Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Force 5, le Groupement des agriculteurs biologiques du Finistère, le syndicat Simples et l'Union départementale de la consommation, du logement et du cadre de vie du Finistère ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 6 mai 2015 par lequel le préfet du Finistère a autorisé la société Compagnie Electrique de Bretagne à créer et à exploiter une installation de production d'électricité par cycle combiné gaz dans la zone d'activités du Vern, sur le territoire de la commune de Landivisiau.
Par un jugement n° 1601975 du 27 octobre 2017 le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Une requête et des mémoires, enregistrés les 22 décembre 2017, 6 septembre 2018, 23 octobre 2018 et 1er décembre 2018 ont été présentés par l'association Force 5, le Groupement des agriculteurs biologiques du Finistère, le syndicat Simples et l'Union départementale de la consommation, du logement et du cadre de vie du Finistère, représentés par Me A....
La cour, faisant application des dispositions de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, a invité le 10 décembre 2018 les requérants à produire un mémoire récapitulatif reprenant les conclusions et les moyens d'annulation qu'ils entendaient soumettre à la cour.
Par un mémoire récapitulatif, enregistré le 10 janvier 2019, l'association Force 5, le Groupement des agriculteurs biologiques du Finistère, le syndicat Simples et l'Union départementale de la consommation, du logement et du cadre de vie du Finistère, représentés par MeA..., demandent à la cour :
1°) de surseoir à statuer et renvoyer à la cour de justice de l'union européenne la question préjudicielle posée ;
2°) d'annuler le jugement du 27 octobre 2017 ;
3°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 6 mai 2015 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils ont intérêt à agir ;
- en s'abstenant de présenter des solutions alternatives à son projet, la compagnie électrique de Bretagne a violé les dispositions de l'article R. 122-5 du code de l'environnement ;
- le rapport de la commission d'enquête manque d'impartialité ;
- l'étude d'impact était insuffisante sur la pollution de l'air et ses conséquences, sur les conséquences sur l'agriculture biologique, sur la faune et présente un caractère mensonger ;
- les capacités financières de la compagnie électrique de Bretagne étaient insuffisantes et la légalité de l'aide d'Etat constituée par la prime prévue à l'appel d'offres devait être soumise à la cour de justice de l'union européenne, par le biais d'une question préjudicielle ;
- le projet est incompatible avec les engagements internationaux et nationaux sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, au vu du danger pour la sécurité publique et de l'insuffisance des mesures compensatoires.
Des mémoires en défense, enregistrés les 27 avril 2018, 3 octobre 2018, 12 novembre 2018 et 7 décembre 2018, ont été présentés par la société compagnie électrique de Bretagne, représentée par MeB....
La cour a invité le 10 décembre 2018 la société compagnie électrique de Bretagne à produire un mémoire récapitulatif reprenant les conclusions et les moyens qu'elle entendait soumettre à la cour.
Un mémoire récapitulatif enregistré le 10 janvier 2019 a été présenté par la société compagnie électrique de Bretagne, représentée par MeB..., par lequel elle conclut au rejet de la requête et demande la condamnation des requérants à lui verser une somme de 2 000 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le groupement des agriculteurs biologiques du Finistère (GAB 29), le syndicat SIMPLES et l'Union départementale de la consommation, du logement et du cadre de vie du Finistère n'ont pas intérêt à agir ;
- aucun des moyens d'annulation soulevés par les requérants n'est fondé et la demande de question préjudicielle doit être rejetée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Le ministre fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par les requérants n'est fondé et que la demande de question préjudicielle doit être rejetée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant les requérants, et de MeB..., représentant la société compagnie électrique de Bretagne.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de la région Bretagne, le président du conseil régional de Bretagne, le président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), le président de la société réseau de transport d'électricité (RTE) et la directrice générale de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) ont signé, le 14 décembre 2010, le pacte électrique breton, qui vise à sécuriser durablement l'approvisionnement énergétique de la Bretagne. Dans ce cadre, ont été autorisés : une centrale à cycle combiné gaz à Landivisiau, placée sous maîtrise d'ouvrage de la compagnie électrique de Bretagne (CEB), un raccordement électrique souterrain d'une longueur de 18,3 km, entre le futur site de Landivisiau et le poste existant de la Martyre, placé sous maîtrise d'ouvrage de la société RTE, les travaux ayant été déclarés d'utilité publique par arrêté du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie du 22 avril 2015, et un raccordement au réseau de transport de gaz via deux canalisations de transport de gaz, l'une de 20 km pour " l'alimentation du client compagnie électrique de Bretagne CCCG à Landivisiau", l'autre de 110 km, dénommée gazoduc "Bretagne sud" reliant Pleyben dans le Finistère à Plumergat dans le Morbihan. L'exploitation de la centrale à cycle combiné gaz à Landivisiau, par la société compagnie électrique de Bretagne a été autorisée par un arrêté du 6 mai 2015 du préfet du Finistère. Cet arrêté a été contesté par l'association Force 5, le Groupement des agriculteurs biologiques du Finistère, le syndicat Simples et l'Union départementale de la consommation, du logement et du cadre de vie du Finistère. Leur demande d'annulation a été rejetée par le tribunal administratif de Rennes par un jugement du 27 octobre 2017 dont ils font appel.
Sur le bien fondé du jugement :
En ce qui concerne les règles de procédure :
S'agissant du moyen tiré du manque d'impartialité du rapport de la commission d'enquête :
2. Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions et contre-propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. (...) ".
3. En premier lieu, il est constant que les 1 232 contributions émises par le public portant un entête pré-imprimé ont bien été mentionnées à la page 4 de l'avis de la commission d'enquête. Cette dernière a indiqué qu' " une majorité d'observations se présente sous forme d'un courrier-type qui reprend partiellement ou totalement des arguments développés par l'association " Landivisiau doit dire non à la centrale " ". Les requérants n'indiquent pas quels seraient les arguments contenus dans ces courriers auxquels n'aurait pas répondu la commission et qui auraient ainsi été négligés par celle-ci.
4. En deuxième lieu, la commission d'enquête a donné son avis sur les impacts du projet sur l'agriculture biologique aux pages 26 et 27 de son rapport, en mentionnant qu' " il semble que cette thématique est surtout soutenue par un groupe très restreint de personnes qui en a fait une large diffusion (...) " et n'a ainsi effectué qu'un constat factuel. Elle a indiqué que les organismes certificateurs agréés ont répondu quant aux conséquences éventuelles de contamination sur les produits et que la réponse du maître d'ouvrage est satisfaisante (l'augmentation des teneurs en polluants atmosphériques sera négligeable ; les conditions ayant permis l'octroi d'un label bio ne seront pas véritablement modifiées). Il n'est pas établi que la réponse de la commission n'était pas adaptée aux observations émises par le public et aurait dû être plus détaillée sur ce point.
5. En troisième et dernier lieu, en prenant acte de la réponse du maître d'ouvrage, la commission doit être regardée comme ayant indiqué les éléments qu'elle estimait de nature à répondre aux interrogations du public. Cette seule circonstance n'établit pas sa partialité. Il en est de même de la circonstance que la commission mentionne qu'une observation émane d'un opposant au projet.
6. Il résulte ce qui précède que le moyen tiré de ce que le rapport de la commission d'enquête aurait manqué d'impartialité ne peut qu'être écarté.
S'agissant du moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact :
7. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances de l'étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et, partant, d'entraîner l'illégalité de la décision d'autorisation, que dans l'hypothèse où elles ont pu avoir pour effet d'empêcher la population de faire connaître utilement ses observations sur le projet et de conduire l'autorité administrative à sous-estimer l'importance des conséquences du projet sur l'environnement et la commodité du voisinage.
8. En premier lieu, aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " I.- Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. II.- L'étude d'impact présente : (...) 5° Une esquisse des principales solutions de substitution examinées par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage et les raisons pour lesquelles, eu égard aux effets sur l'environnement ou la santé humaine, le projet présenté a été retenu ; ".
9. Il résulte de l'instruction que le dossier soumis à enquête publique comportait la présentation du pacte électrique breton, signé en 2010 par le préfet de la région Bretagne, le président du conseil régional de Bretagne, le président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), le président de la société réseau de transport d'électricité (RTE) et la directrice générale de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). Ce pacte a retenu comme zone d'implantation de la centrale l'aire de Brest. Dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'aucune autre localisation n'a été envisagée par le maître d'ouvrage à l'extérieur de l'aire de Brest, aucune esquisse d'une autre solution n'avait à être mentionnée. A l'intérieur de cette zone, l'étude d'impact de la centrale litigieuse explique, de la page 107 à la page 111, les raisons pour lesquelles le site de Landivisiau a été retenu. Les deux autres sites envisagés dans cette zone (la Martyre et Brennilis) ont également été présentés. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 122-5 du code de l'environnement doit être écarté.
10. En second lieu, d'une part, l'article 1er de la directive 2008/50/CE concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe indique qu'elle a pour objet notamment d'évaluer la qualité de l'air ambiant dans les États membres sur la base de méthodes et de critères communs et à obtenir des informations sur la qualité de l'air ambiant afin de contribuer à lutter contre la pollution de l'air et les nuisances et de surveiller les tendances à long terme et les améliorations obtenues grâce aux mesures nationales et communautaires. Cette directive précise " Une mesure aléatoire par semaine, répartie uniformément sur l'année ou 8 semaines réparties uniformément sur l'année " et " l'échantillonnage aléatoire doit être réparti uniformément sur l'année pour éviter de biaiser les résultats ". L'arrêté du 21 octobre 2010 relatif aux modalités de surveillance de la qualité de l'air et à l'information du public impose, dans son article 3, pour la surveillance de la qualité de l'air réalisée par les organismes agréés dans le cadre de leurs obligations prévues aux articles R. 221-11 et suivants du code de l'environnement, le respect des " prescriptions des directives 2004/107/CE et 2008/50/CE susvisées ".
11. Les effets sur l'environnement d'un projet d'installation classée qui doivent, conformément à l'article R. 512-8 du code de l'environnement, faire l'objet d'une analyse spécifique dans l'étude d'impact doivent être déterminés au regard de la nature de l'installation projetée, de son emplacement et de ses incidences prévisibles sur l'environnement. En ce qui concerne plus particulièrement les effets sur la qualité de l'air, il y a lieu, alors même que les dispositions des articles L. 221-1 et suivants et R. 221-1 et suivants du code de l'environnement n'ont pas pour objet de fixer des prescriptions relatives à la demande d'autorisation d'une installation classée pour la protection de l'environnement, de prendre en compte les normes de qualité de l'air qu'elles fixent et, le cas échéant, les mesures prises par le préfet, sur le fondement des mêmes dispositions, dans la zone concernée.
12. Il est constant que les deux campagnes relatives à la qualité de l'air ont eu lieu du 23 mai au 20 juin 2012 et du 24 octobre au 21 novembre 2012. Il ne résulte pas de l'instruction que la méthodologie suivie a eu pour effet d'empêcher la population de faire connaître utilement ses observations sur le projet ou de conduire l'autorité administrative à sous-estimer l'importance des conséquences du projet sur l'environnement.
13. Il résulte de l'instruction que l'état initial de la qualité de l'air a fait l'objet d'une étude réalisée par l'association Air Breizh, agréée au niveau ministériel et qu'une tierce expertise a été réalisée par le bureau Véritas. L'autorité régionale de santé a émis un avis favorable au projet. Il ressort de l'étude d'impact que les mesures ont été réalisées dans dix zones les plus densément peuplées, dont le centre-ville de Landivisiau, un site au nord du projet et un autre à proximité de la RN12. Il n'est pas établi que les zones retenues n'étaient pas suffisamment pertinentes. Si les requérants soutiennent que les mesures ont été réalisées en dehors des périodes enregistrées comme habituelles pour les pics de pollution, la défense fait valoir sans être utilement contredite que pour chaque étude réalisée par Air Breizh, les dates des campagnes de mesure ont été fixées plusieurs semaines à l'avance et surtout, le calendrier des dépassements pour l'année 2013 et celui de 2012 montrent que les pics de pollution n'ont pas toujours lieu aux mêmes mois et que d'autres périodes de mesures peuvent aussi présenter des dépassements. De plus, choisir deux périodes de mesures présentant des conditions climatiques différentes permettait une meilleure représentativité. En outre, il résulte de l'instruction que l'analyse des risques sanitaires ne raisonne pas par pics mais par une exposition sur une certaine durée et il n'est ainsi pas établi que la prise en compte des dépassements ponctuels aurait changé de manière sensible les résultats de l'étude.
14. Enfin, aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable, l'étude d'impact présente : " une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus. Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l'étude d'impact : - ont fait l'objet d'un document d'incidences au titre de l'article R. 214-6 et d'une enquête publique ; - ont fait l'objet d'une étude d'impact au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement a été rendu public ". Il résulte de l'instruction que l'étude d'impact a été déposée le 27 février 2014, soit un mois avant le 26 mars 2014, date de l'avis de l'autorité environnementale sur le projet de liaison souterraine entre Calan, Mûr-de-Bretagne et Plaine-Haute et que l'avis de l'autorité environnementale sur le projet de canalisation dit " Bretagne Sud " a été rendu le 14 mai 2014, c'est-à-dire plus de deux mois après le dépôt de l'étude d'impact. Dès lors, les dispositions de l'article R. 122-5 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable n'exigeaient pas que soient analysés les impacts cumulés du projet en litige avec ceux des deux projets précités.
15. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'une étude des impacts sur les exploitations biologiques a été réalisée en 2013 par le bureau Véritas et que cette étude était jointe à l'étude d'impact. Le risque de perte de label n'est pas établi. La seule circonstance que l'étude détaille le nombre d'agriculteurs bio présents à proximité de plusieurs centrales thermiques sans indiquer la durée de fonctionnement de ces centrales ne suffit pas à avoir induit le public en erreur sur les conséquences du projet.
16. Enfin, il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de la délivrance de l'autorisation. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent de ces règles de procédure.
17. En l'espèce, l'étude faune/flore a indiqué, à sa page 70, " que pour l'Escargot de Quimper Elona quimperiana présent à proximité mais hors emprise du projet, la notion de dérangement n'est pas pertinente ". Pour établir l'existence de l'escargot de Quimper sur le site du projet, les requérants produisent des constats datant d'octobre 2018 et janvier 2019. Ces constats, postérieurs de plusieurs années à l'arrêté en cause, ne sont pas de nature à établir la présence, en 2015, sur le site du projet de l'escargot de Quimper dès lors qu'ils reconnaissent eux-mêmes que " L'espèce est présente juste à côté, au niveau du bois humide et des friches à ronciers et ajoncs d'Europe situés au nord et en bordure immédiate de la parcelle étudiée. Il y a donc eu de très bonnes possibilités de colonisation de la parcelle étudiée à partir du nord lorsque le développement de la végétation sur la parcelle étudiée a créé un milieu favorable à l'espèce. ". Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'en mentionnant en 2015 l'absence d'impact sur cette espèce protégée dès lors que la présence de celle-ci n'avait pas été détectée sur le site du projet, l'étude d'impact aurait été insuffisante.
18. Il résulte par ailleurs de l'instruction que des parties de l'étude d'impact faune/flore et Natura 2000 ont été élaborées par le bureau d'étude Office de génie écologique (OGE) et que la société AetT Ouest s'est bornée à lui apporter un appui technique. La seule circonstance que les dirigeants de la société AetT Ouest ont émis, lors de l'enquête publique, des observations élogieuses ne suffit pas à démontrer la partialité de l'étude. La production d'un témoignage, établi plusieurs années après la réalisation de l'étude d'impact, d'un comptable ancien employé de la société AetT Ouest et rapportant avoir entendu une discussion entre techniciens, ne suffit pas à démontrer l'inexactitude de l'étude d'impact s'agissant de la présence de l'escargot de Quimper à la date de l'arrêté en litige. Dès lors et en tout état de cause, les requérants ne peuvent utilement soutenir que l'escargot de Quimper aurait dû être inclus dans la demande de dérogation d'interdiction de destruction d'espèces protégées, demande qui au demeurant a fait l'objet d'un arrêté préfectoral distinct qui n'a pas été contesté.
19. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact doit être écarté.
En ce qui concerne les règles de fond :
S'agissant des capacités financières de l'exploitant :
20. Aux termes de l'article L. 181-27 du code de l'environnement, issu de l'ordonnance du 26 janvier 2017 : " L'autorisation prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en oeuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité ". L'article D. 181-15-2 du même code, issu du décret du 26 janvier 2017, dispose que : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. / I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : / (...) / 3° Une description des capacités techniques et financières mentionnées à l'article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour les établir. Dans ce dernier cas, l'exploitant adresse au préfet les éléments justifiant la constitution effective des capacités techniques et financières au plus tard à la mise en service de l'installation (...) ".
21. Ces dispositions modifient les règles de fond relatives aux capacités techniques et financières de l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement antérieurement définies à l'article L. 512-1 du code de l'environnement. Il résulte de ces dispositions qu'une autorisation d'exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si les conditions qu'elles posent ne sont pas remplies. Lorsque le juge se prononce sur la légalité de l'autorisation avant la mise en service de l'installation, il lui appartient, si la méconnaissance de ces règles de fond est soulevée, de vérifier la pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site, au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des article L. 516-1 et L. 516-2 du même code. Lorsque le juge se prononce après la mise en service de l'installation, il lui appartient de vérifier la réalité et le caractère suffisant des capacités financières et techniques du pétitionnaire ou, le cas échéant, de l'exploitant auquel il a transféré l'autorisation. Il appartient au juge du plein contentieux d'apprécier le respect des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce.
22. En l'espèce, il résulte de l'instruction que l'installation litigieuse n'a pas été mise en service. Il ressort du dossier de demande que le montant global de l'opération est de 490 millions d'euros et la contribution en fonds propres des actionnaires de CEB est de 30 %, tandis que le montant de la dette nécessaire est de 70 %. Ont été produites des lettres des établissements bancaires, certes conditionnées à la solidité financière du projet. CEB est dotée d'un capital de 2 millions d'euros et est détenue directement par deux actionnaires : d'une part Direct Energie Génération (DEG, filiale à 100 % de Direct Energie) pour 60 % dont le capital social est de 8,5 millions d'euros et dont le cumul du capital, des primes, des réserves et du résultat était de 80 millions en 2015 et 204 millions en 2016 et d'autre part Siemens Project Ventures (SPV) pour 40 % dont le capital social est de 25,5 millions d'euros. Les difficultés financières alléguées de Direct Energie et de Siemens ne sont pas établies. Les modalités selon lesquelles la société pétitionnaire entendait constituer ses capacités financières sont ainsi pertinentes au regard de la nature et de l'importance du projet.
23. Le cahier des charges de l'appel d'offres portant sur le projet de centrale à gaz à cycle combiné, fait état d'une prime annuelle qui sera versée au candidat retenu. La Commission européenne, dans une décision du 15 mai 2017, a indiqué que la prime prévue à l'appel d'offres et qui sera attribuée au titulaire du marché constitue une aide d'Etat et, pour la juger compatible avec les règles du marché intérieur européen, a imposé que les autorités françaises prennent les mesures nécessaires afin que le bénéficiaire de l'aide ne valorise pas l'énergie de la centrale auprès d'un opérateur qui disposerait sur le marché français de plus de 40 % des capacités de production d'électricité. Il est constant que l'article L. 311-12 du code de l'énergie, relatif à l'obligation d'achat d'électricité, ne fait plus référence à EDF. Il résulte de l'instruction que CEB ne vendra pas l'énergie produite à EDF mais à Direct Energie par le biais d'un accord dit " de tolling ". Si les requérants soutiennent qu' " il vient aisément à l'esprit que CEB pourrait vendre l'énergie à Direct Energie, opérateur qui ne dispose pas de plus de 40 % des capacités de production, donc non visé par la réserve de la Commission, qui lui-même pourra en revanche conclure un contrat à long terme avec EDF ", il ne résulte pas de l'instruction que Direct Energie s'engagerait, au surplus dans un contrat de vente à long terme, avec EDF, s'agissant de l'énergie produite par la centrale. Dès lors, pour apprécier la seule pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières suffisantes, alors que les risques allégués par les requérants ne sont corroborés par aucun élément probant, la cour n'a pas à surseoir à statuer pour saisir la cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur cet hypothétique montage.
S'agissant du respect des engagements internationaux :
24. L'accord de l'Union européenne baptisé " Paquet énergie-climat ", adopté en 2008 et révisé en 2014, prévoit d'ici 2030, une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport au taux de 1990 et un objectif de 27 % des énergies renouvelables. Un engagement de la COPIL21 adopté le 12 décembre 2015 prône des stratégies de développement de faibles émissions de gaz à effet de serre afin de parvenir à un équilibre entre les émissions et les compensations dans la 2ème partie du siècle. Enfin, l'article L. 100-4, I du code de l'énergie a pour objectif : " 1° De réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 (...) 3°) réduire la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à l'année de référence 2012 4° De porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d'énergie en 2020 et à 32 % de cette consommation en 2030 (...) ".
25. Il est constant que la centrale de Landivisiau fonctionnera en semi-base, c'est à dire entre 3 500 et 6 000 heures par an, avec un maximum de 8 000 heures. A raison de 6 000 heures, cela revient à un fonctionnement de 16 heures tous les jours, et équivaut à un rejet de 975 000 tonnes par an de CO2. Toutefois, comme le reconnaissent les requérants eux-mêmes, ces centrales thermiques à cycle combiné gaz sont moins polluantes que d'autres types de centrales utilisant du fioul ou du charbon. S'il est vrai qu'elles entraînent des émissions de gaz à effet de serre sans comparaison avec les énergies renouvelables et utilisent une énergie fossile, cela n'entre pas en contradiction directe avec l'objectif de 32 % d'énergie renouvelable en 2030 et les autres objectifs précités dès lors que les émissions de CO2 seront bien plus faibles que celles des installations thermiques classiques auxquelles la centrale litigieuse a vocation à se substituer et que ce type de centrale est destiné à accompagner le développement des énergies renouvelables en garantissant à tout moment une production d'électricité lorsque la part des énergies renouvelables est insuffisante du fait des conditions climatiques. Dès lors, le moyen tiré de ce que le projet méconnaîtrait les objectifs fixés par les engagements internationaux et nationaux sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre doit être écarté.
S'agissant du respect des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement :
26. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ".
27. En premier lieu, il ressort de l'étude de dangers que les effets irréversibles et les effets létaux restent circonscrits à l'intérieur de la limite de propriété en cas d'explosion dès lors que seuls des effets de surpression de type bris de vitre sortiront du périmètre de l'établissement, sur des zones dénuées de bâtiment. Les requérants se référent à de précédents accidents pour lesquels il n'est pas établi que la configuration, notamment les produits ou les technologies, seraient identiques à la présente espèce. De plus, il résulte de l'instruction que l'étude de dangers a analysé l'ensemble des risques liés à l'incendie, que celui-ci trouve son origine dans la combustion du gaz naturel ou des autres substances stockées sur le site. Si l'étude n'aborde pas les incidences des fumées sur la population, cela est sans influence dès lors que les quantités de produits mentionnées sont pour l'essentiel stockées en très faible quantité, peu ou pas inflammables ni combustibles, et parfois dans des conditions techniques excluant l'incendie, telles des cuves enterrées en double enveloppe.
28. En deuxième lieu, s'agissant de la faune, les mesures compensatoires sont les suivantes : la plantation de 900 mètres de haies bocagères, la pose d'andains pour l'accueil de la couleuvre à collier, la gestion de plusieurs parcelles : la zone humide en fond de vallon, la prairie mésophile, la saulaie et les fourrés d'ajoncs et la conversion d'un roncier en prairie humide. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, ces mesures, qui visent à créer de nouveaux habitats ne sont pas des mesures de réduction mais de véritables mesures compensatoires. Si celles-ci doivent être mises en place avant que le site ne subisse des effets irréversibles et non pas après l'exploitation, les mesures n'ont pas à être mises en place avant le début des travaux. Il résulte de l'instruction qu'en l'espèce, les travaux n'ont pas commencé. Au demeurant, un huissier de justice est intervenu le 17 mars 2017 et a pu constater que les mares n'étaient pas asséchées mais qu'au contraire elles étaient " alimentées en eau par les écoulements naturels des terres environnantes gorgées d'eau et par la nappe phréatique ". La circonstance que, pendant certains mois, notamment les mois d'été, les mares ne soient pas remplies d'eau ne suffit pas à établir le non respect des mesures compensatoires prévues. Il résulte également de l'instruction que les haies ont été replantées. En outre, la défense fait valoir que les filtres à paille prévus au dossier seront bien installés au démarrage du chantier de terrassement.
29. Il est constant qu'une étude d'impact acoustique a été réalisée, indiquant que les valeurs limites réglementaires seraient respectées, notamment s'agissant des émergences au niveau des riverains. L'arrêté attaqué fixe dans ses articles 6.1.1 et suivants et 9.2.7. les valeurs limites d'émergence à ne pas dépasser et les modalités de surveillance des nuisances sonores. Dès lors, les requérants, en se bornant à soutenir qu'aucun mur anti-bruit ne serait en mesure d'empêcher le son de se diffuser tout autour, et en particulier au sud de la zone, n'établissent pas que des mesures compensatoires étaient nécessaires s'agissant des émissions sonores.
30. En troisième et dernier lieu, si la commission d'enquête a souligné que " Le volume et la hauteur des bâtiments rendent difficile une intégration dans le paysage proche même s'il s'agit ici d'une zone d'activités. L'acceptabilité visuelle du projet résultera probablement plus par le soin qui sera apporté au traitement architectural et à l'aménagement paysager des abords ", elle a également indiqué que l'étude " grand paysage " jointe au dossier " démontre que l'installation n'est qu'un élément lointain, non parasite du parc régional d'Armorique dont la protection du paysage est au coeur des préoccupations ". Cette étude est contestée par les requérants, qui produisent une autre étude indiquant : " on peut constater que cette installation industrielle aura pour effet de créer un point d'attrait visuel très important qui impactera considérablement l'ensemble du paysage du Nord Finistère ". Cependant, il ressort des photomontages produits à l'appui de cette seconde étude que la centrale sera, certes, visible depuis le sommet de Roc'h Trévézel et le château d'eau de Lessougar, mais que cette visibilité, notamment en raison des distances en cause, respectivement de 17 kilomètres et 5 kilomètres, ne suffit pas, dans les circonstances de l'espèce, à entraîner une méconnaissance des intérêts protégés par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement. En outre, la création d'espaces verts paysagers autour des bâtiments et voiries a notamment été prévue pour une meilleure intégration dans l'environnement proche.
31. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement doit être écarté.
32. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la société compagnie électrique de Bretagne à la demande de 1ère instance, que l'association Force 5 et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
33. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre de ces dispositions. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants le versement de la somme demandée par la compagnie électrique de Bretagne au titre des frais exposés par elle.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association Force 5, du Groupement des agriculteurs biologiques du Finistère, du syndicat Simples et de l'Union départementale de la consommation, du logement et du cadre de vie du Finistère est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la compagnie électrique de Bretagne présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Force 5, au Groupement des agriculteurs biologiques du Finistère, au syndicat Simples, à l'Union départementale de la consommation, du logement et du cadre de vie du Finistère, à la société compagnie électrique de Bretagne et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 mai 2019.
Le rapporteur,
P. PICQUET
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées,
de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT03927