Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Volkswind France a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 6 août 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer une autorisation d'exploiter un parc éolien sur la commune de Dio-et-Valquières.
Par un jugement n° 1505172 du 6 octobre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 octobre 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Volkswind France devant le tribunal administratif de Montpellier.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- le projet porte atteinte à la capacité des aigles royaux à se reproduire, a pour effet une perte d'habitat et une fragmentation excessive de leurs territoires de chasse, et présente des risques de collision qui menacent le maintien du couple de rapaces ;
- le projet en cause serait incompatible avec la charte du parc régional du Haut-Languedoc.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2018, la société Volkswind France, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le ministre de la transition écologique et solidaire relève appel du jugement du 6 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 6 août 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer à la société Volkswind une autorisation d'exploiter un parc éolien sur la commune de Dio-et-Valquières comportant cinq éoliennes d'une hauteur, pales comprises, de 110 mètres, et un poste de livraison, au motif que l'implantation dans cette zone d'un parc supplémentaire, à l'intérieur du domaine vital du couple d'aigle royal du massif de l'Escandorgue, susceptible d'être occupé par huit autres parcs éoliens précédemment autorisés, n'était pas compatible avec l'état de la conservation de cette espèce à l'échelle régionale.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si le ministre soutient que le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il se contente de dire, pour juger infondés les motifs de refus du préfet tirés de l'atteinte à l'habitat des aigles royaux et du risque de collision avec les éoliennes, que les distances entre la zone de nidification de l'aigle et le projet en litige sont suffisamment importantes " sans rechercher si le site du projet n'est pas une aire habituelle de fréquentation de ces aigles ", il ressort des énonciations de ce jugement, particulièrement du paragraphe 4, que les premiers juges ont indiqué que " l'étude d'impact fait état d'une faible utilisation du secteur du projet, uniquement pour la chasse et le marquage territorial " et qu'ils ont dit au paragraphe 5 que le projet " s'inscrit en continuité avec le parc éolien de Dio-et-Valquières déjà évoqué, en périphérie sud du domaine vital, dans sa partie la moins fréquentée par l'aigle ". Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen comme manquant en fait.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. " ; qu'aux termes de l'article L. 512-1 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement, applicable au litige en vertu de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ".
4. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 122-5 code de l'environnement : " I.- Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II.- L'étude d'impact présente : /...) / 4° Une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus. (....) ".
5. Si le ministre soutient que, alors que huit autres projets éoliens ont déjà été autorisés à l'intérieur du domaine vital de l'unique couple reproducteur d'aigles royaux du plateau de I'Escandorgue, l'analyse par le pétitionnaire des impacts cumulés de ces projets sur la conservation de ce couple était insuffisante dès lors que seulement quatre journées d'inventaire avifaunistique ont notamment été menées, lors desquelles l'aigle royal a pourtant été observé à sept reprises, soit, au minimum, près de deux apparitions journalières, il ne critique pas sérieusement les motifs retenus par les premiers juges pour annuler l'arrêté du 6 août 2015 portant refus d'autorisation d'exploiter le parc éolien en litige tenant à ce que, contrairement à ce qu'a opposé le préfet de l'Hérault dans cette décision, d'une part, l'implantation de ce parc supplémentaire contribuerait à la remise en cause de la capacité du couple à se reproduire sur ce site et, par la même, à l'état de conservation de la petite sous-population " Massif Central " de cette espèce, d'autre part, il n'est pas établi que l'implantation du parc de cinq éoliennes projeté serait de nature à caractériser un risque de perte d'habitat et de fragmentation excessif des territoires de chasse, de nature à porter atteinte à l'état de conservation de l'aigle royal.
6. En effet, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, il résulte de l'instruction que la zone de nidification du couple d'aigle royal est située à plus de dix kilomètres au nord du projet. L'étude d'impact fait état d'une faible utilisation du secteur du projet, uniquement pour la chasse et le marquage territorial. L'étude Becot sur laquelle s'est appuyé le préfet confirme cette faible fréquentation et met surtout en évidence l'impact des autres projets éoliens précédemment autorisés, au plus près du coeur du domaine vital du couple d'aigle royal. Si le préfet a indiqué que les conditions du milieu influent sur la reproduction et le devenir d'une espèce, l'étude de la ligue pour la protection des oiseaux dont il s'est prévalu, réalisée dans l'Aude sur une succession de quatre parcs éoliens dont le plus proche est à moins d'un kilomètre de la zone de nidification, ne paraît pas transposable. Il ne résulte pas de l'instruction que la réalisation du parc en litige, dans le prolongement du parc existant, dont la présence n'a pas affecté la reproduction du couple, serait de nature à porter atteinte à cette capacité de reproduction.
7. Par ailleurs, si l'étude d'impact retient une perte de territoire de chasse d'une cinquantaine d'hectares environ, compte tenu de la réduction du projet à cinq éoliennes, cette surface ne représente qu'environ 0,4 % du domaine vital. En outre le territoire concerné s'inscrit en continuité avec le parc éolien déjà exploité sur le territoire de la commune de Dio-et-Valquières, en périphérie sud du domaine vital, dans sa partie la moins fréquentée par l'aigle. Si les conclusions de l'étude de l'association Becot, sur laquelle s'est appuyé le préfet, évoquent les conséquences sur les territoires de chasse de plusieurs des projets déjà autorisés, situés à une distance comprise entre deux et quatre kilomètres de la zone de nidification, elles ne permettent pas, en l'état du dossier, de justifier le motif retenu du caractère excessif de l'impact supplémentaire qui serait généré par le projet en litige, le plus éloigné de la zone de nidification, alors, en outre, qu'il résulte de l'instruction que les permis de construire de deux des projets évoqués par le préfet, situés dans le coeur du domaine vital du couple d'aigle, ont été annulés par la juridiction administrative.
8. Il ne résulte pas de l'instruction que le projet en litige, qui se situe donc dans la continuité du parc éolien de Dio-et-Valquières, serait de nature, contrairement à ce qu'affirme le ministre, à caractériser un risque d'usurpation du site voisin accueillant un couple d'aigles de Bonelli, autre espèce protégée, par les aigles royaux, lesquels se trouveraient perturbés par la présence des parcs éoliens et aurait pour conséquence une perte de fécondité.
9. Il résulte de l'instruction, particulièrement des énonciations de l'étude d'impact que, si le risque de collision est le risque direct le plus important généré par toute éolienne dans la mesure où il affecte la survie de l'individu, les observations effectuées ont permis de constater que les aigles ont " souvent contourné ou survolé à hauteur respectable " les éoliennes existantes. L'étude Becot évoque également le constat d'un comportement d'évitement des éoliennes existantes. Dans ces conditions, et alors que des mesures de réduction des risques sont prévues, telles que l'installation d'un système d'effarouchement par détection vidéo sur trois des cinq éoliennes combiné à un système de visibilimétrie sur une des machines, et que le parc est implanté à plus de dix kilomètres de la zone de nidification aux abords de laquelle ces risques sont les plus importants, il résulte de l'instruction qu'en se fondant sur la circonstance que la multiplication des risques de collision menaçait le maintien du couple d'aigle royal, le préfet a, nonobstant le caractère imparfait des dispositifs précités dans certaines conditions météorologiques, entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
10. Enfin, si la charte du parc régional du Haut-Languedoc a effectivement classé une zone du parc dans laquelle est incluse la commune de Dio-et-Valquières en " zone de sensibilité maximale " du fait de la présence avérée d'un couple d'aigles de Bonelli et que selon cette charte, tout projet situé en zone de sensibilité maximale recevra un avis défavorable, ce document ne présente pas un caractère contraignant et le préfet de l'Hérault n'était aucunement tenu par l'avis des autorités gestionnaires de ce parc pour rester en cohérence avec la charte. Au demeurant, le ministre n'apporte aucun élément susceptible de justifier que la délivrance de l'autorisation d'exploiter le projet de parc éolien en litige aurait porté une atteinte significative à la conservation du couple d'aigles de Bonelli présent dans cette zone de nature à faire regarder cette autorisation comme non cohérente avec l'objectif de protection de cette espèce.
11. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et solidaire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 6 août 2015 du préfet de l'Hérault.
Sur les frais liés au litige :
12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Volkswind France et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du ministre de la transition écologique et solidaire est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la société Volkswind France une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la transition écologique et solidaire et à la société Volkswind France.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 janvier 2020.
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N° 17MA04684
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