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07/12/2018 | FRANCE | N°17NT02361

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 07 décembre 2018, 17NT02361


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part sous le n°1407226, d'annuler le contrat de télé-radiologie conclu entre le centre hospitalier de Saint-Calais et la SELARL Maine IC le 21 octobre 2013 et de condamner le centre hospitalier de Saint-Calais à lui verser la somme de 6 289 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction du " marché ", et d'autre part sous le n° 1609856, d'annuler la convention constitutive de groupement de coopération sanitaire (GCS) concl

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part sous le n°1407226, d'annuler le contrat de télé-radiologie conclu entre le centre hospitalier de Saint-Calais et la SELARL Maine IC le 21 octobre 2013 et de condamner le centre hospitalier de Saint-Calais à lui verser la somme de 6 289 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction du " marché ", et d'autre part sous le n° 1609856, d'annuler la convention constitutive de groupement de coopération sanitaire (GCS) conclue entre le centre hospitalier de Saint-Calais et la SELARL Maine IC le 5 novembre 2014 et de condamner le centre hospitalier de Saint-Calais à lui verser la somme de 3 459 700, 99 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction du " marché ".

Par un jugement n° 1407226 et 1609856 du 14 juin 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 juillet 2017, le 30 mai 2018 et le 21 août 2018, M. E..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 juin 2017 ;

2°) d'annuler la convention constitutive d'un groupement de coopération sanitaire conclue le 5 novembre 2014 entre le centre hospitalier de Saint-Calais et la SELARL Maine IC ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Calais à lui verser la somme de 3 459 700,99 euros en réparation du préjudice subi ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Calais une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier au regard des dispositions de l'article R 613-3 du code de justice administrative ; il n'a pas disposé d'un délai suffisant pour répondre à la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de sa demande opposée quatre jours avant la clôture de l'instruction ;

- à défaut d'une publication effective de la convention de groupement sanitaire, sa contestation n'est pas tardive ;

- sa demande indemnitaire était recevable, dès lors qu'il a formé une réclamation préalable en cours d'instance ;

- la convention passée entre le centre hospitalier de Saint-Calais et le groupe Maine IC constitue un marché public de services soumis aux règles de passation prévues par les dispositions du code des marchés publics ; le recours à ce contrat aurait du faire l'objet de mesures de publicité suffisantes et d'une mise en concurrence effective ;

- les dispositions de l'article 53 du code des marchés publics ont été méconnues ;

- les dispositions de l'article 80 du code des marchés publics ont été méconnues ;

- le groupement de coopération sanitaire entre le centre hospitalier et le groupe Maine IC est un groupement de droit public en application des dispositions de l'article L. 6133-3 du code de la santé publique ; les contrats conclus relèvent donc des règles de la comptabilité et des marchés publics ;

- en tant que radiologue établi à 30 kilomètres du centre hospitalier il a été privé d'une chance certaine d'obtenir un accès aux équipements publics du centre hospitalier ; son préjudice est évalué à la somme de 3 459 700,99 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 mars 2018 et le 17 août 2018, le centre hospitalier de Saint-Calais, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. E...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de première instance était irrecevable pour cause de tardiveté et de défaut de liaison du contentieux ;

- les autres moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., représentant M.E....

Une note en délibéré présentée pour M. E...a été enregistrée le 21 novembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier de Saint-Calais, pour doter son service d'imagerie médicale d'un scanner dont il était alors dépourvu, a demandé en application des dispositions des articles L. 6122-1 et R. 6122-26, 3° du code de la santé publique, une autorisation à l'Agence Régionale de Santé des Pays de la Loire (ARS) en septembre 2013 en vue d'installer un scanographe à utilisation médicale de classe 2 sur son site principal. Par une décision du 22 janvier 2014, la directrice générale de l'ARS l'a autorisé à installer un scanner dans son service d'imagerie médicale pour une durée de cinq ans à compter de la mise en service de l'appareil, laquelle a été effective le 9 mars 2015. Afin notamment d'organiser une permanence pour l'analyse des examens radiologiques, le centre hospitalier a décidé de constituer un groupement de coopération sanitaire (GCS), selon les modalités prévues aux articles L. 6133-1 et suivants du code de la santé publique, avec la SELARL Maine IC, cabinet de radiologie implanté au Mans avec lequel il avait conclu le 21 octobre 2013 une convention de télé-radiologie régissant les conditions dans lesquelles la réalisation et l'analyse des radiographies devaient être effectuées. La convention constitutive du GCS a été signée le 5 novembre 2014. M. A...E..., radiologue exerçant à la Ferté-Bernard, relève appel du jugement du 14 juin 2017 du tribunal administratif de Nantes en tant que celui-ci a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la convention constitutive du GCS et au versement de la somme de 3 459 700,99 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de son éviction.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif ne s'est pas fondé, pour rejeter la demande de M.E..., sur la fin de non-recevoir opposée pour la première fois en défense par le centre hospitalier de Saint Calais dans son dernier mémoire communiqué quatre jours avant la clôture de l'instruction. Par conséquent, M.E..., qui au demeurant a pu prendre connaissance du contenu de ce mémoire dans un délai utile, n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient méconnu le principe du contradictoire.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 6133-1 du code de la santé publique : " Le groupement de coopération sanitaire de moyens a pour objet de faciliter, de développer ou d'améliorer l'activité de ses membres. / Un groupement de coopération sanitaire de moyens peut être constitué pour : / (...) 2° Réaliser ou gérer des équipements d'intérêt commun ; il peut, le cas échéant, être titulaire à ce titre de l'autorisation d'installation d'équipements matériels lourds mentionnée à l'article L. 6122-1 ; / 3° Permettre les interventions communes de professionnels médicaux et non médicaux exerçant dans les établissements ou centres de santé membres du groupement ainsi que des professionnels libéraux membres du groupement ; / 4° Exploiter sur un site unique les autorisations détenues par un ou plusieurs de ses membres, conformément aux articles L. 6122-1 et suivants.(...) Ce groupement poursuit un but non lucratif. ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 1er du code des marchés publics, dans sa version applicable au litige : " Les dispositions du présent code s'appliquent aux marchés publics et aux accords-cadres ainsi définis. / Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services ". Il résulte de cet article que ne peut être qualifié de marché public qu'un contrat conclu à titre onéreux par une personne publique en vue d'acquérir des biens, travaux ou services dont elle a besoin, qui stipule une rémunération ou un prix ayant un lien direct avec la fourniture d'une prestation individualisée à la collectivité contractante ou avec l'entrée de biens dans son patrimoine.

5. Enfin, indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont il se prévaut ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Saisi par un tiers dans ces conditions de conclusions tendant à ce qu'il soit mis fin à l'exécution d'un contrat administratif, il appartient au juge du contrat, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

6. Il résulte de l'article 4 de la convention de groupement de coopération sanitaire conclue entre le centre hospitalier de Saint-Calais et la SELARL Maine IC, sur le fondement de l'article L. 6133-1 du code de la santé publique, que la coopération organisée entre ces deux entités a pour objet de faciliter et de développer l'imagerie médicale de ses membres afin de répondre aux besoins de santé de la population de son territoire d'attraction. Cette convention confie en conséquence à la SELARL Maine IC une activité de permanence pour l'analyse des examens radiologiques, le service de radiologie du centre hospitalier étant insuffisamment pourvu en ressources humaines notamment pour la réalisation d'actes d'imagerie en coupes par scanner. Le contrat d'exercice annexé à cette convention définit dans ses articles 3 et 4 les obligations réciproques de chaque partie. La SELARL Maine IC s'engage ainsi à assurer l'interprétation à distance des examens, d'une part, d'imagerie en coupe par scanner réalisés au centre hospitalier tous les jours de la semaine sauf pendant la garde départementale, et d'autre part, des examens d'imagerie conventionnelle et d'échographie au cas où le praticien du centre hospitalier est indisponible. L'établissement public de santé s'engage à autoriser chaque membre ou salarié de la SELARL à procéder soit sur place soit par télé imagerie à tout acte relevant de sa spécialité et met à disposition de la SELARL l'ensemble des moyens matériels et humains nécessaires.

7. En premier lieu, l'article 6 du contrat d'exercice annexé à la convention de groupement de coopération sanitaire, relatif aux honoraires et modalités de règlement, dispose que les forfaits techniques générés par l'exploitation du scanner sont perçus par le centre hospitalier tandis que les honoraires des actes intellectuels sont intégralement versés à la SELARL Maine IC sous forme de rétrocessions. Il ne résulte pas des clauses de cette convention que l'exécution des prestations par la SELARL Maine IC a une contrepartie économique constituée par un prix. La prise en charge par le centre hospitalier de Saint-Calais des frais fixes des équipements médicaux qui lui appartiennent ne permet pas non plus de considérer que les prestations sont réalisées par la SELARL Maine IC à titre onéreux. Dans ces conditions, la convention de groupement de coopération sanitaire signée le 5 novembre 2014 ne peut être regardée comme ayant été conclue à titre onéreux entre un pouvoir adjudicateur et un opérateur économique au sens des dispositions de l'article 1er du code des marchés publics. Par ailleurs, eu égard à ce qui a été dit au point 6, la convention constitutive du groupement de coopération sanitaire de moyens conclue le 5 novembre 2014 n'a pas pour objet l'acquisition par le centre hospitalier de biens, travaux ou prestations de service mais constitue, par la coopération qu'elle met en place entre l'établissement hospitalier et le cabinet de radiologie Maine IC, une modalité d'organisation du service public hospitalier pour l'utilisation d'un équipement en commun, le scanner. De l'ensemble de ces éléments il résulte que cette convention ne constitue pas un marché public au sens de ces dispositions. Par suite, les moyens tirés de l'absence de mise en concurrence et de publicité lors de la passation de cette convention, en méconnaissance des articles 28, 30 et 85 du code des marchés publics, ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.

8. En deuxième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire ne soumet la passation des conventions de groupement de coopération sanitaire à une procédure de publicité et de mise en concurrence. Ce groupement exerce son activité dans un but non lucratif. Dans ces conditions, et compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, M. E...n'est pas fondé à soutenir que ce contrat aurait dû être soumis à une procédure de mise en concurrence.

9. En troisième lieu, la nature publique ou privée du groupement de coopération sanitaire est sans incidence sur la qualification et la validité de la convention constitutive de ce groupement.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la convention du 5 novembre 2014 et, par voie de conséquence, sa demande indemnitaire.

Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Saint-Calais, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. E...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. E...le versement au centre hospitalier de Saint-Calais de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : M. E...versera au centre hospitalier de Saint-Calais une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E...et au centre hospitalier de Saint-Calais.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 décembre 2018.

Le rapporteur,

M-P. Allio-RousseauLe président,

L. Lainé

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au préfet de la Sarthe en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT02361


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02361
Date de la décision : 07/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SELARL WALTER et GARANCE (TOURS)

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-12-07;17nt02361 ?
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