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07/06/2018 | FRANCE | N°17NC02096

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 07 juin 2018, 17NC02096


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 010, 21 euros à titre de rappels de salaires.

Par un jugement nos 1404770, 1506395 et 1600302 du 15 juin 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 août 2017, M. C...A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1404770, 1506395 et 1600302 du 15 juin 2

017 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté sa demande enregistrée sous le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 010, 21 euros à titre de rappels de salaires.

Par un jugement nos 1404770, 1506395 et 1600302 du 15 juin 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 août 2017, M. C...A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1404770, 1506395 et 1600302 du 15 juin 2017 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté sa demande enregistrée sous le n° 1506395 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 010, 21 euros à titre de rappels de salaires, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts échus ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...soutient que :

- l'administration a commis une erreur dans le calcul de sa rémunération, dès lors que les planchers de rémunération fixés par les articles 717-3 et D. 432-1 du code de procédure pénale correspondent à des taux horaires et doivent donc s'apprécier par rapport à la seule part fixe de sa rémunération, sans tenir compte de la prime de productivité qu'il perçoit par ailleurs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2018, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que le moyen soulevé par le requérant n'est pas fondé.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale.

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...A..., incarcéré à....

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Aux termes de l'article 717-3 du code de procédure pénale : " (...) La rémunération du travail des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance défini à l'article L. 3231-2 du code du travail. Ce taux peut varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées ". Selon l'article D. 432-1 du même code : " Hors les cas visés à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article 717-3, la rémunération du travail effectué au sein des établissements pénitentiaires par les personnes détenues ne peut être inférieure au taux horaire suivant : / 45 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance pour les activités de production ; (...) ".

3. Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la rémunération des détenus doit être au minimum égale à un taux horaire indexé sur le salaire minimum interprofessionnel de croissance, sans qu'il y ait lieu de tenir compte des éventuelles primes venant, le cas échéant, augmenter la rémunération globale.

4. Il résulte de l'instruction que, pendant la période de janvier 2014 à octobre 2016, sur la base d'un premier " acte d'engagement au travail " signé le 9 janvier 2014 pour des missions ponctuelles, puis d'un second signé le 3 avril 2014, M. A...a travaillé en qualité d'agent de fabrication au sein de l'atelier de la maison centrale d'Ensisheim. Ses fonctions, correspondant à une activité de production au sens des dispositions de l'article D. 432-1 du code de procédure pénale précité, lui donnaient droit à une rémunération brute au taux horaire minimal de 45 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance, soit 4,26 euros en 2014, 4,32 euros en 2015 et 4,35 euros en 2016. Il résulte de l'instruction que, pendant la période d'avril 2014 à octobre 2016 inclus, une grande partie de sa rémunération a été calculée sur la base d'un taux horaire de 3,30 euros, en méconnaissance de l'article D. 432-1 du code de procédure pénale précité. La circonstance que, pendant la même période, sa rémunération globale ait été supérieure au produit du nombre d'heures de travail effectuées par le taux horaire minimal de 45 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance est, à cet égard, sans incidence, dès lors que ce dépassement ne résulte pas de l'application de ce taux horaire, mais d'une prime de productivité. Par conséquent, M. A...est fondé à soutenir que l'administration pénitentiaire n'a pas, pour le calcul de sa rémunération, fait une exacte application des dispositions précitées des articles 717-3 et D. 432-1 du code de procédure pénale, et par suite que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

5. Dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de condamner l'Etat à verser à M. A...une somme égale à la différence entre le taux horaire de 3,30 euros et le taux horaire minimal de 45 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance, multipliée par le nombre d'heures de travail pour lesquelles, pendant la période d'avril 2014 à octobre 2016 inclus, sa rémunération a été calculée sur la base d'un taux horaire de 3,30 euros. L'état de l'instruction ne permettant pas de déterminer le montant exact de la somme due à M.A..., il y a lieu de le renvoyer devant le garde des sceaux, ministre de la justice, pour procéder à sa liquidation en principal selon les bases définies ci-dessus.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

6. Il résulte de l'instruction que M. A...a présenté deux réclamations indemnitaires successives au garde des sceaux, ministre de la justice : une première, reçue le 15 juillet 2015, au titre de ses pertes de salaires pendant la période d'avril 2014 à juin 2015 inclus ; une seconde, reçue le 18 janvier 2017, au titre de ses pertes de salaires pendant la période de juin 2015 à octobre 2016 inclus.

7. M. A...a droit aux intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2015 sur la somme correspondant à ses pertes de salaires pendant la période d'avril 2014 à juin 2015 inclus, et aux intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2017 sur la somme correspondant à ses pertes de salaires pendant la période de juin 2015 à octobre 2016 inclus.

8. La capitalisation des intérêts a été demandée par le requérant le 12 novembre 2015 en ce qui concerne ceux afférents à la somme correspondant à ses pertes de salaires pendant la période d'avril 2014 à juin 2015 inclus. La demande ne pouvant prendre effet qu'à la date où, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière, il y a lieu de faire droit à la demande à compter du 15 juillet 2016 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

9. La capitalisation des intérêts a été demandée le 4 mai 2017 en ce qui concerne ceux afférents à la somme correspondant à ses pertes de salaires pendant la période de juin 2015 à octobre 2016 inclus. En application de la règle rappelée au point précédent, il y a lieu de faire droit à la demande à compter du 18 janvier 2018 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

10. Pour la même raison que celle indiquée au point 6, le requérant est renvoyé devant le garde des sceaux, ministre de la justice, pour procéder à la liquidation des intérêts de retard selon les bases définies ci-dessus.

Sur l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative :

11. M. A...n'allègue pas avoir exposé des frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été accordée par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 19 octobre 2017. Dès lors, ces conclusions tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme à lui verser au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

Par ces motifs,

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement nos 1404770, 1506395 et 1600302 du 15 juin 2017 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. C... A... enregistrée sous le n° 1506395.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A...une somme égale à la différence entre le taux horaire de 3,30 euros et le taux horaire minimal brut de 45 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance, multipliée par le nombre d'heures de travail pour lesquelles, pendant la période d'avril 2014 à octobre 2016 inclus, sa rémunération a été calculée sur la base d'un taux horaire de 3,30 euros.

Article 3 : La partie de la somme mentionnée à l'article 2, correspondant aux pertes de salaires de M. A...pendant la période d'avril 2014 à juin 2015 inclus, portera intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2015. Les intérêts échus à la date du 15 juillet 2016, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts. La partie de la somme mentionnée à l'article 2 correspondant aux pertes de salaires de M. A...pendant la période de juin 2015 à octobre 2016 inclus portera intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2017. Les intérêts échus à la date du 18 janvier 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : M. A...est renvoyé devant le garde des sceaux, ministre de la justice afin qu'il soit procédé à la liquidation des sommes qui lui sont dues en principal, intérêts et intérêts des intérêts.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 17NC02096


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02096
Date de la décision : 07/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-091 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services pénitentiaires.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SOUCHAL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-06-07;17nc02096 ?
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