LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° 17-18.936, 17-18.937, 17-18.940, 17-18.941, 17-18.942 et 17-18.943 ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 30 mars 2017), que Mmes et MM. A..., B..., Y..., Z..., C... et D..., salariés de la société Abbott France, ont été licenciés pour motif économique en décembre 2011 et juin 2012 ; qu'ils ont bénéficié, dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, d'un congé de reclassement qui s'est achevé en 2014 pour certains d'entre eux, et en 2015 pour les autres ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale en juin 2013 pour contester le mode de calcul de leur prime de participation pendant leur congé de reclassement ;
Attendu que la société fait grief aux arrêts de la condamner à verser à chaque salarié une certaine somme à titre de rappel de droit à participation au titre de l'année 2012 et jusqu'à l'expiration de leur congé de reclassement alors, selon le moyen, que les sommes versées pendant le congé de reclassement ne sont pas des rémunérations au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale devant être retenues pour le calcul du montant de la réserve spéciale de participation et pour sa répartition entre les salariés ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 3324-1, L. 3324-5, D. 3324-1, D. 3324-10 du code du travail, ensemble les articles L. 1242-1 et L. 131-1 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 3342-1 du code du travail que, sous réserve d'une condition d'ancienneté qui ne peut excéder trois mois, tous les salariés d'une entreprise compris dans le champ des accords de participation bénéficient de leurs dispositions, de sorte que les titulaires d'un congé de reclassement, qui demeurent salariés de l'entreprise jusqu'à l'issue de ce congé en application de l'article L. 1233-72 du code du travail, bénéficient de la participation, que leur rémunération soit ou non prise en compte pour le calcul de la réserve spéciale de participation ; que c'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a statué comme elle a fait ; que le moyen est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Abbott France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Abbott France et la condamne à payer à MM. Y..., Z..., C..., D... et Mmes A... et B... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen commun aux pourvois n° 17-18.936, K 17-18.937 et P 17-18.940 à S 17-18.943 produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Abbott France
IL EST FAIT GRIEF aux arrêts attaqués d'AVOIR condamné la société Abbott France à payer à chaque salarié un rappel de prime de participation au titre de l'année 2012 jusqu'à la date d'expiration de leur congé de reclassement (soit au 31 août 2015 pour Mmes A..., B..., MM. Y... et D..., au 30 juillet 2015 pour M. Z... et au 30 avril 2014 pour M. C...), assorti des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, outre une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile
AUX MOTIFS QUE « Aux termes de l'article L. 1233-71 du code de travail, dans les entreprises ou les établissements d'au moins mille salariés, ainsi que dans les entreprises mentionnées à l'article L. 2331-1 et celles répondant aux conditions mentionnées aux articles L. 2341-1 et L. 2341-2, dès lors qu'elles emploient au total au moins mille salariés, l'employeur propose à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique un congé de reclassement qui a pour objet de permettre au salarié de bénéficier d'actions de formation et des prestations d'une cellule d'accompagnement des démarches de recherche d'emploi.
La durée du congé de reclassement ne peut excéder douze mois. L'employeur finance l'ensemble de ces actions.
La société ABBOTT soutient que la suspension du contrat de travail qui résulte du congé de reclassement accepté par le salarié ne s'analyse pas en une période de présence, ni en une période de travail effectif ou périodes assimilées de plein droit à du travail effectif permettant l'application de la répartition de la prime de participation.
En outre, la société ABBOTT soutient que l'allocation de congé de reclassement n'est pas un salaire mais un revenu en ce qu'il n'est pas assujetti aux cotisations prévues par l'article L. 242- 1 du code de la sécurité sociale. Selon l'appelant le revenu ainsi versé ne doit pas être pris en compte ni pour le calcul de la réserve spéciale de participation, ni pour la répartition de cette réserve à titre individuel.
Cependant, en application de l'article L. 1233-72 du code de travail, lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée du préavis, le terme de ce dernier est reporté jusqu'à la fin du congé de reclassement, dès lors la rupture effective du contrat de travail consécutive au licenciement économique de la salariée est reportée jusqu'à la fin du congé de reclassement, [soit au 31 août 2015 pour Mmes A..., B..., MM. Y... et D..., au 30 juillet 2015 pour M. Z... et au 31 avril 2014 pour M. C...].
Par ailleurs, l'article L. 3342-1 du code de travail pose le principe selon lequel « tous salariés répondant aux conditions d'ancienneté dans l'entreprise, doit bénéficier des accords d'intéressement et de participation ou des plans d'épargne salariale ».
Contrairement aux affirmations de la société ABBOTT, aucune disposition légale ou conventionnelle ne subordonne le bénéfice de la participation à une condition de présence effective ou continue du salarié au sein de l'entreprise.
La seule restriction au droit à la participation résulte des dispositions de l'article 4 de l'accord de participation du 21 mai 2003 exigeant une ancienneté minimale dans l'entreprise en stipulant que « peuvent seuls bénéficier des droits nés du présent accord, les salariés comptant 3 mois d'ancienneté dans l'entreprise. L'ancienneté requise prend en considération tous les contrats exécutés au cours de l'exercice de calcul et des 12 mois qui le précèdent. »
Au cas d'espèce, le salarié doit en application des textes précités bénéficier des dispositions de l'accord de participation jusqu'à la rupture du contrat de travail [soit jusqu'au 31 août 2015 pour Mmes A..., B..., MM. Y... et D..., jusqu'au 30 juillet 2015 pour M. Z... et jusqu'au 31 avril 2014 pour M. C...].
De plus, contrairement aux allégations de la société ABBOTT, l'indemnité de congé de reclassement perçue mensuellement par la salariée et versée par son employeur constitue une rémunération au sens de l'article L. 1242-1 du code de la sécurité sociale qui dispose expressément que « sont considérées comme rémunérations, toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires, les indemnités de congés payés, les indemnités, primes, gratification et tous autres avantages en argent ».
Dès lors, lesdites indemnités de congé de reclassement, qui au demeurant constituent une rémunération imposable en application de l'article 80 duodecies du code général des impôts, doivent être prises en considération dans le calcul de la réserve spéciale de participation.
Il résulte des énonciations qui précèdent et des dispositions de l'article 5 de l'accord de participation plafonnant le montant des droits individuels à une somme égale au trois quarts du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), la Cour est en mesure de fixer comme suit les rappels de prime de participation dues à chaque salarié de l'année 2012 au [31 août 2015 pour Mmes A..., B..., MM. Y... et D..., au 30 juillet 2015 pour M. Z... et au 31 avril 2014 pour M. C...] comme suit (...) »
ALORS QUE les sommes versées pendant le congé de reclassement ne sont pas des rémunérations au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale devant être retenues pour le calcul du montant de la réserve spéciale de participation et pour sa répartition entre les salariés ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L. 3324-1, L. 3324-5, D. 3324-1, D. 3324-10 du Code du travail, ensemble les articles L. 1242-1 et L. 131-2 du Code de la sécurité sociale.