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08/11/2018 | FRANCE | N°17-25843

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 08 novembre 2018, 17-25843


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige ;

Attendu que ce texte régit exclusivement la procédure applicable à la prise en charge d'un accident du travail, d'une maladie professionnelle ou d'une rechute au titre de la législation professionnelle ; qu'il en résulte que si l'employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusabl

e introduite par la victime ou ses ayants droit, que l'accident, la maladie ou l...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige ;

Attendu que ce texte régit exclusivement la procédure applicable à la prise en charge d'un accident du travail, d'une maladie professionnelle ou d'une rechute au titre de la législation professionnelle ; qu'il en résulte que si l'employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime ou ses ayants droit, que l'accident, la maladie ou la rechute n'a pas d'origine professionnelle, il n'est pas recevable à contester la décision de prise en charge de l'accident, de la maladie ou de la rechute par la caisse primaire au titre de la législation sur les risques professionnels ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ayant déclaré un accident du travail qui lui serait advenu le 5 mars 2012 au service de la société Transports A... (l'employeur) et que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault (la caisse) a pris en charge le 23 mars 2012 au titre de la législation professionnelle, M. X... a saisi une juridiction de sécurité sociale pour faire reconnaître une faute inexcusable de son employeur ; que celui-ci, qui n'avait pas frappé d'un recours contentieux la prise en charge de l'accident par la caisse, en a alors contesté l'origine professionnelle et a demandé que la prise en charge ne lui soit pas opposable ;

Attendu que l'arrêt dit que la décision de prise en charge par la caisse, au titre de la législation professionnelle, de l'accident du travail subi, le 5 mars 2012, par M. X... est inopposable à l'employeur ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle était saisie d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a violé par fausse application le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la décision de prise en charge par la caisse d'assurance maladie de l'Hérault, au titre de la législation professionnelle, de l'accident survenu le 5 mars 2012 déclaré par M. X... est inopposable à son employeur la société Transports A..., l'arrêt rendu le 5 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable la demande de l'employeur tendant à lui voir déclarer inopposable la décision de prise en charge de la caisse au titre de la législation sur les risques professionnels ;

Condamne la société Transports A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault

Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la décision de prise en charge par la CPAM de l'Hérault, au titre de la législation professionnelle, de l'accident déclaré survenu le 5 mars 2012 à M. X... était inopposable à son employeur la société Transports A... .

AUX MOTIFS QUE sur l'opposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge ; que selon l'article R. 142-18 alinéa 1er du code de la sécurité sociale, le tribunal des affaires de sécurité sociale est saisi, après l'accomplissement, le cas échéant, de la procédure prévue à la section II du présent chapitre, par simple requête déposée au secrétariat ou adressée au secrétariat par lettre recommandée dans un délai de deux mois à compter soit de la date de la notification de la décision, soit de l'expiration du délai d'un mois prévu à l'article R. 142-6 ; qu'en l'espèce, la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident déclaré survenu le 5 mars 2012 a été notifiée à l'employeur le 23 mars 2012 ; que ce dernier a saisi la commission de recours amiable le 11 avril 2012, laquelle a rejeté son recours par décision du 22 mai 2012, rappelant les voies et délais de recours, notifiée le 6 juin 2012 ; que l'employeur avait donc jusqu'au 6 août 2012 pour contester cette décision devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ; qu'aucun recours n'ayant été engagé dans le délai, la décision rendue par la commission de recours amiable le 22 mai 2012 est devenue définitive et n'est plus susceptible de recours ; qu'en conséquence, l'employeur est irrecevable à soulever l'inopposabilité de cette décision au motif d'un non respect de la procédure de prise en charge par la caisse ; que si la décision de prise en charge de l'accident du travail, de la maladie professionnelle ou de la rechute, motivée et notifiée dans les conditions prévues par l'article R 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, revêt à l'égard de l'employeur, en l'absence de recours dans le délai imparti, un caractère définitif: elle ne fait pas obstacle à ce que celui-ci conteste, pour se défendre à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie ; qu'il résulte de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci ; qu'il n'est pas nécessaire en revanche que l'accident soit causé par l'action violente et soudaine d'une cause extérieure et il suffit que soit constatée l'apparition brutale d'une lésion ; que dès lors qu'un tel accident est survenu au temps et au lieu de travail, il est présumé imputable au travail ; que la charge de la preuve de ce que cet accident est bien survenu au temps et au lieu de travail pèse sur le salarié qui invoque cette présomption d'imputabilité ; qu'il est constant que le 5 mars 2012, l'appelant et M. Yannick Z..., grutier, ont déchargé plusieurs containers sur la plage de Villeneuve les Maguelone et qu'en fin de matinée, ces opérations ont été entravées en raison de la présence d'un vent violent ; que dans les courriers qu'il a adressés à l'inspection du travail et à la caisse d'assurance-maladie les 4 et 5 septembre 2012, le salarié relate qu'en fin de matinée vers 11h40 alors qu'il maintenait un container par une sangle durant son passage dans les airs au-dessus d'un autre container, un vent violent l'a traîné sur une dizaine de mètres, les pieds en avant sur le sable et qu'il a retenu sa course contre un gros poteau de la grue, ce qui lui a occasionné une brusque torsion du buste et une décharge le long de la jambe gauche ; qu'il ajoute qu'une demi-heure après l'accident, il est allée déjeuner à Palavas avec ses collègues de travail; qu'à la fin du repas, lorsqu'il s'est levé, il a ressenti la même douleur, mais beaucoup plus forte, le long de la jambe mais aussi sur la moitié de la fesse gauche, ainsi que des fourmillements du genou gauche et qu'à la fin de son service, vers 17 heures, la douleur étant trop forte, il a pris rendez-vous chez son médecin, lequel l'a dirigé vers un scanner qui a révélé une hernie discale L3, L4 foraminale gauche ; que cependant, le salarié ne produit aucun élément corroborant ses allégations ; qu'en effet, le témoin visé dans la déclaration d'accident, à savoir M. Z..., ne l'a pas vu heurter le poteau de la grue et n'a recueilli aucune doléance de sa part ; que c'est ainsi qu'il relate: «Le lundi 5 mars 2012,j'ai déchargé à la grue immatriculée [...] plusieurs containers sur la plage du Carré Blanc à Maguelone entre 8h30 et 16h30. En fin de matinée, on a eu un peu plus de mal pour un seul container que l'on devait lever et faire passer par-dessus les autres. Comme il y a eu un coup de vent, j'ai décidé de le reposer, M X... le maintenant à l'aide d'une sangle. Nous avons ensuite continué à décharger le reste des containers. Nous avons fait une pause pour le repas entre 12h30 et 14 heures où nous avons déjeuné ensemble à Palavas. Nous avons repris le travail jusqu'à 16h30 où nous somment rentrés au dépôt A.... J'ai appris le lendemain par M A... que M X... avait fait une déclaration d'accident de travail en date du 5 mars 2012 et me nommant comme témoin, alors que je n'ai rien vu et que M X... ne m'a pas dit qu'il s'était fait mal ce jour-là. » ; que de son côté, l'employeur verse au dossier l'attestation d'un de ses salariés, M. B... C..., chauffeur, rédigée ainsi: «Le lundi 5 mars 2012, j'avais pour mission la livraison de bungalows, à prendre à Lunel et à livrer à Maguelone sur la plage du Carré Blanc. Ce jour-là, M. Z..., à la grue, a déchargé les bungalows se trouvant sur les semi-remorques pour les mettre en place sur la plage. D'autres chauffeurs comme moi ont livré d'autres bungalows. Tout le monde a aidé au déchargement, ainsi que le personnel mis à disposition par le client. Ce jour-là, toutes les conditions de travail étaient bonnes, les opérations de déchargement se sont déroulées correctement et à ma connaissance personne ne s'est blessé ce jour-là» ; qu'en outre, le salarié ne conteste pas que quelques jours avant l'accident, il avait fait l'objet d'un arrêt de travail du 13 au 27 février 2012, car il souffrait d'un lumbago ; qu'il existait donc un état pathologique antérieur à l'accident déclaré survenu le 5 mars 2012 ; qu'or, il n'est pas démontré, ni par le salarié, ni par la caisse d'assurance maladie que la hernie discale dont souffre le salarié est la conséquence directe et immédiate de l'accident dont il se prétend victime ; qu'ainsi, il n'est pas démontré que la lésion présentée par le salarié est survenu au temps et au lieu de travail, de sorte que la présomption d'imputabilité ne s'applique pas en l'espèce. ; que le caractère professionnel de l' arrêt de travail déclaré survenu le 5 mars 2012 et des lésions subséquentes n'est ainsi pas établi, ni dans les rapports de l'employeur avec le salarié, ni dans les rapports de l'employeur avec la caisse, de sorte que la décision de prise en charge ne peut lui être opposée ; que la décision déférée doit être réformée, pour cette raison, sur ce chef.

ALORS QUE la décision de prise en charge de l'accident du travail, motivée et notifiée dans les conditions prévues par l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale revêt à l'égard de l'employeur un caractère définitif en l'absence de recours dans le délai imparti ; que si cette décision définitive ne fait pas obstacle à ce que l'employeur conteste, pour défendre à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, le caractère professionnel de l'accident, l'opposabilité à son égard de la décision de prise en charge de l'accident, dans ses rapports avec la caisse, ne peut être remise en cause même si le caractère professionnel de l'accident est finalement écarté par les juges dans le cadre de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident avait été notifiée à l'employeur le 23 mars 2012, qu'il avait contesté cette décision devant la commission de recours amiable, laquelle avait rejeté son recours par décision du 22 mai 2012 notifiée le 6 juin 2012, et que faute pour lui d'avoir formé un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale dans le délai de deux mois imparti, cette décision était devenue définitive de sorte que l'employeur était irrecevable à soulever l'inopposabilité de cette décision ; qu'en décidant néanmoins que la décision de prise en charge de l'accident du travail était inopposable à l'employeur au prétexte que, dans le cadre de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, il avait pu contester le caractère professionnel de l'accident lequel n'était in fine pas établi, la cour d'appel a violé les articles L. 411-1, L. 452-1, R. 142-18 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-25843
Date de la décision : 08/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Procédure - Procédure préliminaire - Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie - Décision de la caisse - Absence de réclamation de l'employeur - Effet

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Procédure - Procédure préliminaire - Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie - Décision de la caisse - Opposabilité à l'employeur - Contestation de l'opposabilité de la prise en charge par l'employeur - Demande dans le cadre d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur - Recevabilité (non) SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Action de la victime - Caractère professionnel de l'accident ou de la maladie - Contestation par l'employeur - Indépendance de la prise en charge au titre de la législation professionnelle et de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur - Portée SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Procédure - Procédure préliminaire - Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie - Décision de la caisse - Indépendance de la prise en charge au titre de la législation professionnelle et de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur - Portée

L'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, régit exclusivement la procédure applicable à la prise en charge d'un accident du travail, d'une maladie professionnelle ou d'une rechute au titre de la législation professionnelle. Il en résulte que si un employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime ou ses ayants droit, que l'accident, la maladie ou la rechute n'a pas d'origine professionnelle, il n'est pas recevable en revanche à contester à la faveur de cette instance l'opposabilité de la décision de prise en charge de l'accident, de la maladie ou de la rechute par la caisse primaire au titre de la législation sur les risques professionnels


Références :

article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 05 juillet 2017

Sur l'opposabilité à l'employeur de la décision de la caisse de prise en charge de l'accident du travail, à rapprocher :2e Civ., 21 septembre 2017, pourvoi n° 16-26842, Bull. 2017, II (cassation partielle)Sur l'indépendance de la prise en charge au titre de la législation professionnelle et de l'action en reconnaissance la faute inexcusable de l'employeur :2e Civ., 5 novembre 2015, pourvoi n° 13-28373, Bull. 2015, II, n° 247 (cassation partielle) ;2e Civ., 11 février 2016, pourvoi n° 15-10066, Bull. 2016, II, n° 44 (cassation partielle)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 08 nov. 2018, pourvoi n°17-25843, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP L. Poulet-Odent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.25843
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