Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
I- La société civile immobilière (SCI) Tour Air² a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur les bureaux en Ile-de-France auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 à 2012, et des pénalités correspondantes.
II- La société par actions simplifiée (SAS) SPE II Boréale a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur les bureaux en Ile-de-France auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 à 2012, et des pénalités correspondantes.
Le président de la 1ère section du Tribunal administratif de Paris a transmis au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise la requête présentée par la société Tour Air² par une ordonnance du 28 mars 2014.
Par un jugement nos1403412, 1404678 du 9 juin 2016 le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déchargé les sociétés Tour Air² et SPE II Boréale des cotisations supplémentaires en litige et des pénalités correspondantes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2016, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 13 avril et 2 mai 2017, le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de remettre à la charge des sociétés Tour Air² et SPE II Boréale les cotisations supplémentaires de taxe sur les bureaux dont elles ont été déchargées par le jugement attaqué ;
Le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal a prononcé la décharge, dès lors qu'aux termes des dispositions de l'article 231 ter du code général des impôts sont taxables les immeubles à usage de bureaux, la réalisation de travaux n'ayant pas pour but de leur donner une nouvelle affectation, même s'ils rendent les locaux inutilisables, étant sans influence sur l'application de ces dispositions ;
- les locaux situés tour Aurore étaient à usage de bureaux ;
- la société Tour Air² a limité sa demande de décharge aux cotisations supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre des bureaux situés au 18 place des Reflets, et sa contestation n'avait pas pour objet la taxe à laquelle elle a été assujettie au titre des locaux qu'elle possède au 19 place des Reflets ; le Tribunal devaient distinguer les cotisations supplémentaires dues au titre des locaux situés au 19, place des Reflets des cotisations dues par la société Tour Air² au titre des locaux situés dans la tour Aurore, au numéro 18 de la même place, lesquelles étaient seules en litige ;
- dans le cadre de la procédure contentieuse, l'administration peut se prévaloir d'une substitution de motifs, dès lors que le requérant n'est privé d'aucune garantie ; en l'espèce, l'administration s'est prévalue, concernant les locaux situés au 19, place des Reflets, d'un nouveau motif, tiré de l'occupation des locaux, et ne pouvait se voir opposer que telle n'était pas la justification apportée initialement à la rectification en litige ; il ne résulte pas de cette substitution de motifs, pour la contribuable, la privation d'une garantie de procédure ;
- les sociétés Tour Air² et SPE II Boréale ne peuvent se prévaloir d'une prise de position formelle de l'administration en s'appuyant sur des courriers adressés, au titre de l'année 2008, aux anciens propriétaires d'une partie des locaux de la tour Aurore, les sociétés Bouygues Immobilier et Place des Reflets, qui étaient elles seules les contribuables se trouvant dans la situation de fait sur laquelle l'administration a porté son appréciation, les sociétés Tour Air² et SPE II Boréale n'ayant pas participé elles-mêmes aux faits ayant généré la situation sur laquelle l'administration a porté son appréciation ; la prise de position de l'administration ne peut se transférer d'un propriétaire à un autre.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2007-254 du 27 février 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Méry, rapporteur ;
- les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public ;
- et les observations de Me Elarjoun, avocat des sociétés Tour Air² et SPE II Boréale.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Tour Air² et la SAS SPE II Boréale sont propriétaires de locaux situés au 18 place des Reflets à Courbevoie, dans un immeuble dénommé " tour Aurore ". La société Tour Air² est, en outre, propriétaire de locaux situés au numéro 19 de la même place. Des propositions de rectification du 12 juillet 2012, relatives à la taxe sur les bureaux, les locaux commerciaux et de stockage, due au titre des années 2009, 2010, 2011 et 2012, ont été notifiées à ces deux sociétés en leur qualité de propriétaires de ces locaux. Des avis de mise en recouvrement ont ensuite été adressés à la SCI Tour Air² et à la SAS SPE II Boréale les 31 décembre 2012 et 31 juillet 2013, pour des montants respectifs de 881 048 euros et de 514 349 euros, en droits et pénalités. Le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS relève appel du jugement du 9 juin 2016 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur les bureaux en Ile-de-France auxquelles les deux sociétés ont été assujetties au titre des années 2009 à 2012, et des pénalités correspondantes.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le moyen de décharge retenu par le tribunal administratif et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes des dispositions de l'article 231 ter du code général des impôts : " I. Une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux (...) est perçue, dans les limites territoriales de la région d'Ile-de-France, composée [notamment] des Hauts-de-Seine (...) II. Sont soumises à la taxe les personnes privées (...) qui sont propriétaires de locaux imposables (...) La taxe est acquittée par le propriétaire (...) qui dispose, au 1er janvier de l'année d'imposition, d'un local taxable. / III. - La taxe est due : / 1° Pour les locaux à usage de bureaux, qui s'entendent, d'une part, des bureaux proprement dits et de leurs dépendances immédiates et indispensables destinés à l'exercice d'une activité, de quelque nature que ce soit, par des personnes (...) morales privées (...) ". Il résulte de ces dispositions, dont l'objectif est de permettre la correction des déséquilibres de la région Ile-de-France en matière de logement social, de transports collectifs et d'infrastructures de transports, que le législateur n'a pas entendu exclure du champ de la taxe les immeubles vacants, antérieurement affectés à un usage de bureaux, lorsque ceux-ci n'ont pas fait l'objet, à la date du fait générateur de l'imposition située au 1er janvier de l'année d'imposition, d'un changement de destination en faveur d'une affection autre que commerciale ou de stockage.
3. Les sociétés Tour Air² et SPE II Boréale ne contestent pas que les locaux litigieux, situés dans la tour Aurore, au 18 place des Reflets, à Courbevoie, qu'elles ont acquis en 2008 et 2009 pour la première, et en 2006 et 2007 pour la seconde, étaient, à l'origine, destinés à un usage de bureaux. Il est également constant que ces locaux sont restés inoccupés à la suite des travaux de désamiantage effectués au cours des années 2002 et 2003, avant leur acquisition, dès lors qu'ils étaient devenus, en raison de l'ampleur des travaux effectués, impropres à toute utilisation. Il résulte de l'instruction que les travaux de réhabilitation de la tour Aurore, pour laquelle un permis de démolir a été délivré le 3 décembre 2010, n'avaient pas débuté au 1er janvier de l'année 2012. Ainsi, à cette date, et a fortiori au 1er janvier des années 2009, 2010 et 2011, les locaux n'avaient pas fait l'objet d'un changement de destination et devaient toujours être regardés comme étant à usage de bureaux, sans qu'y fasse obstacle le fait qu'ils étaient vacants et que les travaux antérieurs les aient rendus inutilisables. Si les sociétés Tour Air² et SPE II Boréale invoquent un changement de destination des locaux en cause, dans le cadre de la loi de modernisation du quartier de La Défense du 27 février 2007, ci-dessus visée, et la signature d'un protocole d'accord signé entre la société Tour Air² et l'Etablissement public pour l'aménagement de la région de La Défense le 30 juillet 2007, visant la construction, en lieu et place de la tour Aurore, d'un nouvel immeuble, appelé Tour Air², ces éléments sont insuffisants à faire regarder la tour Aurore comme ayant changé de destination au cours de la période des impositions contestées. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, au motif que les locaux litigieux n'entraient pas dans le champ d'application des dispositions du 1° du III de l'article 231 ter du code général des impôts, a déchargé les sociétés Tour Air² et SPE II Boréale des cotisations supplémentaires de taxe sur les bureaux auxquelles elles ont été assujetties au titre des années 2009, 2010, 2011 et 2012, et des pénalités correspondantes.
4. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les sociétés Tour Air² et SPE II Boréale devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et devant la Cour.
Sur les moyens invoqués dans le cadre de l'effet dévolutif par les sociétés Tour Air² et SPE II Boréale :
5. Aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : "La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ". Et aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du même livre : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. ". Peuvent se prévaloir de cette garantie, pour faire échec à l'application de la loi fiscale, les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée ainsi que les contribuables qui, à la date de la prise de position de l'administration, ont été partie à l'acte ou ont participé à l'opération qui a donné naissance à cette situation sans que les autres contribuables puissent utilement invoquer une rupture à leur détriment du principe d'égalité.
6. Pour demander la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur les bureaux auxquelles elles ont été assujetties au titre des années 2009 à 2012, les sociétés Tour Air² et SPE II Boréale opposent à l'administration, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, sa prise de position résultant de deux courriers du 14 février 2008 par lesquels elle indiquait à la société Bouygues Immobilier et à la société Place des Reflets, en leur qualité de propriétaires des locaux litigieux, que la tour Aurore ne remplissait pas les critères d'imposition à la taxe sur les bureaux prévus par l'article 231 du code général des impôts et que ces sociétés étaient en conséquence exonérées du paiement de cette taxe au titre de l'année 2008. Toutefois, cette prise de position ne concernait que les sociétés Bouygues Immobilier et Place des Reflets, auxquelles les courriers étaient adressés, et ne pouvait concerner les sociétés Tour Air² et SPE II Boréale, devenues postérieurement à ces courriers propriétaires des locaux détenus auparavant par les deux précédentes, sans avoir, à la date où ils ont été établis, ni été parties à un acte ni participé à une opération ayant donné naissance à la situation de fait sur laquelle la prise de position a porté. Dans ces conditions, les sociétés Tour Air² et SPE II Boréale ne peuvent se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, d'une prise de position de l'administration fiscale résultant des courriers du 14 février 2008, au motif que les situations de fait respectives, résultant de leur acquisition des locaux litigieux, seraient en tous points similaires.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déchargé les sociétés Tour Air² et SPE II Boréale des cotisations supplémentaires de taxe sur les bureaux auxquelles elles ont été assujetties au titre des années 2009, 2010, 2011 et 2012 et des pénalités correspondantes.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans l'instance, la somme que les sociétés Tour Air² et SPE II Boréale demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
Sur les dépens de l'instance :
9. La présente instance n'a impliqué aucun frais au titre des dépens. Dès lors, les conclusions présentées par les sociétés Tour Air² et SPE II Boréale ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 9 juin 2016 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : La somme de 881 048 euros est remise à la charge de la société Tour Air² et la somme de 514 349 euros est remise à la charge de la société SPE II Boréale.
Article 3 : Les conclusions des sociétés Tour Air² et SPE II Boréale tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et relatives aux dépens de l'instance sont rejetées.
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N° 16VE02976