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05/04/2018 | FRANCE | N°16VE02835

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 05 avril 2018, 16VE02835


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2013, la société AVM International Holding a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la restitution de la somme de 88 633 euros laissée à sa charge, après que l'administration lui a restitué une partie de l'imposition prévue à l'article 244 bis B du code général des impôts, qu'elle avait acquittée à la suite de la cession, réalisée le 16 novembre 2011, de 203 887 actions de la SAS AR Technology.

Par un jugement n° 1309447

du 16 juin 2016, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a fait droit à sa deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2013, la société AVM International Holding a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la restitution de la somme de 88 633 euros laissée à sa charge, après que l'administration lui a restitué une partie de l'imposition prévue à l'article 244 bis B du code général des impôts, qu'elle avait acquittée à la suite de la cession, réalisée le 16 novembre 2011, de 203 887 actions de la SAS AR Technology.

Par un jugement n° 1309447 du 16 juin 2016, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 1er septembre 2016, 26 septembre 2016, et 13 mars 2017, le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :

1° d'annuler les articles 1 et 2 de ce jugement ;

2° de rejeter la demande de la société AVM International Holding ;

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen soulevé en défense de l'absence de discrimination du dispositif de l'article 244 bis B tel que prévu par l'instruction du 4 avril 2008 ;

- les premiers juges se sont abstenus de répondre au moyen de l'administration selon lequel le principe de primauté a pour corollaire l'obligation pour l'administration de ne pas faire appliquer des normes incompatibles avec le droit de l'Union, ainsi que l'obligation pour l'administration de prendre des mesures de nature à assurer la conformité du droit français avec le droit de l'Union ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

- la discrimination prohibée par le droit de l'Union a été effacée par la mise en place d'une procédure de restitution prévue par l'instruction du 4 avril 2008, procédure que l'administration était tenue de mettre en place ;

- le droit de l'Union n'exige pas qu'un Etat membre accorde aux sociétés établies sur le territoire d'autres Etats-membres un traitement plus favorable que celui applicable aux sociétés établies sur son territoire ; les premiers juges ont ainsi créés une discrimination à rebours ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'administration avait fixé une règle nouvelle d'imposition dépourvue de base légale ;

- le contribuable ne peut revendiquer le bénéfice d'une doctrine administrative et en même temps en contester la légalité ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Beaujard ;

- les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., pour la société AVM International Holding.

1. Considérant que la société de droit italien AVM International Holding a cédé, le 16 novembre 2011, 203 887 actions de la société de droit français SAS AR Technology ; qu'elle a, à ce titre, déclaré une plus-value de 2 661 661 euros, sur laquelle elle a acquitté un prélèvement au taux de 19 %, en application de l'article 244 bis B du code général des impôts, soit un montant de 505 716 euros ; que, le 21 février 2012, elle a déposé une réclamation, tendant à titre principal au remboursement de ce prélèvement en arguant de son caractère discriminatoire au regard du droit de l'Union, et à titre subsidiaire, la restitution partielle de ce prélèvement, à hauteur de ce qu'elle aurait acquitté si elle avait été une société de droit national, en application d'une instruction administrative du 4 avril 2008 BOI 4 B-1-08 (n° 105) ; que, le 4 octobre 2012, l'administration a fait droit à la demande subsidiaire de la société, et prononcé un dégrèvement partiel à hauteur de 417 083 euros ; que, par une seconde réclamation du 15 janvier 2013, la société AVM International Holding a demandé le remboursement du surplus, soit la somme de 88 633 euros ; que le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS relève appel du jugement en date du 16 juin 2016 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé la décharge de l'imposition restant en litige ;

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 244 bis B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition litigieuse : " Sous réserve des dispositions de l'article 244 bis A, les gains mentionnés à l'article 150-0 A résultant de la cession ou du rachat de droits sociaux mentionnés au f du I de l'article 164 B, réalisés par des personnes physiques qui ne sont pas domiciliées en France au sens de l'article 4 B ou par des personnes morales ou organismes quelle qu'en soit la forme, ayant leur siège social hors de France, sont déterminés et imposés selon les modalités prévues aux articles 150-0 A à 150-0 E lorsque les droits dans les bénéfices de la société détenus par le cédant ou l'actionnaire ou l'associé, avec son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants, ont dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années. / Les gains mentionnés au premier alinéa sont imposés au taux forfaitaire de 50 %, par dérogation au taux prévu au 2 de l'article 200 A et, quel que soit le pourcentage de droits détenus dans les bénéfices de la société concernée, lorsqu'ils sont réalisés par des personnes ou organismes domiciliés, établis ou constitués hors de France dans un Etat ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A. / L'impôt est acquitté dans les conditions fixées au IV de l'article 244 bis A " ; que ces dispositions, qui instituent pour les personnes morales ayant leur siège hors de France une imposition d'un montant supérieur à l'imposition dont sont redevables les personnes morales ayant leur siège en France, méconnait les principes de liberté d'établissement et de libre circulation des capitaux reconnus par les articles 49 et 65 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que, par l'instruction précitée du 4 avril 2008, l'administration fiscale a entendu préciser les conditions de la restitution, aux sociétés ayant leur siège hors de France, de la part du prélèvement auquel elles auront été soumises et qui excède l'impôt sur les sociétés dont elles auraient été redevables si elles avaient eu leur siège en France, ainsi que les modalités de calcul de cette restitution ;

3. Considérant que la circonstance que la différence de traitement porte sur la technique d'imposition, prélèvement à la source ou imposition ultérieure à l'impôt sur les sociétés, n'est pas de nature à instaurer une discrimination incompatible avec le droit de l'Union, dès lors qu'il existe des différences objectives entre sociétés résidentes et non résidentes en France ; que, dans le cas où l'imposition a été perçue à un taux plus élevé que celui compatible avec la norme de droit supérieure, la restitution peut ne pas être intégrale au motif de l'inconventionalité de la norme ayant fondé l'imposition litigieuse, mais peut être limitée à la seule fraction des impositions permettant d'assurer la neutralité de l'imposition au regard des libertés garanties par le Traité, sous réserve qu'il soit loisible de quantifier ce dernier montant, le droit de l'Union n'exigeant pas qu'un Etat membre accorde aux sociétés établies sur le territoire d'autres

Etats-membres un traitement plus favorable que celui applicable aux sociétés établies sur son territoire ; qu'en procédant ainsi, l'administration fiscale ne fonde pas l'imposition maintenue sur un texte de valeur législative inapplicable, ni sur une instruction administrative insusceptible à elle seule d'instituer une imposition, mais sur des dispositions législatives interprétées au regard des exigences du droit de l'Union ;

4. Considérant que les modalités de calcul de la part d'imposition n'excédant pas le montant conventionnellement autorisé ne sont pas, dans la présente instance, impossibles à déterminer ; que ces modalités ont, au contraire, été précisées dans l'instruction susmentionnée du 4 avril 2008 ; que cette part d'imposition a, en outre, été fixée par l'administration fiscale au montant indiqué au paragraphe 1 ci-dessus, sans donner lieu, sur ce point, à aucune contestation de la part de la société intimée ;

5. Considérant que la société AVM International Holding fait encore valoir que le jugement attaqué n'a pas créé de discrimination à rebours dès lors que le régime d'intégration fiscale prévu à l'article 223 F du code général des impôts prévoit la neutralisation de la

quote-part pour frais et charges, dont sont redevables les sociétés ayant leur siège en France, au niveau du résultat d'ensemble du groupe ; que, cependant, elle n'établit pas, ni même n'allègue, qu'elle serait dans la même situation qu'une société résidente en France et appartenant à un groupe intégré, ni que, dans l'hypothèse où elle pourrait établir se trouver dans une telle situation, la restitution intégrale de l'imposition ne pourrait lui être accordée ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, et la société AVM International Holding ne soulevant aucun autre moyen à examiner dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, que le

MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé la décharge de l'imposition mise à la charge de la société AVM International Holding ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement, et de rejeter la demande présentée par la société AVM International Holding devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Sur les conclusions de la société AVM International Holding tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par la société

AVM International Holding et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1309447 du 16 juin 2016, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La somme de 88 633 euros est remise à la charge de la société AVM International Holding.

Article 3 : Les conclusions de la société AVM International Holding tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

4

N°16VE02835


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02835
Date de la décision : 05/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-04-01-02-06-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers. Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Patrice BEAUJARD
Rapporteur public ?: Mme RUDEAUX
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-04-05;16ve02835 ?
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