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03/04/2018 | FRANCE | N°17NT01943

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 03 avril 2018, 17NT01943


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 juin, 31 juillet, 11 octobre et 9 novembre 2017, l'association " Libre Horizon ", l'association " Belle Normandie Environnement ", l'association " Robin des Bois ", la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, l'association " Fédération environnement durable, l'association " D-Day Heritage " et M. I...E...représentés par MeC..., demandent à la cour :

1°) d'annuler la convention de concession d'utilisation du domaine public maritime au large de Courseulles-su

r-Mer conclue le 19 avril 2017 pour une durée de quarante ans entre l'Et...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 juin, 31 juillet, 11 octobre et 9 novembre 2017, l'association " Libre Horizon ", l'association " Belle Normandie Environnement ", l'association " Robin des Bois ", la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, l'association " Fédération environnement durable, l'association " D-Day Heritage " et M. I...E...représentés par MeC..., demandent à la cour :

1°) d'annuler la convention de concession d'utilisation du domaine public maritime au large de Courseulles-sur-Mer conclue le 19 avril 2017 pour une durée de quarante ans entre l'Etat et la société Eoliennes Offshore du Calvados ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 avril 2017 par lequel le préfet du Calvados a approuvé cette convention ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Eoliennes Offshore du Calvados le versement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'avis conforme des 12 février et 22 juin 2015 du commandant de zone maritime, requis en application de l'article R. 2124-56 du code général de la propriété des personnes publiques, émane d'une autorité incompétente, à défaut d'établir que le signataire disposait d'une délégation régulière ;

- la concession litigieuse n'a pas fait l'objet de publicité et de mise en concurrence préalables, en méconnaissance de l'article 12 de la directive 2006/123/CE ;

- l'étude d'impact soumise à enquête publique est insuffisante qu'il s'agisse des insuffisances relevées par l'Autorité environnementale ou d'autres insuffisances ;

Ainsi :

. l'étude d'impact figurant au dossier de demande est insuffisante puisqu'au regard des critiques portées par l'autorité environnementale sur le projet dans son avis du 25 mars 2015, la réponse du demandeur en juillet 2015, qui ne comporte que des précisions mineures, ne constitue pas le complément d'analyse exigé par l'Autorité environnementale suite au constat des insuffisances de l'étude d'impact ; en tout état de cause cette réponse n'a pas été soumise de nouveau à l'avis de l'autorité environnementale ;

. l'étude d'impact est également insuffisante sur de nombreux autres points :

. elle ne prend pas en considération la circonstance que la validation des Haliade 150 en milieu maritime hostile n'est pas acquise ; les risques pour la sécurité des personnes et des navires en cas de collision entre les navires ou conteneurs tombés des porte-conteneurs et les installations du parc, à la projection de pales, à la projection de bris de pales, à l'effondrement d'une ou plusieurs éoliennes ou d'éléments de la nacelle ne sont pas évoqués ; le périmètre de l'aire d'étude rapprochée n'est pas cohérent ; les effets cumulés avec d'autres activités existantes ou projets connus n'ont pas été étudiés ou insuffisamment étudiés ; les conséquences de l'installation et du fonctionnement des éoliennes sur les courants marins et donc sur la dérive possible des galets, qui protègent les falaises, sont ignorées ; l'étude d'impact est également insuffisante en ce qu'elle n'évalue pas la quantité et les effets de turbidité produite au cours des phases de construction et d'exploitation ; les conséquences de l'abandon sur place des enrochements après démantèlement des machines ne sont pas appréciées ; les photomontages réalisés par les promoteurs ne rendent que très imparfaitement compte de l'impact visuel des éoliennes ; les risques pyrotechniques, importants compte tenu des vestiges dans cette zone de la seconde guerre mondiale, sont insuffisamment pris en compte ; les ordres de grandeur des bienfaits attendus pour le sauvetage climatique et la transition énergétique n'étaient pas exprimés dans l'étude d'impact, de sorte que le public n'a pas pu se faire une idée claire et simple de la situation et de l'intérêt réel du projet d'un point de vue environnemental ; l'étude d'impact est muette sur la problématique de l'impact de " l'effet barrière atmosphérique " d'un parc éolien en mer sur le trait de côte ; l'addition des différents effets du projet sur l'état initial du site est abordée de manière trop fragmentaire ; l'impact sur les ressources halieutiques ne fait l'objet d'aucune évaluation, notamment en ce qui concerne la pêche des coquilles Saint-Jacques ; l'impact du relargage progressif des métaux des anodes sacrificielles sur les mollusques et les crustacés n'est pas abordé ; l'état physico-chimique dégradé de la baie de Seine ainsi que le caractère vulnérable de ce milieu n'est pas souligné dans l'étude d'impact et les facteurs supplémentaires de perturbations dus au projet ne sont pas suffisamment pris en compte, compte tenu de la modification induite du climat local ; l'étude d'impact est également insuffisante en ce que les incidences sur l'environnement du maintien des installations en place, à l'issue de la période d'exploitation du parc éolien, n'ont pas été examinées, alors pourtant que cette hypothèse est prévue à la convention, en cas de transfert de la propriété des installations à l'Etat ;

- en ce qui concerne l'enquête publique les dispositions des articles R. 123-9 et R. 123-13 du code de l'environnement ont été méconnues ; les conclusions de la commission d'enquête sont insuffisamment motivées au regard des dispositions de l'article L. 123-9 du code de l'environnement ;

- l'alinéa 1er de l'article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques a été méconnu ;

- eu égard à l'insuffisance du montant de la redevance qui en est résulté, l'arrêté du 2 avril 2008 au vu duquel le directeur régional des finances publiques a émis un avis sur la convention méconnaît les dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- la convention est irrégulière du fait de l'illégalité du cahier des charges de l'appel d'offres n° 2011/S 126-208873 portant sur des installations éoliennes de production d'électricité en mer en France métropolitaine ;

- a été méconnu l'article R. 2124-9 du code général de la propriété des personnes publiques dès lors que la convention n'en reprend pas les termes ;

- la convention de concession d'utilisation du domaine public du 31 mars 2017 et son arrêté d'approbation du même jour constituent une mesure d'aide d'Etat contraire à l'article 107§1 TFUE précité ; or, cette aide d'Etat est illégale, dans la mesure où elle a été mise en oeuvre sans approbation préalable de la Commission au titre de l'article 108§3 TFUE ; en cas de doute la cour pourrait poser à la CJUE une question préjudicielle sur ce point ;

- l'arrêté préfectoral du 31 mars 2017 portant approbation de la convention du 31 mars 2017 de concession d'utilisation du domaine public conclue entre l'Etat et la société Eoliennes offshore des Hautes Falaises est insuffisamment motivé et sera en tout état de cause annulé par voie de conséquence de l'annulation de cette convention.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 octobre 2017 et 3 janvier 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 octobre et 27 décembre 2017, la société Eoliennes Offshore du Calvados représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 300 euros soit mise à la charge de chacun des requérants au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, à défaut pour les associations requérantes de justifier d'un intérêt à agir contre la concession ou contre l'arrêté d'approbation ; p 223, et les qualités d'usager du service public de l'électricité ou de contribuable national ne confèrent pas davantage intérêt à agir à M.E... ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un mémoire présenté pour les requérantes, enregistré le 15 janvier 2018, n'a pas été communiqué à défaut d'éléments nouveaux au sens de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte de l'environnement ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de l'environnement ;

- le décret n° 2004-112 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., assisté de MeF..., représentant les requérants, de MeD..., représentant la société Eoliennes Offshore du Calvados, et celles de MmeA..., pour le ministre de la transition écologique et solidaire.

1. Considérant que par arrêté du 18 avril 2012 le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et de la mer et le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique ont autorisé la société Eolien Maritime France à exploiter un parc éolien d'une capacité de production de 450 MW, localisé sur le domaine public maritime au large de la commune de Courseulles-sur-Mer ; que par un arrêté du 6 novembre 2012, cette autorisation d'exploiter a été transférée par la société Eolien Maritime France à sa filiale, la société Eoliennes Offshore du Calvados ; que le 23 octobre 2014, la société Eoliennes Offshore du Calvados a sollicité du préfet du Calvados la délivrance d'une autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement (législation sur l'eau) ainsi que la conclusion d'une concession d'utilisation du domaine public maritime sur le fondement des articles L. 2124-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques, en vue de l'implantation et de l'exploitation de soixante-quinze éoliennes de 176 mètres de hauteur et d'une puissance totale de 450 MW au sein d'une zone de 67 km² ; que les deux demandes ayant fait l'objet d'une enquête publique commune, le préfet du Calvados a délivré à la société Eoliennes Offshore du Calvados l'autorisation sollicitée au titre du code de l'environnement ; que le 19 avril 2017, une concession d'utilisation du domaine public maritime a été conclue entre l'État et la société Eoliennes Offshore du Calvados ; que cette concession a été approuvée par arrêté du même jour du préfet du Calvados ; que l'association " Libre Horizon ", l'association " Belle Normandie Environnement ", l'association " Robin des Bois ", la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, l'association " Fédération environnement durable, l'association " D-Day Heritage " ainsi que M. E...demandent l'annulation tant de la convention de concession que de l'arrêté préfectoral d'approbation ;

En ce qui concerne la recevabilité :

2. Considérant, en premier lieu, que M.E..., qui s'est d'abord prévalu de sa qualité d'usager du service public de l'électricité, ne justifie pas en quoi le contrat ou l'arrêté préfectoral contestés seraient susceptibles de porter atteinte à l'organisation de ce service ; que s'il a ensuite invoqué la qualité de contribuable de l'Etat en faisant référence aux conditions financières de la convention, cette qualité ne lui confère en tout état de cause pas un intérêt suffisant à attaquer une décision qui entraînerait des dépenses budgétaires ; qu'ainsi la requête est irrecevable en tant qu'elle est introduite par M.E..., qui ne justifie être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine ni par la passation de la convention de concession ici en cause ni par son exécution ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les décisions d'utilisation du domaine public maritime tiennent compte de la vocation des zones concernées et de celles des espaces terrestres avoisinants, ainsi que des impératifs de préservation des sites et paysages du littoral et des ressources biologiques (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la préservation des ressources biologiques ainsi que celle des sites et paysages du littoral font partie de l'intérêt de la conservation du domaine public maritime ;

4. Considérant, d'une part, que l'association " Libre Horizon " et l'association " Robin des bois " qui se sont fixées pour objectifs, selon leurs statuts, la défense de l'espace et des milieux maritimes, justifient d'un intérêt suffisamment direct et certain à contester la convention de concession en litige dès lors que cet accord comporte en annexe un " dossier de précisions techniques " qui fait apparaître les effets sur l'environnement des installations en vue desquelles est concédée l'utilisation du domaine maritime ; que de même, compte tenu des effets du contrat de concession, la Fédération Environnement Durable qui a pour objet " la protection de la nature et de l'environnement et la prévention des dommages écologiques, technologiques et sanitaires, notamment ceux liés au déploiement des Energies renouvelables " et l'association " Belle Normandie Environnement " qui s'est fixée pour but de " promouvoir les énergies renouvelables à l'exclusion des éoliennes industrielles qui nuisent aux habitants " justifient, au sens des principes rappelés au point 2, d'un intérêt à agir à l'encontre de la convention de concession et de son arrêté d'approbation ;

5. Considérant, d'autre part, que la " Société pour la Protection des Paysages et de l'Esthétique de la France " qui a pour objet d'empêcher la dégradation des sites naturels ou urbains, ainsi que l'association " D-Day Heritage " qui vise au classement au Patrimoine mondial de l'Humanité, par l'UNESCO, des Plages du Débarquement de 1944 en Normandie, peuvent se prévaloir d'un intérêt suffisamment direct et certain à agir, compte tenu de l'impact sur le paysage de l'activité en vue de laquelle intervient la concession en litige, et des impératifs de préservation des sites et paysages du littoral dont les décisions d'utilisation du domaine public maritime doivent tenir compte aux termes des dispositions précitées de l'article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les associations requérantes sont seules recevables à demander l'annulation de la convention de concession ainsi que de son arrêté d'approbation ;

Sur la validité de la convention de concession du domaine public maritime :

7. Considérant qu'indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que la légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini ;

8. Considérant que le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini ; que les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office ; que, saisi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences ;

En ce qui concerne l'étude d'impact :

9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2124-2 du code général de la propriété des personnes publiques, relatif aux demandes de concession d'utilisation du domaine public maritime en dehors des ports la demande : " S'il y a lieu, le demandeur fournit également l'étude d'impact ou la notice d'impact établies dans les conditions prévues par les articles R. 122-1 à R. 122-6 du code de l'environnement " ; qu'il résulte du 27 ° du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable, que les installations en mer de production d'énergie sont soumises à étude d'impact environnementale ; que les associations requérantes critiquent le contenu de l'étude d'impact soumise par la société " Eoliennes Offshore du Calvados " à enquête publique en préalable à la signature de la concession en litige au regard des dispositions de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, qui précisent les éléments qu'une telle étude doit comporter ;

10. Considérant, en premier lieu, que pour mettre en cause la régularité de l'étude d'impact réalisée par la société Eoliennes Offshore du Calvados, l'association " Libre Horizon " et les autres requérants invoquent la teneur de l'avis délibéré le 25 mars 2015 par le Conseil général de l'environnement et du développement durable, saisi de cette étude en tant qu'autorité environnementale sur le fondement des dispositions combinées du III de L. 122-1 du code de l'environnement et du II de l'article R. 122-6 du même code, ainsi que l'insuffisance des réponses qu'a apportées la société à cet avis ;

11. Considérant que selon le IV de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à l'espèce " La décision de l'autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage à réaliser le projet prend en considération l'étude d'impact, l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement et le résultat de la consultation du public " ;

12. Considérant, d'une part, que si les associations critiquent l'insuffisance, selon elles, de la réponse du pétitionnaire à l'avis émis le 25 mars 2015 par l'Autorité environnementale, il ne résulte pas des dispositions précitées du code de l'environnement que les recommandations et observations formulées par l'autorité environnementale, qui ont donné lieu au cas particulier à des réponses circonstanciées de l'exploitant, communes à la présente procédure et à celle poursuivie au titre du code de l'environnement, revêtent un caractère contraignant ; d'autre part, qu'aucune disposition du code de l'environnement n'impose de soumettre à l'autorité compétente en matière d'environnement les éléments complémentaires que produit le pétitionnaire, à la suite d'un avis rendu par cette autorité, en vue d'assurer une meilleure information du public et de l'autorité chargée de statuer sur la demande ; qu'ainsi la teneur de l'avis émis par l'autorité environnementale, qui doit être lu avec la réponse formulée par le demandeur, constitue l'un des éléments permettant d'apprécier le caractère suffisant du dossier de demande ;

S'agissant des autres critiques faites à l'étude d'impact :

13. Considérant, en premier lieu, que l'allégation selon laquelle les éoliennes prévues sur le site, de type Haliade 150, n'auraient pas été " validées " en milieu maritime hostile ne peut qu'être écartée, dès lors qu'il résulte de l'instruction que ces aérogénérateurs font notamment l'objet d'une exploitation au large de la Belgique depuis 2013 ;

14. Considérant, en deuxième lieu, que l'étude d'impact aborde la question des risques liés à l'accidentologie spécifique aux parcs éoliens, en rapportant leur faible occurrence, notamment en Europe, et décrit les moyens de surveillance ainsi que les moyens d'intervention en cas d'incident et d'accident, tant au stade de la construction du parc qu'en phase d'exploitation et de démantèlement ; que dans le cas de projection, elle-même peu probable, d'éléments d'une éolienne, la dérive d'une pale au gré des courants n'est pas susceptible, compte tenu de sa faible vitesse, de porter atteinte à la sécurité des navires au mouillage dans la zone d'attente de Saint-Vaast-la-Hougue, dont le nombre est au demeurant limité à une dizaine lors de forts coups de vent, selon les éléments non discutés du dossier de demande ; qu'ainsi la demande a étudié avec une précision suffisante les risques de collision avec les navires comme les projections ou dérives consécutives à une défaillance des éoliennes, les associations n'établissant pas la probabilité de risques de pollutions chimiques telles que celles visées par la convention OSPAR ;

15. Considérant, en troisième lieu, que si l'association " Libre Horizon " et les autres associations allèguent que le périmètre d'étude rapproché serait incohérent au motif qu'il ne comprendrait pas le port artificiel d'Arromanches-les-Bains, ce dernier argument est inexact, ainsi qu'il résulte de la partie de l'étude d'impact spécifique au parc éolien ici en litige, quand bien même elle ne coïnciderait pas avec l'aire d'étude relative à la totalité du programme composé par le parc et son raccordement au réseau électrique ;

16. Considérant, en quatrième lieu, que les associations allèguent que l'étude d'impact ne comporterait pas d'analyse sérieuse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus lors du dépôt de cette étude ; que toutefois les requérantes ne contestent pas que l'étude d'impact recense l'ensemble des projets qui ont fait l'objet d'un document d'incidences ou d'une étude d'impact au titre du code de l'environnement et pour lesquels un avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement a été rendu public, ainsi que l'imposent les dispositions du 4° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement ; que notamment les effets cumulés du parc en litige avec le parc éolien en mer au large de Fécamp ont bien fait l'objet d'une telle analyse, quand bien même les données scientifiquement établies seraient encore lacunaires en la matière, s'agissant des effets cumulés susceptibles d'affecter l'avifaune ; que les associations ne démontrent pas l'existence d'un " effet-barrière " distinct de ceux étudiés par le document ; qu'enfin le tableau de synthèse qui clôt le chapitre 3 de l'étude d'impact, consacré à l'analyse des effets du projet sur l'environnement, est suffisant pour illustrer l'addition et l'interaction des effets du projet sur l'état initial du site, dès lors qu'il ne vise qu'à récapituler sous une forme aisément compréhensible l'ensemble des conclusions des diverses parties qui composent ce chapitre ;

17. Considérant, en cinquième lieu, que le dossier comporte deux expertises, hydrodynamique et sédimentaire, qui décrivent de manière argumentée les conséquences très limitées de l'installation, tant lors des travaux qu'en exploitation, sur les courants marins et par suite sur le trait de côte ; que de même le demandeur n'a pas manqué de faire réaliser, en ce qui concerne l'évaluation des effets des constructions et de l'activité envisagée sur la turbidité de l'eau, des expertises spécifiques, lesquelles concluent à un impact faible tant lors de l'installation du parc qu'à l'occasion de son démantèlement, aucun impact n'étant attendu en exploitation ;

18. Considérant, en sixième lieu, que si les associations allèguent que les conséquences de l'abandon sur place des enrochements, après démantèlement des machines, n'ont pas été appréciées, il résulte de l'étude d'impact et notamment de son titre consacré au " démantèlement des installations et à la remise en état du site " que les protections anti-affouillements éventuellement installées autour des fondations et des câbles ne sont pas abandonnées, puisque la totalité des aménagements sont destinés à être démantelés sauf si une étude ad hoc démontrait qu'il serait préférable de ne pas le faire pour ne pas porter atteinte à la biodiversité ; qu'en tout état de cause, et selon l'article 10 de l'autorisation attaquée, il incombe au préfet d'arrêter toutes mesures propres à une remise en état " dans un état tel qu'aucune atteinte ne puisse être portée aux intérêts mentionnés à l'article L 211-1 du code de l'environnement ", notamment au vu d'une étude que l'exploitant est tenu de fournir deux ans avant la date prévisible en fin d'exploitation ;

19. Considérant, en septième lieu, que si les requérantes allèguent que la question des effets visuels du parc éolien sur le paysage n'a pas été suffisamment prise en compte, le dossier soumis à enquête publique comportait, au sein d'un " cahier des expertises ", de nombreux photomontages du parc en projet, ainsi que l'exposé de la méthodologie correspondante ;

20. Considérant, en huitième lieu, que les enjeux pyrotechniques, liés notamment aux conséquences des conflits mondiaux dans la zone, sont abordés tant en ce qui concerne la description de l'état initial du site qu'au regard de l'analyse des effets prévisibles du projet lors des phases de construction, d'exploitation et de démantèlement, les risques d'interaction avec des munitions devant être limités grâce à une campagne de reconnaissance (magnétométrie) réalisée selon les prescriptions de la préfecture maritime territorialement compétente ;

21. Considérant, en neuvième lieu, que contrairement à ce que prétendent les requérantes et à supposer l'argument opérant, l'étude d'impact comporte les développements permettant d'éclairer le public relativement aux avantages attendus du projet en ce qui concerne la lutte contre le réchauffement climatique et la transition énergétique ;

22. Considérant, en dixième lieu, que les développements de l'association " Libre Horizon " et des autres associations sur un " effet-barrière atmosphérique " semblable à un phénomène déjà observé au Danemark ne sont pas assortis des précisions qui permettraient à la cour d'en apprécier le bien-fondé ;

23. Considérant, en onzième lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal des travaux de la grande commission nautique du 8 avril 2015 ainsi que de l'avis, globalement favorable, donné au projet le 25 septembre 2015 par le comité régional des Pêches maritimes, que la pêche de la coquille Saint-Jacques ne sera pas interdite aux professionnels dans le périmètre du parc ; que par suite les associations ne sont pas fondées à invoquer l'absence de description, dans le dossier de demande, des effets d'un prétendu report de cette activité sur d'autres ressources halieutiques ;

24. Considérant, en douzième lieu, que s'agissant des anodes sacrificielles, l'étude d'impact fait référence à la littérature scientifique disponible, laquelle permet de conclure à l'absence de risque de " relargage " des métaux, notamment pour les espèces animales vivant aux fond de l'océan, compte tenu des effets de dilution en milieu maritime ouvert ;

25. Considérant, en treizième lieu, qu'en se bornant à invoquer " l'état physico-chimique dégradé de la baie de Seine " ainsi que " le caractère vulnérable de ce milieu ", les requérantes n'établissent pas le caractère erroné ou incomplet de l'étude d'impact relativement à la description de l'état initial ou aux effets du parc éolien en mer sur le milieu ;

26. Considérant, en quatorzième lieu, que les requérantes soutiennent que l'étude d'impact est également insuffisante en ce que les incidences sur l'environnement d'un éventuel maintien des installations en place à l'issue de la période d'exploitation du parc éolien n'ont pas été examinées, alors pourtant que cette hypothèse est prévue à la convention ;

27. Considérant que l'article 4-3 de la convention de concession prévoit en principe le démantèlement des installations objet de l'exploitation au terme normal de la concession, et fait obligation au concessionnaire d'avoir achevé les opérations de démantèlement et de remise en état, de restauration ou réhabilitation du site afin d'assurer la réversibilité effective des modifications apportées au milieu naturel en conformité avec les spécifications résultant du dossier de précisions techniques qui forme l'annexe 1 à la convention, et notamment à son chapitre VI, relatif aux modalités des travaux de démantèlement et de remise en état ; que toutefois le même article prévoit que " Par exception, le concédant peut avoir décidé, après avis des services de la Direction de l'immobilier de l'Etat et du préfet maritime, du maintien des ouvrages, constructions et installations faisant l'objet de la concession, auquel cals la convention prévoit que " le concédant se trouve alors subrogé dans tous les droits du concessionnaire au titre des garanties attachées aux ouvrages qui lui sont remis " ; que dans cette hypothèse le contrat prévoit que le concessionnaire est libéré de son obligation de procéder au démantèlement en contrepartie du versement d'une somme correspondant au montant actualisé de la garantie financière prévue à cet effet par la convention ;

28. Considérant qu'il résulte nécessairement de ces dispositions qu'en cas de transfert à l'Etat, par application des stipulations qui viennent d'être rappelées, de tout ou partie des ouvrages, constructions et installations faisant l'objet de la concession en litige, les obligations de remise en état du domaine public maritime concédé imparties au concessionnaire sont transférées au concédant, qui serait alors tenu de respecter les modalités des travaux de démantèlement et de remise en état, telles que prévues au chapitre VI du dossier de précisions techniques annexé à la convention ; que, dès lors, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'étude d'impact préalable à la convention de concession aurait dû prévoir de manière distincte les obligations incombant à l'Etat en cas d'exercice de cette possibilité de reprise des ouvrages ;

29. Considérant, en quinzième et dernier lieu, qu'en se bornant à constater dans leurs écritures que le résumé non technique de l'étude d'impact compte 86 pages pour la seule autorisation sollicitée au titre de la loi sur l'eau, alors que l'étude d'impact relative à la même demande compte 1 364 pages, hors études spécifiques, les requérantes ne démontrent pas sérieusement que ce résumé, dont la commission d'enquête a estimé qu'il facilitait la prise de connaissance du dossier en synthétisant les informations contenues dans l'ensemble des documents, n'aurait pas ainsi satisfait à l'objectif assigné à ce résumé par les dispositions du V de l'article R. 122-5 du code de l'environnement ;

30. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le dossier soumis à enquête publique aurait été affecté d'insuffisances de nature à nuire à la bonne information du public ;

En ce qui concerne la régularité de l'enquête publique :

S'agissant des conditions de participation du public :

31. Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-9 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la présente espèce : " L'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête précise par arrêté, quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et après concertation avec le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête : (...) 12° Le cas échéant, l'adresse du site internet sur lequel des informations relatives à l'enquête pourront être consultées, ou les moyens offerts au public de communiquer ses observations par voie électronique " ; et qu'aux termes de l'article R. 123-13 du même code, dans sa rédaction applicable à l'enquête dont s'agit : " Pendant la durée de l'enquête, le public peut consigner ses observations, propositions et contrepropositions sur le registre d'enquête, établi sur feuillets non mob iles, coté et paraphé par le commissaire enquêteur ou un membre de la commission d'enquête, tenu à leur disposition dans chaque lieu où est déposé un dossier./ Les observations, propositions et contre-propositions peuvent également être adressées par correspondance au commissaire enquêteur ou au président de la commission d'enquête au siège de l'enquête, et le cas échéant, selon les moyens de communication électronique indiqués dans l'arrêté d'ouverture de l'enquête. " ;

32. Considérant que l'arrêté du 15 juillet 2015, par lequel le préfet du Calvados a décidé de l'ouverture d'une enquête publique commune sur les autorisations sollicitées par la société Eoliennes Offshore du Calvados au titre du code de l'environnement et du code général de la propriété des personnes publiques, comporte la mention, à son article 3, que pendant toute la durée de l'enquête toute personne peut prendre connaissance du dossier et consigner ses observations, soit sur les registres d'enquête, soit par voie postale soit par courrier électronique ; qu'il est constant que certains avis portés à la connaissance du public ont fait état d'une adresse différente de celle indiquée par ces dispositions de l'arrêté d'ouverture d'enquête, empêchant ainsi le public de communiquer à la commission d'enquête des observations, propositions ou contre-propositions sous une forme électronique, selon la possibilité ouverte par les dispositions précitées de l'article R. 123-13 du code de l'environnement ;

33. Considérant toutefois, d'une part, que les auteurs des courriers électroniques envoyés à l'adresse erronée, par ailleurs informés de l'échec de leur contribution par la notification d'un message attestant de la non-délivrance du courrier électronique, ont été recontactés, ce qui leur a permis de renouveler utilement leurs observations en utilisant la bonne adresse de messagerie ; d'autre part qu'en considération des inconvénients liés à la communication de cette adresse erronée, la durée de l'enquête publique, initialement prévue du 10 août au 10 octobre 2015, a été prolongée jusqu'au 28 octobre suivant, à la demande de la commission d'enquête, cette durée excédant notablement le minimum de 30 jours prévu à l'article R. 123-6 du code de l'environnement, sans même tenir compte de la période précédent la correction de l'anomalie relatée ci-dessus ; qu'enfin et en tout état de cause ce dysfonctionnement n'a pas privé le public de la possibilité de faire valoir ses observations, dès lors qu'il résulte du rapport de la commission d'enquête, d'une part, que le dossier a été mis à disposition du public dans 33 lieux où le public a pu rencontrer les membres de la commission d'enquête au cours de 42 permanences, et d'autre part que 612 intervenants ont pu faire valoir 772 observations dont 318, soit plus de la moitié, par voie électronique ; qu'il résulte de ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la communication au public, en début d'enquête, d'une adresse électronique erronée afin de faire valoir auprès de la commission d'enquête les observations du public aurait privé ce dernier de la garantie qui s'attache à l'organisation d'une telle enquête ;

S'agissant des conclusions de la commission d'enquête :

34. Considérant que les requérantes soutiennent que les conclusions de la commission d'enquête, rendues à la suite de l'enquête publique commune au code de l'environnement et au code général de la propriété des personnes publiques, seraient insuffisamment motivées au regard de l'article R. 123-19 du code de l'environnement ;

35. Considérant, d'une part, que la commission d'enquête a rendu compte dans son rapport de l'ensemble des observations présentées, et a notamment retracé de manière précise, au titre des contributions défavorables, les doléances des riverains à propos de l'impact du projet sur le paysage ; qu'après avoir rappelé la teneur de ces réactions, puis cité la réponse du maître d'ouvrage, la commission a estimé que ce dernier avait cherché à optimiser l'implantation du parc à l'intérieur de la zone allouée par l'Etat en, réduisant la zone d'implantation à 50 km² au lieu des 77 initialement envisagés ; que la commission a considéré que l'impact visuel du parc sera une réalité indiscutable, même si l'intensité de la perception des éoliennes variera suivant les lieux et la météorologie, mais en estimant, toutefois, que cette perception ne sera pas de nature à transformer les caractéristiques essentielles du paysage marin ; que de manière plus générale la commission a rendu compte de l'ensemble des observations du public, qu'elle a classées en dix thèmes au sein de son rapport, tout en exposant les propositions alternatives ou d'accompagnement au projet ; qu'elle a également présenté et analysé, de manière détaillée, les réponses apportées par le pétitionnaire à ces observations ; que, par ailleurs, elle a rédigé, de manière séparée, des conclusions argumentées, exprimant son point de vue personnel sur les incidences prévisibles du parc éolien en mer, telles qu'elles pouvaient se déduire du dossier de demande et des débats résultant de l'enquête ; qu'enfin la commission, prenant en compte ces conclusions a émis un avis favorable, assorti de quatre recommandations ;

36. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commission d'enquête, qui a pu régulièrement faire sien le point de vue du pétitionnaire sur certains aspects de l'exploitation, n'a pas méconnu l'obligation que lui imposaient les dispositions de l'article R. 123-19 du code de l'environnement d'émettre un avis personnel motivé sur le projet soumis à enquête ;

En ce qui concerne la méconnaissance du code général de la propriété des personnes publiques :

37. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les décisions d'utilisation du domaine public maritime tiennent compte de la vocation des zones concernées et de celles des espaces terrestres avoisinants, ainsi que des impératifs de préservation des sites et paysages du littoral et des ressources biologiques (...) " ;

38. Considérant, en premier lieu, que les associations requérantes soutiennent qu'en raison des graves risques que le projet fait peser sur les fonds marins, la faune et la flore marine, ainsi que l'avifaune et les chiroptères, le préfet du Calvados n'a pu délivrer à la société Eoliennes Offshore du Calvados l'autorisation d'installer et d'exploiter qu'elle sollicitait au large de Courseulles-sur-Mer sans commettre une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions ;

39. Considérant toutefois que les requérantes ne contestent pas les conclusions des études spécifiques poursuivies par la société Eoliennes Offshore du Calvados relativement à l'impact du projet sur les zones Natura 2000, dont il résulte que ce dernier n'aura aucune incidence significative dommageable sur les états de conservation des habitats et des espèces ayant justifié la désignation de ces sites Natura 2000 en phase de construction, d'exploitation et de démantèlement ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la zone d'implantation du parc présenterait un intérêt tout particulier pour la reproduction et la préservation des poissons, des crustacés et des mollusques ; qu'enfin la référence faite à des études universitaires récentes, relatives à l'impact environnemental des anodes sacrificielles, ne permettent pas d'écarter les conclusions de l'étude d'impact quant au caractère très limité de l'impact de ce mode de protection contre la corrosion, dès lors notamment que l'étude invoquée correspond, aux propres dires de son auteur, à des conditions d'expérience différentes des conditions du milieu marin naturel ; qu'il résulte de ce qui précède que l'association " Libre Horizon " et les autres requérantes ne sont pas fondés à soutenir que l'autorisation en cause porterait gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles ;

40. Considérant, en deuxième lieu, que si les associations invoquent l'atteinte à un paysage particulièrement digne d'intérêt, il est constant que le site concédé ne se trouve inclus dans le périmètre d'aucun classement, la réserve naturelle nationale " Falaise du Cap Romain " se situant à une distance de plus de dix kilomètres au sud du parc ; que si la qualité paysagère de la côte de Nacre est invoquée, l'impact visuel restera limité depuis le littoral dès lors que la zone concédée pour le parc éolien est éloignée au minimum de 10 km et au maximum de 18 km de la côte ;

41. Considérant, enfin, que les requérantes invoquent la vocation de la zone en tant que lieu de mémoire des combats liés au débarquement en Normandie lors de la seconde guerre mondiale, ainsi que la présence d'épaves, observées à proximité du site, et en appellent à la " protection de ce cimetière marin ", à sanctuariser ces lieux et interdire toute modification de ce site ; que toutefois si les plages du débarquement de Normandie sont bien perçues comme un lieu de pèlerinage et de commémoration de ces combats, il n'en résulte pas, alors que le littoral lui-même n'a jamais été soustrait aux activités économiques et notamment au développement touristique, que le paysage maritime devrait être sanctuarisé, la localisation du projet tout comme les conditions de son développement permettant de préserver les plages du Débarquement comme lieu de mémoire ;

42. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association " Libre Horizon " et les autres requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la concession ne pouvait être accordée à la société Eoliennes Offshore du Calvados sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;

En ce qui concerne les surplus des moyens dirigés contre la convention de concession :

43. Considérant que les associations requérantes soutiennent encore que l'article 12 de la directive 2006/123/CE a été méconnu dès lors que la concession litigieuse n'a pas fait l'objet de publicité et de mise en concurrence préalables, que la convention de concession d'utilisation du domaine public du 31 mars 2017 et son arrêté d'approbation du même jour constituent une mesure d'aide d'Etat contraire à l'article 107§1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dès lors que cette convention n'a pas fait l'objet d'une notification à la Commission européenne ; qu'elles invoquent la méconnaissance de l'article R. 2124-9 du code général de la propriété des personnes publiques qui prévoit que " La convention indique que la mise en oeuvre par le préfet des mesures indispensables à la conservation du domaine public maritime n'ouvre pas droit à indemnité au profit du titulaire " ; qu'elles excipent de l'illégalité, au regard des principes de fixation des redevances domaniales résultant de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, de l'arrêté du 2 avril 2008 fixant le tarif des redevances dues pour occupation du domaine public de l'Etat par des installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, au vu duquel a été émis par le directeur régional des finances publiques un avis sur la demande présentée par la société " Eoliennes Offshore du Calvados " ; qu'enfin elles invoquent l'illégalité du cahier des charges de l'appel d'offres à l'issue duquel la société Eolien maritime France s'est vu délivrer le 18 avril 2012 l'autorisation d'exploiter prévue par le code de l'énergie qu'elle a par la suite transférée à la société Eoliennes Offshore du Calvados ;

44. Considérant qu'aucun de ces moyens, par lesquelles les associations invoquent, soit les règles relatives au droit de la concurrence, soit les conditions financières de la convention, n'est en rapport avec les préoccupations environnementales ou esthétiques dont les associations requérantes se sont prévalues au soutien de leurs conclusions ; qu'ils ne sont pas davantage d'ordre public ; que ces moyens ne peuvent dès lors qu'être écartés en application des principes rappelés au point 8 du présent arrêt;

45. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de la convention de concession conclue le 19 avril 2017 entre l'Etat et la société Eoliennes Offshore du Calvados ;

Sur la légalité de l'arrêté par lequel la préfet du Calvados a approuvé la convention de concession :

46. Considérant qu'indépendamment du recours de pleine juridiction dont disposent les tiers à un contrat administratif pour en contester la validité dans les conditions rappelées au point 2, les tiers qui se prévalent d'intérêts auxquels l'exécution du contrat est de nature à porter une atteinte directe et certaine sont recevables à contester devant le juge de l'excès de pouvoir la légalité de l'acte administratif portant approbation du contrat ; qu'ils ne peuvent toutefois soulever, dans le cadre d'un tel recours, que des moyens tirés de vices propres à l'acte d'approbation, et non des moyens relatifs au contrat lui-même ;

47. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen tiré de ce que l'arrêté d'approbation du 19 avril 2018 devrait être annulé par voie de conséquence de la nullité de la convention auquel il se rapporte est inopérant ;

48. Considérant, en deuxième lieu, que si l'association " Libre Horizon " et les autres requérantes invoquent l'insuffisante motivation de l'arrêté préfectoral, elles n'indiquent pas quel serait le fondement d'une telle obligation ;

49. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 2124-56 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les avis conformes du préfet maritime ou du délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer et de l'autorité militaire compétente doivent être demandés pour les autorisations relatives à la formation d'établissement de quelque nature que ce soit sur la mer ou sur ses rivages/ L'autorité militaire compétente est, en métropole, le commandant de zone maritime et, outre-mer, l'officier général commandant supérieur des forces armées " ; que les associations invoquent l'incompétence du signataire de l'avis conforme émis le 22 juin 2015, sur le fondement de ces dispositions, par le capitaine de vaisseau Bertrand Demez, agissant " au nom du commandant de la zone maritime de la Manche et de la mer du Nord " ;

50. Considérant que par arrêté du 12 août 2013 portant délégation de signature au titre de l'action en mer, le vice-amiral d'escadre Emmanuel Carlier, préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord, a donné délégation de signature à M. H...G..., administrateur en chef de 1ère classe des affaires maritimes, pour signer les avis et avis conformes relevant des attributions du préfet maritime ; que l'article 2 de cet arrêté précise qu'en cas d'absence ou d'empêchement de M.G..., la délégation ainsi consentie est accordée, notamment, au capitaine de vaisseau BertrandB... ;

51. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que cet arrêté de délégation a fait l'objet d'une publication au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Manche, au chapitre " Préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord " ; qu'en l'absence de texte définissant les conditions de publicité des arrêtés pris par cette autorité, cette publicité doit être considérée comme suffisante, alors même que cette délégation n'aurait pas aussi été publiée au recueil des actes de la préfecture de la Seine-Maritime, dès lors qu'il résulte de l'article 6 du décret n° 2004-112 du 6 février 2004 relatif à l'organisation de l'action de l'Etat en mer que le siège de la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord est à Cherbourg ;

52. Considérant, d'autre part, que la circonstance que M. B...ait signé l'avis en cause " au nom du commandant de la zone maritime de la Manche et de la mer du Nord " et non " au nom du préfet maritime " est sans incidence, dès lors qu'en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2004-112 déjà mentionné, le préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord est le commandant de la zone maritime Manche-mer du Nord ;

53. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le commandant de la zone maritime n'ait pas été absent ou empêché à la date du 22 juin 2015 ;

54. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'avis favorable émis au nom du préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord en application de l'article R. 2124-56 du code général de la propriété des personnes publiques émanerait d'une autorité incompétente ;

55. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association " Libre Horizon " et les autres requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 19 avril 2017 par lequel le préfet du Calvados a approuvé la convention de concession du domaine public maritime signé le même jour entre l'Etat et la société Eoliennes Offshore du Calvados ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

56. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande les requérantes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chacun des requérants le versement à la société Eoliennes Offshore du Calvados d'une somme de 200 euros au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par l'association " Libre Horizon ", l'association " Belle Normandie Environnement ", l'association " Robin des Bois ", la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, l'association " Fédération environnement durable, l'association " D-Day Heritage " et M. I...E...est rejetée.

Article 2 : L'association " Libre Horizon ", l'association " Belle Normandie Environnement ", l'association " Robin des Bois ", la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, l'association " Fédération environnement durable, l'association " D-Day Heritage " et M. I...E...verseront chacun à la société Eoliennes Offshore du Calvados une somme de 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Libre Horizon ", à l'association " Belle Normandie Environnement ", à l'association " Robin des Bois ", à la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, à l'association " Fédération environnement durable, à l'association " D-Day Heritage " à M. I...E..., au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et à la société Eoliennes Offshore du Calvados.

Une copie sera transmise au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 avril 2018.

Le rapporteur,

J. FRANCFORTLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT01943


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01943
Date de la décision : 03/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : MONAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-04-03;17nt01943 ?
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