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16/10/2018 | FRANCE | N°16VE01134

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 16 octobre 2018, 16VE01134


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en commandite simple (SCS) General Electric Medical Systems a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire de cotisation minimale de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2006.

Par un jugement n° 1308330 du 28 décembre 2015, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours et des mémoires enregistrés les 15 mai 2016,

30 aout 2016 et 16 novembre 2017, le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS demande à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en commandite simple (SCS) General Electric Medical Systems a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire de cotisation minimale de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2006.

Par un jugement n° 1308330 du 28 décembre 2015, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours et des mémoires enregistrés les 15 mai 2016, 30 aout 2016 et 16 novembre 2017, le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rétablir l'imposition litigieuse à concurrence, en droits et pénalités, de 303 408 euros.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a jugé que le service avait omis d'imputer aux différentes activités, pour la reconstitution de la valeur ajoutée selon les normes comptables françaises, des produits à hauteur de 2 498 616 euros non comptabilisés en normes comptables américaines, dès lors que les charges retraitées ayant en principe été allouées par la société, sous forme de coûts, à l'une ou l'autre des activités contrôlées, les produits correspondants ont été affectés de la même manière par le service, assurant la parfaite neutralité de l'opération ; toutefois, pour certains retraitements, la charge d'origine s'est avérée impossible à identifier, à concurrence de 2 498 616 euros, puis de 705 927 euros après admission des justifications de la société ; ces 705 927 euros n'ont pas pu être affectés, à défaut de précisions sur leur origine ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que le service n'avait pas pris en compte la profitabilité globale des relations avec les sociétés du groupe pour déterminer les corrections à apporter à la valeur ajoutée de l'activité de distribution, dès lors que la profitabilité de l'activité d'achat-revente de pièces détachées ne devait pas être appréciée globalement, et le contrôle des prix de transfert repose, selon les termes mêmes de l'article 57 du code général des impôts, sur un examen des prix et non pas directement sur celui des bénéfices ; c'est également à tort que la société affirme que la profitabilité des relations individuelles devait être appréciée sur une période de trois ans et en prenant en compte l'ensemble des flux de biens, au lieu de distinguer entre les trois activités exercées ;

- s'agissant de la détermination de la marge de pleine concurrence, lors du contrôle, la société n'ayant pas présenté d'études de comparables, le service vérificateur a lui-même effectué une recherche de sociétés comparables sur le marché français, en utilisant la base de données Diane, et a identifié des entreprises indépendantes, spécialisées dans le commerce de gros de pièces détachées, et exerçant des fonctions logistiques significatives ; la société étant incapable de justifier par comparaison de la pertinence de sa politique de prix de transfert, ne conteste pas utilement les rectifications en se bornant à affirmer, sans aucun début de démonstration, que la comparabilité des transactions sélectionnées par le service reste insuffisante malgré l'abaissement de la marge de pleine concurrence au premier quartile ;

- s'agissant de l'activité de support (management fees), la société, qui est chargée de l'assistance aux sociétés du groupe General Electric (juridique, informatique, marketing, etc.), fournissait ces services à prix coûtant, voire gratuitement lorsque leurs bénéficiaires étaient jugés en situation financière précaire ; en conséquence, le résultat pour cette activité était déficitaire, avec une marge nette globalement négative de 4,5 % ; par soucis de conciliation la marge nette de 5% a été retenue, alors que l'étude de comparables avait débouché sur un intervalle interquartile de pleine concurrence, allant de 4,7 % à 13,2 %, avec une médiane à 7,4 % ;

- s'agissant de l'activité de recherche et développement, elle entre dans le champ de la transaction conclue en mars 2015 ; à titre subsidiaire, la société dispose d'un centre de recherche et développement qui est rémunéré par la société soeur américaine GTC sur la base des seuls coûts directs majorés de 10 %, ce qui ne permettait pas à cette activité de dégager un résultat d'exploitation positif ; au cours du contrôle, la société n'a pas présenté d'étude de comparables permettant de justifier que cette politique de prix de transfert lui permettait de dégager une marge de pleine concurrence, fut elle négative ; le vérificateur a donc réuni un panel de sociétés françaises indépendantes ayant une activité de recherche-développement en sciences physiques et naturelles, dont il a exclu les entreprises détenant des marques, brevets ou procédés, puisque, aux termes du contrat la liant à GTC, la société vérifiée n'était pas propriétaire des incorporels issus de ses travaux ; il en est résulté un échantillon de quatre entreprises, et un intervalle interquartile compris entre 7 % et 15 % (médiane à 10,8 %), qui a été regardé comme un intervalle de pleine concurrence et le service a retenu la médiane de 10,8 % cille marge de pleine concurrence ; que le choix de la médiane interquartile est recommandé par l'OCDE qui précise qu'elle est à même de limiter le risque d'erreurs lié aux défauts de comparabilités non identifiés ou non quantifiables (rapport de juillet 1995, éd. 2010, p. 137, § 3.62) ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Munoz-Pauziès, rapporteur,

- les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS relève appel du jugement du 28 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil, à la demande de la SCS General Electric Medical Systems, a prononcé la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire de cotisation minimale de taxe professionnelle à laquelle cette société a été assujettie au titre de l'année 2006.

Sur l'étendue du litige :

2. Dans son mémoire enregistré le 22 juin 2016, la SCS General Electric Medical Systems a déclaré renoncer purement et simplement au bénéfice de la chose jugée par le tribunal administratif, à concurrence des sommes de 174 024 euros en droits et 22 275 euros de pénalités, en égard au protocole transactionnel signé à l'issue de la procédure amiable franco-américaine. Par suite, les conclusions du recours du ministre sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le surplus des impositions en litige :

3. D'une part, en application de l'article 1647 E du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année en cause, les entreprises dont le chiffre d'affaires excède un certain seuil sont assujetties à une cotisation minimale de taxe professionnelle assise sur la valeur ajoutée produite par l'entreprise, laquelle est déterminée conformément aux dispositions du II bis de l'article 1647 B sexies du code général des impôts.

4. D'autre part, aux termes de l'article 57 du code général des impôts : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France. (...) ". Ces dispositions instituent, dès lors que l'administration établit l'existence d'un lien de dépendance et d'une pratique entrant dans leurs prévisions, une présomption de transfert indirect de bénéfices qui ne peut utilement être combattue par l'entreprise imposable en France que si celle-ci apporte la preuve que les avantages qu'elle a consentis ont été justifiés par l'obtention de contreparties.

5. La SCS General Electric Medical Systems, qui exerce une activité de fabrication et de distribution d'équipements médicaux, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, à l'issue de laquelle le service a remis en cause, au titre de 2006, la détermination de la valeur ajoutée produite servant de base au calcul de la cotisation minimale de taxe professionnelle prévue à l'article 1647 E du code général des impôts. A cet effet, l'administration a estimé qu'aurait dû être incluse dans le calcul de la valeur ajoutée l'insuffisance de refacturation suite à l'examen de la politique de prix de transfert pratiquée avec des sociétés étrangères, au sens de l'article 57 du code général des impôts.

En ce qui concerne le défaut d'allocation de certains produits :

6. Il résulte de l'instruction que, lors de la vérification de comptabilité de la SCS General Electric Medical Systems, le service a reconstitué la valeur ajoutée selon les normes comptables françaises, à partir de produits comptabilisées selon les normes comptables américaines. Les charges retraitées ayant en principe été allouées par la société, sous forme de coûts, à l'une ou l'autre des activités contrôlées, les produits correspondants ont été affectés de la même manière par le service, assurant la parfaite neutralité de l'opération. Si les premiers juges ont retenu que l'administration avait omis d'imputer aux différentes activités des produits à concurrence de 2 498 616 euros, il résulte de l'instruction, et en particulier de la réponse aux observations du contribuable du 22 juillet 2011, que l'administration a admis l'allocation d'une somme de 1 792 689 euros, et que la somme de 705 927 euros n'a pu l'être, a défaut de précision sur son origine.

En ce qui concerne l'activité d'achat revente de pièces détachées :

7. Lors des opérations de contrôle, le service a effectué une recherche de sociétés comparables sur le marché français, en utilisant la base de données Diane, et a identifié des entreprises indépendantes, spécialisées dans le commerce de gros de pièces détachées, et exerçant des fonctions logistiques significatives (rotation des stocks supérieures à 90 jours). De l'examen de la marge nette dégagée par ces entreprises est ressorti un intervalle interquartile compris entre 3,1 % et 8,3 % (médiane à 5,8 %) qui a été regardé comme un intervalle de pleine concurrence. Or, pour la quasi-totalité des transactions réalisées par la SCS General Electric Medical Systems avec les sociétés étrangères du groupe, les marges nettes étaient inférieures à la limite basse de celui-ci. Les entreprises comparables exerçant, à la différence de la société vérifiée, des fonctions commerciales - marketing et démarchage des clients tiers -, le service a retenu le premier quartile, soit 3,1%, plutôt que la médiane interquartile de 5,8 %, considérant ainsi que les fonctions commerciales et marketing représentaient près de 50 % de la rémunération d'une société de distribution de gros.

8. En premier lieu, eu égard aux termes de l'article 57 du code général des impôts, c'est à bon droit que le service a recherché, client par client, l'existence d'éventuelles minorations de prix de vente, sans s'interroger sur la " profitabilité globale " sur trois ans de l'activité d'achat revente de pièces détachées.

9. En deuxième lieu, il résulte des principes gouvernant la charge de la preuve rappelés au point 4 que, dès lors que l'administration établit l'existence d'une pratique entrant dans les prévisions de l'article 57 du code général des impôts, c'est à l'entreprise imposable en France d'apporter la preuve que les avantages qu'elle a consentis ont été justifiés par l'obtention de contreparties. En se bornant à faire valoir qu'une marge faible sur la distribution de pièces détachées peut être compensée par une forte marge sur la vente d'équipement sur la même année ou par une marge plus forte sur la distribution des pièces détachées sur d'autres exercices, la SCS General Electric Medical Systems n'établit pas l'existence de telles contreparties.

10. En troisième lieu, s'il est vrai, comme il a été dit au point 7, que les comparables retenus par le service vérificateur exercent, à la différence de la société vérifiée, des fonctions commerciales, le service a tenu compte de cette particularité en retenant le premier quartile de l'intervalle de pleine concurrence plutôt que la médiane interquartile de 5,8 %.

En ce qui concerne l'activité de support (management fees)

11. Il résulte de l'instruction que lors du contrôle, le vérificateur a constaté que la société, qui était chargée de l'assistance aux sociétés du groupe General Electric, dans les domaines juridique, informatique et marketing, fournissait ces services à prix coûtant, voire gratuitement lorsque leurs bénéficiaires étaient jugés en situation financière précaire. En conséquence, le résultat pour cette activité était déficitaire, avec une marge nette globalement négative de 4,5 %. Par souci de conciliation la marge nette de 5% a été retenue, alors que l'étude de comparables avait débouché sur un intervalle interquartile de pleine concurrence, allant de 4,7 % à 13,2 %, avec une médiane à 7,4 %.

12. En se bornant à faire valoir qu'elle n'a fait que respecter ses engagements contractuels dans le cadre d'un contrat de répartition des couts, la SCS General Electric Medical Systems n'établit pas l'existence de contreparties au sens de l'article 57 du code général des impôts.

13. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que l'administration n'apportait pas la preuve de la majoration des prix d'achat et de la minoration des prix de vente pratiqués par la SCS General Electric Medical Systems dans ses transactions avec les sociétés étrangères du groupe.

14. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la SCS General Electric Medical Systems.

15. Si les dispositions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, auxquelles renvoient, pour la détermination de la valeur ajoutée, celles de l'article 1647 E du même code, fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée et de la cotisation minimale de taxe professionnelle, et s'il y a lieu, pour leur application, de se reporter aux dispositions du plan comptable général dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée, elles ne font pas obstacle à ce que l'administration puisse contrôler l'exactitude des montants déclarés au titre de la production de l'exercice ainsi qu'au titre des achats ou consommations de biens et de services en provenance de tiers, et ainsi remettre en cause, le cas échéant, le bien-fondé d'une écriture comptable et, par voie de conséquence, réintégrer dans le calcul de la valeur ajoutée de l'entreprise des sommes qui soit devraient être regardées comme des produits, non comptabilisés à tort, soit ne pourraient en tout ou partie être regardées comme des achats ou consommations. Par suite, la SCS General Electric Medical Systems n'est pas fondée à soutenir que l'administration ne pouvait majorer la valeur ajoutée des rectifications effectuées en matière de prix de transfert.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a déchargé la SCS General Electric Medical Systems de la cotisation minimale de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2006.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours du MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS à concurrence des sommes de 174 024 euros en droits et 22 275 euros de pénalités.

Article 2 : La cotisation minimale de taxe professionnelle au titre de l'année 2006 est remise à la charge de la SCS General Electric Medical Systems à concurrence, en droits et pénalités, de la somme de 107 109 euros.

Article 3: Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

N° 16VE01134 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01134
Date de la décision : 16/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-04-04 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxe professionnelle. Assiette.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. CHAYVIALLE
Avocat(s) : PWC SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-10-16;16ve01134 ?
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