appelante une quelconque somme à ce même titre ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société N'4 Mobilités est rejetée.
Article 2 : La société N'4 Mobilités versera à M. A...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société N'4 Mobilités, à M. D... A...et au ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N°17PA00001